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Critiques de Georges Bernanos (309)
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Le crépuscule des vieux

il ne faut pas cesser d'inviter à lire et relire tout Bernanos

on a besoin d’éditeurs avisés pour rééditer un auteur incontournable.
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Nouvelle histoire de Mouchette

Avec cette "Nouvelle histoire de Mouchette", Bernanos m'a d'abord surprise, par une fluidité de l'écriture à laquelle de précédentes lectures (se limitant, pour être honnête, à celle de "Monsieur Ouine", et à une tentative avortée concernant "Le journal d'un curé de campagne") ne m'avait pas préparée... Il m'a ensuite à la fois atterrée et conquise, le sordide et douloureux destin de Mouchette suscitant autant de tristesse que la compassion et la justesse avec lesquelles Georges Bernanos le dépeint provoquent l'admiration.



Au cours de la vingtaine d'heures pendant lesquelles nous accompagnons Mouchette, quatorze ans, c'est tout un univers que nous pénétrons, et toute la désespérance de cette âme torturée par son incompréhension face à la violence du monde. Entre un père ivrogne et une mère gravement malade, au sein d'une fratrie dont le dernier membre, victime de l’alcoolisme parental, est né débile, l'adolescente a grandi dans un milieu où la misère prend trop de place pour autoriser un geste d'affection ou une quelconque marque d'attention envers des enfants essentiellement considérés comme des bouches à nourrir.

Négligée par ses parents, exclue par les autres enfants, méprisée par la maîtresse d'école, Mouchette est une fille sauvage et rebelle, à la manière d'un animal qui, poussé par son instinct, se lance dans une fuite éperdue pour échapper au carcan d'un environnement qui la condamne à la médiocrité.



Les premières pages la trouve en train d'épier ses camarades à la sortie de l'école, spectatrice d'une insouciance et d'une complicité enfantine qu'elle ne connaîtra jamais. Sur la route du retour, empruntant des chemins de traverse, surprise par la pluie et le vent, perdant, dans le noir, ses repères, elle s'égare dans les bois, laisse une de ses chaussures miteuses dans un trou de boue où elle est tombée... puis rencontre M. Arsène, qui l'emmène à l'abri dans le secret de sa hutte de braconnier...



Georges Bernanos nous emmène en compagnie de Mouchette dans un univers grisâtre, boueux. La fillette, malgré son désir à peine conscient de révolte contre le déterminisme social qui la relègue au rang des indésirables, est, par son manque d'expériences relationnelles et l'autonomie avec laquelle elle a du faire l'apprentissage du monde, dépourvue des armes propres à se prémunir des dangers liés à la concupiscence et la duplicité de certains adultes. C'est ce qui fera d'elle une victime passive de son malheur. Imprégnée de l'intensité de ses émotions et de ses peurs, elle expérimente avec détresse la solitude dans laquelle l'incompréhension des autres plonge les êtres différents.



L'auteur adopte une posture d'interprète : il est celui qui décrypte, pour les retranscrire au lecteur, les mécanismes qui président aux pensées et aux sentiments de son héroïne, qui déterminent ses actes, elle-même ne disposant pas de suffisamment de recul ou de maturité pour les analyser. Mouchette ressent, Bernanos décrit et analyse. Mais il le fait en démontrant une telle tendresse, une telle amertume face au gâchis que constitue la violation de son innocence, qu'il crée la possibilité d'une proximité avec sa petite Mouchette, que le lecteur n'oubliera pas de sitôt...
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Journal d'un curé de campagne

Un jeune pretreprend ses fonctions dans une paroisse de campagne;il peine a faire sa marque au sein d'une communaute qui se moque de son autorite et de sa faible constitution.Il redige un journal,qui va l'aider a garder son esprit sur sa mission et il y consigne tout(discussion avec son superieur,avec ses ouailles,et ses impressions concernant les paroissiens).

C'est un livre sur le doute.Neanmoins certains passages sont vraiment profonds et bien ecrits.J'ai trouve interessant les passages concernant les discussions avec ses superieurs hierarchiques concernant le role des pretyres dans les paroisses.

A lire meme si le sujet n'est plus d'actualite
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Sous le soleil de Satan

Chaque fois que je lis Bernanos je suis surpris par la richesse (et la tristesse) de son écriture. Combien d'auteurs sont capables, comme lui, de restituer la fine trame des sentiments qui nous animent ? Assez peu ; et c'est pour ça que Georges Bernanos mérite le statut de très grand auteur, et ce livre celui de classique de la littérature française. Comme le personnage principal, j'ai connu des instants de grâce et d'autres d'abattement. Avec Bernanos, même la sainteté devient terriblement humaine, attachante, et pour cause : il parle le langage universel de l'homme.
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Sous le soleil de Satan

Ce livre, c'est du lourd ! Et déposer une petite critique, vite faite mal faite, comme ça en passant, est un peu honteux. Je n'ai malheureusement pas la force ni le temps ni le talent d'écrire quelque chose qui soit à la hauteur de ce roman.

