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Critiques de Elif Shafak (778)
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Soufi, mon amour

Voici un roman rare, un voyage intérieur dans l'amour et la spiritualité, une quête où l'amour est un océan infini, qui nous dévoile le "soufisme", cette branche spirituelle de l'Islam qui n'est qu'amour, tolérance, humanité, humilité, compréhension et découverte de l'autre aussi bien une kyrielle de personnages éparpillés : ivrogne, assassin prostituée, novice, saint, poéte.......qui contribuent chacun à leur manière à construire l'histoire ..et nous ouvrent l'esprit.......



Cette oeuvre polyphonique interroge au plus près sur le sens de nos vies et des relations humaines, nous dévoile cette "voie' "mystique "intérieure qui tranche radicalement avec l'Islam orthodoxe, offre une lecture du Coran humaniste et tolérante, une porte ouverte sur cette culture souvent caricaturée .......

Un livre magnifique qui se lit de bout en bout comme un 'conte des mille et une nuits" , un ouvrage surprenant et spirituel qui éveille nos sens et met en perspective une philosophie de vie qui prône 'l'altruisme "...



Une aventure littéraire puissante et riche, délicieuse et envoûtante qui nous tire vers le haut à l'aide d'une construction innovante et novatrice, une réalisation fluide et intelligente, mais une lecture qui incite à "l'humilité" , à la recherche de sa richesse intérieure.

Un roman dont l'amour est la clé, l'amour pour les autres et l'amour de soi, la renaissance à soi !

Un long récit qui se lit avec le cœur dont on sort grandi qui incite à la réflexion et à la méditation!

Je dirai peu de l'intrigue, ce serait trop dévoiler !

L'auteur d'une plume ensorcelante ,à l'aide de son talent de conteuse entrelace deux rencontres, deux parcours initiatiques, l'un au XII° siècle , l'autre au XXI°, le premier : deux grands hommes du soufisme, Shams de Tabriz,, derviche errant qui se déplace pour délivrer son message d"amour, indiscipliné, rebelle ........et Rumi, poéte et chef spirituel très suivi, Ella, la quarantaine, mére de famille sage, lectrice, découvre le manuscrit qui la transcende en 2008 et Aziz , l'écrivain turque......



Un livre à acheter pour le garder en soi et le relire !
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Soufi, mon amour

Ce livre est une petite merveille. Un perle dans un écrin. Enfin presque...

Lectrice athée, je me suis retrouvée avec ce livre entre les mains quand une amie m'a demandé de le lire. Elle était curieuse d'avoir mon avis. J'avoue que je ne l'aurais peut être pas lu de moi-même en lisant la 4ème de couverture...

Et bien, j'ai adoré. Je suis tombée dedans et ne pouvais plus le lâcher, ce livre !

2 histoires parallèles.

Celle d'Ella, américaine, au 21ème siècle.

Celle de Rûmi et Shams au 12ème siècle.

J'avoue que l'histoire d'Ella m'a laissée de glace. Je n'est ressentie aucune empathie pour ce personnage.

En revanche, j'ai adoré l'histoire de Shams, derviche errant et de Rûmi. L'histoire de ces 2 personnages est contée, chapitre après chapitre, par un narrateur différent, soit l'un ou l'autre, soit un proche, ami ou ennemi. Nous y découvrons peu à peu leur vie, indépendamment l'une de l'autre, puis ensemble. L'amitié qui les lie à jamais, comme le yin et le yang, l'un ne va pas sans l'autre.

J'ai eu une préférence pour Shams, sous le charme, je suis tombée !

Cette histoire m'a fait découvrir cette branche de l'islam, plus centrée sur la spiritualité, l'Amour des uns et des autres, de l'univers et donc de Dieu. Sans de règles dictées, juste dans l'observation, la tolérance, l'introspection, la sérénité...

Islam ou pas, religion ou pas, les valeurs décrites sont, selon moi, universelles. J'irai jusqu'à dire que ce livre devrait être lu par tout croyant, quelque soit sa confession ; en fait, ce livre devrait être lu par tout le monde. Il y a énormément de choses à retenir et à appliquer !

Rûmi et Shams ont bien existé (et oui, je me suis renseignée !!). Ce ne sont pas des personnages inventés... et cela apporte encore plus de valeur à ce livre. Même si leur vie dans ce livre a peut être été un peu romancée, leurs actes, leurs paroles sont là, bien réels.

Ce livre, c'est une des histoires que Shéhérazade aurait pu nous raconter, en mieux...



Deux petits bémols cependant (ce qui fait que je ne donne que 4 étoiles à cet avis) :

L'histoire d'Ella qui, selon moi, permet juste au lecteur de souffler, de prendre du recul par rapport à l'histoire du 13ème siècle ici contée.

2ème bémol : jusqu'au 3/4 du livre, rien à redire. L'histoire est superbe, les émotions sont présentes et intenses. En revanche, je trouve la fin du livre un peu bâclée. Dans les derniers chapitres, je me suis détachée de Rûmi et de Shams. J'attendais la fin de l'histoire, la fin de leur histoire, et voilà...

Comme si je m'étais essoufflée !

Quant à la fin de l'histoire d'Ella, je me suis demandée l'intérêt que cela apportait ?!!



Mais restons positif, ce livre reste quand même un sacré coup de coeur. Et je le recommande chaudement. C'est une magnifique découverte que ce monde des soufis et leur belle spiritualité.



Merci à mon amie Christelle pour cette découverte spirituelle et humaine.

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L'Île aux arbres disparus

Ada Kazantzakis a seize ans. Elle est née et a toujours vécu à Londres, avec pour seule famille sa mère Defne – morte maintenant depuis un an – et son père Kostas. De l’histoire de ses parents, elle ne sait rien, si ce n’est leur origine chypriote, ce qui ne l’empêche pas d’en porter inconsciemment le poids. Pour comprendre cet héritage mystérieux qui la ronge à son insu, il lui faudrait remonter à 1974, lorsque la guerre civile à Chypre aboutit à la partition de l’île, et que la vague de haine et de violence condamne irrémédiablement l’amour qui lie Defne, jeune fille turque, à Kostas, garçon grec...





Comme toujours, Elif Shafak a su trouver l’angle et le ton pour faire de son évocation un texte aussi puissant qu’original, en tous les cas ardemment motivé par la défense des causes qui lui sont chères et qui lui font dire par l’un de ces personnages : « Il y a des moments dans la vie où chacun doit devenir une sorte de guerrier. Si tu es poète, tu combats avec tes mots ; si tu es peintre, tu combats avec tes toiles… Mais tu ne peux pas dire : “Désolé, je suis poète, je passe mon chemin." Tu ne dis pas ça quand il y a tellement de souffrance, d’inégalité, d’injustice. » Si on y retrouve aussi en filigrane la cause des femmes pour laquelle elle a déjà tant écrit, le combat qui porte ce livre est cette fois la libération de la parole sur le drame chypriote, un sujet qui ne va pas manquer, une fois de plus, de froisser la susceptibilité d’une patrie qu’elle a dû fuir en raison de sa libre expression de femme et d’écrivain.





