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Critiques de Graham Swift (365)
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Le dimanche des mères

Second coup de coeur 2017 !



Berkshire, Angleterre, 30 mars 1924,

Un dimanche, le dimanche des mères, de nombreuses mères orphelines de leurs fils tombés à la guerre,

Une journée magnifique, lumineuse,

Jane la jeune servante orpheline des Niven va rejoindre le fils des voisins , Paul Sheringham, à Upleigh House, dans sa propre maison, dans sa propre chambre, pour la première et dernière fois.

Ce dimanche des mères, ils sont seuls dans le manoir. Une liaison de sept ans, qui doit prendre fin avec le prochain mariage de Paul avec une riche héritière de sa propre condition.

Mais la vie de Jane ne s'arrête pas à sa vie sexuelle et amoureuse. Bien que clôturant une liaison , cette journée lui ouvrira les portes de la liberté, une liberté qui avec sa passion des livres " pour garçons" , Conrad, Stevenson.....qu'elle emprunte à son employeur, vont crucialement changer son destin.

Le livre raconte cette unique journée, remémorée par Jane soixante ans plus tard.

Une journée qui la marquera à vie. Une journée que Swift nous raconte dans ses moindres détails, ancrés à jamais dans la mémoire de Jane. Une journée vécue, rêvée imaginée, fantasmée, où réalité et fiction s'entremêlent . Une journée qui débouchera sur un destin quasi fictionnel........



Ce qui semble une histoire simple d'amours interdits n'en est pas une. Elle est tout autre et je vous laisse la découvrir.

Mais le sel du récit est sans conteste la prose de Graham Swift, concise et envoûtante.

Chaque mot est à sa place et l'auteur s'y amuse (v.o). "Undo" par exemple pour dénuder, qu'il utilise suite to " undress", le mot approprié classique; "the shower" que Paul utilise en parlant de ses parents, littéralement un groupe de personnes insignifiantes; "Emmamobile" pour la voiture de Emma ,la fiancée de Paul; "orchid" ,Milly la cuisinière qui confond "orphan/orpheline" avec "orchid/orchidée"......jouer avec les mots, ce que fera aussi Jane ....beaucoup plus tard.

Cette journée remémorée dans le temps, pose aussi la question sur le rôle et la nature de la fiction, comment la fiction pourrait devenir réalité ? La vérité peut être imaginée aussi bien que la fiction peut découler de la vérité, et parfois même s'approcher plus de la vérité que la vrai vie.

Outre sa plume, l'autre point du génie de Swift est de se mettre avec succés dans la tête d'une femme . La Jane qui parle de Littérature, c'est lui. Un bel hommage à la femme à une époque où une situation comme celle de Jane était des plus précaires.



Un bijou littéraire de sensualité et de sensibilité !





" the great truth of life, that fact and fiction were always merging, interchanging "

"la grande vérité de la vie, fait et fiction toujours se confondaient, se permutaient"





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Le dimanche des mères

Dans la campagne anglaise lumineuse et calme, alors que des aristocrates se remettent d'une guerre qui a réduit leur train de vie, mais les a surtout privés de leurs fils morts aux combats, Jane aime Paul, les bibliothèques, les mots : les lire et les écrire. Mais Jane est bonne et Paul un aristocrate qui va bientôt se marier. Alors, quand le 30 mars 1924, le dimanche des mères qui libère les domestiques, il l'invite à pénétrer chez lui pour la première fois, Jane sait aussi que c'est la dernière. Une fin qui est peut-être pour la jeune fille la genèse d’une carrière d'écrivain...



