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Critiques de Georges Bernanos (309)
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Journal d'un curé de campagne

Georges Bernanos - Journal d'un curé de campagne - 1936 : De quoi parlait-on dans ce livre ? Du courage d'un jeune homme issu d'une famille pauvre se retrouvant à prêcher une vie qu'il n'a pas connue à une population pervertie depuis longtemps par les caprices de l'existence. Être curé dans les campagnes françaises au début du 20ème siècle c'était revivre chaque jour l'existence de Jésus Christ dans le désert, connaître la pauvreté, le dénuement et la solitude. L'ère des nababs à soutane était finie depuis que la république s'était séparée de l'église et alors que le sacerdoce ne permettait plus d'obtenir des postes richement dotés les séminaires ne formaient plus que des prêtres issus des classes les plus populaires. Lui souffrait dans son âme du mépris affiché envers sa personne par les notables du village, il souffrait aussi dans sa chair épuisée par un cancer qui exacerbait ses doutes et ses questionnements sur sa propre foi. On avait beau être un serviteur de dieu, on en était pas moins un homme avec ses peines et ses faiblesses. Ce journal explorait avec simplicité les tourments de celui qui avait en charge les consciences des autres alors que lui-même portait la sienne enfoncée dans son crâne comme la couronne d'épines sur la tête du christ. Les pages alignaient l'écriture décharnée d'un individu dévoué à son prochain touchant par sa bonté sans artifices et sa confiance juvénile en cet être humain qui pourtant lui montrait chaque jour toute sa bassesse. Le propos n'était pas joyeux, il versait même souvent dans la mélancolie et la souffrance. Les petites victoires du quotidien (monter un club de sport pour la jeunesse, ramener la femme du châtelain mortifiée par les infidélités de son mari dans le giron de dieu) ne comblaient en rien les échecs subis pendant son ministère et l'incompréhension grandissante entre lui et une partie de ses paroissiens. Ce livre dévasté montrait que la religion vécue sans partage n'était qu'un vaste champ douloureusement stérile, une plaie ouverte à toutes les tentations. Du désespoir à l'exaltation ce texte remuait profondément le lecteur qu'il soit croyant ou non...
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Sous le soleil de Satan

En résumé, j'aime assez les adjectifs de la quatrième de couverture, “chaotique et ténébreuse” (je vais quand même en dire un peu plus…)

.



Donc, cette première publication de l'écrivain français est une sombre et ténébreuse histoire, bien que Georges Bernanos s'amuse aussi de façon discrète mais franche de ses personnages : ils sont à certains égards risibles, dans leur lâcheté par exemple, “l'habile et le prudent ne ménagent au fond qu'eux-mêmes” écrit-il.



Les personnages sont d'ailleurs un des attraits principaux de “Sous le soleil de Satan”, roman psychologique s'il en est, ce confessionnal fait livre repose sur l'incarnation d'individus de chair et de sang aux tourments invraisemblables faisant l'objet de prolixes descriptions. L'élan pernicieux et vivace de la jeune “Mouchette” est fait pour marquer, c'est une de ces figures romanesques dont on se souviendra avoir croisé la route, emblématique et pathétique, servie par une première partie dynamique, haletante et inspirée.



“Il sait aussi ce qu'est l'homme : un grand enfant plein de vices et d'ennui.” Mais l'ouvrage n'en demeure pas moins chaotique sur la forme, car le reste du roman nous perd dans le fouillis des méandres de l'examen de conscience de l'abbé Donissan, dont la “timidité faisait un ridicule martyre”. Il est un instant palpable et ses contours bien arrêtés mais nous échappe l'instant d'après… laissant le lecteur surnager dans les eaux troubles et brumeuses de la narration et finalement échouer quelques pages plus loin. Pour ma part, c'est la dernière partie du livre, éclatée façon puzzle, qui m'as vu lâcher le rondin de bois auquel je m'accrochais fébrilement, par respect pour les premiers moments alléchants du livre.



Au-delà de la (dé)construction narrative, ce qui rend (en plus) le roman difficile, voire barbant pour être honnête, c'est que Bernanos s'est enfermé dans un thème dont la pauvreté n'a d'égal que la banalité : la lutte entre l'abbé et Lucifer, dont on nous rabat les oreilles depuis L'Enfer de Dante jusqu'à l'Exorciste de Friedkin.



Pour le lecteur du XXIème siècle, après le ras de marée des films d'horreurs qui ont usé le chapelet de l'imaginaire fictionnel catholique jusqu'au copeau de bois, c'est cette exiguïté binaire et austère de la mythologie chrétienne qui rend las… cela malgré l'injustice de mon jugement anachronique, m'enfin on s'adresse ici aux lecteurs d'aujourd'hui.



Cependant la langue est bonne, l'atmosphère de la campagne artoise, ses nuits, son froid, son vent, sa pluie, sa boue, sa mer du Nord et son embrun en font une lecture parfois immersive. En outre, l'aspect un peu touffu du style laisse le bénéfice du doute à Bernanos sur une possible profondeur sibylline, prétendument insondable pour le béotien, où les mots de grâce, de joie, d'espérance, de désespoir sont érigés au rang de concepts quasi-ésotériques.



Qu'en pensez-vous ?

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Sous le soleil de Satan

Peut-être suis-je totalement passée à côté de cette œuvre, peut-être mon avis ne vaut-il que tripette, aussi me bornerai-je à ne livrer que mes impressions de lecture, pour lesquelles, je puis tout de même formuler quelques certitudes.



Je me suis littéralement engluée dans cette lecture pro-religieuse, pas motivante, pas transcendante, pas aussi subtile à mon goût que certains avis me l'avait laissé espérer. Voici une brève description de la structure du roman avec ses trois parties très distinctes :



1) un assez long prologue, étrange mais plutôt tonique, qui retrace l'histoire houleuse d'une jeune fille de seize ans, Germaine Malhorty, surnommée Mouchette. Mouchette, fille d'une famille de notables du nord de la France en fin de XIXè ou au tout début du XXème siècle, découche et s'attire des ennuis auprès des siens. Son impulsivité et son non-conformisme qui confine parfois à la folie lui font commettre de nombreux impairs.