Qui de mieux placé que l’auteur pour évoquer les déchirures de l’exil forcé, leur transmission de génération en génération d’immigrés, et, par dessus-tout, les ravages souterrains causés par les drames que l’on tente d’enfouir dans le silence d’un oubli illusoire ? Il en va de la guerre civile à Chypre comme du génocide arménien : l’histoire n’a toujours pas réussi à admettre toute la vérité, maintenant des générations dans un purgatoire où l’on ne cicatrise jamais. A Chypre, l’on cherche encore, près de cinquante ans après les heurts intercommunautaires, des milliers de disparus grecs et turcs qui continuent d’empêcher deuils et réconciliations. C’est sur cette perpétuation sans fin de la souffrance qu’insiste ce roman, dans un récit bâti sur une fascinante comparaison entre l’existence humaine et celle des arbres.





Nombreuses sont les observations marquantes et étonnantes qui émaillent la narration, sur l’histoire et la culture chypriotes bien sûr, mais aussi sur le milieu naturel de cette île. L’on s’y émerveille des incroyables migrations d’oiseaux et de papillons, l’on découvre avec stupéfaction le caviar de Chypre et son industrie massive du braconnage d’oiseaux, l’on y apprend avec consternation ce qui a rassemblé des milliers de bébés britanniques dans un cimetière chypriote… Mais surtout, le roman se nourrit de fascinantes constatations dendrologiques qui, un peu comme Michael Christie dans Lorsque le dernier arbre, permettent à l’auteur d’édifiantes illustrations relatives à l’épigénétique, à la transmission des traumatismes et à l’absolue nécessité de se souvenir pour guérir.





Plus que jamais « guerrière des mots », Elif Shafak ne laissera personne indifférent à ce brillant plaidoyer pour ce pré-requis à la réconciliation chypriote qu’est la libération de la parole. Ce roman bouleversant est aussi sans doute celui de l’auteur qui, au-delà de l’originalité de sa construction, se nourrit le plus d’observations aussi stupéfiantes que passionnantes. Coup de coeur.


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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange

10 minutes et 38 secondes ... c'est le temps au cours duquel le cerveau humain peut encore fonctionner alors que le coeur a cessé de battre, en l'occurence celui de Tequila Leïla, prostituée assassinée dont le corps a été retrouvé dans une benne à ordures d'un faubourg d'Istanbul. Qui était-elle? Qui l'a tuée? Qui se souviendra d'elle après son départ?



La première partie, la plus longue «  l'esprit » est éblouissante et dresse le portrait nuancée couche après couche d'une femme forte car libre malgré les épreuves qu'elle a traversées. La narration est brillante, alternant les dernières pensées de Leïla, son passé, son enfance, son adolescence, mais aussi la présentation de ses cinq amis à la vie à la mort.



Il y a de la rage à décrire les violences faites aux femmes dans le cadre d'un patriarcat étouffant ; une scène est particulièrement époustouflante, relatant un incident odieux qui sera un des pivots du parcours de Leïla, lors d'un pique-nique familial alors qu'elle n'a que six ans. Ce n'est pas un hasard si le roman s'achève en 1990, date à laquelle la mobilisation des femmes turques a empêché la mise en place d'un projet de loi terrible qui aurait exempté de sanctions un violeur du moment que la victime aurait été une prostituée. Cette rage s'empare du lecteur dont le coeur s'emballe d'empathie pour Leïla.



De la rage mais aussi beaucoup de mélancolie à dire une Turquie que l'auteure a quitté depuis une dizaine d'années, elle, la femme de combat, la féministe engagée en faveur des droits humains, qui défie le gouvernement Erdogan et toutes formes d'hypocrisie, de censure, de bigoterie. Après un procès pour insulte à l'identité turque ( suite à la parution de la Bâtarde d'Istanbul qui évoquait le génocide arménien ), là-voilà sous le coup d'une nouvelle enquête pour obscénité. Ce roman est jugée obscène, alors qu'il ne fait que donner une voix aux parias, aux invisibles, aux exclus, qui comme Leïla et ses amis se sont réfugiés à Istanbul pour vivre leur vie loin des tabous.



Si la première partie m'a emportée, j'ai nettement moins aimé les suivantes «  le corps » et « l'âme ». Cette fois, j'ai été gênée par le procédé forcément artificiel qui consiste à faire parler un mort. le magnifique romanesque se transforme en une multitude de péripéties très rocambolesques. Trop à mon goût, à la limite du grotesque préjudiciable pour l'émotion et d'un mysticisme auquel je suis naturellement peu sensible, alors que jusqu'à présent, le style de l'auteur m'avait comblée.



Reste un très beau portrait de femme écrit par une écrivaine d'une sacrée trempe.



Lu dans le cadre du jury Grand Prix des Lectrices Elle 2020, catégorie roman
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La Bâtarde d'Istanbul

C'est simple : j'ai adoré ce roman !



Très beau et touchant, avec beaucoup d'humour - j'ai tout particulièrement aimé les jeux de contrastes et de miroirs entre les personnages; car Elif Shafak a mis en scène des personnages aux opinions (politiques, religieuses,...) très différentes.



Tout d'abord j'ai été embarquée par les portraits de femmes que fait l'auteur. Tant qu'elle nous fait le portrait de ses personnages, plus différentes et atypiques ( mais à la fois familières) les unes que les autres, le rythme du récit est assez nonchalant. Cela m'a donné l'impression d'assister à des moments de vie, un peu comme dans les nouvelles.



Puis les deux adolescentes du roman se rencontrent : Asya et Armanoush. L'une est Turque, l'autre Américaine avec des origines arméniennes. En dépit des apparences, les deux filles se ressemblent bien plus qu'elles ne l'imaginent. Avec cette rencontre, chacune mène sa quête des origines. Les deux ne s'accordent pas toujours sur la place que le passé doit avoir dans l'histoire d'un individu et dans l'histoire d'une nation.

Et là le roman devient juste génial ! Elif Shafak dresse un beau tableau de son pays, une belle mosaïque de gens, de couleurs et de goûts !



En bref, un roman sensoriel et original qui donne des envies d'ailleurs et bien d'autres choses encore - que je vous laisse découvrir !
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Soufi, mon amour

Ella Rubinstein, 40 ans, maîtresse de maison «modèle» va progressivement remplacer «les quarante règles de la maîtresse de maison bien établie et terre à terre» qu’elle aurait pu écrire (p60), et qu’elle s’ impose en fait à elle-même comme protection, par «les quarante règles de la religion de l’amour» énumérées par Shams de Tabriz, derviche errant du XIIIe siècle, qu’elle va découvrir au fil de sa lecture d’un roman. Ce roman de Aziz Zahara «Doux blasphème», dont elle doit rendre compte pour la maison d’édition qui vient de lui offrir un emploi de lectrice, le lecteur va le découvrir avec elle.