Je me limiterai donc à deux remarques.



L'écriture d'abord : d'un raffinement poussé, parfois trop d'ailleurs. Il faut lire en étant en forme car ce n'est pas toujours aisé. Toujours est-il que Bernanos démontre une virtuosité exceptionnelle dans la maîtrise de la langue. Du grand art.



Le contenu ensuite : je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les subtilités de la pensée de Bernanos mais je trouve qu'il y a dans ce roman consacré, somme toute, au Mal, une certaine résonance avec notre époque. Sous le soleil de Satan est le fruit de l'horreur de la Grande Guerre. A un moment où notre monde se retrouve confronté à sa finitude et à ses limites, la question du Mal n'est pas totalement dénuée d'actualité. Car la vision pessimiste de l'homme, qui, dans le roman de Bernanos, a perdu la transcendance, s'est égaré dans l'erreur et gère les affaires courantes sans espérance, n'est pas vraiment anachronique aujourd'hui.



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Journal d'un curé de campagne

Quel chef d'oeuvre remarquable que ce livre ! Une longue description quasi ininterrompue du monde rural de la fin du XIXème, une fresque sociale qui n'a rien à envier aux meilleurs romans de Zola. On y retrouve les thèmes récurrents et majestueux de Bernanos : la pauvreté, la solitude, l'insidieuse infiltration du péché dans le siècle, etc.



Les descriptions des antagonismes sociaux sont saisissantes, notamment de par l'incrustation des déterminismes sociaux dans les raisonnements menés par les personnages : tout au long du livre, il est fascinant d'observer comme Bernanos fait penser et agir ses personnages à l'aune de leur classe et de leur situation sociale.



À la manière d'un Péguy, Bernanos a l'incomparable talent de manier la langue avec poésie et richesse en insérant ça et là des instants de pur génie, des remarques, des pensées, des assertions concernant la société de son temps, les relations humaines, qui relèvent du génie à n'en pas douter.

Je ne peux m'empêcher d'en citer quelques-unes :



- "Dieu veut que le misérable mendie la grandeur comme le reste, alors qu'elle rayonne de lui, à son insu."



- "Le vide fascine ceux qui n'osent pas le regarder en face, ils s'y jettent par crainte d'y tomber"



- À propos des jeunes garçons en 1878 (!) :"quand leur bouche a pu l'articuler pour la première fois, le mot amour était déjà un mot ridicule, un mot souillé qu'ils auraient volontiers poursuivi en riant, à coups de pierres, comme ils font des crapauds"



La langue sublime de Bernanos prend une tournure absolument bouleversante dans les mots de ce jeune prêtre, qui analyse chaque situation plus ou moins dramatique face à laquelle il fait face avec une grande profondeur et une gravité extrêmement touchante. On ne peut qu'être ému par sa morne existence, sa solitude extrême, sa maladresse, son humilité, sa crainte permanente de mal agir, son incapacité à évoluer malgré-lui dans un monde et une fonction qui le dépassent.
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Journal d'un curé de campagne

Dès le début du roman, le curé d’Ambricourt donne le ton – « Ma paroisse est dévorée par l’ennui » (p. 33) – pour signifier que le christianisme est en pleine décomposition. Le monde est en pleine désillusion. Il est depuis longtemps familiarisé avec l’ennui, et l’ennui est la véritable condition de l’homme. De plus, dans une France déchristianisée, notre curé de campagne a de quoi être envahi par le désespoir, car il désire, au plus profond de sa conscience, sortir sa paroisse du ghetto de la vacuité et de l’incrédulité pour qu’elle puisse être le reflet de l’Église universelle de Dieu dans le monde. Mais au contact de ses paroissiens qui ne l’apprécie guère, le curé d’Ambricourt est de plus en plus en proie au doute – il pense même avoir perdu la foi et avoue ne plus réussir à prier. Le Journal d’un curé de campagne montre, au travers du curé d’Ambricourt et de ses paroissiens, le combat entre Dieu et Satan – combat entre la lignée du salut et la lignée de la perdition, combat entre la lumière et les ténèbres, combat entre le Bien et le Mal. L’Église décrite par le curé d’Ambricourt n’est pas parfaite. Elle est une et non divisée ; elle est bipartite, comprenant aussi bien les fidèles que les infidèles, à savoir les éléments de piété et les éléments d’impiété, les bons et les méchants. Dans son dialogue avec la Comtesse, le curé d’Ambricourt précise à plusieurs reprises cet état de fait : « L’Église est à tout le monde » (p. 190) ; « Il n’y a pas un royaume des vivants et un royaume des morts, il n’a y que le royaume de Dieu, vivants ou morts, et nous sommes dedans » (p. 211). Georges Bernanos, dans son roman, présente également les méfaits de l’humanisme et en fait une critique sévère qui n’est pas très flatteuse pour l’homme. En effet, l’homme, en voulant devenir la mesure de toute chose, devient l’ennemi de lui-même. À partir de cette critique de l’humanisme et de son principal acteur, l’homme, Georges Bernanos condamne la société moderne, les inégalités sociales, le refus manifeste de Dieu ainsi que la représentation vieillotte et hors de temps de l’Église (catholique romaine).