2) une "première" partie, contemporaine du prologue, où l'on fait connaissance avec le personnage principal du roman, l'abbé Donissan, présenté comme une force de la nature mais excessivement gauche, timide et de faible intelligence. Les quatre chapitres de cette partie m'ont parus interminables.



L'auteur force le trait à n'en plus finir sur le caractère soumis (vis-à-vis de sa hiérarchie cléricale), obtus, borné, ultra spartiate de l'abbé et ses incalculables auto-flagellations (au propre comme au figuré). Bref, c'est du lourd et pour la finesse, je la cherche encore et que dire de cette rencontre avec Satan lui-même, passage d'un pathétique à donner envie de refermer le livre pour ne plus jamais le rouvrir.



Donc, notre brave pâte d'abbé a vu Satan dans le blanc des yeux et arrive même maintenant à lire dans le fond des âmes comme dans son bréviaire afin de les délivrer de leur multiples péchés et tentations du mal. C'est ainsi que sa route croise celle de Mouchette, à laquelle il va faire toucher du doigt tout le côté obscur de sa conduite et la plonger dans le repentir, chose qui n'était pas son fort auparavant. Je vous laisse le bonheur de découvrir les détails si le courage vous prend de vous engager dans cette lecture.



3) enfin, une dernière partie faite de quinze très minces chapitres, situés environ quarante ans plus tard, avec l'abbé Donissan au crépuscule de sa vie, avec un épais passé d'exorciste et de saint local, désormais en proie au doute vis-à-vis du salut en général et du sien en particulier, très affaibli, et toujours aiguillonné par l'odieux Satan.



Pour faire court, le ministre du mal arrivera-t-il à faire ployer le saint homme ? L'abbé Donissan, en proie au doute changera-t-il de regard ? C'est ce que vous saurez si vous lisez le livre, mais très sincèrement, si vous ne le savez pas, peut-être n'est-ce pas, selon moi, si grave que cela, car ce n'est vraiment pas une lecture que je conseille, sauf à titre de curiosité, pour les esprits un peu torturés comme le mien, ou mieux, pour les vrais insomniaques qui ont besoin de meubler leurs nuits sans sommeil avec toutes sortes de lectures.



Que penser encore de l'intercession aussi inutile qu'inintéressante du personnage d'Antoine Saint-Marin, écrivain renommé, lui aussi au soir de sa vie, une vie faite quant à elle de jouissance et d'égoïsme, venu en " pèlerinage " dans la petite église de l'abbé Donissan à titre de curiosité et qui y trouvera finalement " la grâce "...



Je ne peux pas non plus m'extasier sur le style, pas désagréable dans l'ensemble mais pas franchement non plus à tomber à la renverse et qui se complique parfois d'une fâcheuse tendance à l'intrication, voire à l'obscur, quand il ne fait pas purement et simplement dans l'abscons.



Impressions de lecture, comme vous l'aurez deviné, sans appel, mais je le rappelle encore une fois, tout ceci n'est que mon tout petit avis, qui avec ses lunettes fumées ne sait que se dorer la pilule sous le soleil de Satan, c'est-à-dire, qu'il ne sait pas faire grand-chose.
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Journal d'un curé de campagne

Bernanos pour Pâques. Certaines matines vont clocher.

Un jeune prêtre est nommé curé d’Ambricourt, patelin du nord de la France que Stéphane Bern ne devrait pas sélectionner pour le prochain « Plus beau village français » si on se fie à la lecture de ce roman. Les chasseurs de têtes et d’auréoles de l’époque avaient du mal à recruter depuis que la robe avait perdu de sa noblesse. Le métier n’était plus très bien payé, le célibat grattait sérieusement sous la soutane et le télétravail n’existait même pas, même si déjà les réunions avec le patron étaient dématérialisées depuis presque deux mille ans. Priez pour moi.

Le curé s’installe dans sa nouvelle paroisse avec la naïveté et la maladresse des êtres trop purs. Côté comité d’accueil, il n’a pas droit à une parade en papamobile. Au mieux, c’est de l’indifférence. Au pire, un cocktail de sournoiseries dans le calice et l'hostie hostile. Cul sec et langues bien pendues. Son énergie et son enthousiasme se heurtent aux lâchetés de ses ouailles. La désillusion succède à l’exaltation, la foi en rempart, assiégée par la repentance. Il absorbe les fautes d’autrui et ne se pardonne jamais les siennes. Pour cela, il est toujours très pratique d'avoir un ami pratiquant.

Pour supporter son chemin de croix, il va rédiger son journal dans un cahier d’écolier, éclairé par un cierge, faute de budget pour les bougies parfumées. Le titre du roman ne pouvait être plus éloquent. Un mécréant comme moi aurait choisi à tort « La grande désillusion » car, si rien n’est épargné au jeune curé, aucune épreuve n’ébranlera sa foi. Le salut est un sacré sacerdoce. Faute de miracle et du ratio syndical de persécutions, difficile de faire du curé d’Ambricourt un saint, mais Georges Bernanos, très virulent contre l’évolution de son église qu’il accusait entre autres choses d’abandonner les pauvres, est parvenu à offrir la postérité à son vertueux personnage.

Chez le polémiste, la robe a perdu de sa noblesse et les souffrances du curé d’Ambricourt sont les siennes. Dans ses écrits, Bernanos s’indigne, provoque la polémique, proche en cela d’un Léon Bloy. Dans son roman, son prêtre, issu d’un milieu très pauvre n’a pas les armes pour lutter contre les injustices et son impuissance va dévorer sa santé.

