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Critiques de Georges Bernanos (309)
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Journal d'un curé de campagne

Ce journal aura été ma lecture la plus singulière de l'année.

Typiquement le roman qui sera difficile de se voir à nouveau publier de manière "grand public" à notre époque si matérialiste...si "rationnelle".

Le curé et la campagne...le siècle, le millénaire dernier. Cette France pas si lointaine en terme de période mais absolument éloignée en termes culturels.

Même si par moments difficiles à comprendre, j'ai beaucoup aimé les interrogations existentielles, philosophiques, religieuses, ses doutes de ce jeune abbé d'un petit village. Ses savoureuses interactions avec un aîné dans ce ministère, avec les taiseux du village, les autorités locales. Ses confrontations avec les petites turbulentes et la petite aristocratie locale. Ému par cette conversation houleuse avec une autre qui débouchera sur la mise à nu de douleurs enfouies de drames épouvantables.
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Un crime

Ce roman s'organise tout entier autour de la foi religieuse de George Bernanos, et marque un enracinement dans la terre française, son passé est immuable, dont il se fait le peintre minutieux. Toute son inspiration transparaît dans le choix de ses personnages abandonnés de Dieu, qu'ils soient criminels, mécréants ou simples d'esprits. L'auteur décrit l'itinéraire de la misère à la joie en s'appuyant constamment sur la transfiguration chrétienne, la vision celeste jusqu'au seuil de la mort. Aujourd'hui il suscite moins d'intérêt, mais pas le mien; sans doute à cause de ses pamphlets catholiques beaucoup trop intransigeant selon la critique de l'époque, mais éveille encore quelques curiosités sur la nature profonde de l'oeuvre de Bernanos.

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Monsieur Ouine

Quel singulier long-esprit, Bernanos, mystérieux, ombreux, solennel, précautionneux, grave, symboliste, économe, avec comme la cogitation compassée d’un vieil ecclésiastique, en chicane indécidable et en appesantissements d’apparente profondeur, tout en paraboles bizarres, ouvragées de soin sacerdotal, où l’on sent le tact compté de doigts froidement graciles espérant une révélation. Vient-elle, la révélation ? Elle est toujours mûrement attendue, comme la scène après un grondement d’orgue ou de cuivre. En quoi consiste-t-elle ? On l’ignore ; c’est sans doute le propre des mystères : un silence l’annonce, mais on ne la suppose propre qu’à certains élus. On baigne dans une beauté mystique, dans une littérarité départie d’intentions affirmées, aux effets circonscrits et successifs, où l’action séculaire est plutôt tue, et qui ne devine pas son plan général. À dire vrai, autant l’avouer net : on sait à peine ce que ça raconte.

Philippe, surnommé inexplicablement Steeny, las des enfantillages de son âge, profite d’une occasion pour se rendre au château de Mme de Néréis, de réputation extravagante, où se meurt son mari diabétique. Là, il rencontre M. Ouine, un professeur de langues vivantes, dont les manières et le style compassés le fascinent autant qu’ils lui semblent ridicules – on ne saura jamais tout à fait pourquoi c’est ce personnage que Bernanos a choisi en titre, car il disparaît d’assez longs moments, et son rôle est moins important que beaucoup d’autres. Puis un valet de ferme est tué en campagne – je n’ai pas réussi à trouver comment et pourquoi –, et notamment le maire du village, un médecin et un curé, considèrent avec philosophie et distance, d’un point de vue ontologique ou quelque chose comme ça, les effets de l’événement qui finit de corrompre la mentalité des habitants en bestiaux instinctifs et terreux. Une masse inédite, comme de plomb fermenté, enveloppe l’intrigue bizarrement cousue, constituée en scènes elles-mêmes séparées en fragments surtout dialogués, et ces scènes, au moins jusqu’à la page 75, désarçonnent par le difficultueux de leurs rapports et des antécédents narratifs qu’il faut avoir lentement assimilés ou pressentis pour comprendre leur teneur – et, certes, c’est impatientant. À ce stade, j’ai été tenté d’aller chercher un résumé de l’intrigue pour assembler ces extraits en un tout sensé et chronologique qui me débarrasserait de cet aspect d’inutile et pesante alambication de l’énigme et qui expliquerait une partie de l’obscurité des personnages, mais à partir de là, comme les situations paraissent se reconnecter – à moins que le lecteur ne s’habitue à ce genre de découpe –, on suit avec plus de fluidité les méditations de ces êtres qui, n’ayant guère à faire, s’épanchent en développements longs sur presque rien. À la fin, comme Steeny aventure cette phrase à son improbable mentor : « Vous parlez beaucoup pour ne rien dire, exprès. », son mot résonne en moi presque drôlement comme un aveu de l’auteur lui-même sur son œuvre. Sa réponse ? « J’ai bien d’autres choses à dire, en effet. En vain ai-je tâché de les mettre en ordre, elles s’échappent de moi toutes ensemble, je suis hors d’état de les retenir, tel est sans doute le premier symptôme de la corruption. D’autres vont suivre. » Ce n’est pas tellement une consolation, je trouve. Pour un artiste, c’est même un vice cruel : s’exprimer sans contenu ; logorrhée dont n’émane qu’une haleine, qui est le style, et qu’on charge d’ombres pour figurer quelque objet projeté, à deviner.

