Citations de Gabriel Garcia Marquez (1316)
L'oncle lui en voulait de la façon dont il avait dédaigné ce bon emploi de télégraphiste à Villa de Leyva, mais il se laissa gagner par sa propre conviction que les êtres humains ne naissent pas une fois pour toutes à l'heure où leur mère leur donne le jour, mais que la vie les oblige de nouveau et bien souvent à accoucher d'eux-mêmes.
Il lui avait appris que rien de ce qui se fait au lit n'est immoral s'il contribue à perpétuer l'amour. Et ce qui devait être dorénavant sa raison de vivre : il la convainquit que les coups que l'on tire sont comptés dès notre naissance et que ceux que l'on ne tire pas, quelle qu'en soit la raison, personnelle ou étrangère, volontaire ou forcée, sont à jamais perdus. Son mérite à elle fut de l'interpréter au pied de la lettre.
Fermina Daza consacrait son temps à le perdre. La vie s'imposait à elle du dehors.
Lorsque le docteur Juvenal Urbino était revenu d'Europe il savait très bien que ces croyances étaient une supercherie scientifique, mais elles étaient à ce point enracinées dans la superstition locale que beaucoup s'opposaient à l'enrichissement minéral de l'eau des puits de peur qu'il ne leur ôtât la vertu d'être la cause d'une honorable couille.
Lorsque Juvenal Urbino allait à l'école primaire il ne pouvait éviter un sursaut d'horreur en voyant les hernieux assis sur le seuil de chez eux les après-midi de chaleur, éventant leur testicule énorme comme un enfant endormi entre leurs jambes.
Les deux sœurs, en dépit de leurs grâces naturelles et de leur nature enjouée, étaient de la chair à couvent.
Elle dut se reconnaître dans le trouble de son fils car elle le devança en lui demandant, pour sa propre défense, pourquoi il avait cette peau translucide qui ressemblait à de la paraffine.
"C'est la vie, mère, lui dit-il. A Paris, on devient vert".
Il était encore trop jeune pour savoir que la mémoire du cœur efface les mauvais souvenirs et embellit les bons, et que c'est grâce à cet artifice que l'on parvient à accepter le passé.
Fermina Daza se retrouva, se sentit pour la première fois maîtresse d'elle même, se sentit accompagnée et protégée, les poumons emplis d'un air de liberté qui lui rendit la sérénité et la volonté de vivre. A la fin de sa vie elle devait encore évoquer ce voyage, de plus en plus présent à sa mémoire, avec la lucidité perverse de la nostalgie.
Prise de panique, elle raconta tout à la tante Escolastica et celle-ci assuma la confidence avec le courage et la lucidité qu'elle n'avait pas eus à vingt ans lorsqu'elle s'était vue forcée de décider de son propre sort.
"Réponds oui, lui dit-elle. Même si tu es morte de peur et même si tu dois t'en repentir plus tard, parce que de toute façon tu te repentirais toute ta vie d'avoir répondu non".
Bien différente eût été leur vie s'ils avaient su à temps qu'il est plus facile de contourner les grandes catastrophes conjugales que les minuscules misères de tous les jours. Mais s'ils avaient ensemble appris une chose, c'était que la sagesse vient à nous lorsqu'elle ne sert plus à rien.
Ils venaient de célébrer leurs noces d'or et ne savaient vivre un seul instant l'un sans l'autre ou sans penser l'un à l'autre, et le savaient d'autant moins que la vieillesse s'intensifiait. Ni lui ni elle ne pouvaient dire si cette servitude réciproque était fondée sur l'amour ou sur le confort, mais ils ne s'étaient jamais posé la question du fond de leur cœur parce que tous deux depuis toujours avaient préféré ignorer la réponse.
Bien qu'il reçut le nom de José Arcadio, ils finirent par l'appeler plus simplement Arcadio pour éviter toutes confusions.
Mais avant d'arriver au vers final, il avait déjà compris qu'il ne sortirait jamais de cette chambre, car il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l'instant où Aureliano Babilonia achèverait de déchiffrer les parchemins, et que tout ce qui y était écrit demeurait depuis toujours et resterait à jamais irrépétible, car aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre de seconde chance.
Le mot métissage signifie larmes mêlées de sang versé. Que peut-on attendre d'un tel breuvage ?
J'eus la certitude fulgurante que Dieu avait cessé d'exister", dit-il. Atterré, il avait décidé de consacrer sa vie à la prière et à la pénitence. "Et puis un jour, Dieu a eu pitié de moi et m'a montré le chemin de la vocation, conclut-il. L'essentiel n'est donc pas que tu ne croies plus, mais que Dieu continue de croire en toi".
Le marquis se frappa le front de la paume de sa main.
"Mais bien sûr, dit-il. Quel âge a-t-elle ?
- Douze ans, répondit Bernarda.
- Douze ans, c'est tout ? soupira-t-il après s'être recouché dans le hamac, que la vie est lente !"
Je croyais que cet homme était un saint. Quelque chose de plus rare encore, dit le docteur Urbino : un saint athée. Mais ce sont là les affaires de Dieu.
A ces mots, Fernanda sentit une brise légère et lumineuse lui arracher les draps des mains et les déplier dans toute leur largeur. Amaranta éprouva comme un frissonnement mystérieux dans les dentelles de ses jupons et voulut s’accrocher au drap pour ne pas tomber, à l’instant où Remedios la Belle commençait à s’élever dans les airs. Ursula, déjà presque aveugle, fut la seule à garder suffisamment de présence d’esprit pour reconnaître la nature de ce vent que rien ne pouvait arrêter, et laissa les draps partir au gré de cette lumière, voyant Remedios la Belle lui faire des signes d’adieu au milieu de l’éblouissant battement des ailes des draps qui montaient avec elle, quittaient avec elle le monde des scarabées et des dahlias, traversaient avec elle les régions de l’air où il était déjà plus de quatre heures de l’après-midi, pour se perdre à jamais avec elle dans les hautes sphères où les plus hauts oiseaux de la mémoire ne pourraient eux-mêmes la rejoindre. (p.226)
Acabó de decirlo, cuando Fernanda sintió que un delicado viento de luz le arrancó las sábanas de las manos y las desplegó en toda su amplitud. Amaranta sintió un temblor misterioso en los encajes de sus pollerinas y trató de agarrarse de la sábana para no caer, en el instante en que Remedios, la bella, empezaba a elevarse. Úrsula, ya casi ciega, fue la única que tuvo la serenidad necesaria para identificar la naturaleza de aquel viento irreparable, y dejó las sábanas a la merced de la luz, viendo a Remedios, la bella, que le decía adiós con la mano, entre el deslumbrante aleteo de las sábanas que subían con ella, que abandonaban con ella el aire de los escarabajos y las dalias, y pasaban con ella a través del aire donde terminaban las cuatro de la tarde, y se perdieron con ella para siempre en los altos aires donde no podían alcanzarla ni los más altos pájaros de la memoria. (p.205)
Des questions insidieuses adressées à lui d'abord puis à sa mère suffirent au médecin pour constater une fois de plus que les symptômes de l'amour sont identiques à ceux du choléra. Il prescrivit des infusions de fleurs de tilleul pour calmer ses nerfs et suggéra un changement d'air afin qu'il pût trouver un réconfort dans la distance, mais ce à quoi aspirait Florentino Ariza était tout le contraire : jouir de son martyre.