Pas très rigolo tout cela. Mais tellement bien écrit et habité d’un souffle à décalotter un évêque, signature de Bernanos. Même si vous n’avez pas envie de vous plonger dans cette histoire, trichez un peu et lisez au moins la trentaine de pages (je sais que cela ne se fait pas mais je pense que cela ne mérite pas non plus confesse auprès du libraire chez qui vous squattez tous les samedis – une fessée tout au plus et trois chapitres d’un guide de développement personnel pour expier) qui décrit un extraordinaire moment de vérité entre le curé et la comtesse (page 175 à 206 de l’édition de poche). Chaque phrase est un chef d’œuvre. Cet extrait m’a permis de fuguer de mon prosaïsme maladif pour un peu de spiritualité. Cela ne m’a pas fait de mal.

Je n’ai pas vu le film de Bresson mais les mots de Georges Bernanos se passent très bien d’images.

Ma foi, je n’ai pas arrangé mon cas. Salut le salut !

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Journal d'un curé de campagne

J'avais déjà lu une grande partie du livre depuis sa réédition aux éditions pocket au printemps 2019.

C'est un roman qu'on lit par chapitres, pas tout d'un coup afin de pouvoir apprécier l'écriture.

Lors de l'opération Masse critique de ce mois de septembre, j'ai reçu la version audio des éditions Thélème et je les en remercie.

Ce qui venait bien à point car j'ai pu compléter ma lecture.

Le jeune curé d'Ambrecourt arrive dans une paroisse du nord et parle très vite d'ennui pas pour lui, pour les habitants.

Ensuite, il est vraiment préoccupé par les classes sociales, ce Dieu qui réconforte les pauvres mais ne leur apporte pas une vie meilleure.

Lui-même est né dans une extrême pauvreté et les prêtres vivent dans la pauvreté.

De faible constitution, il est souvent pris de maux d'estomac.

Le docteur du village lui confirme que son enfance pauvre, enfanté par des alcooliques n'a rien arrangé.

Il est bien triste ce roman mais tellement bien écrit.

J'ai beaucoup apprécié les échanges verbaux avec le curé de Torcy très fâché contre l'humanité, avec le docteur Debende qui avoue sa non croyance en Dieu et s'en justifie.

L'écriture est magnifique, presque envoûtante et je n'exagère en rien mon impression.

L'audition qui est arrivée alors que j'en étais au 17ème chapitre est tout autant prenante à condition de se plonger complètement dedans. J'ai pu lui consacrer du temps car mon mari avait de nombreuses réunions aujourd'hui. Je ne vais pas dire que j'étais fâchée qu'il rentre, j'avais assez écouté.

Le roman a reçu le prix de l'Académie française en 1936.

Dans les jours prochains, je m'intéresserai au parcours de vie de Bernanos car il me semble bien mouvementé.

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Sous le soleil de Satan

Ce livre bourdonne, il transpire d’une fièvre mystique. C’est une veine que j’aime. Cependant je trouve le style trop boursouflé. Malgré le lyrisme qui par certaines images est proprement foudroyant, il y en a trop. L’envie de tout dire empêche de respirer. Cela gâte malheureusement les moments magnifiques et véritablement grandioses de ce livre.



Les parties sont extrêmement distendues. Le récit est tout en description des états d’âme dans les attitudes et les signes, les marques et les objets. L’action est simple. Tout est très psychologique. Mais les descriptions deviennent pâteuses et gluantes ; au lieu d’atteindre la limpidité de la transe sacrée, elles peignent (et c’est bien sûr nécessaire) les errements des âmes et leur avilissement jusqu’à dépasser la mesure et surenchérir, donnant trop souvent dans le grotesque et ratant le sublime qui siérait à un tel sujet.



Mais l’essai est noble. C’est le premier livre de Bernanos, qui déjà laissait paraître une maîtrise à venir dans le souffle et la puissance des images. Il manque surtout la mesure. Bernanos, à n’en pas douter, était une âme généreuse et emportée, une âme inquiète, un nerveux soucieux de frapper les esprits.



Cette histoire, sur le fond, demeure banale. L’abbé Donissan est considéré comme un saint par les autres lors même qu’il se croit un pécheur invétéré et irrémédiablement voué à ne jamais mériter la grâce divine. C’est la classique oscillation entre souillure et pureté. Et que dire de cette apparition du diable ? Grotesque à souhait mais tout de même tellement croustillante, bien qu’elle traîne en longueur. J’ai savouré le portrait de l’écrivain Saint-Marin : truculent, cocasse, tellement juste dans le rendu des nuances et des contours. Il m’est presque apparu devant les yeux. La fin ironiquement grinçante, vaut le détour que prennent ces quelque 380 pages.



J’ai fait plusieurs pauses au cours de cette lecture pour ne pas avoir à sentir l’amertume de l’abandonner. Je le traînais depuis quelques mois, il remuait dans un coin de ma tête. Je relisais religieusement certains passages pour bien m’en imprégner ; des phrases tenaces, qui agrippent et ne lâchent pas l’esprit comme les serres d’un oiseau de proie. Parce que ce n’est pas une lecture facile et digeste. C’est un livre qui, malgré tous ses défauts et son épaisseur, élève et fait entrevoir vigoureusement une dimension fascinante, sans pour autant provoquer la transcendance.



Une lecture douloureuse mais que je suis content d’avoir accomplie, il est de ces livres que l’on est satisfait d’avoir lus non pour pouvoir les rayer de sa liste mais, on ne sait trop comment, parce qu’on ne se rend compte qu’à la fin des bienfaits que le temps et l’énergie qu’on y a consacrés nous ont valus. C’est comme faire l’ascension d’une montagne en pleine nuit pour atteindre le sommet et admirer le soleil se lever.



