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Critiques de Georges Bernanos (309)
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Journal d'un curé de campagne

Un jeune prêtre arrive dans la commune d’Ambricourt, sitôt sorti du séminaire. Son aspect triste et maladif, ses maladresses répétées et son ardeur à défendre la foi chrétienne éveillent bientôt la méfiance, puis l’hostilité de ses paroissiens. Trouvant le soutien en de rares compagnies – le vieux curé de Torcy notamment –, le jeune curé se trouve vite en proie à de graves difficultés physiques et à des tourments métaphysiques qui le mettent davantage au supplice.



A Ambricourt, ses manières dérangent. De nature fragile, le jeune prêtre tombe bientôt malade à cause d’un régime alimentaire inadapté. Pis, on le voit boire son verre de vin tous les jours. On le dit alcoolique : comment expliquer sinon qu’il titube en plein jour lors de ses tournées de visite à ses paroissiens ? Comment expliquer ce regard fuyant, ces attitudes inadaptées à un village où les gens n’attendent pas qu’on leur dise comment vivre ?



Le roman tourne toutefois autour d’une famille, sorte de personnage aux visages multiples : la famille du comte. Ce dernier impressionne le prêtre alors qu’il n’est, selon les dires du curé de Torcy, qu’un paysan riche bien dégrossi. Cet homme a une relation privilégiée avec sa fille, une jeune adolescente capricieuse, odieuse, colérique, qui exige le départ de sa préceptrice, Mlle Louise. La comtesse, elle, supporte d’autant plus mal cette relation qu’elle a perdu son fils quelques années auparavant. Tous trois, comme les habitants du village, affectent un christianisme qui n’en a que l’aspect. Le drame du prêtre est d’être le seul véritable chrétien – de pratique, de vie – dans ce village où Dieu n’a que trop peu de place. Plein d’ardeur intérieure, il a en obsession la conversion et le service des autres, dont il voit la réalisation dans l’affirmation de la pauvreté comme idéal.

Evidemment, le roman témoigne de la foi de son auteur, fervent catholique, qui le publie en 1936. Si certains passages paraîtront obscurs et peu compréhensibles à des esprits vivant en dehors de l’idée divine, il n’en reste pas moins que le livre contient des pages remarquables sur l’amour et sur la présence de Dieu dans nos sociétés. Le jeune prêtre – se faisant peut-être ici la voix de Bernanos – rejette ce monde qui se passe de Dieu et s’agite, s’agite pour combler le vide. L’écho résonne fortement dans nos sociétés de la vitesse, de l’immédiateté.



Le roman porte les raisons de la désaffection pour le christianisme d’une population intéressée par son enrichissement matériel. La révolte du prêtre est silencieuse mais elle est urgente : ces âmes qui refusent Dieu sont définitivement perdues. La voix seule se perd cependant dans le bruit du monde ; du moins nous parvient-elle, isolée mais point désespérée, à travers ce journal.
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Sous le soleil de Satan

Je ne savais pas que ce bon vieux Satan pouvait être aussi ennuyeux. Hé bien si ! Pourtant avec un prêtre qui voit le mal partout, Bernanos avait de quoi nous délivrer une œuvre forte que l'on soit croyant ou non. Toutes ces longues tergiversations, ce curé neuneu, sont d'un ennuyant.  Pourtant cela commençait bien !!! 

Pour moi, malgré les explications que j'ai lu après, ce livre est à fuir au même titre que l'abbé Donissan. 

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Les grands cimetières sous la lune

Bernanos semble constamment marcher sur l'arrête d'une montagne, tout près du précipice où il voit que le monde tombe. Il assiste aux massacres épouvantables de la guerre d'Espagne et voit les siens, l'Eglise catholique à laquelle malgré tout il reste fidèle, sombrer dans le déshonneur, bénir les tueries, s'allier avec les diables Mussolini, Hitler et Franco. Son arme à lui, c'est la plume, une plume qui tire sur tous les médiocres, les politiciens français en particulier, et ceux de droite d'abord, qui au nom de la Nation sont prêts à se soumettre aux plus odieuses dictatures. Cela fait-il cependant de lui un homme de gauche? Loin de là. Il s'affirme royaliste et regarde la démocratie avec mépris. Bien sûr, ses mots semblent aujourd'hui d'un autre temps. On n'y adhère plus. Mais il a réussi à conserver son honneur au milieu de la guerre totale. Ils sont peu.
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Journal d'un curé de campagne

Nous découvrons les états-d'âmes d'un jeune prêtre envoyé dans un village du nord de la France. Les passages les plus marquant du récit sont les dialogues entre le prêtre et certaines personnes qu'il rencontre. Des réflexions philosophico-religieuses sur lesquelles , je l'avoue , je ne me suis pas trop attardé. Peut être l'ai-je mal lu, un peu trop rapidement.