Bernanos me fait l’effet de feindre le sage et de vouloir profiter du malentendu produit par des récits lents et obscurs pour induire chrétiennement l’idée que l’insaisissable est le propre du profond, et, partant, que son œuvre est abyssale et universelle. Je ne nierais pas son art parce que ce serait malhonnête – encore que son style soit plutôt alourdi de symboles qu’éclairé par eux, à force de cacher on surcharge –, mais la pesanteur omniprésente, pleine de nuits et de silences nécessaires, où point une tension bizarre, semble dissimuler l’absence de direction, la honte d’une attente forcée sans débouché, cette sorte de honte qui, chez l’artiste incomplet, veut se rehausser en marques d’humilité et de fausse pudeur ; et la tension n’éclate guère, comme dans les Conrad que j’ai lus, la faute à une faiblesse caractérisée de consistance qui empêche la possibilité même d’une surrection et qui ne permet que des épanchements vagues, de sorte que la volonté littéraire ne se rencontre que dans cette (dis)simulation d’une intrigue supposée sage et profonde, ponctuée de dialogues étrangement intellectuels et métaphoriques, où abondent des transitions compliquées, peu vraisemblables, artificieuses. Entre ces personnages, un ton trop unanime d’ampoule et d’obséquiosité, languide, torpide, rend une froideur de vieilles pierres où s’insinue et siffle un vent sinistre mais qui est peut-être une fausse distance, un simulacre de détachement, rien qu’une impression de perspective parce qu’on s’imagine toujours qu’un tel air traverse de vastes espaces et amasse quelque chose de sa vertigineuse sapience de nature en passant, et, pourtant, c’est fortuitement et rarement qu’on trouve entre ces pages des éléments précieux, des perspicacités, des leçons réelles qui soient plus que des péroraisons de vieillards qui s’écoutent, parmi nombre d’anodines formules et de figures blanches d’une assez insipide monotonie. Et je puis entendre qu’il faut un recul assez inhumain comme le mien pour ne pas se laisser attendrir par le bénéfice-du-doute de ces gros morceaux-de-bravoure amassés en effets impressionnants, par des soupçons de grandeur d’un écrivain d’une immaculée propreté, par des illusions de gouffre issues d’une voix caverneuse à maints échos, bien que des hasards aussi produisent des fulgurances dont l’augure plus que l’exactitude attire et dérange : on approche, on appréhende, on devine en loin des vérités plutôt qu’on ne les aborde ou saisit à plein, ce sont plutôt des vérités qu’on fait surgir de soi par désœuvrement et par réminiscences hasardeuses, par évocations fortuites, et qui ne procèdent pas du livre mais de l’ennui du livre dont le ton est comme l’inepte « om » indou, une note blanche, et plus ou moins vibrante, dans un contexte de mysticisme dont on tire toute la pensée d’une méditation, ce « om » ne signifiant rien par lui-même. Je crois que le continent de la vérité, pour Bernanos, n’est qu’une terre lointaine, floue par-delà le grand large de son discernement, et qu’il ne se le figurait qu’ainsi qu’une distorsion de couleurs à travers une éternelle brume – et c’est pourquoi à défaut de le décrire il se contentait d’en évoquer l’impression. J’ai rencontré ainsi quelques intelligences qui jouaient avec l’abord de la vérité, mais incapables de la saisir ou de la fixer, et qui le savaient, et qui s’en défendaient tant qu’il leur fallait beaucoup écrire pour n’en rien dire. J’ai lu nombre de critiques très avisés qui font de Bernanos, presque toujours avec Conrad, un auteur regorgeant ou plus exactement recelant de richesses insoupçonnées, mais c’est toujours en vain qu’on cherche leurs raisons, leurs raisons aussi sont masquées, ils sentent quelque chose par-delà cette écriture incontestable de finesse formelle, ils croient en sa sagesse ou bien ils veulent y croire mais ils ne parviennent pas plus qu’en arguties à la démontrer, ce sont les critiques de l’inexpliqué, ils s’en vanteraient même, à ce qu’il paraît – j’exige toujours, moi, qu’on me mette le sable de la sagesse entre les doigts. Mais ce que suggère un art peut être à l’opposé de ce qu’il est, l’artisan talentueux n’est pas toujours un penseur de génie, et l’insistance qu’on peut déployer pour se parer d’une aura de subtilité est aussi un indice de soupçon qu’on ne mérite pas ce qu’il suffirait de prouver en étant : en l’occurrence, il suffirait à Bernanos que soit une intrigue, que soit une progression, que soient une vision claire et une cohérence d’ensemble, que soit au moins une idée neuve et enfin exprimée sur quoi on pourrait, dans un livre, poser le doigt en disant : « C’est là ! C’est bien là ! », et il n’y aurait pas besoin de tout cet ornement mystérieux pour suggérer. Rien que le titre de cet ouvrage, à ce que dit la préface, est un marchandage de conscience, une insincérité encore, une question d’image : La Paroisse morte – titre excellent – serait devenue Monsieur Ouine – titre factice et captieux – parce que l’auteur en aurait eu assez d’être taxé de « romancier des curés » : mais l’importance d’une réputation ? ce souci est d’un mondain, pas d’un artiste ! En est-ce pareillement de l’étalement du temps, de la fragmentation du récit, des digressions disparates des personnages, de cette tonalité entretenue d’hiver de la conscience et de la vie… une pure volonté de paraître ? J’ai déjà constaté qu’il est des auteurs qui, faute d’originalité de leurs pensées, se raccrochent à certains thèmes dont ils se font une spécialité, satisfaits d’être ainsi chargés, réputés d’éloquence ; ils se contentent alors dans leurs œuvres d’induire une apparence de hauteur que le contemporain croit reconnaître dans l’assemblage de réflexions hétéroclites selon une unité insaisissable et dont on invente une façon de chausse-trappes ou de mise en abyme : c’est que le profond, pour l’ignorant naïf, est confondu avec l’obscur ; et il ne s’aperçoit pas qu’avec les ingrédients du flou on fabrique justement des leurres. Dans le doute, moi, je recherche d’édifiants éclairs en me fiant à mes expériences de la vérité, et je compare, sur l’ensemble de l’œuvre, pour distinguer ce qui constitue un apport, une contribution neuve à mon histoire, en tâchant de me défaire de tout préjugé sur ce qu’il me faudrait obtenir : ainsi, si je laisse ce que j’ignore au doute indécidable, est-ce que ce que je sais m’incite à accorder ma confiance à l’auteur ? Est-ce que sa méthode, ses effets, ses quelques clartés, et tout ce que je puis analyser, me font croire en lui quant à ce que je ne lui comprends pas ? Alors, il m’arrive de m’apercevoir, comme ici, que nombre d’éloquences sonnent creux comme des proverbes, par exemple la mixtion sempiternelle, d’un romantisme mièvre, de la folie et de la grandeur : du remplissage. J’aurais tendance à dire que Monsieur Ouine est bardé de tels remplissages, que son armature n’est fondée que de cette lenteur ouvragée où ne transparaît qu’une image, probablement fantasmée et fausse, de campagne paralysée, de ruralité régressive et de grégarité d’hommes vils au sein desquels germeraient spontanément et incompréhensiblement, comme pour veiller sur ce troupeau primitif, une plus haute engeance d’observateurs sagaces et rares, d’une tournure assez aristocratique, hommes-science ou hommes-sociologie. Et tout ceci me paraît une recette et une spécialité artificielles dont la réalisation donne lieu, dans le récit, à tout une fabrication de faux dilemmes et de gravités pontifiantes sans influence sur la vie : c’est beau, mais ce n’est pas signifiant, faute d’idées plus qu’éparses ou subliminales ; Bernanos en émaille prudemment son texte avec une régularité qui dénote un procédé rompu et indique la crainte qu’on s’aperçoive, faute de relevages, du vide de sa pensée – il se valorise, s’efforce de soulever hors du néant l’original dont il manque. Mais écrire, c’est tenir l’inédit : or, cet inédit, chez lui, se résume, je trouve, à la pesanteur des villages, idée dont la maigreur, dont la faiblesse, est travestie, maquillée par un style soigneux et maintes images composites et variées. Bernanos est minutieux, oui – d’aucuns diraient : empesé –, mais ça ne me suffit pas… et voilà pourquoi j’ose enfin le sacrilège qui scandalisera certainement ses admirateurs comme l’expression de quelque indécent paradoxe (paradoxe qui n’existe que dans leur esprit et à cause uniquement de leurs représentations, de leurs préjugés de la profondeur) :