Un livre viril, plein de relief et de fougue, où le sacré semble palpable et paraît palpiter lourdement dans l’air qui enveloppe ces personnages, comme un génie fatidique contre lequel rien ne sert de lutter, l’insaisissable et inéluctable destin qui échoit à cet animal tourmenté qu’est l’homme.
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Journal d'un curé de campagne

Lorsque Bernanos publie « Journal d’un curé de campagne » en 1938, la critique et le public l’acclament ; des millions d’exemplaires sont vendus, il obtient le grand prix de l’Académie française et André Malraux ira jusqu’à écrire dans la préface que ce livre est l’héritage de Dostoïevski et Balzac. Plus tard, il sera inclus dans la liste des douze meilleurs romans du demi-siècle aux côtés d’autres illustres œuvres telles que « Les Faux-monnayeurs », « Thérèse Desqueyroux » ou « Un amour de Swann ».

Dans la petite ville d’Ambricourt, dans le nord de la France, un prêtre fraîchement sorti du séminaire prend ses fonctions. Son caractère effacé s’oppose aux réticences de ses nouveaux paroissiens doutant de ce jeune homme timide et souffreteux. Notre curé prend cependant des décisions pour sa paroisse : s’occuper sportivement des jeunes, visiter chaque famille au moins une fois par trimestre, … Régulièrement, Il rend visite au comte ( qui l’insupporte) à la comtesse ( qu’il finira par réconcilier avec Dieu) et leur fille Chantal ( qui le tourmente plus qu’autre chose). Très jeune, notre homme s’effondrera physiquement et mourra assez sordidement à Lille.

C'est un curé triste et qui souffre, mais c'est une tristesse qui rend bon et qui n'empêche pas les moments d'allégresse.

La première page du livre est vraiment d'une très grande beauté, quand il décrit le petit village de sa paroisse qui croule sous l'ennui et le compare à une bête couchée sous la pluie. Il y a beaucoup d'autres passages qui évoquent des images avec force, c'est une écriture qui touche profondément l'imagination. Au final on se sent vraiment bouleversé par ce jeune prêtre convaincu et on a l'impression d'avoir touché un peu l'indicible.

Toutefois, Bernanos tient à ne jamais peser sur le jugement du lecteur et, par ailleurs, son très beau roman peut se lire sans aucune connaissance religieuse particulière. Toutefois il n'est pas d'une lecture facile et suppose un minimum de concentration ; mais ça en vaut la peine : son Journal d'un Curé de Campagne constitue un enrichissement certain, tant sur le plan littéraire que spirituel.
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La France contre les robots

Violemment ébranlé par la montée des nationalismes, dégoûté par le nazisme et le fascisme qui en ont été la consécration, affolé par ces dictatures qui ont allègrement piétiné les droits de l'homme, mais aussi bouleversé par ces démocraties qui ont choisi de mettre un terme à la deuxième guerre mondiale en lançant sur des populations civiles la bombe atomique, inquiet de la place que prennent déjà le confort, le profit, la machine dans l'ère qui s'annonce, Bernanos, presque au terme de sa vie, trempe sa plume dans le vitriol et adresse une harangue aussi mordante que visionnaire aux jeunes gens et jeunes filles qui feront l'histoire de demain...



Imbéciles, nous dit-il, avec une tendresse teintée de mépris, imbéciles, vous abdiquez chaque jour un peu de votre liberté, de votre responsabilité, accordant ainsi aux états un pouvoir inconsidéré sur la vie individuelle.



Dans votre désir de confort, se devine un conformisme qui a déjà transformé l'égalité en conformité: quel progrès y a-t-il à vous voir tous pareils, si ce n'est qu'on peut plus facilement vous guider, vous manipuler, vous conditionner?



Imbéciles, le marché, le libéralisme économique, sont les nouveaux monstres qui se nourrissent de l'abdication de votre jugement et de votre liberté...



C'est de votre aveuglement, de vos faiblesses qu'ils croissent et se fortifient, puissamment secondés par les machines...



Un texte fort. Visionnaire. Qui secoue l'imbécile en nous!



L'appel à la révolte, chez Bernanos, bien sûr, va de pair avec celui de la Foi- mais chacun peut l'entendre à sa facon, croyant ou non : la foi de Bernanos est celle des pauvres, celles des anarchistes, celle des révoltés : on peut l' entendre comme une forme de courage, courage à espérer et courage à agir.



À relire...ou écouter dans le remarquable spectacle créé par Hiam Abbas, Jean-Baptiste Sastre et Gilles Bernanos ( petit-fils de..).



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Sous le soleil de Satan

C'est une superbe - et ô combien vertigineuse - plongée dans les tourments de la foi et de l'âme humaine que nous offre ici Georges Bernanos. Oeuvre complexe et profonde, ce roman noir dépeint avec une grande finesse et d'une plume singulière le combat d'une vie, l'affrontement éternel entre la Lumière de Dieu et la Fausse Aurore du Diable.



Voici donc le jeune abbé Donissan, simple vicaire de campagne doté d'une humilité touchante et pourtant si peu sûr de lui, errant timidement dans ce monde sans parvenir à le comprendre. Il devra, pourtant, rencontrer le Diable. Ce compagnon qui sera celui de toute une vie, plongeant dans le tourment une existence déjà perdue.



Je pourrais, je le pense, passer des heures à évoquer le lourd parfum de ténèbres qui s'échappe de ce récit. Ces accents de tristesse, d'oubli, de souffrance, ces notes aiguës de solitude et de désespoir, ces froides images de pluie, de nuit, l'air glacial des Églises et la noirceur de l'étroit confessionnal.



C'est le récit violent d'un grand coeur ouvert à l'Amour de Dieu, qui peu à peu s'étiole et se déchire sous les cris incessants, les souffrances des âmes qu'il voit et console sans jamais les guérir.



Mais, au delà de la fiction, s'exprime toute la personnalité de l'auteur, dont les interrogations, les luttes et les doutes ne sont autres que ceux, si nombreux, du prêtre torturé. Et peut-être les nôtres, également. Car, si l'abbé n'a de cesse de "descendre en lui même", afin d'explorer toutes les strates de son être, c'est à l'intérieur de nous-mêmes que l'auteur nous invite à plonger, partageant tout à coup nos craintes, nos errances, et le mystère de nos existences.















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Nouvelle histoire de Mouchette

Mouchette. Si jeune et si fragile. Pourtant si dure face à son destin.