Divisé en cinq grandes parties, 
1 Terre, ce qui est solide, absorbé, immobile
2 Eau, ce qui est fluide, changeant, imprévisible
3 Vent, ce qui bouge, évolue et nous défie
4 Feu, ce qui abîme, dévaste et détruit
5 Le Vide ce qui est présent à travers ton absence,

au cours desquelles se croisent les voix de Ella et les mails qu’elle échange avec Aziz le soufi écrivain, celles de Shams et des rencontres qu’il fait au long de son errance qui le mène progressivement vers la sublime rencontre avec l’Ami aimé, Rûmî, maître respecté qui enseigne à Konya. Il manque à Rûmî d’avoir atteint le cinquième degré «le vide» là où va s’intégrer la danse des derviches qui mène à l’extase. C'est l'amitié de Shams qui va lui permettre de parvenir au plus haut degré de l’Amour, l’oubli total de soi et l'acceptation de la perte. Shams est le provocateur, «Il était habitué à voler en oiseau solitaire, sauvage et libre», il rompt les digues protectrices pour ouvrir la voie vers l’Amour. En lisant Ella va, elle-aussi, progressivement se transformer et son entourage avec elle.

C’est à mon avis un livre empreint de beauté et d’une grande richesse permettant d’approcher la mystique soufie en la rendant accessible et en montrant que l’Amour se rit de l’espace et du temps et peut toucher aussi bien une bonne maîtresse de maison américaine, figée dans ses principes que l’on peut juger comme superficielle au départ, une prostituée, un mendiant ou un maître etc... que tous se valent et ont la possibilité de s’extraire de leur gangue pour renaître. Shams sait sonder le fond des coeurs et permet à chacun de se découvrir mais il y a ceux qui s’y refusent auxquels le grand vent fait peur et alors ils haîssent celui qui voulait leur faire ouvrir les portes....

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10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange

La prostituée Tequila Leila est retrouvée assassinée, son corps jeté dans une poubelle d’Istanbul. Comment cette femme a-t-elle pu finir si tragiquement sur les trottoirs de la ville ? Pendant les dix minutes qui suivent sa mort, soit le laps de temps pendant lequel des scientifiques ont constaté que l’activité cérébrale d’une personne décédée pouvait perdurer, Leila se remémore son parcours, depuis l’Anatolie jusqu’aux bas quartiers stambouliotes, là où après avoir rompu avec sa famille, elle a fini, dans son malheur, par trouver la solidarité et l’indéfectible amitié d’autres parias. Ils sont cinq : cinq amis qui vont tout faire pour lui éviter l’ultime infamie, celle du Cimetière des Abandonnés, à Kylios.





Une triste photographie figure à la fin du roman : un champ de mauvaise terre caillouteuse, boursouflé de vagues renflements agglutinés dans le plus grand désordre et piquetés de grossières étiquettes simplement numérotées. C’est dans cet équivalent très sommaire de nos carrés des indigents en France, que sont entassés après leur mort les indésirables de la société d’Istanbul, rejetés par leurs familles elles-mêmes. S’y côtoient misérables et marginaux, prostituées et travestis, délinquants et criminels, révolutionnaires « morts » en garde à vue, insurgés kurdes, bébés abandonnés… : tous mis au rebut à l’issue d’une existence de réprouvés. Cette histoire, fictive mais représentative, retrace le parcours de l’une de ces personnes abandonnées, prostituée tuée dans l’indifférence générale et simplement transférée, sans enquête judiciaire, de la poubelle où elle a été jetée à cet officiel terrain vague qui tient plus du dépotoir que du cimetière.





Leila n’est autre qu’une fille ordinaire, grandie dans une famille ordinaire, en Anatolie. Née en 1947, elle vit sous l’autorité d'un père pris d'une austère ferveur religieuse. Victime injustement sacrifiée à l’honneur familial, elle quitte la maison sans espoir de retour. Désormais proie facile puisqu’une femme seule osant prétendre à l’indépendance est déjà considérée « perdue » dans les années soixante en Turquie, sans ressources ni protection, elle rejoint bientôt la frange la plus méprisée de la société, que ni personne, ni la police, ne protégeront jamais des maltraitances, ni même des crimes.





L’histoire elle-même serre le coeur, pourtant aucune tristesse, aucun pathos, ne viennent charger une narration alerte, imprégnée de la chaleur humaine que partagent Leila et ses amis, déchus eux aussi. Après le frappant défilement d'une vie pendant le bref moment séparant l’arrêt cardiaque et la mort cérébrale, le récit se poursuit en compagnie des cinq amis de Leila, dans une folle équipée aussi hilarante dans ses macabres rebondissements que touchante dans sa fidélité à la disparue. Impossible de ne pas se prendre d’affection pour ces cinq autres personnages, - en tête desquels l’inénarrable trans Nalan -, désarmants de vulnérabilité, de sincérité et de dignité dans leur infrangible solidarité de pestiférés.





Exilée en Angleterre après avoir fait les frais en Turquie de sa libre expression littéraire, Elif Shafak continue de dénoncer l'hypocrisie d'une société turque qui n'en finit plus de renforcer sa violence autoritariste. Les femmes en sont les premières victimes, puisque, face aux rigueurs religieuses croissantes, beaucoup d'entre elles se retrouvent plus que jamais marginalisées et vilipendées lorsqu’elles prétendent à leur indépendance. Lucide, mais non dépourvu de drôlerie malgré la gravité de son sujet, ce livre qui se lit d'un trait exprime autant de révolte que d'attachement à une Istanbul que l'on découvre sous un jour sans fard. Nouveau coup de coeur pour cet auteur qui fait partie de mes favoris.


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L'architecte du sultan

Elif Shafak rend hommage à travers ce roman à l’architecte en chef de l’empire ottoman, Sinan, né dans une famille chrétienne d’origine arménienne ou grecque, qui aura servi trois sultans : Soliman le Magnifique, Selim II et Mourad et permis, par l’ampleur des travaux qu’il aura dirigés, l’assainissement et l‘embellissement d’Istanbul au cours du 16e siècle.

« L’architecte du sultan » se déroule entre 1546 et 1632, sur un fond historique avec des personnages qui ont réellement existé. Sinan a eu une longue existence, il est décédé en 1588 à l’âge de 99 ans. On est étonné devant une telle longévité et surtout qu’il ait pu occuper ce poste élevé si longtemps car les intrigues, les jalousies au sein du sérail de Topkapi rendaient souvent le maintien à de telles fonctions très précaire.



Mais c’est aussi un conte oriental, plein de péripéties, de cruauté, d’amour et de sagesse, centré sur le jeune Jahan, personnage fictif, qui va, au cours d’un voyage mouvementé qui le conduira de L’Hindoustan où il est né à Istanbul, suivre Chota un éléphant blanc offert par l’empereur Moghol Humayun au Sultan Soliman le magnifique. Car Chota est pour lui comme un frère de lait. Il a participé à sa naissance, l’a nourri. Il ne veut en être séparé à aucun prix et réussira à rester auprès de lui comme cornac.



C’est l’éléphant blanc qui en attisant la curiosité de la princesse Mihrimah fille unique de Soliman et Roxelane provoquera la rencontre de Jahan et de celle à laquelle il vouera un amour absolu.