En tous les cas , un livre de convictions. Intéressant pour découvrir ce que pouvait être la vie d'un prêtre de province au début du dernier siècle. Un livre de "terroirs".
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Les enfants humiliés

Quelle est cette voix douce, puissante, infatigable, que l'on dirait venue de quelque recoin oublié de notre conscience et qui, chargée d'un savoir interdit au jour, ne cesse de murmurer les mots de la nuit qui fut celle où elle combattit, dans la boue et la puanteur, le ciel déchiré par les éclairs des obus, celle ou la paix indigne fut signée par des mains de cadavres, celle où la guerre infâme se déchaîna comme une suite logique à cette paix tronquée, celle enfin qui est la nôtre, alors que nous lisons ces mots qui coulent dans notre mémoire, depuis elle, et savons que la nuit à venir sera peut-être encore plus profonde, et plus noire, et qu'elle ne trouvera peut-être pas le jour, la lumière que cette voix douce, puissante, la voix infatigable de Georges Bernanos, a tirée des ténèbres où elle avait sa demeure ?
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Sous le soleil de Satan

Texte délicieusement sombre comme une fausse aurore, marqué du sceau du péché à chaque page ou presque, du crime du dedans et du dehors, ce livre est une messe noire ... Explorant l'angoisse sans cesse (ce Satan trismégiste), la vie complexe des confins infinis du dedans des âmes, la mystique de "Sous le soleil de Satan" (l'anti soleil platonicien ...) étonne.

L'abbé Donissan, ce futur Saint de Lumbres, occupe un espace narratif et dramatique puissant, tragique, et qu'un style enlevé (phrases plutôt courtes, rythme dynamique, bascules fréquentes dans le présent de narration ...) tisse.

Une expérience de lecture singulière que je recommande donc, si on aime Huysmans par exemple (moins l'humour) et aussi, pour tout dire, étonnamment, Homère. Mais oui !
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Journal d'un curé de campagne

N'ayant jamais lu Bernanos, ce "journal d'un curé de campagne" a été une véritable claque ! Loin de l'image d'Epinal du curé apprécié de tous, Georges Bernanos nous fait voir un tout jeune prêtre, malade, isolé dans sa campagne venteuse, en butte à la méfiance hostile des villageois.

Rien n'est simple pour lui qui doit lutter contre d'atroces maux d'estomac, contre sa pauvreté, contre les doutes de sa foi.

Les pages sur sa solitude, l'amitié de rares personnes sont d'une grande force. Le dialogue avec la comtesse est absolument exceptionnel - ce serait un formidable moment de théâtre. On ne sort pas indemne, selon l'expression consacrée, de la lecture de Bernanos.
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Monsieur Ouine

Georges Bernanos (1888-1948) est un écrivain déchiré entre le mysticisme et la révolte qui combattra par ses livres, la médiocrité et l’indifférence. On lui doit Le journal d’un curé de campagne (1936), Le dialogue des Carmélites (1949), Sous le soleil de Satan (1926) adapté au cinéma par Maurice Pialat. Il vivra en France, au Paraguay et au Brésil.

Le récit se déroule dans un petit village du Nord en 1931 où l’on a découvert le cadavre d’un jeune valet de ferme. Une quinzaine de personnages sont plus ou moins directement impliqués dans cette mort qui mettra tout le village en ébullition. Résumé ainsi on pourrait penser à un roman policier, mais ce n’est pas le genre de la maison ! et le propos est beaucoup plus vaste ou ambitieux.Bien vite l’intrigue n’est plus le moteur de l’intérêt porté au livre. Georges Bernanos va se livrer à une dissection des âmes humaines et étaler sous nos yeux les travers de ce microcosme, des élites aux plus humbles. Le maire qui cherche désespérément l’absolution pour ses pêchés passés, le médecin incapable, le prêtre dépassé par sa charge et au bord de la rupture avec sa foi, la châtelaine à moitié folle qui parcourt le pays avec sa jument, Steeny l’adolescent ignoré par sa mère mais poursuivi de manière équivoque par sa gouvernante. Au milieu de tout ce beau monde, monsieur Ouine, ancien professeur de langues atteint de tuberculose, incarnation de Satan ? dont nous suivrons l’agonie à la fin de l’ouvrage.