Sensuel, déroutant, magnifique parfois, le récit de Graham Swift nous emporte loin dans les sentiments et les passions d'une femme qui ne s'encombre pas des préjugés de classes. Une femme qui va au bout de ses désirs et devient un écrivain (sorte de double littéraire de l'auteur ?) qui si elle s'exprime avec pondération et réflexion sur Conrad, sur l'écriture romanesque et sa part de vérité, ne reste pas moins une incorrigible passionnée : « Nous sommes tous du combustible. Sitôt nés, nous nous consumons, et certains d'entre nous plus vite que d'autres. Il existe différentes sortes de combustion. Mais ne jamais brûler, ne jamais s'enflammer, ne serait-ce pas triste ?  »

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Le dimanche des mères

Ce court roman est une vraie réussite de sensualité, liberté et nostalgie. Il condense en une seule journée, à la fois un beau portrait de femme dont la vie bascule ce jour-là, et l’ambiance d’une époque et d’un monde aristocratique révolus.

J’ai souvent pensé à Stefan Zweig, pour la concision de narration, la précision de psychologie des personnages, c’est dire si l’histoire se lit avec plaisir et livre une réflexion intéressante sur le changement de destinée.



Il souffle surtout un incroyable vent de liberté sur cette histoire nichée au coeur de la campagne anglaise, le dimanche 30 mars 1924, jour traditionnel de congé pour les domestiques.

Jane, l’héroïne, orpheline et bonne de son état, a dû « partir avec une feuille vierge ou, plutôt, être soi-même une feuille vierge. N'être personne. ». Oui, mais voilà elle est dotée d’un appétit de vie inhabituel ce qui va lui permettre de dénouer progressivement les noeuds d’un destin à priori de servitude et de contraintes pour devenir écrivain.



« Nous sommes tous du combustible. Sitôt nés, nous nous consumons, et certains d'entre nous plus vite que d'autres. Il existe différentes sortes de combustion. Mais ne jamais brûler, ne jamais s’enflammer, ne serait-ce pas triste ? »



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Le dimanche des mères

C'est une journée particulière.

Une journée radieuse dans la campagne anglaise des années 20.

Une journée déterminante pour cette jeune domestique assoiffée de savoir et de liberté.

Juste vingt-quatre heures de la vie d'une femme, qui éclairent le destin peu banal de cette héroïne originale, sensuelle et libre.



C'est une fiction à la fois caustique et charmante, unissant avec talent l'élégance désuète des années post-victoriennes à une prose plus contemporaine.



Intéressante et jolie découverte d'un auteur que je ne connaissais pas (encore).




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Le grand jeu

Aprés son désarmant Dimanche des mères, Swift nous revient avec un tout autre sujet qui débute à Brighton en 1959. L'histoire est celle de deux compères qui font connaissance à l'armée. L'un, Jack poussé très jeune par sa mère dans le monde du spectacle , l'autre, Ronny qui apprendra des tours de magie durant la seconde guerre mondiale, chez des parents adoptifs, chez qui sa mère l'envoie pour le mettre à l'abri du blitz à Londres. Jack monte des spectacles et Ronny fait des tours de magie. A ce duo s'ajoute Evie, une jeune femme charmante que recrute Ronny comme assistante.

Suite à ce préambule, on fait un grand bond dans le temps de 1959 à 2009, et la jeune femme du trio, Evie, cinquante ans plus tard se souvient, comme dans son livre précédent, et c'est là dans les souvenirs d'Evie que se déploie toute l'histoire, dans le monde du spectacle et de la magie, où rien n'est impossible . Voilà pour vous donner une idée de départ du fond et de la forme du dernier Swift.

Dans le Dimanche des Mères , de même qu'une bonne arrivait à enjamber les barrières de classes par le biais de la Littérature, pour devenir une écrivaine célèbre, dû en partie aux changements radicaux dans la société anglaise suite à la première guerre mondiale, ici le processus est celui du monde du divertissement , qui permet de changer d'identités et de classe sociale dans le spectacle même, et aussi en dehors, dans la vraie vie, si le succès est au rendez-vous. le titre original du livre "Here we are", qui vient d'une phrase de la mère adoptive de Ronny, ici je pense fait office d'une expression qu'on pourrait utiliser en fin d'un tour de magie, " Eh voilà !".