« Outre son sourire, elle apportait des friandises pour l’éléphant —  non pas des poires et des pommes mais des confiseries royales : figues fourrées de crème épaisse, sorbet à la violette, massepains à la confiture de rose ou ces châtaignes cuites dans le miel… Chaque fois que les moeurs du sérail lui déplaisaient ou la décourageaient, elle venait rendre visite à l’animal blanc. Emerveillée, elle observait Chota avec l’air de se demander comment une créature aussi puissante pouvait se montrer si docile. L’éléphant était le sultan de la ménagerie, pourtant il ne ressemblait en rien à son père. »



C’est encore l’éléphant qui permettra à Jahan de devenir l’apprenti de celui qui n’est pas à cette époque le maître des travaux publics de l’empire. L’aide de Chota fera gagner du temps lors d’une campagne militaire en Moldavie pour édifier en dix jours un pont sur la rivière Prut. La construction proposée par Sinan ayant été une réussite sera pour lui le début de sa longue carrière au service su sultan.



Jahan est curieux et fait confiance trop facilement, ce qui dans une ville comme Istanbul et au sein du palais va lui amener bien des ennuis. Heureusement pour lui, associée à la protection pleine de sagesse, de douceur et de fermeté de Siman qui le forme, il aura aussi celle du chef des gitans, Balaban, qui l’aidera à sortir de bien des traquenards dans lesquels il tombe souvent par manque de méfiance mais aussi par orgueil.

Sinan lui dira : « Quand je t’ai vu, je me suis dit que tu avais une excellente tête sur les épaules, et que tu apprendrais vite, si seulement je pouvais te détourner des mauvaises habitudes, du passé, et te diriger vers le futur »

Et Balaban au terme de son séjour à Istanbul lui dira en soupirant : « Désolé que tu partes. Soulagé que tu partes. Tu es trop confiant pour survivre à Istanbul, frère. »



J’ai lu ce roman presque d’une traite. Il est d’une grande richesse à la fois par l’attachement qu’il fait naître entre le lecteur et les différents personnages : Jahan, Chota, Mihrimah, Sinan, Balaban le chef gitan mais aussi par un habile dosage de mystères tout au long du récit (dont il faudra attendre presque la fin pour qu’ils soient révélés).

Ajouté à cela, la fascination pour Istanbul où tous les sens sont sollicités, où les rumeurs courent régulièrement, où la peste vient faire par deux fois des ravages. Istanbul raffinée et sordide, ville de savants où la superstition règne, riche par son cosmopolitisme et le mélange bigarré de religions et de peuples qui s’y croisent et y demeurent ; richesse et grouillement de vie d’une ville, pont entre orient et occident.



Un grand merci pour ce beau moment de lecture aux éditions Flammarion et à Babelio.



A lire en complément un guide littéraire qu’Elif Shafak a accepté de faire pour l’exposition qui se déroule à Bruxelles jusqu’au 31 mai 2015 « L’empire du sultan, le monde ottoman dans l’art de la Renaissance » où figure une gravure qui a été à l’origine de ce livre recoupant cette exposition que malheureusement je ne pourrai pas voir.

La plaquette composée par Elif Shafak est téléchargeable ainsi que le guide du visiteur à ce lien :

http://www.bozar.com/activity.php?id=11618

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La Bâtarde d'Istanbul

Un roman de femmes qui permet de découvrir la Turquie à travers le destin de la « bâtarde », fille d’Istanbul, et la belle-fille de son oncle, fille d’un Arménien et d’une Américaine.



Les personnages principaux : deux jeunes filles à l’âge de la quête de soi, qui partagent des interrogations communes aux jeunes, qui cherchent à se définir par rapport aux générations précédentes, à trouver à la fois leur individualité et leur place dans leur groupe social. Mais pour une Turque née de père inconnu et une Américaine d’origine arménienne, l’identité c’est aussi la question de la tradition et de la nationalité et ce n’est pas une mince tâche que de se trouver soi-même dans des tribus matriarcales aimantes et protectrices, protectrices aussi de lourds secrets de famille.



Ce n’est pas véritablement un roman historique, mais un roman où le poids de l’Histoire est très présent. Le génocide arménien de 1915-16 est évoqué, avec ses conséquences sur la diaspora, mais aussi sur les Turcs dont le pays nie les événements, un pays où la prise de parole peut encore conduire en prison.



Comme la ville qui l’abrite, cette famille stambouliote sans homme est colorée et pleine de contrastes. On respecte les traditions autour de la nourriture, on mange d'ailleurs beaucoup dans ce roman! La religion musulmane est présente, mais on consulte le passé ou l’avenir avec l’intervention de la magie des djinns. On y trouve aussi des femmes qui portent le voile et leur sœur, indépendante, qui travaille court vêtue.



Un bout d’histoire, des intrigues, des émotions féminines dans un pays machiste, dans une ville magnifique qu’on quitte à regret. J’y retournerai volontiers!



P. A. : Merci à la Babeliote Under_The_Moon qui m’a suggéré cette lecture.

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L'Île aux arbres disparus

Choisi à la Librairie Caractères [Issy-les-M.], 22 janvier 2022



Un pur moment de bonheur qui nous rappelle à l’humilité face à cette Nature grandiose, et toutes les espèces vivantes… qui seront encore là, alors que nous, « Espèce humaine » aurons peut-être déserté la planète ! Magie, réalisme, poésie, empathie, fantaisie… un cocktail d’émotions des plus réussis !



Après avoir lu avec grand enthousiasme « Trois filles d’Eve » de cette auteure, j’ai aperçu avec plaisir son dernier ouvrage traduit, présenté sur les tables de ma librairie de quartier. Je me suis empressée de le choisir !

Très beau texte en hommage à tous les exilés du monde ainsi qu’à nos amis silencieux, les arbres, comme la dédicace mise en exergue, le formule très joliment :



« Aux émigrants et aux exilés de tous les pays,

Les déracinés, les ré-enracinés, les sans-racines.



Et aux arbres que nous avons laissés derrière nous,

Enracinés dans nos mémoires… »



L’histoire se déroule entre le récit d’une adolescente, Ada, qui réfugiée en Angleterre avec son père, homme bienveillant bien que personnalité très lunaire ; personne plus à l’aise avec « ses arbres » et ses plantes, qu’avec les humains ; ayant perdu sa femme, il élève seule sa fille comme il peut… On découvre au fur et à mesure l’histoire , le passé de ce très jeune couple amoureux, à Chypre, dont les familles n’acceptent pas l'union… Ils fuient en Angleterre… Toutefois il n’y a pas que les souffrances et les douleurs des humains mais aussi celles des arbres transplantés, comme ce figuier emporté, arraché à sa terre chypriote… accompagnant l’histoire d’amour de ce couple et leur départ forcé !



La parole est abondamment offerte à ce Figuier, qui devient « nôtre » au fil du récit, ce dernier , devenant un personnage à part entière !



Une magnifique lecture que j’ai fait durer… pour ne pas le quitter trop tôt ! Je ne ferai pas plus de commentaires pour garder tout le mystère et la magie incroyable de ce texte…aussi coloré et attractif que la fort jolie couverture !

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Soufi, mon amour

Ceci est un roman d'amour, qu'il s'agisse de l'amour de Dieu, de son prochain, de l'amour filial, charnel ou spirituel, c'est la même chose puisqu'à la fin Tout n'est qu'Un.

C'est ce que va découvrir Ella en lisant le manuscrit d'un auteur inconnu, pour le compte de son employeur, éditeur.