Bernanos n’est pas assez dense pour moi.
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Sous le soleil de Satan

Au départ, c'est Maurice Pialat qui m'a donné envie de lire le roman de Georges Bernanos "Sous le soleil de Satan". C'est un très beau titre et il faut dire que j'ai retrouvé dans le film l'univers de l'écrivain français. Pourtant, j'ai eu beaucoup de mal à lire et à aimer ce roman. Est-ce que c'est parce qu'il s'agit d'un premier roman et que Bernanos en fait trop ? Je ne sais pas.

Il commence pourtant bien avec l'histoire de Mouchette, une petite provinciale de seize ans qui tombe enceinte d'un marquis. Comme celui-ci ne veut pas reconnaître son enfant, elle le tue. Par la suite, elle va faire une fausse couche ou bien avorte. Bref, elle perd l'enfant.

De son côté l'abbé Donissan croit devoir se châtier en se mortifiant sans doute pour éviter le diable. Il va pourtant rencontrer Satan sous les traits d'un marchand de chevaux et le curé de campagne se sacrifiera pour sauver les âmes damnées comme celle de Mouchette.

S'il se dégage une atmosphère et une ambiance particulière dans ce roman mais j'ai quand même eu du mal à comprendre cette histoire qui m'a semblée assez confuse et hallucinée. Je suis restée hermétique aux délires du curé.

C'est un livre beaucoup trop mystique pour moi.