Swift en tout cas lui a réopéré son "fucking 'ell " * tour de magie en nous livrant une belle histoire profonde et intéressante au langage exquis partant de trois vies ordinaires. Vers la fin du livre j'ai l'impression que c'est lui qui nous parle de la bouche de Jack qui parlant de sa vie d'acteur déclame :" Fuck the real world, who needs that ?" ( J'emmerde la vraie vie, qui en a besoin ?). Où fini le spectacle où commence la vraie vie , et vice versa ? Comment ne pas penser au grand William, " le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles.”

J'aime la plume de Graham Swift, qui consiste à dire peu pour exprimer beaucoup. Si vous avez aimé son précèdent livre ne passez pas à côté de cette histoire d'amour, d'illusions, de trahison, de sentiment de culpabilité et de secrets, où il est difficile de contrebalancer les pertes et les gains d'une vie. Les tours de magie ne sont pas uniquement faites sur scène, la vie aussi nous en réserve pas mal !



"...what's more extraordinary, that actors turn into these other people—how on earth is it done?—or that people anyway turn into people you never thought they might be?"

(Qu'est-ce qu'il y a de plus extraordinaire, que des acteurs qui entrent dans la peau d'autres personnages -comment est-il possible ?-ou des gens deviennent des personnes qu'on n'aurait jamais imaginé ?").



*Fucking well, en dialecte cockney employé souvent par Ronny dans le texte.
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Le dimanche des mères

Mars 1924. L'Angleterre porte encore les stigmates de la guerre. Elle panse ses plaies et les mères pleurent leurs fils morts au combat. Ce 30 mars, en ce dimanche des mères, le soleil inonde la campagne. L'on se serait cru au mois de juin tant le climat est doux. En ce dimanche des mères, les maîtres des lieux, comme cela se fait, donnent congé à leur personnel. La plupart se rende justement auprès de leur mère. Mais pas Jane Fairchild, orpheline qui n'a personne à visiter. À Beechwood, au petit matin, les Niven se préparent afin de rejoindre, à Henley, les Hobday et les Sheringham. Un repas entre amis organisé afin sans doute de finaliser les préparatifs du mariage de Paul Sheringham et Emma Hobday. Jane, elle, en profitera peut-être pour lire au soleil ou encore parcourir à bicyclette la campagne de Berkshire. Mais, un coup de fil va modifier ses quelques projets. Paul, son amant depuis sept ans, l'appelle en douce afin qu'elle le rejoigne chez lui, à Upleigh House. Il a la maison pour lui seul, ayant dit à ses parents qu'il bûchait son droit avant de rejoindre sa fiancée, Emma. Ce sera la première et la dernière fois que les deux amants feront l'amour dans la chambre du jeune homme. Après, il s'en ira, mettant fin à cette liaison…



En ce dimanche des mères étonnamment chaud, Graham Swift nous entraîne au coeur de cette campagne anglaise, dans cette chambre inondée de soleil, là où Jane et Paul, dans leur simple nudité, se voient, s'observent, pour la dernière fois. Ce dimanche marquera à jamais la vie de Jane qui, 70 ans plus tard, alors écrivaine, reviendra sur ce jour si mémorable. Une journée qui, à la fois, marquera le début et la fin d'une nouvelle vie pour la jeune femme puisque à la fois sa personnalité, ses désirs et ses passions se dessineront. Graham Swift, de son écriture gracieuse et sensuelle, nous offre un roman étincelant, lumineux, d'une incroyable finesse et sensibilité. Il se dégage de ces pages une certaine musicalité, tant chaque mot sonne juste, une force émotionnelle et un brin de nostalgie. L'auteur évoque avec justesse la profession d'écrivain mais aussi le plaisir de la lecture, les notions de vérité/mensonge, réalité/fiction. Un roman délicat et d'une rare intensité...
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Le grand jeu