Ella, la quarantaine, se croit heureuse dans le rôle de la femme au foyer, entre son mari et ses trois enfants, son ménage et ses cours de cuisine. Vie bien réglée, parfaite, où l'imprévu et l'inconnu sont indésirables. A moins que « Doux Blasphème », le manuscrit en question, et surtout Aziz, son auteur, ne viennent tout remettre en question, en mettant Ella sur la Voie soufie, la voie de l'instant présent, de la compassion, du lâcher-prise.

Le manuscrit raconte l'histoire du poète musulman Rûmi, au 13ème siècle, et de sa rencontre avec le derviche errant Shams de Tabriz. Rencontre décisive pour le destin de chacun, qui donnera naissance à une amitié profonde, presque insensée tant elle aura de conséquences sur l'entourage et la réputation des personnages.

« Soufi, mon amour » est découpé en courts chapitres, décrivant alternativement les étapes de la rencontre entre Rûmi et Shams racontées tour à tour par les différents protagonistes de ce drame annoncé, et en parallèle celles de la renaissance d'Ella grâce à sa rencontre avec Aziz.



On apprend des choses sur le soufisme, le style est fluide, le roman se lit rapidement, par moments j'avais même du mal à le lâcher.

Ce n'est pas totalement un coup de coeur, même si on parle d'amour à toutes les pages, mais j'ai beaucoup aimé cette histoire. Ce n'est pas non plus un monument de littérature, on frôle parfois un peu trop la guimauve ou les clichés moralisateurs, mais ce roman m'a emportée, m'a apaisée aussi.

On rêve d'une rencontre telle que celle d'Ella et Aziz, peut-être parce qu'on peut se reconnaître vaguement dans cette personnalité qui balance entre volonté de tout contrôler pour se rassurer et confort de la passivité. A moins que finalement il n'y ait une 3ème Ella : celle qui a la certitude qu'un jour se produira un déclic qui bouleversera tout.
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Trois filles d'Ève

Le défaut des boulimiques dont je fais grandement partie... est cette curiosité insatiable qui fait se disperser. La présentation du dernier ouvrage de cette auteure turque, dans le Magazine "LIRE" de janvier 2018 m'a décidé à l'acquérir, alors que j'aurais pu ronger mon frein en lisant déjà un de ses romans, paru en poche, offert par un ami, il y a juste quelques mois : "Crime d'honneur"... mais non !!! Ce fut plus fort que tout, ce besoin de tout lire, tout embrasser, même si on sait bien que c'est impossible !



Alors me voilà happée par " trois filles d'Eve", captivée, touchée par ce personnage féminin, central, Peri, petite dernière et unique fille d'une fratrie de trois enfants...





Peri vénère son père, se désole de sa tristesse permanente, ainsi que du manque d'amour terrible entre ce père, homme laïc, lucide et militant et sa mère, tombée dans tous les excès religieux . Une famille éprouvée, habitant Istanbul... Cette ville y est décrite par notre écrivaine, avec énormément d'esprit critique et acéré...



Une colère intense contre les dérives de cette ville et du pays: la corruption, le fanatisme religieux, les traitements inacceptables contre les prisonniers, les mauvais traitements faits aux femmes dans la sphère privée autant que dans la sphère publique, le manque de liberté, l'hostilité vis à vis des livres profanes, etc.!



Une auteure courageuse, fière... portant haut les couleurs de la révolte et de la Liberté dû à chaque individu, mais aussi le droit à l'éducation, l'instruction, la bataille contre l'ignorance qui induit tous les sectarismes, les abus sur les plus vulnérables, dont les femmes !



Ce roman est captivant à plus d'un titre, et nous raconte mille détails liésaux usages, traditions et coutumes...de la Turquie !



Le récit de la vie de Peri se raconte , alternativement, sur deux périodes, entre les années 1980 [ où elle est acceptée à Oxford, à l'immense fierté de ses parents, mais surtout de son père... qui voulait le meilleur pour sa fille unique !] et plus de 30 ans après, en 2016...Ce qui est advenu des rêves, exigences de la jeune étudiante sérieuse, tourmentée et solitaire....



Un beau portrait de femme se cherchant entre les parents aimants, mais désaccordés... entre la jeune étudiante brillante, assoiffée de lectures, de savoir, de questionnements , l'abandon de ses études, à la suite d'une histoire bouleversante (dont je ne dévoilerai surtout pas la substance !!...) et la femme adulte, heureusement mariée, mère de famille, installée dans une existence bourgeoise et protégée...qu'elle n'aurait jamais imaginée.



Il n'empêche que le feu couve toujours sous la cendre de cette femme attachante, tentant de réunir toutes ses contradictions et ses ombres...!





Ce roman brasse une multiplicité de sujets, politiques, personnels, avec des questionnements récurrents sur toutes les dérives sectaires !



Un roman haletant qui dit à quel point la littérature est porteuse d'espoir, de liberté et d'indépendance de pensée... dans des pays aussi complexes que la Turquie, où apprendre, faire des études, avoir du sens critique, être une femme ... sont des handicaps... trop souvent frappés d'anathèmes, de synonymes de "mal" de "péché" dans une société développant moult sectarismes et intégrismes...



Un moment passionnant et foisonnant de lecture, qui, "cerise sur le gâteau" fait partie de ces ouvrages dynamiques, contenant beaucoup de références

littéraires... qui nous mènent ensuite à d'autres curiosités et d'autres élans de lectures....[avec en prime, une jaquette très réussie, colorée et orientalisante à souhait ] !



Un immense coup de coeur , qui m'a littéralement transportée ! Je ne peux résister à terminer sur un extrait... qui sous-tend un hommage constant aux

mots, à la littérature et aux horizons merveilleusement agrandis par la lecture ...Un hommage , également, double du savoir et de la tolérance, de plus en plus urgents, à nourrir et protéger dans des contextes sociaux violents et fanatiques !



"En outre, même si sa vie en dépendait, elle ne pouvait pas se faire aux réactions hostiles à la lecture. Dans divers coins du monde, on est ce qu'on dit et ce qu'on fait, mais aussi ce qu'on lit; en Turquie, comme dans tous les pays hantés par les problèmes d'identité, on se définit, d'abord, par ce qu'on rejette. Apparemment, plus les gens s'en prenaient à un auteur, moins ils avaient lu ses livres. "(p. 150)











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La Bâtarde d'Istanbul

Cela faisait un moment qu'un livre ne m'avait pas autant emportée (et valu quelques cernes et réveils difficiles car impossible de s'en détacher).



Ce livre est d'une grande finesse :

- l'histoire est subtile malgré la lourdeur des événements (déportation des arméniens, liberté d'expression en Turquie, poids de la religion sur la vie des femmes)

- les personnages sont ambiguës alors qu'il aurait été tellement facile de tomber dans les clichés musulmans, chrétiens, turques...

- la cuisine...mon dieu ! Si les marques essaient encore de perfectionner le marketing olfactif, lisez ce livre et vous verrez comme au fil des pages on sent la cannelle, le sésame, les grenades...