Nous trouvons le curé catholique romain d’Ambricourt éminemment évangélique et chrétien. Même dans le doute et le manque de réussite quant à son ministère, il semble résister aux forces du Mal – dans le même état d’esprit, voire plus, qu’il supporte ses douleurs à l’estomac. De plus, ses considérations sur la prière et sur le péché sont empreintes de sincérité, d’humilité et d’une volonté authentique de repentance. Finalement, il avoue de ne pas avoir perdu la foi malgré toutes les épreuves. Au contraire, il croit avec sincérité et avec force que la grâce de Dieu a bel et bien œuvré en lui et dans son ministère : « Tout est grâce ». Pour terminer nos quelques réflexions sur ce roman, nous pouvons avouer qu’il y a un peu du curé d’Ambricourt en nous…

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Monsieur Ouine

Monsieur Ouine est le roman de Georges Bernanos que j'ai le plus relu. Peut-être même est-il un des romans, avec par exemple La plage de Scheveningen ou Absalon, Absalon ! que j'ai le plus relu au cours de toutes ces années de méthodique dévoration de livres. Le relisant depuis que je l'ai découvert, assez tardivement par rapport aux autres romans de Bernanos, que, consciencieux gamin, je m'appliquai à lire dans l'ordre de leur parution, je suis passablement étonné d'y dénicher tel ou tel aspect qui n'avait pas retenu jusqu'alors mon attention.
Lien : http://www.juanasensio.com/a..
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Sous le soleil de Satan

Premier roman de Bernanos, « Sous le soleil de Satan » nous entraîne dans l'éternel combat entre le Bien et le Mal, mené par un homme qui brandit comme arme sa foi en Dieu. Cet homme, c'est le jeune abbé Donissan qui débute son ministère sacerdotal dans le village de Campagne, dans le Nord de la France, dans les années 1880. Issu du monde paysan, l'abbé Donissan est un être rustique, peu doué pour les études, timide et maladroit. Mais pour son supérieur, Donissan est un être à part, voué à la sainteté. D'ailleurs, le jeune vicaire se démarque par une piété démesurée, obsédé par la lutte contre le Mal. C'est en la personne de Germaine Malorthy, dite Mouchette, jeune fille de 16 ans, que l'abbé Donissan va tenter de gagner ce combat. La jeune fille, par bravade, s'est donnée au marquis de Cadignan. Enceinte et menacée par son père, elle se réfugie chez son amant qui, inquiet pour sa réputation, la rejette. Lors d'une dispute, Mouchette tue son amant et s'enfuit.

L'abbé Donissan va se donner pour mission de sauver l'âme de la jeune fille.





L'aspect surnaturel de ce roman renvoie bien plutôt à un miroir naturaliste où l'homme apparaît dans la voie ordinaire de ses péchés. Lâche, affairiste, plus soucieux d'honorabilité que de rigueur morale, l'être humain pactise sans cesse avec le Mal. le personnage de Mouchette révèle également une lente et inexorable descente aux enfers, où la folie semble surtout guider ses actes. Toute la déchéance de la jeune fille semble incarner le Mal, véritable obsession pour l'abbé Donissan. Ce jeune prêtre tourmenté est lui-même en proie au paradoxe : dans sa répugnance au Mal, il le frôle plus d'une fois à son tour et est au bord du blasphème.



Ténébreux, lugubre, glacial. “Sous le soleil de Satan” offre une lecture déstabilisante et nébuleuse. Plus d'une fois on cherche la lumière qui n'apparaît pas. Empreinte d'un très grand lyrisme, c'est une oeuvre particulière et puissante où le combat entre le Bien et le Mal symbolise pour ma part les éternelles contradictions et faiblesses de l'âme humaine.