La mort du jeune valet entraînera d’autres décès et l’enterrement du jeune homme verra l’apothéose des haines villageoises et de la bêtise humaine au cours d’une cérémonie lamentable tournant à l’émeute. « L’image d’un monde en perdition qui s’éloigne de toute spiritualité, foi religieuse comprise mais pas exclusivement ».

Un livre complexe qui nécessite de faire des efforts de lecture, surtout au début, pour entrer dans la trame du roman et le style de l’auteur. Un livre de vraie littérature, noir et désespéré qui s’accorde parfaitement avec les soirées d’automne et le feu dans la cheminée.

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Nouvelle histoire de Mouchette

« Ô maudite enfance qui ne veut pas mourir ! ». C'est le livre d'une malédiction vécue par Mouchette, mais aussi par M. Arsène, épileptique et saoul, qui l'abrite et lui parle avant de la violer, par sa mère, « La mourante tient le goulot serré entre ses lèvres et elle aspire bruyamment, maladroitement. le liquide coule d'abord de chaque côté de sa bouche, puis il inonde le cou, la chemise », par son père, « défiguré par l'enflure lorsqu'il souffre de ses terribles rages de dents », et encore son petit frère, « paquet de chiffons fumant d'urine et de lait aigre ».



Malédiction ou plutôt déréliction, misère extrême, car il n'est jamais question ici de religion — ni dieu ni diable —, témoignage d'une ultime misère matérielle et morale que Bernanos installe puissamment dans le récit d'une seule nuit. On y parle, mais il n'y a pas de dialogue, et le monologue intérieur est aussi nu qu'expressif. Le seul personnage loquace et bienveillant est la vieille sacristine, familière de la fin de vie. Quelques expressions doloristes agacent le lecteur contemporain comme « l'inavouable douceur », « le pauvre petit corps douloureux », « sa pauvre âme harassée », mais ce livre hautement tragique est une révélation sur le plan social et mental.

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Dialogues des Carmélites

Pour les Dialogues des Carmélites, j'ai tout fait à l'envers : choriste amateure, j'ai d'abord chanté une partie de la partition de l'opéra de F.Poulenc (et joué sans paroles dans les actes 2 et 3), ne m'intéressant d'abord qu'aux lignes des choristes (contrairement au scénario du film, et malgré les coupures, la partition est un pavé). Puis, j'ai voulu découvrir le texte des solistes pour mieux comprendre l'histoire, le contexte, et donc mieux interpréter. Et enfin, j'ai terminé par la lecture du scénario cinématographique de Georges Bernanos.

Je tiens à préciser que je n'étais fan ni de la musique (profane) de Francis Poulenc ni des oeuvres de Georges Bernanos, lues à l'adolescence. C'est l'expérience musicale de l'opéra qui m'avait tout d'abord attirée.

Je précise également que je suis non-croyante mais cette expérience a été inoubliable, intense de bout en bout. Bien sûr, les Carmélites sont des religieuses mais elles sont aussi des êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs peurs et leurs joies. En d'autres termes, elles sont comme nous, de simples mortels.

Nous avons chanté cet opéra dans des décors minimalistes et en costumes. Ce n'étaient pas des déguisements, mais de vrais habits de Carmélites que nous avions empruntés au Carmel de Compiègne, d'où étaient originaires les religieuses qui ont été guillotinées. Croyez-moi, endosser un tel habit n'est pas anodin, c'est comme enfiler une seconde peau, et cela vous transforme. Alors non, je ne me suis pas convertie, mais je crois que j'ai ressenti leur émotion et j'ai chanté plus intensément. Le séjour en prison, la montée à l'échafaud ont été terribles, m'ont portée au comble de l'émotion. Des larmes ont coulé sur scène et dans la salle. Je vous mets au défi d'écouter le Salve Regina qui les accompagne à la guillotine sans avoir la chair de poule.

En dépit de ce que l'on pourrait croire avant d'entamer cette lecture, les thème abordés nous concernent tous et posent des questions essentielles sur l'être humain, la vie, la mort, le sens du sacrifice.

