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Citations de Edgar Hilsenrath (400)


Le rabbin réfléchit un moment. Puis il dit :
-Personne ne peut perdre son âme.
- Pourtant c'est ce qui nous est arrivé
- C'est juste une impression
- Nos yeux n'ont plus d'éclat
- C'est vrai dit le rabbin
- Nous avons perdu nos âmes
- Non, vous n'avez perdu que l'éclat
- Où est passé l'éclat de nos yeux ?
- Il est là-haut
- Là-haut ?
- Là haut
- Comment l'éclat a fait pour s'envoler comme ça ?
- Il ne s'est pas envolé. Il a été emporté, c'est tout.
- Par qui ?
- Par les six millions
- Les six millions ?
- Les six millions.
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UN CONTE

IL ÉTAIT UNE FOIS UN HOMME… qui revenait de Massada, la dernière forteresse juive, tombée peu de temps auparavant. L’homme marchait tout droit. Il murmura :
— Dis-moi, Seigneur, n’y a-t-il pas quelque part un poteau indicateur ?
— Pourquoi te faut-il un poteau indicateur ? demanda le Bon Dieu.
— Afin que je reste dans la bonne direction.

Lorsque le ciel rougit à l’horizon et que le Bon Dieu s’apprêta à faire rentrer le soleil, l’homme aperçut un poteau indicateur. Il portait l’inscription : « Vers Auschwitz ».
— Où se trouve Auschwitz ? demanda l’homme.
— Tous les chemins mènent à Auschwitz, dit le Bon Dieu. Ne t’inquiète pas de savoir où cela se trouve. Si tu vas toujours tout droit, tu y arriveras.
— Combien de temps cela va-t-il durer, jusqu’à ce que j’y arrive ?
— Près de deux mille ans.
— Pourquoi si longtemps ?
— Parce que le christianisme doit d’abord s’imposer, dit le Bon Dieu. Parce qu’il faut d’abord construire des églises pour y prêcher la haine à ton encontre. Et parce qu’il faut du temps pour que germe ce qu’on a semé.
— La haine se sème comme les fruits de la terre ?
— Exactement, dit le Bon Dieu. La haine est la graine et la terre est le cœur du chrétien persécuté.
— C’est comme ça ?
— C’est comme ça.
— Est-ce que je trouverai la paix à Auschwitz ?
— Non.
— C’est juste une épreuve ?
— Oui.
— Et je devrai continuer mon chemin ?
— Tu devras continuer ton chemin.
— Pendant combien de temps ?
— Jusqu’à ce que tu m’aies trouvé.
— Pourquoi c’est si compliqué ?
— C’est comme ça, dit le Bon Dieu.

(p. 83-84)
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LA GRAND-MÈRE AU COIN DE LA RUE

— IL FAUDRAIT TOUS LES GAZER !
— Qui donc, grand-mère ?
— Ces jeunes avec leurs cheveux de drôles de couleurs.
— Ceux qui ont les cheveux teints en vert ?
— Oui, et en bleu, et en rouge.
— Et aussi ceux qui ont d’autres couleurs, par exemple violet ?
— Ceux-là aussi.
— Qui encore, grand-mère ?
— Tous !
— Mais c’est qui, tous ?
— Ceux qui resquillent dans les transports et les gamins qui jouent au football dans la rue ou qui font du vélo sur le trottoir. Et ceux qui ont des jeans, des cheveux longs et une barbe.
— Qui encore, grand-mère ?
— En fait, tous ceux que je n’aime pas.

— Attention, grand-mère ! On va bientôt prendre le pouvoir !
— Qui êtes-vous ?
— Les éternels passéistes.
— C’est pour bientôt ?
— Oui, grand-mère.

— Quand vous serez au pouvoir… je pourrai encore rester au coin de la rue à rouspéter ?
— Je te le déconseillerais, grand-mère !
— Pourquoi ?
— Tu pourrais t’en prendre aux mauvaises personnes.
— Ça m’arrive déjà.
— Oui, grand-mère. Mais pour le moment, c’est sans danger.
— Et quand vous serez au pouvoir ?
— Alors ce sera différent.
— Qu’est-ce qu’il m’arrivera ?
— On t’enverra à la chambre à gaz !
— Mais je ne fais de mal à personne.
— Ça ne fait rien.

— Tu me fais peur, petit !
— C’est possible, grand-mère.
— Est-ce que j’ai rouspété contre qui il ne fallait pas ?
— On verra.

