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Citations de Georges Duhamel (197)


D'instinct, depuis le premier jour, Joseph, en Obregon, avait reniflé une canaille. Et voilà que cette canaille s'avisait d'être un honnête homme. Quand un gaillard que l'on estime une canaille se comporte comme un honnête homme, c'est la pire des canailleries, c'est surtout la moins pardonnable de toutes les canailleries, parce qu'il n'y a plus moyen de s'y reconnaître.
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Ces mouchoirs qui voltigeaient, ce n'était pas pour Suzanne. Elle avait des camarades. Elle avait, toujours et partout, rencontré beaucoup de camarades. Elle n'avait pas d'amis. Non, elle regardait la ville, les quais et la foule à mouchoirs parce qu'il faut bien regarder quelque chose quand on a les yeux ouverts.
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La douleur dit : passe et finis ! Mais toute joie veut l'éternité... » Voilà ce que souhaitent les hommes. Et pourtant, si quelque chose devait survivre de nous, il me semble que ce ne serait pas notre joie. Notre joie peut disparaître, elle a reçu tout son destin, elle est en soi-même un accomplissement. Mais toutes les tristesses, toutes les souffrances des hommes, voilà, soeur, quelque chose qui ne peut s'évanouir à jamais. Depuis des milliers et des milliers d'années que les hommes souffrent, que tous les êtres vivants souffrent, les uns en silence, les autres en criant, cela forme, ne crois-tu pas ? Comme un affreux trésor dont on n'imagine pas qu'il pourrait disparaître sans laisser de trace. L'idée que toute cette douleur ne recevrait pas, un jour, plus tard, allégement et pardon, c'est une idée qui m'épouvante. Ce n'est pas la joie qui remplit l'espace infini, le silence éternel dont parle Blaise Pascal. Non, non, le monde est plein d'une douleur qui crie, qui demande, à travers les siècles, justice et réparation.
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« A quand le poulet d'honneur ? » l'entendions-nous crier s'il rencontrait maman dans l'escalier. Parfois, il me pinçait la joue, préludait par plusieurs prrrt...prrrt... à mi-voix et lançait, l'air résolu : « Dis à tes parents, jeune Eliacin, que c'est pour dimanche. Oui ! Dimanche sans faute. Je vais acheter la bête et mettre le vin au frais. » Je ne répondais rien, bien sûr, et le singulier homme oubliait tout, à peine le dos tourné. Mais le lendemain, il était ressaisi de sa marotte. Il inventait des détails : « Aimez-vous les escargots ? Il faudrait ajouter une douzaine d'escargots par personne. Tu dis : les enfants ! Non, tu ne dis rien ? Mais les enfants mangeront leur douzaine comme père et mère. Comprends-moi bien, Paula : je veux faire quelque chose de très, très gentil. »
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Et je m’en vais. Comme je suis faible et lâche !
Ma colère, elle aussi, vient de tomber. Ressemble-t-elle tant à celle de… Non ! Je ne dirai pas père, je dirai lui, je dirai l’autre, je dirai n’importe quoi sauf père, sauf papa.
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Jacqueline était là, debout, un peu pâle dans l'ombre. Et, tout de suite, elle entra. Elle retirait ses gants, avec des gestes maladroits, saccadés, elle retirait le grand chapeau de paille dorée qui lui cachait à moitié le visage. Elle baissait les yeux et parlait vite, avec ses lèvres tremblantes. Elle disait: «Si vous voulez m'épouser, je veux bien, je veux bien! Et même je vous le demande. Et je vous cherche partout depuis ce matin pour vous dire que je veux bien.»
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IX
Fermeté des caractères


Extrait 2

Les fruits que nous donnons dans la famille
sont renommés dans tout l’univers. Pensez : le
bigarreau ! Nous faisons le bigarreau blanc.
Et vous, monsieur mon voisin ?
   — Moi, répondit le voisin d’un ton revêche,
moi, c’est la poire.
   — Vraiment, la poire ! C’est très intéressant.
Vous n’avez pas de noyau, paraît-il ?
   — Dieu merci, non ! Mais des pépins et
plus que je n’en voudrais. De la poire, j’en
donne, au besoin, à condition bien entendu,
qu’on ne me tourmente pas. S’ils me laissent
tranquille, ici, je ferai peut-être une ou deux
poires. S’ils me taillent, s’ils me tripotent, alors,
bernique. Je suis décidé fermement à n'en pas
ficher une secousse.
   — Vous dites ?
   — Une secousse.
   — Ah ! Oui ? C’est très intéressant. Et
vous, le petit, là-bas ?
   — Plaît-il ?
   — Oui, vous ! Qu’est-ce que vous faites ?
   L’arbre ainsi mis sur la sellette était un
petit pommier tout rabougri, tout chétif.
   — Oh ! répondit-il à voix basse, moi, je
fais ce que je peux. …