En conclusion, malgré les handicaps multiples de départ en ce qui me concerne, j'ai réellement apprécié la lecture de ce texte et surtout de l'avoir « vécu » de l'intérieur. On n'en sort pas indemne, même quand on est choriste habituée à chanter de la musique sacrée et à éprouver de fortes émotions.

Je me souviendrai toujours, je crois, des mots de ce spectateur à la fin de notre première représentation : « Waouh… je ne trouve pas de mots. »



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Journal d'un curé de campagne

Roman écrit il y a quatre vingts ans, première référence importante car il ne pourrait plus écrit aujourd'hui puisqu'il n'y a plus de curé de campagne. Ce jeune curé confie donc à son journal ses sentiments au fil de ses contacts avec ses paroissiens si différents et se rejoignant toutefois avec facilité dans la complaisance, la vanité, les certitudes, l'hypocrisie et le mépris des uns pour les autres. Même sans curé, cela n'a pas trop changé dans les campagnes au XXIéme siècle. Le héros de Bernanos veut apporter du mieux être autour de lui. Il croit, sa foi est indéfectible même si son âme est soumise aux tourments de l'humain. Bernanos a écrit un roman à la fois mystique et très ouvert aux problématiques humaines. Son héros, dans sa fragilité, porte une puissance qui le mène sereinement vers son destin.
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L'Imposture

Il parait qu’à l’origine « L’Imposture » ne devait former qu’un seul et même roman avec « La Joie », mais comme Georges Bernanos n’arrivait pas à élaguer son sujet il a finalement publié son livre en deux volets. A mon avis, il aurait mieux fait de revoir la deuxième partie de « L’Imposture », trop longue, moins personnelle, et qui semble à part. L’influence de Bloy se fait trop sentir, c’est comme si Bernanos avait voulu se payer le petit milieu politico-journalistique catholique, avec en sujet de fond la crise de la modernité. Le ton est très acide, tous les personnages qui sont mis en scène ne sont définis que par leurs vices : orgueil, hypocrisie, avarice, lâcheté, luxure, gourmandise, il n’y en a pas un pour sauver l’autre. C’est trop terre-à-terre et loin des magnifiques analyses d’âmes et de comportements dont est capable Bernanos.

Les trois autres parties sont par contre du pur Bernanos, l’illustration du combat entre le bien et mal, la sainteté et le satanique. La première partie, qui s’attarde sur l’abbé Cénabre, est une plongée en apnée dans l’esprit du Mal. Elle raconte la nuit où l’abbé Cénabre a pris conscience que sa vie était une duperie, qu’il avait non seulement menti aux autres mais qu’il s’était menti à lui-même ; pour tout dire, il se rend compte qu’il n’a jamais cru en Dieu. Après toute une nuit passée à tergiverser, à désespérer, il prend finalement la décision de ne rien changer à son comportement et à sa vie. Un imposteur donc, qui frôle la démence lors de cette nuit, quelque chose se brise, l’isole définitivement du monde, des autres et de lui-même, ou alors, pour le dire autrement, peut-être se laisse-t-il posséder par Satan, lui-vend-il son âme ? Bernanos cherche à démontrer l’utilité de la confession sincère qui aurait permis à l’abbé Cénabre d’éviter cette prise de conscience tardive et dévastatrice, ainsi que l’installation du mensonge.

En face de lui se dresse la figure pitoyable de l’abbé Chevance, pauvre curé trop humble. Il détonne beaucoup par rapport à la majorité des personnages qui sont tous orgueilleux d’une manière ou d’une autre. Bernanos fait intervenir le surnaturel dans ce roman avec plus de discrétion que dans « Sous le Soleil de Satan », on ne peut pas qualifier l’abbé Chevance de saint, pourtant il est assez proche de l’abbé Donissan, il possède lui aussi l’art de lire dans les âmes et de détecter le Mal, en tout cas il est très perspicace de ce côté-là. Il a d’ailleurs été écarté de sa paroisse suite à une affaire d’exorcisme. Et comme dans « Le Journal d’un Curé de Campagne », il doit lutter contre le mal dans son propre corps.