— Tu as mal compris, petit.
— J’ai très bien entendu.
— Mais je n’ai rien dit !
— Si, grand-mère.
— En ce qui me concerne, ils peuvent bien resquiller dans le bus, jouer au football dans la rue ou faire du vélo sur le trottoir. Et ils peuvent avoir des jeans, des cheveux longs et des barbes en broussaille. Et leurs cheveux teints ne me gênent pas davantage. Pas plus les cheveux rouges que les bleus, les verts et même les violets.
— Tu as peur, c’est tout, grand-mère. Tu as peur tout à coup, hein ?

— Je n’ai rien dit.
— Si, grand-mère.
— Je ne suis qu’une grand-mère qui s’ennuie…
— Ça se peut, grand-mère.
— … qui est seule…
— C’est possible, grand-mère.
— … à qui personne ne parle et qui a besoin de cracher sa bile de temps en temps…
— Arrête, grand-mère !
— Je ne veux pas aller à la chambre à gaz !
— Ça va, grand-mère.
— Et je n’ai rien dit du tout.
— Oui, grand-mère.

(p. 19-21)
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Un antisémite, c'est comme un cancéreux. A un stade trop avancé, ça ne sert à rien d'opérer.
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- Tu as écrit. C’est vrai. Mais tu as écrit dans ta langue. Pas dans leur langue.
- Ta langue est l’allemand.
- L’allemand.
- La langue maudite.
- La langue maudite.
- Que tu aimes.
- Que j’aime.
- Que tu as toujours aimée. Même à l’époque.
- Même à l’époque.
- Quand les synagogues brûlaient.
- Quand les synagogues brûlaient.
- Que tu as aimée. Même au pays des fusillades de masse.
- Au pays des fusillades de masse.
- Quand tu regardais au loin, vers l’endroit où fumaient les fours d’Auschwitz.
- Aussi à ces moments-là.
- Aussi à ces moments-là.

Le visage de l’étranger est le mien, p. 35-36
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Nous sommes un peuple séduit, dit le gardien. Croyez-vous à l'innocence de ceux qui ont été manipulés?
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- Nous savons que le vieux était un haut fonctionnaire du parti. Il prétend qu'il a aidé les Juifs pendant la guerre, mais ils le disent tous. À les entendre, tous les anciens nazis étaient dans la résistance passive.
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-Mary Stone , dis-je.J'ai compris qu'il ne suffit pas de survivre. survivre ce n'est pas assez. j'ai aussi compris que la naissance de chaque être est en temps sa condamnation à mort , et je me demande quel sens cela peut avoir.Pourquoi est-ce que je vis?
_ Pour chercher, Jakob Bronsky , pour chercher.
_ Un sens caché dans tout ce non-sens?
_ Oui, Jakob Bronsky .
_ Le sens de notre vie serait-il simplement dans cette recherche?
_ Je ne sais pas , Jakob Bronsky . Mais vous trouverez peut être la réponse un jour.
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- Ranek a été bon avec moi.
La vieille hocha la tête. C’était un salopard fini, mais il faut bien l’admettre : il a été bon avec Deborah.
- Ranek vous aimait, dit la femme pensive. Il ne l’a jamais avoué, mais je l’ai toujours su, Deborah. Elle tenta de sourire, mais n’y parvint pas. Je le savais, et pourtant je n’ai jamais pu me l’expliquer, car c’était un homme dont la foi avait été détruite, la foi en Dieu, Deborah, et la foi en l’homme ; pour lui plus rien n’était sacré… Alors je me disais qu’un homme pareil n’était plus capable d’aimer. Mais finalement Hofer avait raison.
- Raison ? chuchota Deborah. Qu’est-ce qu’il disait, Hofer ?
- Seuls les morts sont incapables d’aimer. Voilà ce qu’il disait.
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« Sa queue est si longue […] qu’il n’a pas d’autre choix que de se l’enrouler autour du ventre et de faire un nœud gordien avec ! / Et c’est quoi un nœud gordien ? / Un nœud avec une énigme. À ce jour, un seul homme a réussi à le dénouer. / Qui est cet homme ? / Alexandre le Grand. / Mais Alexandre le Grand est mort […]. / Alors je plains Sergueï Mandelbaum. » (p. 15 & 16)
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Lorsque quelqu’un a les yeux ternes, c’est que les choses vont mal pour lui. Des yeux qui rayonnent, en revanche, signifient que celui qui les possède a surmonté la nuit. C’est comme si la clarté du jour était logée dans son cœur.
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quelque part dans mes souvenirs, il y a comme un trou. Un grand trou noir. Et c’est par l’écriture que j’essaie de la combler
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"Et puis, il me fallait plus qu'une seule victime. C'est vrai, ça, une seule victime, ça rime à quoi ? Moi, il m'en fallait une pour chaque blessure, chaque sourire narquois, que ce soit du bon dieu ou du voisin de palier, de qui vous voulez."
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Max Schulz! S'il ya une seconde vie pour toi, il faudrait que ce soit la vie d'un Juif! Après tout, cette guerre, c'est nous qui l'avons perdue. Et les Juifs qui l'ont gagnée.Et moi, Max Schulz, j'ai toujours été un idéaliste. (...) Un idéaliste qui sait changer son fusil d'épaule.
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Un antisémite, c'est comme un cancéreux. A un stade trop avancé, ça ne sert à rien d'opérer.
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- Mary Stone, dis-je. J'ai compris qu'il ne suffit pas de survivre. Survivre ce n'est pas assez. J'ai aussi compris que la naissance de chaque être est en même temps sa condamnation à mort, et je me demande quel sens cela peut avoir. Pourquoi est-ce que je vis ?
- Pour chercher, Jakob Bronsky, pour chercher.
- Un sens caché dans tout ce non-sens ?
- Oui, Jakob Bronsky.
- Le sens de notre vie serait-il simplement dans cette recherche ?
- Je ne sais pas, Jakob Bronsky. Mais vous trouverez peut-être la réponse un jour.
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LE SOCIALISME DE L’ÂGE DE PIERRE