C'est une oeuvre trop sombre à mon goût et j'avais hâte d'en terminer la lecture.
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Les grands cimetières sous la lune

Magnifique pamphlet dans lequel Georges Bernanos dénonce, sans mâcher ses mots et assez violemment, les répressions franquistes de la Guerre d'Espagne. D'abord partisan franquiste, il sera très vite indigné par la violence avec lesquelles les anti-républicains se révoltent.

Ouvrage qui paraît un peu difficile d'accès au début mais dans lequel le lecteur se laisse facilement envoûter grâce au génie et à la prodigieuse écriture de Bernanos.
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La France contre les robots

De 1938 à 1945, Georges Bernanos, pressentant la catastrophe qui allait s’abattre sur la France, s’est exilé volontairement au Brésil avec toute sa famille. Il tentera sans grand succès de s’y reconvertir en éleveur, publiera de nombreux articles dans des journaux brésiliens et se rapprochera des cercles gaullistes de Français de l’étranger. Farouchement opposé à la politique de collaboration de Pétain, il renvoie dos à dos communisme et libéralisme, considérant que c’est bonnet blanc et blanc bonnet, un socialisme d’Etat pouvant très bien être le fait d’oligarques capitalistes. Il rejette toute « espèce de socialisme d’Etat, forme démocratique de la dictature. » Pour lui, la valeur suprême reste sans aucun conteste celle de la Liberté pleine et entière. Mais, dit-il « un monde gagné pour la Technique est perdu pour la Liberté ». Il se montre visionnaire quand il imagine les dérives que nous constatons aujourd’hui avec les QRCodes, les pass sanitaires et vaccinaux en attendant les pass « Carbone » et autres puçages sous la peau. « Et lorsque l’Etat jugera plus pratique, afin d’épargner le temps de ses innombrables contrôleurs, de nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer ou à la fesse comme le bétail. » Il démontre également l’impossibilité d’une coexistence entre Liberté et Egalité, cette dernière ne s’établissant qu’au détriment de la première. Sans oublier, les guerres de plus en plus techniques et meurtrières qui ne sont que les conséquences voulues et organisées du machinisme totalitaire. « Vos machines à fabriquer deviendront des machines à tuer », écrit-il.

« La France contre les robots » est un recueil de textes divers et variés tous sur le thème de la défense et illustration de la liberté. En plus du texte éponyme, le lecteur pourra découvrir diverses conférences et interviews donnés au Brésil, 16 lettres à des amis et un attirail de notes et variantes. Tout est limpide, prémonitoire et encore plus vrai aujourd’hui dans ces écrits datant de plus de trois quarts de siècle. Notre liberté chérie était menacée depuis longtemps. Bernanos en note les débuts avec la conscription obligatoire de la Convention, forçant tout Français à laisser l’Etat disposer de sa personne et de sa vie, ce qu’aucun roi ne se serait permis. Il regrette le temps où l’on pouvait quasiment faire le tour du monde sans le moindre passeport et pratiquement sans contrôle policier. (Seule la Russie et la Turquie l’exigeaient alors). Partout ailleurs, montrer une simple carte de visite suffisait à justifier de son identité. À l’époque de sa jeunesse, le relevé d’empreintes digitale n’était infligé qu’aux voyous et jamais aux honnêtes citoyens. Sans parler de l’impôt sur le revenu institué au début de l’autre siècle. Ainsi constate-t-il déjà qu’une à une, toutes nos libertés étaient grignotées au fur et à mesure que la Machine prenait de l’importance. Que ne dirait-il pas aujourd’hui ? Des textes fondamentaux que tous les amis de la liberté devraient lire ne seraient-ce que pour prendre la mesure de notre dégringolade !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Les grands cimetières sous la lune

Curieux livre : à mi-chemin entre coup de gueule, dossier journalistique d’une revue spécialisée et confession de fin de vie.



Nous sommes en 1937. Mussolini, Hitler et Staline sont au pouvoir. C’est dire si nous sommes en bonne compagnie. Franco, lui, ne se démonte pas pour autant et décide de mener la terrible Guerre d’Espagne.



Tout dans ce livre nous ramène au Tragique de l’Histoire pour reprendre la notion aronienne. Bernanos a 39 lorsqu’il écrit et, comme tous les hommes de ce temps, il vit en polytraumatisé de la Grande guerre. Son souvenir brûlant, ses horreurs, ses mensonges, ses drames tout autant que ses tragédies, ses conséquences irréparables. Tout y est présent à chaque ligne.