Vers la fin du roman apparait Chantal de Clergerie, une jeune fille de bonne famille à la personnalité également surnaturelle, caractérisée par une simplicité hors norme et une acceptation joyeuse de la vie dans son ensemble, parfaitement soumise à Dieu. Elle est en quelque sorte l’élève de l’abbé Chevance et le dernier paragraphe laisse penser que c’est elle qui sera le personnage central de « La Joie » et qui se trouvera confrontée à l’imposteur. On en frémit d’avance pour elle.
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Monsieur Ouine

Monsieur Ouine ! Donner un avis sur ce livre n 'est pas chose facile à mon humble avis : car en lisant le titre ,on remarque qu 'il est composé d 'une affirmation ; oui et d 'une négation ;ne cad non ! Ce livre est venu comme une réponse à ce que prone André Gide dans ces écrits où il exprime le fait de s 'attacher à rien et de tout quitter la famille ,les biens ,e't Bernanos lui'meme le dit dans la citation que j ' ai écrite "est-ce que j'ai l ' air d' un ravisseur d 'enfants ';Dans l 'ensemble c 'est ce que j ' ai saisi ,
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Monsieur Ouine

Bernanos... encore un de ces auteurs dont on se dit qu'il faudra bien qu'on les lise, un jour...

Ma première tentative en ce sens s'est lamentablement interrompue avant le premier quart du "Journal d'un curé de campagne", dont les circonvolutions philo-théologiques ont coupé net mon bel enthousiasme.



J'aurais pu en rester là, d'autant plus qu'Aaliz, qui est courageusement allée jusqu'au bout du "Soleil de Satan", semblait confirmer la rebutante complexité de son oeuvre.



Puis, je suis tombée par hasard à la librairie du coin sur "Monsieur Ouine", agrémenté d'une élogieuse petite note du libraire. "Soit, ne soyons pas obtuse. Retentons l'expérience...", m'exhortais-je in petto.



Je ne remercierais jamais assez l'auteur de la dite petite note : j'ai adoré ce bouquin ! D'emblée. Les premières pages du roman m'ont fait penser à Faulkner (si ça, ce n'était pas de bon augure) : le lecteur est immergé sans préambule au cœur d'une scène en cours, se trouvant face des personnages qui, ne lui ayant pas été présentés, lui donnent un peu de fil à retordre pour ce qui est de comprendre qui ils sont, et quels sont les liens qui les unissent les uns aux autres. Et à peine a-t-il vaguement commencé à se familiariser avec ce contexte que le voilà projeté sans transition vers une autre scène et d'autres protagonistes qu'il faut à nouveau apprendre à connaître avec le peu d'éléments que nous fournit l'auteur.



Rassurez-vous, les interactions entre les héros deviennent rapidement suffisamment claires et l'intrigue suffisamment intelligible pour nous permettre d'en saisir le cadre général.

Quant à en comprendre toutes les subtilités... disons que "Monsieur Ouine" est sans doute de ces romans que l'on ne peut appréhender en profondeur qu'à condition de le lire plusieurs fois. Georges Bernanos s'y montre maître dans l'art de l'ellipse : les événements sont souvent davantage suggérés que réellement dépeints, les pensées des personnages livrées par bribes, mais ces bribes sont choisies avec une telle justesse qu'elles permettent au lecteur de percevoir sans peine l'ampleur de leurs désespoirs, la force de leurs haines... Car ce texte est d'une intense noirceur.



L'auteur utilise le prétexte de l'assassinat d'un jeune valet de ferme, dans un village du nord de la France, dans les années 30, pour mettre en exergue la malveillance et la perdition des âmes.

Autour de l'entité incarnée par des villageois anonymes qui, entraînés par le phénomène de groupe, finissent par exprimer toute l'étendue de mauvais instincts qu'excitent la hargne et la bêtise, orbitent des héros plombés par le mal-être.

Le jeune Steeny, orphelin de père, étouffe au sein d'un foyer uniquement féminin où il ne trouve pas sa place, et dont il rêve de fuir la torpeur. On comprend sa fascination pour la sulfureuse comtesse de Néréis, femme extravagante, violente et sensuelle qui se livre avec le garçon à un étrange jeu de séduction. Celle qu'il éprouve pour Monsieur Ouine est plus énigmatique. Ce pensionnaire du château des Néréis, au physique flasque, rebutant, exsude une souffrance psychologique et spirituelle terrible, dont les fondements demeurent troubles.

D'autres que lui sont également rongés par d'insondables culpabilités, face auxquelles les médecins du corps comme de l'âme, dont la foi s'épuise face à tant de malheur et de barbarie, demeurent impuissants.



On referme ainsi l'avant-dernier roman de Georges Bernanos avec la conviction de l'absence de toute possibilité de salut pour cette humanité déchue...