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Sous le soleil de Satan

Toute l'expression de la foi chrétienne de Bernanos transpire à chacune des pages qu’accompagnent une plume divine, celle de Bernanos. Le personnage central, l’abbé Donissan, un jeune prêtre est face à ses doutes sur sa foi, sa paroisse, la frustration de ses limites de croyant, la tentation. Mais le diable vient à sa rencontre, il le reconnait et ce n’est alors qu’une lutte sans merci. Ce n’est alors que tourment, souffrance, et lutte par la prière. Qui aura le dernier mot ? Arrive, Mouchette, jeune fille au caractère de héro, qui vient sur sa route tel un gage de Dieu, si sensible, si humaine, mais souffrante face à son crime et qui semble avoir échappé aux griffes du démon. L’abbé lui fait avouer son crime, elle se suicide. La lutte de l’abbé contre la présence du diable est à son paroxysme.

Deux personnages parfois ascétique parfois humain pour l’abbé, si entière, si forte en apparence et toujours émouvante pour l’autre, mais finalement au destin si fragile. Tous deux à l’âme incandescente par la présence du démon. Ces personnages qui annoncent en fait dans ce premier roman toute l’œuvre de Bernanos. Un roman magnifique, un chef d’œuvre du roman chrétien.

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La joie

Dans les journaux une telle histoire ne serait rapportée que dans la page des faits divers, parmi d’autres, Georges Bernanos en fait un drame surnaturel d’une intensité incroyable. Ça s’appelle le talent. Un roman terrible avec du mystère, des choses qu’il faut comprendre à demi-mots, d’autres qui restent obscures, des intrigues qu’on découvre peu à peu, une fin en coup de tonnerre et de superbes dialogues. Il ne faut pas lire « La Joie » sans avoir lu avant « L’Imposture » (malheureusement un peu plus fastidieux), ce serait dommage car beaucoup d’aspects de l’intrigue principale y trouvent leur source.

Avec un tel nom, la famille de Clergerie, la grand-mère, le père, la mère morte et la fille pourraient être un symbole du clergé et peut-être même de l’ensemble de l’Eglise catholique. Je ne sais pas jusqu’à quel point il faut interpréter ces symboles, et s’il faut aller jusqu’à faire de « L’Imposture » et de « La Joie » des romans à clef, car on trouve dans la réalité des personnes qui ont probablement inspirées Bernanos (j’ai vaguement lu, il y a quelques années, le livre « De L’Angoisse à L’Extase » de Pierre Janet, et je ne serais pas surpris que ce professeur ait été un modèle du docteur La Pérouse). Je pense que l’essentiel n’est pas là, c’est avant tout une œuvre d’imagination sur la vie d’une jeune fille toute simple et d’une humilité à toute épreuve.

L’aventure de Chantal est une aventure spirituelle, il y a une graduation dans ses souffrances et son élévation, on la voit passer de l’innocence de l’enfance à la pure sainteté, et cela sans éclat, dans les conditions d’une vie commune. Toute l’action du roman a lieu dans la propriété de son père, et bien qu’elle soit une maison correcte et bourgeoise, une ambiance sournoisement maléfique y règne ; ce sont les domestiques qui le ressentent le plus, mais tout le monde est dans l’attente d’un évènement catastrophique. Tout est en tension sous-jacente et en non-dit, rien de spectaculaire, mais les personnages qui entourent Chantal sont autant d’épreuves pour elle et elles sont toutes de plus en plus périlleuses ; il s’agit qu’elle ne perde ni sa charité ni sa joie.

D’abord face à Fiodor, le chauffeur de M. de Clergerie, joueur invétéré au grand bagout (il y aurait beaucoup à dire sur ce personnage dostoïevskien), ensuite face à sa grand-mère, en apparence une vieille folle avare, puis son (pas très) propre père tout aussi empêtré dans ses remords indéfinis. Enfin la grande épreuve temporelle face à M. La Pérouse, psychanalyste de son état. Déjà Bernanos mettait la psychanalyse et la religion en concurrence dans « L’Imposture », d’une manière presque informulée, mais dans « La Joie » il les oppose carrément et critique la psychanalyse en la personne du docteur La Pérouse, un alcoolique amoraliste. Je pense que Bernanos ne voyait aucun intérêt aux mécanismes de la psyché sans la reconnaissance de la primauté morale. La confession plutôt que l’analyse.

Mais la confrontation spirituelle n’arrive qu’avec l’abbé Cénabre de « L’Imposture ». A vrai dire, la pauvre Chantal attire la corruption comme le miel les mouches. C’est comme si tous les corrompus cherchaient la rédemption auprès d’elle, comme si elle pouvait la donner, comme si elle éclairait le fond de leur âme involontairement, la grande révélatrice. Alors forcément on se demande comment le grand imposteur qui avait déjà résisté au vieil abbé Chevance va se comporter face à cette jeune fille. Va-t-elle réussir là où son maître a échoué ?
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Monsieur Ouine

C'est un peu compliqué.... Et puis, pas très facile à suivre: Bernanos peut commencer un châpitre avec un "il" ou un "elle", sans définir le personnage. Parfois, 10 pages plus loin, on n'est pas éclairé davantage. Au secours !

L'univers tourmenté de Bernanos (parfois porté aux nues, notamment à propos de ce livre), est quand même assez pénible; son récit est touffu. Il y a un crime. On attend le criminel. Il ne viendra pas. Et le génie serait là: la responsabilité collective d'un village, avec ses lâchetés et ses mesquineries ordinaires. Je veux bien.... Heureusement, le livre est assez court: compte tenu de style de l'auteur, c'est une qualité.
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Sous le soleil de Satan

C'est le premier roman de Bernanos, un jet flamboyant.