Pour tout arranger, Bernanos et sa famille habitent sur l’île de Majorque en 1937, alors que les spadassins de Franco battent la campagne pour éliminer les Républicains qui pourraient s’y cacher. Il assiste aux massacres, aux horreurs d’une guerre civile, une guerre hispanique qui annonce celle qui se déchaînera deux petites années plus tard dans toute l’Europe.



Si nous pensons que nous vivons une époque difficile, il suffit de lire Bernanos…



Et voilà que le clergé catholique espagnol prend fait et cause pour le parti franquiste et bénit les escadrons de la mort qui ne s’embarrasseront pas de formalités inutiles pour supprimer tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Républicain.



Bernanos dénonce sans hésiter l’impardonnable. Grand croyant et fervent catholique, Bernanos ne sait alors plus que penser, qui croire, qu’espérer et même dire pour les générations à venir. Il assiste impuissant, pour la deuxième fois de sa vie, à un monde qui s’écroule. Sans rien pouvoir y faire.



Ce livre, difficile, courageux, assez confus, par trop ancré dans une époque forcément révolue, en devient difficile et par moments assez indigeste. C’est évidemment dommage.



Car la pensée de Bernanos est à l’évidence une pensée profonde.



Elle subit hélas le sort commun du temps qui passe.

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Nouvelle histoire de Mouchette

Publié en 1937, Mouchette est l'histoire (et le nom) d'une pauvre paysanne victime d'un abus de confiance en faisant l'école buissonnière. Harcelée à l'école, mal aimée à la maison, elle flâne dans les bois un jour où elle rencontre – avec une symbolique inquiétante – un braconnier. Ivre, taché de sang, il a une histoire à raconter : il vient de tuer un homme dans une querelle qui a dégénéré. Mais un alibi n'est pas tout ce qu'il veut de Mouchette - son vrai crime n'a pas encore eu lieu.

Le ton est anthropologiquement détaché, ce qui peut aller jusqu'à choquer par son cynisme: 'Ces filles ont de la chance chez qui la première expérience sexuelle suscite des remords ou du moins une émotion assez violente pour surmonter l'angoisse informe et la nausée désespérée qu'éprouvait Mouchette.'

Ce n'est pas une idylle bucolique. Chaque détail est calculé pour communiquer toujours davantage de pathos, que ce soit les grands évenements de la vie – la mort de la mère malade de Mouchette en un long déchirement – ou les banalités: un épicier bavard console Mouchette avec des croissants (bien sûr) rassis ; une vieille femme veille sur les morts, distribuant des bonbons aux enfants des personnes endeuillées - mais pas avant de les avoir lécher pour oter les saletés de ses poches.

Bernanos nous rend incapables de ne pas être émus, et même les cœurs de pierre saigneront.

Un choc court et brutal – c'est bien la marque de Bernanos.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Journal d'un curé de campagne

La figure du prêtre hante la littérature du XIXème siècle. Mais, cela tient peut-être à mes lectures, ils ont rarement une vocation, et sont rarement présentés de façon positive. Aramis est prêt à tout pour devenir pape, Julien Sorel se sert de la prêtrise comme moyen d'ascension sociale, le Moine est un sadique... Les séminaires sont des endroits tristes, les rivalités et les jalousies sont fortes entre les prêtres eux-mêmes...

Or, ici, le Narrateur est un prêtre qui a une vocation sincère. Il s'occupe vraiment de ses paroissiens. Il pourrait être une figure positive. Sauf que... je ne sais pas à quel point mon interprétation est liée à mon anti-cléricalisme, mais il n'est pas décrit de façon positive, plutôt ridicule selon moi. Il est timide, mal-à-l'aise en société, effacé, souffreteux... Il admire ceux qui sont différents de lui, assurés, et, surtout, virils - même le curé de Torcy. Ceux qui sont des hommes dans la conception traditionnelle, forts, puissants, affirmant leurs opinions, sportifs même - alors que le Narrateur ne connaît rien en sport.

Ce personnage ne m'a donc pas convaincu car il n'a pas de vice, il est sincère - ce qui le rend, selon moi, ennuyeux. Et par rapport aux personnages du XIXème siècle que j'évoquais, il n'est que peu intégré à son époque. En effet, quelques touches seulement suggèrent qu'il vit au XXème siècle : la fin de la Grande Guerre, une moto, le développement du sport... Mais le texte s'inscrit peu dans cette réalité, ce contexte, alors qu'en ce début du XXème siècle, la déchristianisation gagne du terrain.

Je ne dois pas être la cible pour apprécier ce texte...