Mouchette a quatorze ans. Sa vie n'est que misère. Des parents alcooliques, sans tendresse. Des coups qu'elle prend, sans gémir. Des insultes qu'elle reçoit, sans broncher. Même à l'école, où pourtant elle aimerait avoir sa place, elle aimerait un peu de repos mais Madame la rudoie, lui insuffle la honte devant ses camarades. Des camarades, d'ailleurs elle n'en a pas. Qu'aurait-elle à partager ? du silence. Des mots coincés au fond de son coeur qu'elle ne sait exprimer. Pourtant, elle en rêve des beaux mots. Elle en rêve de l'amour, sentiment qu'elle ne sait nommer mais qu'elle ressent dans son corps, dans son âme. Oui, elle l'offrirait cet amour. Oui, elle donnerait son corps à cet autre qui viendrait un jour. Elle n'a que ça à offrir, Mouchette. Elle. Et sa virginité.

Mais un destin inéluctable semble régner...



« Tout ce grand espoir qu'elle a eu, si grand qu'il n'était sans doute pas à la mesure de son coeur, qu'elle n'en a tiré aucune vraie joie, qu'elle ne garde que le souvenir d'une attente merveilleuse, à la limite de l'angoisse, tout ce grand espoir n'était donc que le pressentiment d'une humiliation pire que les autres, bien que de la même espèce. Elle est allée seulement plus profond, si profond que la chair elle-même y répond par une souffrance inconnue, qui rayonne du centre de la vie dans le pauvre petit corps douloureux. »



Que d'âpreté dans cette histoire. Quelle tragédie !

Dès les premiers mots, Bernanos nous impose sa Mouchette. On entre immédiatement en empathie avec son personnage. L'image du destin de Fantine de Victor Hugo s'est aussitôt collée à ma rétine et je savais que Mouchette n'échapperait pas à son triste sort.

Tout conduit cet être solitaire vers son noir destin. La compassion n'existe pas ou peu chez ses semblables. L'abus de pouvoir, d'autorité semble au contraire bien répandu. Et face à la honte, à la solitude, au mépris, Mouchette ne trouvera qu'une échappatoire possible pour contrer sa souffrance, son mensonge. Même la nature enveloppe Mouchette de misère : le froid, la pluie, la boue sont omniprésents.



Un roman très marquant et très marqué sur le déterminisme social.

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Madame Dargent

Madame Dargent, épouse d'un écrivain célèbre est mourante. Elle va avouer à son mari qu'elle a toujours été au courant de ses trahisons et va ajouter cette phrase énigmatique : « Ce que tu as rêvé, je l'ai vécu. », cette phrase prélude à de terribles révélations et va entraîner le drame..



Georges Bernanos, dans cette courte nouvelle, nous confronte ici aux trahisons, à l'agonie, à la mort, mais aussi à la responsabilité de l'écrivain.

le récit est court, l'auteur fait remarquablement croître la tension, Madame Dargent présentée initialement comme insignifiante prend de plus en plus d'épaisseur.
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Dialogue d'ombres

Première incursion dans l’univers de Georges Bernanos. J’ai préféré ne pas me lancer directement dans la lecture de Sous le soleil de Satan, dont j’ai entendu tout et son contraire, et commencer par des nouvelles, une approche plus douce, qui me semblait plus douce. Finalement, pas tant que ça.



Ce petit recueil est composé de trois nouvelles : Madame Dargent (1922), Nuit (1928), Dialogue d’ombres (1928)

La première nouvelle (Madame Dargent) est intéressante par l’ambiguïté qu’elle laisse planer entre fiction et réalité, et qui aurait pu être encore plus poussée. Une épouse au seuil de la mort retient son mari à son chevet, un illustre romancier, et lui confie ce qu’il n’a pas voulu ou pas su voir en elle. Ce dialogue étonnant entre les deux époux louvoie sur la manière ambiguë dont un lecteur peut s’accaparer les rêves et les désirs qu’un auteur peut projeter dans son roman. Et vice versa.



En revanche, la seconde nouvelle, Nuit, m’a laissée totalement dans la nuit. Je n’ai pas du tout saisi où l’auteur voulait en venir. La solitude de la mort ? L’escalade de la vengeance ? Les jugements à l’emporte-pièce ? Bref, je suis complètement passée à côté.



Et la troisième nouvelle, Dialogue d’ombres, ne m’a pas beaucoup plus inspirée. Il s’agit d’un dialogue entre deux amants. Lui, souhaiterait l'épouser tandis qu’elle se complait à ne vouloir être que sa maitresse. L’amour érigé au rang de martyre, de dépendance, soumission, vecteur de pitié, ce n’est trop mon truc. Pourtant, elle aurait pu être intéressante car elle met aussi en scène deux individus dont l’un est très croyant et pas l’autre.



Même si la première nouvelle Madame Dargent est plaisante, l’ensemble est tout de même assez spécial. Je dirais que ces nouvelles (en particulier les deux dernières) n’ont pas très bien vieilli. Il y a en filigrane (quand ce n’est pas avec exaltation) une conception de la moralité et de la vertu, une mise en scène de la mort dans une sorte de duel entre le bien et le mal qui a tendance à me faire lever les yeux au ciel. Il y a pourtant aussi de beaux passages, des phrases qui jaillissent et vous laissent pantois, et puis, le paragraphe suivant, c’est le retour à la réalité … et en ce qui me concerne hors de l’histoire. Dommage.

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Un crime

Georges Bernanos n'était pas un écrivain de roman policier. Pourtant, écrit en 1934, ce livre regroupe tous les aspects d'un polar : un crime, un mobile, un assassin, une enquête. Alors pourquoi ce livre si bien écrit ne fut pas considéré comme un chef d'oeuvre à sa sortie ? Il est vrai que reprendre un curé de campagne pour principal protagoniste, suspect de surcroît, n'était peut-être pas du goût de tous. La plume de l'auteur y est très fine, délicate et recherchée. En cela elle correspond très bien au caractère de son personnage principal. L'histoire est intéressante : une vieille dame riche et solitaire est assassinée la nuit de l'arrivée du curé de Mégère, venu prendre ses fonctions dans ce petit village. D'autres drames suivront et l'enquête piétinera. Les personnages ne manquent pas de personnalité, notamment le juge d'instruction qui s'enlise dans son enquête.