J'ai été profondément frappé par le style de l'auteur, très directe et qui mêle subtilement le réalisme et le fantastique. On ne ressort pas indemne de cette lecture. C'est une réflexion sur la vie des Saints, leur existence et leur reconnaissance dans la société.



Vous l'aurez compris par le titre, l'auteur met en exergue l'omniprésence du Mal et notre impuissance face à sa ruse. Le mysticisme catholique et une folie vraisemblablement diabolique s'entremêlent et nous montre la (très) faible capacité de l'Homme à discerner l'un et l'autre. C'est un combat intérieur dont l'issue n'est que trop certaine..



Je conseille pour bien comprendre la perspective de l'auteur, d'être familier avec la vie des martyres (moi j'avais lu Alphonse de Liguori à ce sujet mais il y en a une infinité), peut-être aussi d'être bien imprégné de l'ancien testament (la Torah, quelques livres historiques, Isaïe Ezéchiel etc.) et les évangiles. C'est un roman eschatologique donc on passe complétement à côté du livre sans ça.



Voilà en tout cas je le recommande c'était pour moi la première lecture de cet auteur, elle m'a transformé et je vais certainement continuer dans cette lancée



Bonne lecture à tous,



Clément
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Sous le soleil de Satan

J'ai eu du mal avec ce roman – le roman d'un écrivain catholique conservateur sur un prêtre qui atteint la sainteté, ce n'est pas ce que j'apprécie lire, je le savais. Il me manque de nombreux éléments sur la doctrine de la prédestination, la conception du Bien et du Mal selon Augustin, le jansénisme... J'ai cependant lu des aspects critiques sur l’œuvre, j'ai écouté une émission de France Culture, les « Romans qui ont changé le monde » qui m'a apporté certains éclairages, mais je suis passée à côté. Je n'étais ainsi pas bien sûre d'avoir bien interprété la charge anticléricale contre certains prêtres vivant dans une forme de confortable mollesse, ou rapportant des ragots de séminaires, voire ne croyant pas à la sainteté. J'ai me suis plusieurs fois posé la question de la parodie ou du pastiche, ou, du moins, de l'excès dans l'écriture si mélodramatique qu'elle pouvait en devenir comique.

J'ai d'abord eu un problème avec la construction romanesque. Mouchette, seule personnage féminin si on excepte la bonne du curé qui n'a que quelques phrases, est une jeune fille révoltée contre les conventions, contre son milieu, contre certains hommes. C'est intéressant, c'est fort, oui. Elle pourrait se rapprocher des « diaboliques » de Barbey d'Aurevilly, autre écrivain catholique, sauf que sa force de vivre est très vite assimilée à de la folie, elle-même accepte de se voir comme une folle. Et, surtout, le prologue qui l'évoque n'est relié qu'indirectement aux parties suivantes.

J'ai eu du mal aussi avec l'irruption du fantastique dans le récit avec l'incarnation du diable. Le curé est seul, de nuit, il se perd dans les chemins brumeux. Ce passage instaure une ambiance de malaise, on ne distingue plus trop le réel de la réalité, jusqu'à la représentation triviale du diable comme un vendeur de chevaux. Ce n'est plus la figure du diable inquiétant et tentateur de Milton ou de la Fin de Satan de Hugo, ce n'est qu'un maquignon sympathique et beau parleur, un homme du terroir. Je n'ai pas compris enfin l'intérêt du personnage de l'écrivain, un portrait en creux d'Anatole France semble-t-il, mais qui n'apporte que peu sur le plan purement romanesque.

J'apprécie l'excès, la folie, la destruction et la violence de Barbey d'Aurevilly, pas ce portrait hagiographique d'un homme si éloigné de moi.
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L'Imposture

Faisant suite au "SOLEIL DE SATAN" BERNANOS toujours autant fascinant, nous met face aux protagonistes en présence se livrant un combat " sans merci"

Les affres de l'abbé Cenabre en proie au doute le broyant dans une remise en cause cruciale de la vie, de soi.

En face, les personnages de la vie, leurs combats acerbes de leurs travers les plus torrides indéniablement présents .

Ici-même au cours de ce livre ardu composé avec doigté BERNANOS raconte en illustrations magistrales et percutantes les composantes des luttes à mener

Cenabre plongé en sa nuit une nuit de démence celle que celle-ci induit en son coeur son âme en sursis

Isolé égaré et livré aux démons le mettant en danger extrême

Tout comme l'abbé mis en scène pareillement entre MAL ET BIEN en balance continuellement dans un temps implacable



Oeuvre nuancée et complexe, il cisèle comme un bijou rare ses mots dans une forme à la fois tourmentée et d'une singulière pureté

Tout ce qui fait la grandeur et dramatique de la vie

En même temps Chantal de la Clergerie arrivant clôturer l ouvrage lumineuse et humble comme une interrogation amenant les amorces de réponses

L'imposture

Bernanos tout le contraire d'un imposteur qui ne saurait nous abuser essayant pour nous de nous faire discerner dans le chaos entaché d'encre si noire quelque étoile qui puisse nous reabiliter