Cet été 1959 à Brighton, le spectacle de variété animé par le présentateur vedette Jack Robinson rencontre un succès inédit. Les estivants se bousculent pour assister à l'époustouflant numéro de magie de Ronnie Deane - alias Pablo le Magnifique -, assisté de sa sublime compagne Eve - Evie White à la ville. Si Jack et Evie sont montés très jeunes sur les planches, Ronnie doit sa vocation au hasard. Evacué à la campagne par sa mère juste avant le Blitz en 1940, il a passé les années de guerre chez les Lawrence, un couple âgé sans enfant qui l'a choyé. C'est dans leur propriété de l'Oxfordshire, qu'ébloui, l'enfant des quartiers populaires de Londres a découvert l'art de la prestidigitation, au cours d'une initiation qui devait s'avérer décisive pour son avenir. Mais, à Brighton, Jack tombe lui aussi sous le charme d'Evie. le triangle amoureux risque bien de compromettre la belle affiche du spectacle…





Le grand jeu est l'un de ces romans dont les immenses qualités n'apparaissent qu'après maturation dans l'esprit du lecteur. Ainsi, ce n'est qu'en toute fin de sa lecture, jusqu'ici dominée par un contrariant sentiment d'ennui et l'impression que l'alchimie n'opérerait jamais, que ce qui m'était apparu comme les errements un peu décousus de la narration, dans un dédale de retours en arrière et d'allusions au fil conducteur bien peu apparent, a pris sens tout d'un coup. Enfin, l'émotion est alors apparue, en une bouffée de nostalgie et de tristesse, et une soudaine révélation : quel magnifique personnage que ce Ronnie.





Un peu comme Evie et Jack réaliseront avec retard, dans une confusion de remords plus ou moins avoués et coupables, le formidable panache de Ronnie et l'irréparable conséquence de leurs choix, le lecteur met donc du temps à cerner l'ampleur du « grand jeu » au coeur du récit : un idéal de scène autant que de vie, chez un homme, qui, ébloui dans l'enfance par l'amour inespéré d'un père de substitution, n'aura de cesse, son existence durant, d'en sublimer le magique héritage.





Alors, avec Ronnie, la magie devient poésie pure. Elle semble la projection transcendée d'un miracle d'émotions et de marques d'amour reçues dans l'enfance, et que l'homme s'entend à préserver des flétrissures qui viennent habituellement faire oublier aux adultes leurs rêves et leurs éblouissements d'enfants. Et si c'est bien cette poésie et cette pureté d'émotion qui émerveillent tant ses spectateurs, c'est aussi le doute quant au bien-fondé de leur sacrifice, motivé par l'ambition et le choix du matérialisme, qui continue longtemps à hanter Evie.





Cette histoire doucement triste, qui vient d'une très jolie façon nous rappeler combien souvent nos peurs et nos priorités matérielles nous font oublier le vrai sens de la vie, transforme presque en coup de coeur une lecture pourtant commencée dans l'ennui, et qu'il faut peut-être reparcourir une seconde fois pour en apprécier toute la profondeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Le dimanche des mères

Pourquoi ajouter une critique à tant d’autres ?

Je ne peux m’empêcher de souligner la plénitude de ce bijou littéraire—— une totale réussite de liberté, de sensualité, et de nostalgie ——-

Comment en 150 pages par une journée à l’air d’une enivrante douceur , une journée où le sang chantait dans les veines de Jane, jeune servante orpheline qui rejoint pour la première et dernière fois son amant de longue date, Paul Sheringham, à Upleigh House dans sa propre maison, dans sa propre chambre «  Un bonnet Hollandais «  dans son vagin , comment cette journée se retournera comme un gant ?

Cette folle impression que tout était possible ?