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Sous le soleil de Satan

La sainteté impossible



“Sous le soleil de Satan” de Georges Bernanos – qui est son tout premier roman, ne l'oublions pas – possède une force incroyable que les décennies passées n'ont pas éteinte.

C'est aux premières phrases que l'on reconnaît les grands livres :

« Voici l'heure du soir qu'aima P. – J. Toulet. Voici l'horizon qui se défait – un grand nuage d'ivoire au couchant et, du zénith au sol, le ciel crépusculaire, la solitude immense, déjà glacée, – plein d'un silence liquide… Voici l'heure du poète qui distillait la vie dans son coeur, pour en extraire l'essence secrète, embaumée, empoisonnée.

Déjà la troupe humaine remue dans l'ombre, aux mille bras, aux mille bouches ; déjà le boulevard déferle et resplendit… Et lui, accoudé à la table de marbre, regardait monter la nuit, comme un lis. »



En notre époque froidement rationnelle ou bien tout émoustillée par l'attrait de phénomènes prétendument paranormaux (nécromancie, chiromancie, cartomancie, et autres “scies” musicales pour chaises branlantes), il est bon de lire ou de relire ce chef-d'oeuvre bien vivant de la littérature française.

Qu'on soit ou non chrétien importe peu pour lire Sous le soleil de Satan. On peut être athée, agnostique, animiste, bouddhiste, je-m'en-foutiste et autres joyeusetés, c'est égal.

Le style de Bernanos est une grande tempête qui emporte tout sur son passage, même les consciences les plus réfractaires à son imaginaire.

Car Georges Bernanos sait faire parler le surnaturel avec une rare puissance d'évocation.

Ici, nous sommes loin des ectoplasmes invoqués par Victor Hugo à Guernesey ou autres fantômes de foire affublés d'un drap ridicule ; non, ici nous sommes confrontés à Satan en personne, rien de moins.

Satan n'a pas de queue fourchue ni de cornes de bouc, ça c'est bon pour la légende collective.

Celui que nous donne à voir Georges Bernanos est tranquillement travesti sous les traits d'un maquignon qui va cheminer dans la pénombre aux côtés de l'abbé Donissan ; et qui tentera en vain de faire plier la volonté de cet ecclésiastique afin de le désespérer de sa tâche quotidienne : le désespérer de sa foi, donc de sa vocation et de sa parole donnée.

“Vocation” vient du latin “vocatus”, qui signifie “être appelé”. Or, Donissan ne se sent pas vraiment appelé à être un berger des âmes. D'ailleurs, on voit bien qu'il se joue la comédie, notamment par le biais de plusieurs mortifications. Mais au fond, il n'est pas dupe : il sait bien que son être tout entier n'a pas la force de soutenir pareille vocation.

N'oublions pas non plus que le mot “foi”, est étroitement lié à celui de “confiance”. Et Donissan a si peu confiance en lui-même…

Il est comme son propre “diable” logé dans les replis de sa conscience.



Car, disons-le tout net : le Satan que nous dépeint Georges Bernanos est par trop excentrique et grotesque pour pouvoir effrayer son homme – et je pense, à ce propos, que l'intention de l'auteur de “Monsieur Ouine” était de nous en montrer une sorte de caricature bouffonne.

Pour cette raison, le Satan de Bernanos m'apparaît avant toute chose comme une représentation intime de la conscience torturée de Donissan.

Dans cette lumière grise et pâle, cette lumière de linceul, nous sentons l'abbé Donissan aux prises avec sa grande faiblesse humaine et tout son désir inassouvi de parvenir à “sauver des âmes”.

Il ne sauvera pas Mouchette. le destin de cette dernière sera le même que celui de l'autre Mouchette qui, dans “Nouvelle histoire de Mouchette” – récit terrible et prodigieux –, met fin à ses jours ; s'exile à tout jamais de la vie avec le goût amer du malheur coincé dans sa bouche.



L'abbé Donissan deviendra à la fin du récit, le “saint” de Lumbres. Il est étrange d'ailleurs de constater à quel point ce nom ressemble à celui de “Limbes” : les limbes qui ne sont rien de moins que les faubourgs de l'enfer.

Le saint de Lumbres se sent peu méritant de ce titre : car toute une croix d'impuissance pèse affreusement sur ses épaules d'homme.

Il sait qu'il n'a rien d'un saint, il en a la terrible conscience.

Il se sait imposteur.

L'imposture est d'ailleurs un thème central dans l'oeuvre de Bernanos : elle pose l'implacable question de la conformité entre notre parole et nos actes.