Scènes fulgurantes transpercees des éclairs inspirés de vérités

Sérénité affûtée mise en exergue par tant de volontés des plus atroces perversités

Haine sous jacente mais un combat à mener inlassablement

Bernanos son livre l'imposture difficile à décrypter certes il convient de nous y arrêter
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Sous le soleil de Satan

C'est l'histoire d'un personnage fortement inspiré du curé d'Ars, un prêtre totalement inculte, mais d'une grande humilité, qui n'est pas considéré, voire méprisé, par ses supérieurs, et qui est envoyé dans une nouvelle paroisse. Il y découvre la pourriture morale qui y règne, tente de sauver ses ouailles et fait preuve d'une grande sainteté, mais est soumis à la tentation du Diable. Le livre commence par une mention de Paul-Jean Toulet (un poète/romancier peu connu de la fin du XIXème siècle), ce qui a fait couler beaucoup d'encre quant aux inspirations de Bernanos pour rédiger ce roman, qui est particulièrement original, puisqu'il mêle le surnaturel au dégoût de l'existence et du péché.
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Les grands cimetières sous la lune

Les gens qui portent ce livre et son auteur aux nues, et qui m’ont donc indirectement incité à le lire l’ont-ils vraiment parcouru avec l’attention qu’il faudrait? Le discours constant sur cet ouvrage nous dépeint un Bernanos qui, confronté aux horreurs de la guerre civile espagnole, s’en prend courageusement à son propre camp, lui le royaliste, le catholique, le pamphlétaire d’extrême droite, et qui remet en cause ce à quoi il croyait jusque là, et avec quel talent littéraire et polémiste !

Ce qui est vrai, c’est le courage extraordinaire avec lequel il accepte de "voir ce qu’il voit", pour reprendre la célèbre formule de Péguy, et nous livre une description glaçante de la répression par les franquistes, et de leurs méthodes qui passent par l’élimination systématique d’un nombre considérables d’opposants au pronunciamento, voire de "types simplement suspects de peu d’enthousiasme pour le mouvement". C’est aussi la rage qui le prend au vu du silence impressionnant de la hiérarchie des évêques catholiques, "il est dur de regarder s’avilir sous ses yeux ce qu’on et né pour aimer", dit-il dans l’une de ces formules impressionnantes qui expriment si bien ce que nous avons, nous autres pauvres mortels tant de mal à dire.

Mais, pour autant, il ne remet nullement en cause ses attachements, et surtout ses haines et le mépris qu’il distribue si largement : les juifs, bien sûr, puisque c’est Drumont, à qui il voue une admiration sans borne, qui lui a ouvert les yeux alors qu’il était adolescent, les banquiers, mais c’est la même chose, la classe moyenne, les boutiquiers, les instituteurs de Jules Ferry, les notaires, Poincaré, les maures puants, les nègres (qu’il défend tout de même contre le sort qui leur est fait, on n’est pas à une contradiction près), les communistes, les capitalistes (c’est la même chose, car "le capitalisme est une forme de marxisme" !! comprenne qui pourra) et toutes les sortes d’imbéciles ; la définition constamment reprise de cette catégorie finit d’ailleurs par inclure tant de monde, qu’aucun lecteur conscient de ce qu’il parcourt de ses yeux, comme de ses propres insuffisances, ne peut éviter de se compter dans ce groupe ….

Alors, que remet-il vraiment en cause ? Certes, il s’élève contre les exactions des tentatives de conquêtes coloniales de Mussolini, contre des maux occasionnés par "Monsieur Hitler", (mais, de ce personnage, "on ne peut mépriser la grandeur, qui n’est pas barbare…"), mais sans aucunement, contrairement à ce qu’on entend un peu partout, remettre en question une vision du monde qui, précisément a rendu tout cela possible.

Quant’au talent littéraire d’un auteur qui méprise explicitement celui d’un Anatole France, si l’on consent à ne pas s’arrêter à quelques formules magnifiques d’expressivité, et si l’on met à part sa capacité à vous glacer le sang dans des descriptions pourtant sans pathos des exactions franquistes, il faut bien se résoudre à admettre que l’essentiel de ce livre est constituée par une logorrhée confuse, dont on a du mal à tirer une vision précise de ce que devraient être les institutions de nos démocraties, ce mot qu’il utilise si souvent sans qu’on ne puisse percevoir clairement ce qu’il entend par là.

Bref, qui a vraiment lu "les grands cimetières sous la lune" ?

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Monsieur Ouine

Une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien..

Et ce n'est pas du Shakespeare

Pourtant l'auteur voudrait bien. Mais il ne suffit pas d'être obscur pour être profond.

Des personnages inconsistants et vociférants s'agitent comme des furieux dans un village improbable peuplé de forcenés pour nouer une intrigue incertaine.