S'il est certain qu'Un crime ne représente pas l'idée que l'on se fait d'un roman policier, de par l'écriture elle-même qui peut paraître désuète aujourd'hui, Georges Bernanos était bien en avance sur son temps. Manipulation, mensonge, homosexualité, travestisme, perversion, tout y est, ou suggéré. Aujourd'hui, l'on ne s'étonne plus de retrouver tous ces ingrédients dans nos livres, mais à l'époque, ça devait faire tache.



Alors chef d'oeuvre ou pas ? A vous d'en juger. Pour ma part, je suis malheureusement passée à côté de quelque chose, vers la fin, et je n'y ai pas compris toutes les subtilités. La postface indique qu'Un crime invite à une relecture, pour bien saisir la machination. Alors oui, je le relirai un jour.
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Journal d'un curé de campagne

Le siècle dernier semblait encore propice à l’expression d’une individualité prise au piège d’une solitude nourrie par la différence. Le vécu catholique, en proie à une désagrégation subtile, persistait encore courageusement et trouvait un écho plus direct chez ses lecteurs contemporains que ce ne serait le cas aujourd’hui. Quel ressort dramatique utiliserait-on à présent pour encadrer les illuminations mystiques d’un homme d’abord isolé à cause des autres, avant de choisir cette solitude comme vocation ? Dans la profession de foi de ce curé de campagne, le raccourci entre l’abandon et l’exaltation spirituelle se satisfait d’idées préconçues. Georges Bernanos peut déployer la panoplie des sentiments contrastés de son personnage avec une souplesse presque géniale, si elle n’était contrainte de fait à s’embarrasser de tous les lieux communs cristallisés autour de la vocation ecclésiastique.





Georges Bernanos s’éloigne tranquillement d’une forme de narration classique en nous soumettant le journal de son curé de campagne et si les événements nous paraissent ainsi plus troubles, assumant une part d’illogisme que les ellipses mystérieuses abandonneront à notre imagination, ils n’échappent cependant pas à l’obligation de la cohérence sur la durée des journées décrites par le curé. Une fois remplies les inévitables contraintes formelles permettant de caractériser le personnage par opposition à ses congénères humains, que ceux-ci soient ecclésiastes ou mortels campagnards, une fois toute la fanfaronnade des particularités individuelles brandies comme composantes uniques d’une personnalité, reste la force d’évocation d’intuitions spirituelles qui nous prouvent que Georges Bernanos n’écrit pas sous la forme d’hypothèses des emportements mystiques impossibles à contrefaire. Mais parce qu’il se croit rare et que ses sentiments lui apparaissent comme une aumône privilégiée, ou peut-être simplement parce qu’il ne sait pas comment parler de l’indéfini sans le rapporter à une expérience particulière, Georges Bernanos entrave son expansion mystique par une complaisance en soi et un mépris des autres qui nous prouve que son curé est effectivement humain –trop humain- tâtonnant sur un chemin d’élévation que Georges Bernanos semble lui-même chercher avidement.


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Dialogues des Carmélites

Peut-on aujourd’hui dissocier la pièce de théâtre de Bernanos de l’opéra qu’en fit Francis Poulenc ? Je ne pense pas. Les deux inauguraient, chacun dans leur domaine, un langage nouveau et fort qui ouvrait de multiples voies… Laissées à l’abandon, car ce qu’elles proposaient était bien trop complexe pour les écrivains et compositeurs qui suivirent.



Car ce qui se montre là est impressionnant. Une discussion sur un fer à repasser prend une dimension théâtrale. La lecture d’un décret ou d’un jugement devient musicale. L’agonie d’un des personnages n’est ni la douce mort de Werther ni le rapide coup de couteau de Caligula. C’est une femme malade qui se débat, qui souffre, qui paniquée face à la mort essaye désespérément d’échapper à l’inéluctable. La langue française, si difficile à manier, s’y exprime avec une puissance et une diversité de rythme inimitable.



Il est vrai que l’histoire semblait choisie pour faire fuir d’éventuels élèves. Peu avant la Révolution une jeune aristocrate, Blanche de la Force, entre au Carmel. Outre son naturel très religieux, elle espère y trouver un refuge à son tempérament craintif et son agoraphobie. Expulsées par un décret révolutionnaire, les religieuses doivent retourner à la vie civile. Mais la Terreur fait rage, et la moindre dénonciation ou le plus petit soupçon mènent à la guillotine…



Il y a là de quoi refroidir tout le monde. Les républiques françaises n’ont jamais aimé qu’on s’appesantisse trop sur les envois intensifs à l’abbaye de Monte-à-Regret de la première du nom. Les thèmes abordés – la foi et la vie religieuse, la mort et la peur, le sacrifice et l’orgueil, le courage et la lâcheté – rebuteront les non-croyants ; et ils sont explorés si durement et avec une telle profondeur qu’il y a de quoi perdre la plupart des croyants.



Une tendance à braquer tout le monde typiquement bernanosienne. Quant à Poulenc, son homosexualité combinée à un catholicisme flamboyant en font une provocation vivante pour les cléricaux comme pour les anticléricaux, ou un test pour reconnaître les gens réellement ouverts d’esprit d’un côté et de l’autre.



Aussi pièce et opéra restèrent-ils confinés aux connaisseurs et n’eurent pas le rôle que, je pense, ils auraient du avoir dans le renouvellement de la culture française. Le théâtre alla lorgner du côté du Boulevard ou de l’abstrait ; et je n’ai jamais retrouvé une telle puissance et une telle force même dans le metal le plus extrême.