Cette journée où tout est lenteur , abandon de soi et maîtrise des sentiments , où l’auteur tisse de magnifiques images , le tableau d’une rare précision , la peinture du monde déliquescent d’une aristocratie déclinante portant les stigmates de l'après grande -guerre mais aussi les empreintes lumineuses , sensuelles , celle d’une domestique intelligente , primesautière qui prendra son destin en main ....



Comment peut- on être une femme aussi libre en 1924?

Un court roman bouleversant, lumineux et enchanteur , intense et gracieux à propos du pouvoir des mots et de l’écrivain, à l’écriture superbe , dans les coulisses d’une bourgeoisie languissante , en quête d’une classe nouvelle assoiffée de changement et de liberté .



«  Le crépuscule approchait, la lumière se moirait de reflets abricot et le monde voilé de vapeurs vert doré était d’une sublime beauté. »p159.
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Le dimanche des mères

Est-ce qu'il vous arrive comme moi de pratiquer la photographie mentale ? Lorsque je quitte un lieu chargé d'émotions parce que j'y ai vécu quelque chose de très fort et que je sais que je ne reverrai plus jamais cet endroit, je le photographie avec mes yeux, je ferme les paupières comme si c'était l'obturateur d'un appareil photo, j'y mets tout mon coeur pour que l'image s'imprime en moi, puis je rouvre les yeux, voilà c'est fait, cela n'aura duré que quelques secondes. La photo sera en moi à jamais. Je suis sûr que cela vous arrive aussi, dites-moi...

Ceux qui ont lu le dimanche des mères, ceux qui ont aimé ce livre, savent à quoi je fais allusion : cette chambre que Jane photographie elle aussi mentalement avant de la quitter, parce qu'elle y entre pour la première fois et aussi pour la seule fois de sa vie, parce que cette chambre est justement un endroit chargé d'émotions, un lieu d'amour, un lieu de transgression aussi, puisque sa condition de bonne l'en interdit l'accès. C'est un lieu de passage au sens où elle s'apprête dans cette chambre à passer d'un versant à l'autre de son existence... Elle ne sait pas encore qu'à cet instant d'autres événements viendront plus tard accroître la charge émotionnelle de ce lieu...

Mais revenons à l'histoire...

Ce roman m'a touché au coeur. Je me réjouis toujours de ces textes dont les silences en disent davantage que le seul récit narratif.

Ici, une seule journée suffira pour étirer l'imaginaire presque jusqu'à l'infini.

Le dimanche des mères est ce fameux jour que les aristocrates britanniques devaient accorder à leurs domestiques comme congé pour qu'ils aillent rendre visite à leur mère le temps d'un dimanche.

Nous sommes le 30 mars 1924. Quand je pense que deux mois plus tard mon père s'apprêtait à naître, que ma grand-mère que j'ai bien connu avant déjà trente-quatre ans, je me dis que c'était presque hier...

Nous sommes en 1924, en Angleterre et ce siècle avait déjà perdu sa jeunesse. La mémoire de la Grande Guerre est encore présente.

Jane, bonne chez les Niven, étant orpheline, elle accordera ce dimanche à tout autre chose, rejoindre son amant Paul Sheringham, aristocrate de son état, qui prépare son droit. Ils sont amants depuis sept ans, mais Paul Sheringham doit se marier dans quinze jours. Et dans ce mot de devoir, on sent tout le poids de l'aristocratie britannique et des mariages arrangés à l'avance.

J'ai aimé cette façon délicate d'inviter deux amants dans ce décor juste après la guerre, leur amour en est imprégné forcément, c'est d'une justesse belle, autour d'eux le monde est en deuil ou bien mutilé, tandis qu'ils s'aiment. Faut-il en avoir mauvaise conscience ? Simplement, sans doute à cause de cela, une étrange gravité se mêle parfois à leurs fous rires d'amoureux. C'est une légèreté en forme d'apesanteur.