Car, après avoir exhorté le Ciel afin que lui soit donné le don du miracle, rien ne s'accomplira : l'enfant mort restera froid comme la terre d'hiver. Et c'est d'ailleurs là que se révèle également tout le génie de Bernanos : par sa faculté à nous faire espérer ce fameux “miracle” qui finalement n'aura pas lieu.

Ainsi le saint de Lumbres est ramené brutalement sur terre comme par la gifle d'une main immense ; cloué au sol, muré dans sa chair impuissante. C'est là que son humanité est, au fond, la plus bouleversante.



Le plus beau passage de ce livre, à mes yeux, se trouve dans les toutes dernières pages, lorsque le célèbre écrivain fictif, Antoine Saint-Marin (de L Académie Française) – qui ce me semble, a été inspiré à Bernanos par Anatole France –, se rend dans la paroisse du saint de Lumbres pour rencontrer cet homme d'église à l'aura mystérieuse ; et faire par là même une petite visite de courtoise hypocrisie à celui qui lui fait de l'ombre depuis le fond de sa paroisse isolée, à lui, le grand homme de lettres – et si peu de l'être.

Georges Bernanos nous le dépeint comme une sorte de dilettante pitoyable et désinvolte, façon de vulgaire journaliste qui se mêle de vouloir écrire sur un phénomène qu'il ne peut absolument pas connaître : à savoir la sainteté.

Antoine Saint-Marin – qui n'a de “saint” qu'une partie de son patronyme –, se retrouvera alors face à face avec un saint de Lumbres totalement inattendu.

Un homme dans le dénuement le plus extrême et qui n'aura pas besoin de “parler” – d'ailleurs il ne le peut pas, les lecteurs comprendront aisément pourquoi lorsqu'ils parviendront à la fin du livre –, pour foudroyer littéralement toute la petitesse et l'âme miséreuse de cet écrivain à succès, de cet homme tiède et minuscule.

La phrase muette qui se manifeste à la toute fin du livre, résonne comme le tonnerre et demeure longtemps clouée dans l'esprit.

Et c'est le silence qui remporte la dernière victoire.



Bernanos aura ces mots sublimes, dans un autre grand livre, “Journal d'un curé de campagne” :

« Garder le silence, quel mot étrange ! C'est le silence qui nous garde. »



Voilà de quoi méditer.



Thibault Marconnet

15/12/2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Journal d'un curé de campagne

Ce roman contient tout ce qu’un journal serait susceptible de renfermer : les descriptions du quotidien, des conversations rapportées, des idées couchées sur le papier à la va-vite, des états d’âme, des propos raturés, des pages arrachées. Le jeune curé d’Ambricourt découvre peu à peu ses paroissiens, tous écrasés par l’ennui ou autrement dit par la déréliction. On peut donc lire ici le sacerdoce d’un pauvre curé, fragile, nerveux, malade et rongé, lui aussi, par le cancer du doute ; à cette différence près que lui vit pleinement ce début de démoralisation, sans jamais tenter de le fuir, de s’y complaire ou de l’évacuer hors de lui. Il ne perd jamais complètement la foi, s’en remet toujours à Dieu, même s’il évolue au bord du précipice. Il y a énormément d’humilité, de pudeur dans ce qu’écrit ce curé, seuls les passages scrupuleusement biffés et les pages manquantes nous laisse deviner des sentiments vraiment excessifs. Une bonne partie du début de ce journal est consacré à un problème historique de l’Eglise, un « problème insoluble : rétablir le Pauvre dans son droit, sans l’établir dans la Puissance. » Ce paradoxe de la charité chrétienne qui soutient le pauvre dans sa pauvreté se reflète par les difficultés à agir dans la réalité du curé d’Ambricourt, sa maladresse malgré ses bonnes intentions. « Aucune société n’aura raison du Pauvre. Les uns vivent de la sottise d’autrui, de sa vanité, de ses vices. Le pauvre, lui, vit de la charité. Quel mot sublime. » Encore une fois, malgré l’inadaptation de l’idéal à la réalité, le curé d’Ambricourt ne perd pas la foi ; le monde ne peut être racheté que par la charité. L’injustice, ce mal qui prolifère, le curé d’Ambricourt la connait trop bien pour ne pas la déceler immédiatement chez ses paroissiens. Confronté aux intrigues familiales, aux secrets, aux souffrances, il remonte les révoltes, les luxures, les haines jusqu’au scandale initial, l’injustice inacceptable, auquel il faut pourtant se résigner pour retrouver l’espoir. Loin de poursuivre une chimérique éradication d’un Mal qui se métastase, qui s’insinue partout et peut-être là où on le cherche le moins (au sein même de notre propre être), il prêche l’acceptation, la résignation, car « qui juge la faute ne fait qu’un avec elle, l’épouse ». Dans sa très éclairante préface, reproduite dans l’édition Pocket, Malraux fait un bref résumé de l’évolution des personnages de roman au cours du dix-neuvième siècle. Il rapproche les personnages de Dostoïevski à ceux de Bernanos et parle pour ce dernier d’incarnation. Le curé d’Ambricourt a effectivement quelque chose de surnaturel, d’une pure âme.
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Dialogues des Carmélites