Le ‘Dialogue des Carmélites’ résume pour moi tout un avortement de la culture française dans l’après-guerre, dont le principal symptôme fut un maniement de plus en plus laborieux de notre langue, de ses tournures tordues et de sa rythmique complexe. Voila en tout cas ce que je ressens à chaque fois que je l’écoute…
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Un crime

N'étant pas très férue de religion, j'appréhendais un peu cette lecture choisie par Stemilou. Mais le roman est court, parfait pour une première approche de Bernanos.

Cette intrigue policière, l'auteur l'aurait écrite pour des raisons financières. Un jeune curé, touchant par son innocence, sa fragilité, ses traits délicats et son caractère intense, débarque en pleine nuit dans un petit village de Provence. Son prédécesseur est décédé quelques jours avant, et il s'installe auprès de Mlle Céleste, la bonne qui le prend aussitôt sous son aile, émue par sa jeunesse. Cette même nuit, il entend un hurlement au loin et alerte aussitôt le maire pour qu'une battue ait lieu. On retrouve un homme agonisant non loin du château où a été assassinée sa vieille propriétaire.

L'enquête commence alors que le jeune curé disparaît, sans même avoir officié.



J'ai découvert l'écriture sublime de Bernanos, ses descriptions autant paysagères que psychologiques, et la complexité des individus plongés dans leur propre passé, leur solitude.

Le roman se lit vite, il est plus existentiel que criminel mais l'intrigue pousse le récit à des questionnements ludiques.

J'ai aimé.

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Sous le soleil de Satan

Sous le soleil de Satan est un roman vraiment particulier. Il s’en dégage une atmosphère et une ambiance particulièrement singulières. L’écriture de Bernanos y est d’ailleurs pour beaucoup. Parfois fluide, parfois lourde et pesante, elle entraîne le lecteur dans différentes phases.



Ainsi le début du roman, consacré à l’histoire de Mouchette se lit aisément. Il nous conte la vie de cette jeune femme en proie à la passion et à la tentation qui la pousseront irrémédiablement dans les baffons de l’âme humaine.

La deuxième partie, « la tentation du désespoir » s’attache au personnage de l’abbé Donissan, jeune prêtre tourmenté, complexe, profondément attaché à sa fonction mais ô combien mal apprécié par sa hiérarchie cléricale. Ce cœur du roman est long et tortueux. Il contient de magnifiques passages sur la dualité humaine, perpétuellement en équilibre entre le bien et le mal. Il faut s’accrocher car la lecture devient difficile et sinueuse. Les phrases sont bien souvent longues et la qualité lexicale nécessite une certaine attention du lecteur (je parle en connaissance de cause). Clairement nous ne sommes pas dans de la lecture dite de détente. Sûrement ma méconnaissance du clergé m’a fait passer à côté d’éléments importants.

Cependant Sous le soleil de Satan n’en reste pas moins un roman marquant, une lecture difficile mais le jeu en vaut la chandelle.
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Les grands cimetières sous la lune