— ÇA VA, CAMARADE ZIBULSKY ?
— Merci.
— Êtes-vous un de ceux qui critiquent le système ?
— Non.
— Satisfait ?
— Parfaitement.

— C’est que je fais partie de la commission d’épuration.
— Politique ?
— Quoi d’autre ?
— Il y a du nouveau ?
— Ah oui.
— Quoi donc ?
— Nous avons promulgué une nouvelle loi.
— J’ai hâte de la connaître.
— Je peux l’imaginer.
— Oui.
— Dorénavant, nous ferons comme au Cambodge.
— Au Cambodge ?
— Au Cambodge !

— Nous fusillerons tous ceux qui savent lire et écrire !
— Je trouve cela très raisonnable.
— Ces personnes sont dangereuses.

— C’est très juste.
— L’enjeu est important.
— Oui.
— Il y va de l’édification d’une nouvelle société.
— Oui.
— Vous savez lire et écrire ?
— Non.
— Mais vous étiez bien enseignant ?
— C’est vrai.
— Alors comment se fait-il que brusquement vous ne sachiez ni lire, ni écrire ?
— Parce que justement, je ne sais pas.
— Est-ce que par hasard vous n’étiez que professeur de natation ?
— Je ne m’en souviens pas.
— Ou vous avez simplement tout oublié ?

(p. 23-24)
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Je ris et je dis:"c'est hautement improbable.La plupart des génocidaires courent toujours. Certains sont a l'étranger.La plupart sont retournés au pays, comme au bon vieux temps. Vous n'avez pas lu les journaux ? Ils se portent a merveille,les génocidaires ! Ils sont coiffeurs. Ou autre chose. Beaucoup ont leur propre commerce. Beaucoup possèdent des usines, sont de gros industriels. Beaucoup se sont remis à la politique, siègent au gouvernement, sont respectés, considérés, ont une famille".
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Les jets volaient plus vite, les lave-linges lavaient plus blanc, mais la journée avait toujours 24 heures.
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— Alors voilà. Dans une petite ville d’Allemagne, il y avait une colline appelée Mont des Oliviers. Vous savez pourquoi ? Parce que chaque année, l’usine d’huile Meyer y organisait une fête. À l’époque. Et un jour, le Führer est venu prêcher sur le Mont des Oliviers. Des millions de gens sont venus, attirés par ce sermon sur la montagne, et ont trouvé une place sur le Mont, bien que ce fût en réalité une petite colline. Mais bon. Ils se sont débrouillés. Et ces millions de gens se tenaient en plein soleil sur la montagne, et le soleil leur a tapé sur la tête. Ou bien ils n’étaient déjà pas clairs avant. Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, ils écoutaient le sermon sur la montagne. Et quand le Führer eut terminé son grand discours, ils ont tous levé le bras droit en criant : « Amen, amen, amen ! »
— Est-ce que des millions de gens ont vraiment crié amen, ou est-ce seulement dans votre livre ?
— Ils ont crié amen. Et le monde s’est embrasé.
— Alors il faudrait bâillonner les nouveaux « crieurs d’amen », dit le rédacteur en chef.
— Très juste, dis-je.

("Ils tapaient du poing en cadence", p. 100)
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