Relirai-je un jour "Monsieur Ouine" ? Peut-être..

Toujours est-il qu'il aura suffi de cette première lecture pour que ce roman désespéré, à l'écriture foisonnante, complexe, et d'une implacable précision, me passionne...
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Un crime

A Mégère, les habitants attendent l'arrivée de leur nouveau curé. Celui-ci se fait désirer, il arrive pendant la nuit dans sa nouvelle demeure perdue au fin fond des Alpes. Cette première nuit est mouvementée. Le curé de Mégère se réveille en sursaut après avoir entendu un claquement, comme un coup de pistolet. Il donne l'alerte au village et les recherches commencent aux alentours de la maison du prêtre. C'est dans le parc du château qu'est découvert le corps d'un jeune homme. Encore en vie au moment des recherches, il ne tardera pas à trépasser. Le maire se rend alors au château pour savoir si les habitantes, une dame et ses deux domestiques, ont entendu quelque chose. C'est l'horreur et l'effroi qui les attendent à l'intérieur. La vieille dame a été assassinée. Les notables du village, le maire, le procureur et le curé, tentent d'élucider ce double meurtre. L'héritière, arrière-petite-nièce du mari de la morte, est-elle mêlée à ce terrible crime ?



En 1934, Georges Bernanos a des soucis financiers. Pour renflouer ses caisses, il s'attèle à l'écriture d'un roman policier. A l'époque, comme le précise la postface, Georges Simenon donne ses lettres de noblesse à ce genre populaire. Mais Georges Bernanos ne peut s'empêcher de faire du Bernanos et les thématiques de l'auteur sont bien présentes dans “Un crime”. L'intrigue se déroule dans un village reculé des Alpes, loin de la civilisation. La nature y est âpre, rude et hostile : “Le ciel s'était couvert de nouveau bien que, par chaque brèche un moment ouverte au flanc des brumes, le soleil lançât un bref rayon oblique qui semblait courir d'une extrémité à l'autre de l'immense paysage, ainsi que l'éclair d'un phare. Alors une pluie rageuse crépitait comme une grêle sur les vitres, et s'éloignait de lui.” La nature écrase les hommes chez Bernanos.



C'est dans ce cadre pesant qu'arrive le nouveau curé de Mégère. Comme dans “Le journal d'un curé de campagne” et “Sous le soleil de Satan”, il est le personnage principal de ce livre. Comme dans le premier roman, le prêtre est jeune, sans expérience et semble trop sensible pour la rudesse du pays. Mais c'est également un personnage mystérieux, avare de mots et de confidences. Le procureur essaie de se rapprocher du curé et de percer le secret que celui-ci semble cacher.



A travers les deux meurtres, Bernanos évoque également la bassesse de l'être humain. Dans “Le journal d'un curé de campagne”, le héros se heurte à l'hostilité, à la lâcheté des villageois. Ici c'est le crime qui montre la noirceur de l'âme humaine. Le procureur évoque la nature du meurtre et de l'homme : “Le crime est rare ; je veux dire le crime qualifié, authentique, tombant sous le coup de la loi. Les hommes se détruisent par des moyens qui leur ressemblent, médiocres comme eux. Ils s'usent sournoisement. Et les crimes d'usure, monsieur, ça ne regarde pas les juges !” Le pessimisme de Georges Bernanos est bien à l'oeuvre dans “Un crime”.



Et ce sont peut-être les pessimistes qui écrivent les plus grands romans noirs. Car ne nous y trompons pas, “Un crime” est bel et bien un roman policier. C'est une intrigue époustouflante qu'a construite Georges Bernanos. Le lecteur est tenu en haleine jusqu'à la dernière page du livre. Il y a bien un assassin à débusquer et c'est d'ailleurs lui qui nous révèle le fin mot de l'histoire. Je dois reconnaître avoir dû relire le dernier chapitre pour assembler les pièces du puzzle. La fin choisie par l'auteur est totalement surprenante et originale. Et pourtant Bernanos sème des petits cailloux tout le long du récit, nous donne des indices. Le livre terminé, j'ai relu de nombreux passages pour me rendre compte à quel point Bernanos m'avait roulée dans la farine ! L'auteur nous offre une belle énigme à résoudre, il ne bâcle pas sa révélation finale. On sent à travers cela toute l'exigence et la qualité d'un grand écrivain.