- l'écriture d'Elif Shafak est un enchantement



A cause de ce livre, j'ai envie de me replonger dans l'histoire de l'Empire Ottoman, d'aller en Turquie, d'apprendre le turc et de devenir goûteuse de tous les plats turcs et arméniens !!!
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Soufi, mon amour

Le Père Noël avait cette année des allures de prince oriental. C'est ce que je me suis dit en découvrant dans ma chaussette de Noël le roman d'Elif Shafak : Soufi, mon amour. Un titre on ne peut plus romance ! Et la moitié du livre ne dément pas ce jugement. Il s'agit de deux histoires dont l'une se déroule aux Etats-Unis et relate l'amour d'Ella envers un soufi Aziz. On ne peut imaginer plus "desesperate housewife" qu'Ella ! Et franchement je crois que j'aurais déclaré forfait s'il n'avait été question que de cette histoire d'amour sirupeuse à souhait !

Heureusement un second récit s'entrelace avec le premier et celui-là est beaucoup plus intéressant car il relate la rencontre de deux grands noms du soufisme : celle du poète persan Rûmi et de celui qui fut à la fois son pygmalion et son initiateur à cette confrérie du soufisme que sont les derviches tourneurs.

Dans ce second roman, nous sommes avant tout dans un conte oriental dont Elif Shafak maîtrise parfaitement les codes. L'ambiance, les couleurs, les odeurs, le cosmopolitisme des villes orientales sont très présents grâce à la sensorialité de la plume de l'auteure. Avec rigueur et précision, elle évoque la société féodale du XIIIe siècle en Anatolie : une société fortement cloisonnée avec ses vassaux et ses exclu(e)s. C'est toute une galerie de portraits hauts en couleurs qui défilent devant nos yeux : Suleiman l'ivrogne, Rose du Désert la prostituée, Kymya la spirite, Hassan le mendiant atteint de la lèpre... A la fois personnages de conte par leur côté archétypal, ils sont aussi très présents grâce au pouvoir d'évocation d'Elif Shafak qui mêle avec harmonie réalisme et merveilleux.

Mais bien sûr le personnage le plus marquant de cette histoire est le fameux Shams de Tabriz. Un personnage historique dont on sait peu de choses et dont l'auteure s'est emparée avec bonheur jusqu'à en faire d'une certaine façon un double. En tout cas les points de ressemblance sont nombreux : le cosmopolitisme et l'errance de leur vie, le côté rebelle et iconoclaste, tous les deux prennent le contrepied des idées reçues lorsqu'elles sont sclérosantes et liberticides. Shams, en effet, en arrivant à Konya, la ville où vit Rûmi va entrer en guerre contre l'Islam traditionnel et il va entraîner dans son sillage Rûmi, un notable bien établi et respecté de tous. Dépouillement, lien personnel avec Dieu qui dépasse les rituels et les cérémonies, enfer sur terre et en nous au lieu d'un monstre extérieur, refus du prosélytisme, tels sont quelques uns des principes qui émergent des Quarante règles de la Religion de l'Amour, l'oeuvre de Shams.

Si ce personnage est aussi très intéressant c'est parce que ses relations avec Rûmi ne sont pas sans ambiguïté. Et bien souvent j'ai vu en lui un maître despotique bien plus qu'un guide bienveillant s'attachant seulement à mettre l'autre devant ses failles ! En tout cas une belle réflexion en filigrane pour qui est intéressé par la relation maître/disciple.

Pour finir comment ne pas signaler la place des femmes dans le roman. A la fois persécutées et résilientes, elles ne baissent pas les bras, à l'instar d'Elif Shafak, obligée de vivre loin de son pays, la Turquie, en raison de ses prises de position sociales et politiques.
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L'Île aux arbres disparus

Un roman bien sympa, qui m’a emballée au démarrage… mais qui n’a pas tenu toutes ses promesses.

Une bonne idée, l’histoire d’amour à la Roméo et Juliette, entre un Grec, Kostas, et une Turque, Defne, en 1974, alors que les violences entre les deux communautés sont portés à leur comble par le coup d’État fomenté par la dictature des Colonels et par l’intervention militaire menée en réaction par la Turquie. On n’en entend pas parler tous les jours de cette ligne verte chypriote qui résulte de ces conflits et qui reste tristement d’actualité.

Autre question intéressante posée par le roman : que faire de son passé quand on est immigré? Le roman est dédié

« Aux émigrants et aux exilés de tous les pays, les déracinés, les ré-enracinés, les sans-racines.

Et aux arbres que nous avons laissés derrière nous, enracinés dans nos mémoires. »

La narration nous balance entre Nicosie, 1974, et Londres, fin des années 2010. Defne a cru protéger sa fille Ada, née en Angleterre, de « cette foutue douleur » en lui en disant le moins possible de leur passé. Mais pas sûr du tout que ce soit une bonne idée.

Et le roman a aussi une dimension écologique, confiant parfois la narration à un figuier, qui malgré tout l’amour qu’il porte à Kostas, n’est évidemment guère adepte d’un spécisme qui autoriserait des humains à flinguer à tout-va d’autres espèces terriennes. Et puis, il faut avouer, ils ne sont pas toujours facile à suivre, les descendants d’Adam: « Les humains sont bizarres, bourrés de contradictions. On dirait qu’ils ont besoin de haïr et d’exclure autant qu’ils ont besoin d’aimer et d’étreindre. Leur cœur se ferme étroitement, puis s’ouvre béant, pour vite se resserrer, comme un poing indécis. »

Peut-être qu’Elif Shafak avait trop de choses intéressantes à dire, lui tenant trop à cœur, et que cela s’est fait un peu, par moments, au détriment de la dimension littéraire. J’ai trouvé qu’il y avait parfois un côté fiches mal intégrées au romanesque.

Malgré ces passages moins intéressants, ça reste un bon roman.
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La Bâtarde d'Istanbul

Il s'en passe des choses en Turquie ! Encore ce week-end j'ai vu des images à la T.V. : leur président à la tribune. Mais je n'ai vu que ces grandes bannières descendant du plafond jusqu'au sol. Ces grands drapeaux turques : Rouges Sang. Je ne vois plus qu'eux, que peut valoir un discours devant un mur aux drapeaux rouges flottants ? Et soudain, impérieusement, le passé, d'autres bannières, un autre moustachu, vient se superposer. Pardon, cela n'a rien à voir et pourtant : toujours du sang ! Qu'importe quel génocide, quel massacre, quel viol : oh tout ce sang. Oh l'Histoire, les grandes marches, les déracinements. Honni ! le bannissement !



Alors je lis. Après Neige d'Orhan Pamuk, La Bâtarde d' Istanbul, tant qu'ils sont encore disponibles. Vite. Car je pressens les bûchers, question de temps... Mais là j'écris le futur à la plume du passé, avec plein de mâle ressentiment. C'est pourquoi j'ai tant besoin d'Elif Shafak, de sa clairvoyance, de la tendresse de son regard, de son intelligence du coeur, pour tenter, tenter au moins, d'accepter l'espoir d'une réconciliation. Une écriture envoûtante dont les volutes pourraient donner une petite chance à la paix. A saisir, et se ressaisir d'urgence. Ecoutez ceci : "Il fut et ne fut pas un temps dans un pays pas si lointain où des êtres humains aux manières détestables traversaient une époque difficile." p.276 s'en suit et le précède un lumineux roman.