Comme souvent avec les œuvres de qualité, chacun, dans sa lecture du "Dialogue des Carmélites" aura la possibilité d'hypertrophier le thème résonant le plus fortement en lui, parmi tous ceux proposés par l'auteur.



Indépendamment du contexte historique choisi, particulièrement dramatique et propice aux émotions extrêmes -la Terreur en France- c'est le jeu ironique de Dieu avec la volonté et les pulsions des hommes (ici des femmes, ce qui donne d'ailleurs à l'oeuvre une intensité toute particulière) qui m'a le plus séduit.

En effet, Blanche de la Force renommée "de l'Agonie du Christ", ayant fui au couvent par peur pathologique du siècle et voulant à tout prix y échapper à une mort inéluctable, finit par suppléer volontairement sur l'échafaud Marie de l'Incarnation, celle-là même dont toutes les forces étaient depuis longtemps tendues vers le martyr et qui se trouve de ce fait contrainte d'y renoncer et vivre.



Si on s'affranchit du caractère éminemment religieux de l'oeuvre et encore plus si on est athée, on parlera, non du jeu de Dieu, mais de celui du destin. Et on ne manquera pas de s'interroger sur l'éventuelle pertinence de cet état d'esprit qu'on appelle aujourd'hui le lâcher-prise.
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Les grands cimetières sous la lune

"On gagne toujours à reprendre Bernanos. Ce grand homme de foi et tout aussi grand homme de passion, pamphlétaire redoutable et « plus grand romancier de son temps » selon Malraux (qui préfaça en 1974 le Journal d’un curé de campagne), avait la vocation...
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Nouvelle histoire de Mouchette

J’ai découvert "Nouvelle histoire de Mouchette" par le cinéma, avec l’adaptation magistrale de Robert Bresson. Il y a d’ailleurs un passage du livre qui a peut-être influencé le travail du cinéaste, celui de la référence au langage des mains, bien plus franc et sincère que celui des yeux selon Bernanos, un langage si bien mis en valeur dans les films de Bresson (je pense notamment à des passages de "L’argent").

Ce récit est une peinture de la misère, celle d’une jeune fille de quatorze ans, Mouchette, qui en est comme l’incarnation. Bernanos arrive à transcrire la résignation et la soumission de cette pauvre adolescente confrontée aux brimades de l’institutrice, aux médisances des gens du village et aux regards malveillants des hommes. Comme si le tableau n’était pas assez sombre, elle doit subir les absences et les injustices d’un père alcoolique.

Mais contrairement à sa mère qui accepte, comme de nombreuses femmes, ce statut de bête de somme, Mouchette est une révoltée. Elle n’hésite pas à tenir tête, car quelque chose en elle le lui commande.

Ce récit pourrait être une sorte de réquisitoire contre le sort réservé aux femmes. Peut-être Bernanos aura-t-il contribué, en son temps, à éveiller les consciences devant cette intolérable injustice avec cette poignante histoire, mais il est toujours salutaire de le lire aujourd’hui, il reste encore tant de Mouchette dans ce monde de brutes.

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Journal d'un curé de campagne

décrit l’existence discrète d’un jeune prêtre catholique dans la petite paroisse flamande Ambricourt dans le nord de la France. Il est marqué par un cancer de l’estomac et son désespoir devant le manque de foi dans la population du village.



Le journal est divisé en trois parties.



Dans la première partie le jeune prêtre décrit son arrivée dans sa paroisse du nord de la France et ses premières expériences avec la population pauvre.



Dans la deuxième partie, il s’agit de la vie quotidienne dans la paroisse. Le curé décrit ses rencontres avec différentes personnes et les résultats de son travail. Il échoue à remplir son devoir, et c'est seulement pendant une crise dans le château du village qu'il réussit à convaincre la comtesse de l’existence de Dieu. Elle se trouve dans une situation fatale et elle meurt un jour plus tard.



La dernière partie traite du séjour et de la mort du curé à Lille après un examen médical.



Grand Prix du roman de l'Académie française. Le livre a été adapté au cinéma en 1950 par Robert Bresson pour le film éponyme Journal d'un curé de campagne. - wikipédia



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