“Un crime” est non seulement un bon Bernanos mais également un grand roman noir. Je me suis régalée avec cette intrigue complexe et le style fabuleux de Georges Bernanos.
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Un crime

Bon , content d'avoir lu ce livre et d'avoir découvert la belle plume de Bernanos que je ne connaissais pas....belle ambiance et personnages complexes à souhait , dans une ambiguïté permanente....je dois reconnaitre que j'ai fermé le livre sans être sûr d'avoir bien compris...pas grave, j'en garderais un beau souvenir et feuilleter un livre imprimé en 1950 avec cette odeur particulière du papier vieilli , cela fait partie de l'expérience
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La France contre les robots

Bien difficile d’oser prendre la parole après tant d’intelligence et de style.



L’étiquette qui est souvent collée à Bernanos me semble ici complètement battue en brèche, par l’importance et la valeur qu’il accorde d’abord et avant tout à la Révolution française ; et surtout le rôle, la portée qu'il lui restitue. Si réactionnaire il semble être, ce n’est pas par ce bout là (un prétendu passéisme rabougri) que l’on peut le piéger ! Ne disait-il d'ailleurs pas, à cette critique sur son prétendu passéisme : "oui j'aime le passé, mais je ne pense qu'à l'avenir"...? Car la Révolution qu'il loue est une promesse non tenue ; le progrès/la modernité qu'il conspue en est même sa subversion.



Oui ! Bernanos ne se pâme pas devant la modernité comme l’on baille aujourd’hui, benoitement, devant toute manifestation (souvent technologique) de ce qui devrait être perçu, compris, entendu comme du progrès. Car, finalement, la modernité qu’on nous vend, le progrès dont on nous rebat les oreilles, le sens de l’histoire devant lequel tous devrions nous incliner n’a rien d’une sinécure : au contraire.



La modernité dans laquelle nous sommes jetés sans égard est celle d’un monde indifférencié, donc inhumain. C'est, pour le dire sans se payer de mots, un crime contre l’humanité ! Qu’a-t-elle à offrir à chacun ? « Une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience et finalement de profit ». Que fait-elle de nous tous ? « Une société d’êtres non pas égaux, mais pareils ». La modernité dont on nous fait la réclame n’est finalement rien d’autre que « la Civilisation des machines [c’est-à-dire] la civilisation de la quantité opposée à celle de la qualité ». Que reste-t-il d’humain dans ce projet ?



Certes, Lewis Mumford, Simone Weil, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Gunther Anders, Ivan Illich, George Orwell, et encore bien d’autres ont fait le même constat, certains plus tôt, d’autres plus tard. Mais Bernanos en tire une conclusion provocante, que dis-je, déploie un leitmotive (puisqu’il sait que nous savons, avertis déjà, vivants – encore un peu – et supportant cette infamie) que la seule chose que l’on puisse finir par dire c’est que nous sommes des « imbéciles ». Ah il ne mâche pas ses mots l’ami Georges, il ne nous ménage nullement, ne nous épargne rien (que l’on soit un thuriféraire du progrès ou une de ses victimes passives, restant là, à ne rien faire d’autre que supporter son mauvais sort, son malheur au sens propre).



Qu’est-ce que la France ? La Révolution lui avait donné les couleurs de l’espérance, d’une humanité fière, réconciliée, parce qu’autonome, affranchie de toutes les tyrannies, des pouvoirs iniques sous toutes ses formes ; et libre d’entreprendre l’érection d’une existence réelle, digne.

Qu’en a fait le progrès technologique ? Une nation d’imbéciles, parce que « les imbéciles y dominent […] par le nombre, [parce] ils y sont le nombre ». Et sur l’issue, Bernanos a peu d’espoir, ce qui explique sans doute sa colère : « vous resterez bouche bée, imbécile devant des destructions encore inconcevables à l’instant où j’écris ces lignes, et vous direz exactement ce que vous dites aujourd’hui, vous lirez dans les journaux les mêmes slogans mis définitivement au point pour les gens de votre sorte, car la dernière catas­trophe a comme cristallisé l’imbécile ; l’imbécile n’évoluera plus désormais, voilà ce que je pense ; nous sommes désormais en possession d’une certaine espèce d’imbécile capable de résister à toutes les catastrophes jusqu’à ce que cette malheureuse planète soit volatilisée, elle aussi, par quelque feu mysté­rieux dont le futur inventeur est probablement un enfant au maillot ».