J'ai jadis croisé un Arménien : je comprends le Hai Dat*. Mais bâtir et faire dépendre son identité d'un tiers c'est aussi entraver sa liberté. Moi je n'ai évidemment aucune légitimité pour le dire, Elif Shafak si. Une famille d'Arméniens émigrée à San Francisco, une famille turque à Istanbul comme deux mains qui s'agitent. Se rejoindront-elles ? Quête d'identité des communautés, des familles et au sein même des familles grâce à la culture et la gastronomie, pour se ressourcer, pour se restaurer. San Francisco, Istanbul manger pour combler la faille ? le mal est profond, le danger est grand, mais quand même partager un repas. Partager le goût ! La gastronomie est un plaisir et une ouverture à l'autre, elle est mémoire des générations passées, elle est omniprésente dans le récit. Saveurs, senteurs, son et toucher Elif Shafak gratifie tous nos sens dans cette magnifique traversée.



Véritable hymne à la tolérance, une invitation au coeur des deux cocons familiaux, une magnifique amitié naissante entre Armanoush et Asya, il y a tout dans ce roman y compris, je le suppose, une bonne part autobiographique dans ce solaire portrait d'une figure féministe Zeliha, merveilleuse de dignité. Mais je tremble pour tous ces écrivains turques qui me semblent aussi fragiles que les verres à thé décrits dans le bouquin. p.319 "C'est juste que je n'avais pas misé lourd sur leur durée de vie. Je trouvais qu'ils se brisaient trop vite. Mais apparemment même les verres à thé peuvent durer pour raconter leur histoire." Puisse cela être vrai et le monde d'Elif Shafak se matérialiser.



En attendant le Bosphore fait le gros dos sous le poids des chalands qui le lui labourent dans une impression de quiétude toute passagère, pour combien de temps ? Alors que le bonheur aussi nous tend les mains et que quelque soit notre identité, nous sommes avant tout humain. Ah que ce roman est juste et fait du bien !



*Lutte pour la reconnaissance du génocide
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Soufi, mon amour

Encore un livre gourmandise, dans la lignée de L'ombre du vent; Oui, un livre dont vous ne pouvez vous empêcher de tourner les pages. Résultat: cinq heures de lecture d'affilée pour arriver au point final.



Le personnage d'Ella, mère au foyer de 40 ans, sert de fil conducteur pour une découverte romancée du Soufisme, ce courant mystique de l'Islam. C'est cela qui m'intéressait principalement dans ce roman très accessible, première étape vers la lecture du poète Rûmî.



Shams de Tabriz, derviche errant du 13ème siècle va à la rencontre de l'érudit Rûmî, l'âme soeur, afin d'amener ce dernier à vivre pleinement «  la religion de l'amour ». Cette rencontre décisive va véritablement transformer Rûmî pour lui permettre d'atteindre l'ultime palier de la sagesse Soufie, celle du détachement, de l'acceptation totale de ce qui est.



Certains passages sont certes un peu clichés et le style littéraire n'est pas excessivement recherché mais cela reste un très bon moment de lecture.

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Soufi, mon amour

Si on ne me l'avait pas prêté je ne me serais jamais intéressée à ce « Soufi mon amour ». En général, je n'aime pas trop qu'on me prête un livre. D'une part parce que j'ai un planning de lecture toujours chargé, et d'autre part parce que j'ai toujours la crainte de ne pas aimer le livre qu'on m'a prêtée et que, dans ce cas, je serai mal à l'aise au moment de partager mon ressenti avec la personne qui me l'a prêté, que je choisisse de mentir ou d'être franche. C'est donc avec une certaine appréhension que je me suis lancée dans cette lecture de « Soufi mon amour », d'autant plus que j'aime beaucoup la personne qui me l'a prêté. J'aurais dû tenir compte des raisons qui font que j'apprécie cette personne, ainsi je n'aurais pas eu ces craintes injustifiées. le roman d'Elif Shafak n'est pas parfait mais il est très réussi et m'a procurée beaucoup d'émotion. Je dois dire qu'il m'a même secouée.



Le roman prend la forme de deux histoires enchâssées, d'une part l'histoire d'Ella, une quadra américaine à la vie bien rangée et d'autre part les pages du roman qu'elle lit pour son travail qui relate le destin du grand poète Rumi et de son lien si fort avec le derviche Shams de Tabriz. Interpellée par le roman qu'elle lit Ella prend contact avec son auteur, un certain Aziz. Sa vie en sera changée.



La partie consacrée à l'histoire de Rumi et Shams, pleine de poésie, est envoûtante. J'ai adoré cette aventure spirituelle orientale qui a, par certains moments, des allures de conte merveilleux avec ses petites touches discrètes de fantastique qui sont très bien amenées. L'auteure idéalise sans doute la philosophie soufie, il est indéniable qu'il y a une forme d'outrance dans leur vision de la religion et le fait de venir du soufisme n'a pas empêchée Hassan El-Banna de fonder les Frères Musulmans et donc d'adopter une conception plus politique et plus guerrière de l'Islam. Ceci dit, la vision soufie de l'Islam est sans doute une des plus paisibles, donnant un rôle moins central à la charia, se montrant plus ouverte vis-à-vis des autres religions et se voulant plus spirituelle, plus ésotérique. Découvrir cette pensée soufie, même si elle est ici enjolivée, était donc très intéressant et il y a dans cette philosophie très centrée sur l'Amour quelque chose de très poétique. le poète est d'ailleurs dépeint comme supérieur à l'érudit. Cette partie est également très romanesque avec une multiplicité de personnages et pas mal de péripéties. Le récit du destin de Rumi et Shams est donc la partie la plus divertissante, la plus immédiatement agréable. Mais, si touchante qu'elle soit, elle m'a moins secouée que la partie consacrée à Ella.



Avec l'histoire d'Ella on n'est plus dans le roman historique au souffle poétique et romantique, on se retrouve plutôt dans un roman psychologique. Cette histoire est moins séduisante que celle, aérienne et lyrique, de Rumi mais elle m'a bouleversée, presque d'une façon douloureuse. Ce n'est pas tant l'histoire d'amour entre Ella et Aziz qui m'a remuée, d'une certaine façon elle est plus symbolique qu'autre chose (j'y reviendrai), mais plutôt le portrait d'une femme qui réalise qu'en se croyant épanouie se berçait d'illusion. La perception de cette chronique intime est sans doute plus intense pour une femme quadragénaire, comme ce fut le cas pour moi. Si je n'ai pas grand-chose en commun avec Ella, l'identification a tout de même fonctionné. Comme elle, au fur et à mesure des années, je prends conscience des renoncements dont la vie est faite. Avec la vie d'adulte, de mère, on doit s'oublier soi-même, oublier une certaine forme de liberté. Je porte un regard de plus en plus nostalgique sur ma vie. Sans être malheureuse, je ne peux m'empêcher de parfois regretter de ne plus vivre pour moi, de ne plus me laisser aller à faire simplement ce que j'ai envie de faire. Je regrette que l'instant présent n'existe plus tellement dans ma vie. La plupart du temps, je fais comme si ces regrets n'existaient pas mais parfois ces pensées nostalgiques teintées de mélancolie refont surface. Voilà pourquoi, la partie du roman consacrée à Ella m'a bouleversée.