p.31
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« L’arbre ennoblit ceux qui le soignent. » p. 60.
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« Du temps que se construisait la nouvelle maison du Prince Jaffar, Mokrani, le maître maçon, fut mandé par lettre au Bureau de l’Hygiène. ….
- Tu es, dit-il en train de construire une petite maison pour le Prince Jaffar. Il y a maintenant un décret, tu dois me montrer le plan. Montre donc.
- Le plan ? demanda Mokrani
- Oui, le plan de cette maison que tu es en train de bâtir.
Mokrani répéta deux ou trois fois « le plan » et plissa les lèvres. Il regarda le docteur Lami avec respect, car il savait que les mains du praticien iraient en paradis ; mais il le regarda quand même avec une grande commisération mêlée d’ironie.
- Le plan ! reprit-il. Mais comment te le montrer ? La maison n’est pas finie !
p. 7 à 9
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Les plus grands tyrans du peuple sont presque toujours sortis du peuple.
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Celui qui n'est jamais parti, le matin, au petit jour, tout son bagage à l'épaule, et la canne en main, ne sait pas ce que c'est que de partir. Il ne sait pas davantage ce que c'est d'arriver.
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J'aime beaucoup les personnages qui font des fortunes immenses. C'est drôle, mais ça me fait plaisir comme s'il s'agissait de moi.
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Naguère la mort ne faisait pas partie de la vie. On parlait d'elle à mots couverts. Son image était une chose aussi pénible qu'inconvenante, capable de troubler les projets et les plaisirs de l'existence. Elle opérait autant que possible dans l'ombre, le silence et la retraite. On la déguisait par des symboles ; on l'annonçait avec des périphrases laborieuses et empreintes d'une sorte de pudeur.
Aujourd'hui, la mort est intimement mêlée aux choses de la vie. Et cela est vrai, moins encore parce qu'elle fait quotidiennement une besogne immense, parce qu'elle choisit les êtres les plus jeunes et les mieux formés, parce qu'elle est une espèce d'institution sacrée, mais surtout parce qu'elle est devenue une chose trop commune pour suspendre, comme elle le faisait autrefois, les actes de la vie : on mange et on boit à côté des morts, on dort au milieu des mourants, on rit et on chante dans la compagnie des cadavres.
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Qu'est-ce qui reste ?
Maman, quand même.
Qu'est-ce qui reste ? La tristesse. Mais ce qu'il y a de plus triste, c'est que la tristesse elle-même n'est pas assez fidèle. Certains jours, elle s'évapore. On ne peut pas compter sur elle.
Qu'est-ce qui reste ? L'amitié. Assurément, l'amitié.
Qu'est-ce qui reste ? La musique. La musique !
Le garçon se met à sourire. Il s'arrête et rêve un moment.
Les gros nuages, désemparés, vont bientôt faire naufrage.
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Miracle n'est pas oeuvre.
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On pourrait en douter. L'humanité entière fait entendre en ce moment un cri désespéré, déchirant. Comme une bête de somme mutilée, elle meugle et ne comprend rien à sa blessure.
Toutes les convictions, toutes les certitudes s'entr'égorgent. Comment les reconnaître, avec ce regard égaré qu'elles ont, avec ce sang qui les souille et les défigure ? Dans l'ouragan, les opinions déracinées perdent le sol et la sève ; elles roulent, comme des chardons d'automne, des chardons desséchés et qui blessent encore.
Les hommes ne savent plus qu'une chose, c'est leur souffrance insurmontable, sans borne comme sans raison. Ils gémissent et veulent être pansés....
(extrait de "l'avenir du bonheur", chapitre premier du volume paru aux éditions "Mercure de France" en 1948)
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Non, je n'oublie pas l'oubli. Je sais qu'un temps viendra, plus tard, où mes visites seront plus rares et, comment t'expliquer, Laurent, je ne peux y penser sans honte. Il paraît qu'il y a des sauvages, là-bas, dans les mers du Sud, qui ne consentent pas à se séparer de leurs morts. Nous qui sommes des gens civilisés et raisonnables, nous laissons nos morts se débattre seuls dans l'abîme. Moi, moi, il me semble que je ne suis plus sur terre, mais avec l'enfant, dans l'abîme, et que je vais le suivre à travers toutes les étapes de la dissolution.
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Nous avons décidé de nous retirer du monde, ce que je trouve très épatant ; mais, pour commencer, nous allons voir toutes sortes de gens du monde. Nous voulons vivre en ermites, en solitaires, ce qui est tout à fait à mon goût, et nous allons d'abord faire des risettes et des courbettes aux gens que nous voulons fuir justement parce qu'ils nous dégoûtent. C'est incompréhensible. Nous méprisons les politiques et nous prenons leur avis. Je demande qu'on m'explique ça. Un truc dans le genre du nôtre, pour être pur, il faudrait le réaliser dans l'ombre, dans le silence, dans le mépris de tout le reste. Et, quand on aurait réussi, quel enseignement ce serait pour les jeunesses futures ! Nous sommes des individualistes, et même des libertaires, et même des anarchistes, tout comme M.Barrès, seulement nous avons l'air, pour être ce que nous sommes, d'en demander l'autorisation à tous les snobs, à tous les paltoquets, à tous les pontifes du monde. Comprend pas.
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Quoi qu'il en soit, Eugène Roch, en l'année 1900, était si curieusement laid que, lors de sa première visite chez nous, ma petite soeur Suzanne, alors dans sa huitième année, ouvrit la bouche toute grande et se mit à pleurer. Elle ne dit pas pourquoi ; elle ne le savait pas fort bien elle-même. Roch fut sans doute le seul à saisir douloureusement, la raison de ce chagrin.
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- Ne faites donc pas le malin. Vous n'avez rien à y gagner. Si vous aviez payé vos dettes, nous ne serions pas chez vous.
- Pas de morale, Monsieur, répondit Papa. Si nous n'existions pas, nous autres, les mauvais payeurs, les pauvres gens, vous claqueriez du bec, vous et votre séquelle ; vous n'auriez rien à faire au monde. Nous sommes votre raison d'être, nous sommes votre gagne-pain. Vous devriez nous bénir, nous saluer à pieds baissés.
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