Quand on lit, à longueur de manchette de journaux, les ravages de l’automatisation, de la numérisation, de la digitalisation, sur les hommes comme sur la nature, peut-on facilement le prendre de haut et dire qu’il avait tort ?

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La France contre les robots

La France contre les robots est un ensemble de pamphlets violents destinés à ébranler le cœur des Hommes et les mettre en garde sur la société qu'ils sont entrain de créer. De nombreux sujets sont abordés, comme la technologie, évidemment, mais elle sert surtout de prétexte à dénoncer les travers humains en général: économie détraquée, perte de liberté, amollissement des consciences individuelles, amoindrissement des valeurs, violence générale... bref, tout le monde en prend pour son grade. Au delà de ce que dit Bernanos, le plus frappant et le plus triste, est que ce texte de 1947 est encore d'actualité aujourd'hui. Cet homme visionnaire dénonce des choses qu'encore aujourd'hui un grand nombre peine à comprendre, ou se refuse à voir. C'est pour cette raison que je considère cet ouvrage comme un chef-d'oeuvre absolument incontournable de la littérature Française.
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Journal d'un curé de campagne



Journal d'un curé de campagne est un classique exigeant. Le héros et narrateur narre dans son journal sa vie quotidienne dans un petit village du nord de la France au début du XXe siècle. Issu d'une famille pauvre, le jeune curé va être confronté à l'impiété et aux vices des villageois. Riches et pauvres s'ennuient mortellement et semblent se complaire dans la boue des ragots. Lui-même n'échappe pas aux commérages. Sa faible constitution et son régime alimentaire composé uniquement de pain et de vin font jaser. Les notables du village le méprisent. Isolé, incompris, il traverse alors une période faite de souffrances physiques et morales, qui n'est pas sans lui rappeler le chemin parcouru par le Christ.

Mon avis est mitigé : j'ai eu bien du mal à commencer véritablement le roman qui ne m'a pas transporté. Certaines pages ont nécessité une seconde lecture tant le sujet me semblait dense et complexe. Bernanos suggère, laisse percevoir et comprendre plus qu'il ne montre concrètement. Néanmoins, l'écriture est d'une beauté folle et remue le lecteur athée aussi bien que croyant. Je pense poursuivre un jour la découverte de Bernanos avec Sous le soleil de Satan.
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Journal d'un curé de campagne

Un curé des campagnes se livre à cœur ouvert dans son journal, parfois les pages sont arrachées, délicatesse ou pudeur, l'homme d'église est ainsi. Ce prête est miné par deux faiblesse dans son corps et dans son esprit. Il est sujet à des mots d'estomac qui l'oblige à la frugalité, mais son alimentation est insuffisante pour restaurer son corps débile. Un quignon de pain, parfois des fruits, et du vin qu'il réchauffe en l'édulcorant tant le breuvage est mauvais. Et puis lui, qui est à peine un homme, est travaillé par sa conscience, non qu'il a perdu la foi, certes non, mais est-il à la hauteur de sa tache? Soulage-t-il les douleurs de ses ouailles, où n'aggrave-t-il pas le mal par son inexpérience, par excès de zèle ou par une compréhension défaillante. Dans sa paroisse, il ne laisse personne insensible, par son allure, sa personnalité. On dit de lui qu'il ressemble à un romantique allemand du siècle dernier. Sa simplicité, sa fraîcheur, son humilité, lui gagne la confiance de quelques uns, qui se confient à lui spontanément. Les nobliaux du village le dévisage sans aménité. L'acmé de l'oeuvre intervient vers la moitié du journal. La femme du noble se confie à lui. Le voile se déchire. Puis c'est une vallée de larmes. Le récit prend une intensité tragique, pathétique,christique, mais terriblement humain; dans sa plus pure acception la lecture nous met hors de nous, l'affect prend le pas sur la réflexion. Cette puissance hypnotique je l'ai rarement autant ressentit, peut être avec Balzac, certainement chez Dostoïevski.



Le journal d'un curé est de ses livres, tellement précieux, ami lecteur, qu'il justifie pleinement, cette jubilation, ce repos, cette consolation de lire. Avec de tels ouvrages on retrouve la foi dans incommensurable odyssée de la lecture. C'est une borne du chemin, qui nous indique que nous sommes sur la bonne voie. On peut pas mettre six étoiles, s'il vous plait?
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