Rien à en tirer sauf un sentiment de gâchis, notamment du temps qu'on a perdu à le lire, et, par surcroît de masochisme, à le commenter.
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Journal d'un curé de campagne

J'ai commencé ma lecture sans appropries, mon incroyance de côté, en laissant défiler les réflexions religieuses et morales du jeune prêtre sous mes yeux sans chercher à les juger. Certains passages m'ont laissé sur le bord du chemin (notamment quelques-uns des longs dialogues qui composent ce roman). Malgré tout, je garde un souvenir très fort de cette lecture. Les questionnements et les états d'âme que le personnage couchent sur le papier, dévoilent une ode mélancolique, mais lumineuse, à la sensibilité et à l'amour inconditionnel. J'ai été touché par sa foi inébranlable qu'il tente de transmettre malgré l'absurdité et l'hypocrisie qui l'entoure. Je retiens donc de ma lecture ce portrait d'homme "à côté", qui avance mais qui se sens toujours à contre-courant.
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Sous le soleil de Satan

Un récit absolument terrifiant, où un homme d’église simple et empoté sera emporté sur la voie de la sainteté qui le mènera tout droit dans les bras gelés de Satan. Ce monument de noirceur mystique paru en 1926 n’a rien perdu de sa violence spirituelle, la Foi de l’homme d’église sera désossée et sucée jusqu’à la moelle, révélant derrière l’aveuglement chrétien une possible damnation éternelle. Dans les pages tourmentées de ce roman unique en son genre se cache un terrible duel, un singulier et fatal combat dont les coups retentiront à jamais dans les replis obscurs de nos âmes.
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Sous le soleil de Satan



Sous le Soleil de Satan est une œuvre avant tout religieuse mais également une satire sociale accompagnée d'une parfaite représentation de l'âme humaine. Elle s'inscrit non seulement dans son temps, mais possède aussi une touche intemporelle qui permet de s'inscrire sans difficulté à notre temps présent.

Loin d'être fantastique, le surréalisme et le surnaturel qui parcourt l’œuvre sont pour Bernanos le moyen d'utiliser au mieux son rôle d'écrivain afin de défendre et d'illustrer ses croyances religieuses : en particulier, celles de rappeler la présence omniprésente du Mal, et de ce fait, remémorer aux chrétiens de son époque qu'il ne faut pas garder que les bons côtés du christianisme.

Donissan, un des principaux protagonistes, n'est d'ailleurs pas un Saint comme les autres. Balancé entre sa foi et le désespoir, il sera un personnage fictif permettant aux lecteurs de s'identifier facilement à lui : homme simple, avec des faiblesses, il devient un modèle accessible pour tout homme et rappelle que nous sommes tous égaux sur la ligne de départ, mais que les choix de nos vies peuvent causer notre salut ou encore notre perte. C'est pourquoi la jeune Mouchette, jeune fille perdue par le néant qu l'habite, sombrera peu à peu sur le chemin de l’avilissement, alors qu'elle même porte les marques d'une Sainte. L'âme humaine n'est pas parfaite, et de par sa dualité, peut s’élever ou chuter.

D'où la critique sociale qui accompagne l’œuvre. Bernanos, fervent anti-républicain à cette époque, souligne la présence de Satan dans une société corrompue et sans valeur, causant alors la perdition de nombreuses âmes. Les intellectuels, les arrivistes, les naturalistes et les mauvais prêtres sont alors tous dépeints comme les autres facettes du Malin. Et les propos sont durs à leur encontre. Le récit devient alors de plus en plus noir au fil de la lecture, au point où même les brèves apparitions de lumières nous laissent sceptiques sur leur origine.



L'écriture du roman est assez lourde, de ce fait, il est difficile à aborder. Beaucoup de scènes sont d'une extrême violence (), il ne faut donc pas s'attendre à refermer le roman avec un grand sourire aux lèvres. Cependant, Sous le Soleil de Satan a quelque chose de fascinant. Pas seulement pour la réflexion intense à laquelle il est impossible d'échapper mais surtout parce que Bernanos compose les trois parties du récit avec une sincérité transparente et terriblement poignante.



Qu'on aime ou déteste, une chose est certaine : on ne ressort jamais indifférent d'une lecture de Sous le Soleil de Satan.
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Les grands cimetières sous la lune

Paru en 1938, ce violent pamphlet, qui dénonce à la fois le franquisme meurtrier, la lâcheté des accords de Munich, fit scandale en France lors de sa parution. Très jeune, Bernanos milite dans les rangs de l'Action Française à laquelle il s'oppose et finit par rejeter la droite prenant fait et cause pour les républicains. Dans ce livre, il décrit les atrocités de la Guerre d'Espagne ; il s'en prend à Maurras, Claudel, Franco et surtout aux prêtres, qu'ils soient républicains ou espagnols. Son fils a combattu avec les insurgés espagnols.

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Brésil, terre d'amitié

Paru en 2009, ce livre poche regroupe des textes de Bernanos extraits de "Lettre aux Anglais", "Les Enfants humiliés", "Le chemin de la Croix-des-Âmes", et "Français si vous saviez…", ainsi que des extraits de correspondance. Ils traitent tous des liens et de l’expérience de Bernanos avec le Brésil, où il vécu entre 1938 et 1945. Plus que d’un tableau du pays, à la manière de Stefan Zweig, les textes de Bernanos témoignent surtout des tourments, des inquiétudes et des joies de l’auteur confronté à une nouvelle vie, une nouvelle situation, un nouvel exil. Fuyant une Europe qui s’apprête à courir à la catastrophe après les accords de Munich, il s’installe au Brésil, pour y vivre en paysan avec sa famille. L’austérité d’une terre dure et pauvre, difficilement apprivoisable à l’inverse des terroirs de France, convient bien à cet homme pascalien, qui n’a de cesse de tirer à boulet rouge contre le modernisme et ses thuriféraires.