La forme du roman est également intéressante. D'une façon générale, j'aime bien les récits enchâssés. Ici, l'alternance est bien faite, le rythme est prenant. J'émets juste un petit bémol stylistique sur un point. La partie sur Rumi est racontée successivement par différents personnages mais le problème c'est qu'ils s'expriment tous de la même façon. La plume de l'auteure ne change pas selon que ce soit un ivrogne, un érudit ou une prostituée qui s'exprime. Je ne sais pas si c'est perceptible en version originale ou si c'est le fait de la traduction et puis de toute façon ça n'amoindrit pas le plaisir de lecture. Dans la forme, il y a 2 éléments que j'ai trouvé très intéressants. Chaque chapitre est raconté à la première personne du singulier. Que ce soit Rumi, sa femme, ses enfants, Shams, l'ivrogne, la prostituée, le zélote… ils disent tous « Je ». Il n'y a que les chapitres consacrés à Ella qui sont racontés à la 3ème personne, comme si elle n'était pas propriétaire de sa propre voix, comme si son « Je » n'existait pas. Je trouve que ce choix narratif est très pertinent, la forme rejoignant le fond. L'autre élément formel que j'ai trouvé intéressant concerne Aziz. Il est le seul personnage qui ne raconte pas sa vie, qui n'a pas ses propres chapitres. Il appartient uniquement au récit consacré à Ella. Il en devient presque une abstraction. Tout au long du roman, il n'existe qu'à travers sa relation avec Ella, on ne le voit pas exister avec d'autres même s'il fait le récit de sa vie mais qui m'a semblée d'une étrangeté désincarnée. On pourrait même penser qu'il n'existe pas réellement, qu'il n'existe que dans la tête d'Ella, qu'il représente la part d'elle-même qui rêve encore de liberté et de légèreté.



J'ai beaucoup aimé « Soufi mon amour » qui m'a fait vivre toutes sortes d'émotions. J'ai été emportée par la poésie et le souffle romanesque de l'histoire de Rumi et Shams et j'ai été bousculée par le récit consacré à Ella qui m'a rappelé combien l'insouciance et la désinvolture de ma jeunesse me manquaient.

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Trois filles d'Ève

Istanbul , 2016. Peri et sa fille Deniz sont engluées dans les bouchons stambouliotes quand Peri se fait voler son sac...

Parallèlement, on plonge dans l'enfance de Péri et sa construction en tant que femme ou plus simplement être humain.



Livre très dense, très ambitieux aussi qui fait la part belle aux femmes musulmanes.

Pour étayer son propos, l'auteur choisit des personnages limite caricaturaux et radicalement opposés, que ce soit dans la sphère familiale ou dans la vie étudiante de Péri.

Le thème principal est la place de Dieu dans la vie de chacun et donc principalement des femmes musulmanes . Et donc , on a l'athée, la pieuse et la déboussolée, Péri.

C'est aussi un livre sur la Turquie et son évolution ; le pessimisme de l'auteur est latent, tant elle fustige la fracture sociétale d'un pays tiraillé entre allégeance aveugle à Dieu , symbolisée par Selma , la mère, et refus du diktat religieux , matérialisé par le père. Et au milieu Péri essaie de se construire.

Dans la pièce principale s'affronte le portrait d'Atatürk et une pendule rappelant les heures de prières. Le livre se déroulant sur plus de 30 ans , la dégradation du vivre ensemble turc est plusieurs fois évoquée.



Alors que penser ?

Ce livre a déjà le mérite de nous interroger, sur la tolérance notamment, l'apparence quotidienne de Dieu, la dualité orient / occident.

Il met à plat la question de la femme musulmane , sans prendre partie , exposant clairement les positions de chacune, les confrontant que ce soit dans le cadre familial, le cadre étudiant expatrié ou même au sein de la bourgeoisie turque du XXI ème siècle.

Un roman dense , posant de vraies questions tout en finesse .On peut reprocher quand même le coté un peu caricatural de la plupart des personnages , sauf sans doute Péri, et également une ou deux histoires parallèles qui n'apportent pas grand chose.



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L'architecte du sultan

Au risque de passer pour la grincheuse de service, je m’en vais remonter le courant des critiques élogieuses publiées jusqu’à présent.

Autant « Soufi mon amour » m’avait emportée et emballée, autant « L’architecte du sultan » m’a laissée de marbre, aussi insensible que la pierre de tous les palais et mosquées érigés par Sinan, l’architecte du sultan. Ou plutôt des sultans, puisque, ayant commencé sa carrière, presque par hasard, au service de Soliman le Magnifique, il survivra à celui-ci et continuera à servir la dynastie ottomane sous le règne des successeurs de Soliman, jusqu’à sa mort en 1588, à l’âge canonique de 99 ans.

Mais Sinan n’est pas le personnage central de ce roman. Celui-ci raconte les aventures de Jahan, jeune garçon fraîchement arrivé d’Inde (Hindoustan), en tant que cornac (là aussi, presque malgré lui) de Chota, le bel éléphant blanc offert en cadeau au sultan. Non content d’être la seule personne capable de maîtriser Chota, Jahan a un autre don : le dessin. Cela lui vaudra de devenir l’un des apprentis de Sinan et de participer avec lui à la construction des bâtiments les plus prestigieux de l’empire ottoman.

Cette trame principale est évidemment saupoudrée d’intrigues de palais, de haines féroces et de jalousies mortelles, d’amours contrariées et d’amitiés indéfectibles, de guerres absurdes et d’épidémies ravageuses, de petites victoires et de grandes défaites, ou l’inverse. Mais tout cela est conté avec une platitude désolante, une succession d’anecdotes et de mésaventures énoncées dans un style plus documentaire que romanesque. Une foultitude de choses se passent dans ce livre, pourtant aucune n’est approfondie, aucune n’est traitée avec le souffle épique que j’attends de ce genre d’ouvrage. Toutes sont esquissées puis aussitôt abandonnées, ou bâclées, pour passer à autre chose. Certes il y a quelques fils conducteurs, comme les gitans ou la princesse Mihrimah, mais ces fils sont bien lâches, aucune tension qui donne envie de tourner les pages. D’ailleurs ce qui aurait pu être rendu comme une grande histoire d’amour impossible et tragique entre Jahan et la princesse ne m’est apparu que comme une bluette sans intérêt, qui resurgit épisodiquement pour « meubler » entre deux autres péripéties. J’ai également trouvé d’un goût douteux l’épisode initial qui relate l’assassinat sanglant de plusieurs enfants au palais, placé là artificiellement (puisque hors chronologie) pour appâter le lecteur, et qui, lui aussi, ne sera plus qu’effleuré par la suite, alors qu’il aurait mérité davantage d’explications, ne serait-ce que sur le plan historique.

Bref : ennuyeux, décevant, inabouti, personnages ne suscitant pas réellement d’empathie, tout juste Chota l’éléphant. Ce livre ne m’a pas transportée dans un conte ottoman digne des Mille et une nuits.

Merci néanmoins aux éditions Flammarion et à Masse Critique de Babelio.

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