Sur les étals des libraires fleurissent « les grands cimetières sous la lune ». A l’ombre de l’excellent « pas pleurer » de Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014, l’orange de la couverture de cette réédition attire l’œil. Cette mise en avant du récit de Bernanos écrit en janvier 1937 à Palma de Majorque parait comme la dénonciation des actes barbares commis par les troupes phalangistes. C’est du moins ce qu’il reste de ces 330 pages préfacées par Michel Del Castillo. Mais, à aucun moment, cet avant propos ne fait état des relents nauséabonds antisémites et homophobes que ne peut s’empêcher de retenir l’auteur. Car il faut le dire, « les grands cimetières sous la lune » ce n’est pas seulement la dénonciation d’un crime civil mais aussi l’acte de foi politique réaffirmé d’un homme qui condamne la Démocratie et la République. Certes, il n’est pas question de nier l’accusation que porte Bernanos sur ces assassins du peuple. Mais, rappeler que son indignation comporte trois motifs : 1. Une violence commise sous le couvert de l’église catholique, ce que réprouve l’auteur. 2. L’inacceptable ingérence de militaires étrangers en Espagne, lors de cette guerre. 3. La mort, sans causes, de pauvres ouvriers et paysans attirés de ce fait par la cause communiste. Il n’y a rien de plus aux motifs de cette condamnation. Dans son introduction, Michel Del Castillo considère de manière outrancière le récit de Bernanos comme « un premier acte de résistance avant guerre ». Il n’en est rien. Ce n’est pas la redondance puérile du « Cher Monsieur Hitler » lors des dix dernières pages qui feront de l’écrivain polémiste un combattant avant l’heure du nazisme. Nulle question dans ce livre des milles barbaries commises par le régime nazis, des camps de concentration en action depuis quatre années. Certes, l’auteur ne sera pas de Vichy, comme il n’était plus d’Action Française. Certes, l’auteur n’aimait pas son leader, Maurras l’athée. Oui mais, cette détestation sera aussi l’occasion pour Georges Bernanos de réaffirmer sa foi et sa fidélité au père de la ligue antisémitique de France Edouard Drumont. C’est ainsi que dans « les grands cimetières sous la lune » Bernanos réaffirme que l’auteur de « la France Juive » et de « la tyrannie maçonnique » reste son maître à penser. Opposer à la Démocratie et Royaliste Légitimiste il renvoi dos à dos les hommes politiques de droite comme de gauche. Ces faveurs vont à l’ancien monarque Henri IV. Favorable à une monarchie Bernanos l’est à n’en pas douter. A une monarchie constitutionnelle ? Certainement pas, il n’a aucun gout pour ce qui exclu le droit divin. Après la rédaction de ce livre et les accords de Munich signés, conforté dans sa détestation des hommes politiques de la IIIème République, Bernanos s’exilera au Brésil. Il choisira de s’installer au sein d’une dictature. En effet, depuis novembre 1937 le Brésil est dirigé par Gétulio Vargas au pouvoir depuis un coup d’état. Pour plusieurs années le dictateur instaurera l’estano novo (état nouveau) terme repris de Salazar. Bernanos restera installé dans ce pays de censures jusqu’en 1945, année de la destitution du dictateur Vargas. C’est pourquoi, il ne faut pas faire des « grands cimetières sous la lune » le récit de ce qu’il n’est pas : une ode à la liberté. Non, ce livre n’est que l’amertume manifeste d’un catholique monarchiste attaché à l’autoritarisme d’état, face à l’horreur d’une guerre civile commise par ceux qu’il considère de son camp. « Les grands cimetières sous la lune » c’est aussi la réaffirmation de la pensée profonde de l’écrivain quant à ses convictions politiques et morales. Cette réédition à pour but de véhiculer une pensée. Elle doit se lire de manière critique avec notre vision du monde présent et non seulement à l’aune des événements de 1937. En ce cas, que devons nous penser en lisant la phrase suivante : « Que peuvent avoir de commun les paysans de Manuel Fal Conde avec ces aristocrates mâtinés de juif, qui tiennent de leur double origine les formes les plus exquises de la lèpre ou de l’épilepsie, et dont l’absurde égoïsme a perdu la Royauté ? » Que penserions nous d’un écrivain si pour se justifier il écrivait cela : « De plus, les juifs sont puissants dans le monde et valent d’être ménagés…Mais nous les ménageons pour qu’ils nous ménagent à leur tour, c'est-à-dire qu’ils ménagent l’église. Et peux être même qu’ils dispensent un jour quelque part de leur superflu aux misérables échappés des massacres ». Quels seraient nos réactions si en 2015 sous la plume d’un écrivain reconnu nous découvrions la phrase suivante : « C’est au nom de l’ordre européen menacé par les communistes que les nazis ont pris possession de l’héritage des Habsbourg. Mais ne l’avions nous pas déjà sacrifié, en 1917, cet héritage à l’Italie ? L’Empereur Charles offrait la paix. Nous avons prolongé d’un an la guerre, pour une espèce d’entité géographique, une nation paradoxale, une nation sans tradition nationale, la plus pure création au dix neuvième siècle, de la maçonnerie universelle ». Et s’il n’était que cela ! Bernanos nous livre ses sentiments délétères concernant les invertis qu’il abhorre. Un livre ou tous ces éléments se rassemblent, un auteur qui compare ceux qu’il n’aime pas à des nègres blancs similaires à « ces sauvages ». C’est aussi cela « les grands cimetières sous la lune ». Non ce livre ne devrait pas figurer au premier rang des étals de nos librairies. A quoi bon combattre les totalitarismes et les extrémismes fleurissant si nos nombreux passeurs de paix et de fraternité donnent à penser comme eux. Nous ne pouvons chanter la liberté et vitupérer contre le racisme et l’antisémitisme galopant tout en laissant sans critique de tels récits, fusse-t-ils anciens. Alors, si la curiosité vous pousse à découvrir Bernanos ne vous tournez pas vers « les grands cimetières sous la lune ». Vous n’y trouverez rien de réjouissant. Il n’y a rien à retenir de ce récit, pas même la lecture des atrocités d’une guerre
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Sous le soleil de Satan

Incontournable en effet ce roman puissant et troublant, dont la religiosité extrême peut déranger mais dont la portée dépasse largement les portes de l'église.



Il y a dans ce jeune vicaire, parce qu'il est rustre et pur, dans son mentor, parce que sa bonté fondamentale dépasse les dogmes, et dans cette satanique Mouchette, parce qu'elle est si jeune, des personnages au caractère universel qui viennent nourrir pour longtemps la réflexion du lecteur sur l'essence humaine et la vanité de l'opposition du Bien au Mal qui coexistent en chacun.

Une vérité dont le poids est si lourd à porter par le vicaire devenu prêtre, heurte si violemment son désir de sainteté, qu'il est impossible de ne pas compatir à sa souffrance.

Un très grand roman qui dérange et interroge.
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Les grands cimetières sous la lune

A lire d'une traite , c'est, un peu (un peu plus même ! ) Indigeste. Mais petit à petit, en faisant des pauses qui permettent de respirer, de s'aérer avec d'autres lectures, c'est faisable ... et je me suis surprise à prendre de plus en plus d' intérêt dans cette lecture que j'avais envisagé, un moment, d'abandonner.



Ce livre publié en 1938, avant que la guerre d'Espagne ne prenne fin est d'abord un violent pamphlet contre le franquisme qui est en passe de vaincre avec la complicité, je dirai même la duplicité, du clergé espagnol et du Vatican. Mais Bernanos a compris que cette guerre civile n'était qu'un prologue à “la tragédie universelle à venir”, celle de la seconde guerre mondiale et les exemples qu'il rapporte sont autant d'arguments qui confortent ses prédictions.

Bien sûr Bernanos n'est pas tout blanc et au fil des pages bien des propos peuvent égratigner, choquer.

Alors je préfère me référer au texte écrit par Albert Camus dans Alger Républicain, le 4 juillet 1939, lui , avec son intelligence , son coeur, son humanisme, avait, une fois de plus tout compris :

« Georges Bernanos est un écrivain deux fois trahi. Si les hommes de droite le répudient pour avoir écrit que les assassinats de Franco lui soulevaient le coeur, les partis de gauche l'acclament quand il ne veut point l'être par eux. Car Bernanos est monarchiste. Il l'est comme Péguy le fut et comme peu d'hommes savent l'être. Il garde à la fois l'amour vrai du peuple et le dégoût des formes démocratiques. Il faut croire que cela peut se concilier. Et dans tous les cas, cet écrivain de race mérite le respect et la gratitude de tous les hommes libres. Respecter un homme, c'est le respecter tout entier. Et la première marque de révérence qu'on puisse montrer à Bernanos consiste à ne point l'annexer et à savoir reconnaître son droit à être monarchiste. Je pense qu'il était nécessaire d'écrire cela dans un journal de gauche ».

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