On se plait à entendre la voix d’un écrivain n’ayant pas peur des contradictions, à la fois monarchiste et révolutionnaire, catholique et libre-penseur, nostalgique d’une France paysanne mais opposé aux traditions pétainistes, on se plait à entendre un esprit clairvoyant et profondément humain.

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Sous le soleil de Satan

Quelques années après avoir lu le fameux journal et quelques jours après la conférence de Notre-Dame consacrée à Bernanos, je me plonge dans ce roman où trois personnages se partagent la célébrité : Mouchette bien sûr, le curé des Lumbres et Satan. Ce dernier apparaît à plusieurs reprises et hante tout le roman. L’académicien qui apparaît à la fin du roman m’a beaucoup intrigué : serait-ce Anatole France que j’ai prévu de lire dans quelques temps ?
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Journal d'un curé de campagne

Journal d’un curé de campagne

Georges Bernanos

Grand Prix du roman de l’Académie Française

Ce roman publié en 1938 et considéré comme le plus émouvant de Bernanos, décrit l’existence discrète d’un jeune prêtre catholique dans la petite paroisse artésienne d'Ambricourt dans le nord de la France, une paroisse dévorée par l’ennui selon l’aveu du jeune prêtre.

Dans une première partie, le jeune prêtre fraîchement sorti du séminaire évoque son arrivée dans sa paroisse et ses premières expériences avec une population frappée par la pauvreté.

Puis il décrit la vie quotidienne dans sa paroisse, ses rencontres et son action en qualité d’ecclésiastique. Il a le sentiment d’échouer à remplir son devoir. Son entretien avec la comtesse du château du village est déterminant quand il parvient à la convaincre de l’existence de Dieu. Cette conversation avec la comtesse est sans aucun doute le point culminant du roman quand on sait qu’elle meurt un jour plus tard.

Peu à peu son journal lui devient indispensable, un véritable besoin :

« J’ai plus que jamais besoin de ce journal . Le peu de temps que j’y consacre est le seul où je me sente quelque volonté de voir clair en moi …. je déplore sans cesse mon insuffisance ».

Il y évoque sa relation houleuse avec la fille de la comtesse, Chantal, une diablesse qui l’insupporte selon ses termes, mais : « Je ne lui fermerai pas ma porte , je ne fermerai ma porte à personne , aussi longtemps que je serai curé de cette paroisse … »



Il va vite perdre beaucoup de ses illusions :

« L’impression m’est venue tout à coup d’un effondrement des rêves, des espérances, des ambitions de ma jeunesse. »

Et puis la malveillance est toujours prête à se manifester :

« Trouvé ce matin, dans mon courrier, une lettre timbrée de Boulogne, écrite sur un mauvais papier quadrillé, tel qu’on en trouve dans les estaminets. Elle ne porte pas de signature : « Une personne bien intentionnée vous conseille de demander votre changement . »

Malgré tout c’est avec un certain zèle que le jeune prêtre assume sa fonction, malgré sa santé fragile. En effet il est torturé par de violentes douleurs à l’estomac. Et puis il est miné par son désespoir devant le manque de foi dans la population du village. Il se sait faible, inférieur, et se pense parfois touché par la folie, mais croit vivement que la grâce de Dieu passe par son sacerdoce.

Par ailleurs il semble souvent mal à l’aise face au sexe féminin, notamment devant la jeune Séraphita :

« Tandis que je lui parlais, elle m’observait avec une attention si gênante que je n’ai pu m’empêcher de rougir. Peut - être devrais - je prévenir ses parents … Mais de quoi ? »

Persévérant, il met en œuvre toute son énergie morale et son ardent désir d’aider ses paroissiens à sortir de l’ennui qui les ronge.

Hélas il est constamment accaparé par les multiples soucis de sa vie quotidienne – dont le manque d’argent n’est pas le moindre.

Et par ailleurs souvent son manque d’autorité l’amène à commettre quelques maladresses qui lui valent des admonestations acerbes de son entourage.

La dernière partie du journal traite du séjour à Lille pour des examens médicaux et de la prise de connaissance du mal inexorable qui le ronge.

Dans ce beau et sombre roman au style remarquable et soutenu, la technique du journal fictif permet à l’auteur de décrire l’itinéraire spirituel du personnage central tel que celui - ci le perçoit, au niveau d’une humanité vécue dans l’angoisse, la souffrance, le doute. Ce texte qui n’est pas d’une lecture facile et requiert un minimum de concentration, dépasse largement la question du catholicisme et de la vie d’un curé . Le héros est avant tout un idéaliste , plein d’enthousiasme , qui va se heurter , à sa hiérarchie – ce qui n’est guère étonnant – mais aussi à ses ouailles , dont il trouble les habitudes , et qui trouvent dans la réalisation de menus profits ou l’accomplissement de leurs préoccupations bassement matérielles , une sordide jouissance . Finalement on est face à un portrait assez sombre de la communauté chrétienne française annonçant la désertification des églises et la pénurie de vocations qui allait sévir dans les décennies à venir.

















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