Ce dimanche des mères sera l'occasion de leurs dernières étreintes, faire l'amour une dernière fois. Ultime cadeau, la demeure des Sheringham étant vide ce jour-là, Paul invite Jane à l'y rejoindre et à franchir la porte principale de la demeure. Aujourd'hui pas question de cacher sa bicyclette dans la haie d'aubépine. Fini l'amour dans une serre ou derrière un buisson, elle aura droit d'entrer dans la chambre de Paul, non pas en tant que bonne, mais en tant qu'amante. Ce sera leur ultime transgression à l'ordre si bien établi des choses...

Ils ne sont pas tristes de ce dernier jour qui scelle la fin de leur relation, c'est une joie pure qui clame un amour à jamais. Il n'y a pas de tristesse, pas de regret, ce dernier jour il faut le croquer à belles dents...

Jane, en parfaite photographe mentale, nous délivre ici quelques clichés inoubliables pour elle, et même sonores : une clé sous un ananas en pierre, leurs corps nus sans entrave qui se promènent dans cette chambre baignée de soleil, une fenêtre ouverte où entre le ciel comme une lumière de juin, une bibliothèque car Jane à la passion des livres, une tâche sur le drap, la sonnerie interminable du téléphone longtemps après, longtemps après... Après quoi ? Je vous laisse le découvrir. Des clichés inoubliables, puisque soixante-dix ans après elle s'en souvient encore comme si c'était hier.

En lisant ce roman, j'étais nu moi aussi dans cette chambre, j'étais présent dans ce décor et c'est la force prodigieuse de ce texte que de poser ces instants éphémères, clandestins...

J'ai aimé ce désir qui traverse Jane lorsque que sur sa bicyclette elle pédale vers ce rendez-vous d'amour, j'imagine son visage irradié de soleil, sa peau déjà disponible à la joie, c'est un désir entre la pudeur et l'audace, confirmant dans ce mouvement que le désir est à la fois manque et plénitude. Plus tard lorsqu'ils seront nus, marchant dans cette chambre, la seule impudeur ce seront deux corps nus de deux classes sociales différentes, l'une qui domine l'autre, ou dit autrement l'une qui est au service de l'autre. Ce sont deux corps nus consumés d'amour qui s'affichent, n'ont rien à faire l'un avec l'autre, sauf à s'aimer de manière clandestine, outrageuse, éphémère. le langage du corps prévaut par-delà les classes sociales. Ce sera cette transgression qu'ils auront franchie et scellée à jamais dans leurs coeurs entre deux mondes qui les séparaient avant et qui les sépareront bientôt à jamais. La première partie du roman qui dit cela est sensuelle à souhait...

J'ai aimé le silence de ceux qui savent et se taisent...

J'ai aimé le regard de cette femme devenue écrivain, près de soixante ans après, et même soixante-dix ans après. Je pense que c'est dans cette chambre que son désir d'écrire est venu.

J'ai aimé sa façon d'affronter la célébrité lorsqu'elle devint une auteure reconnue. Elle écrivit beaucoup d'histoires, mais en taira une, une seule, la sienne. Être écrivain, c'est peut-être revenir à être fidèle à l'essence même de la vie. Qu'importe ce qu'on dit, ce qu'on ne dit pas, la manière dont on le dit...

Laute

Graham Swift nous peint ici un magnifique portrait de femme.

Pour tout cela j'ai trouvé ce texte fort beau. Je ne connaissais pas l'écrivain Graham Swift que je découvre ici, quelle belle rencontre ! Merci Nathalie de m'avoir fait découvrir ce livre et cet auteur.
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Le dimanche des mères

Un début tout en sensualité...

un très joli moment.

Lui, s'habille... elle, nue, est presque immobile sur le lit, elle le regarde se vêtir.

Image... comme une oeuvre d'art.

Insidieusement, on en apprend un peu plus, sur elle, sur lui.

L'histoire pivote... étonne... se décortique... se déguste... en jouant merveilleusement avec les mots.



Il me semble impossible d'en dire plus, j'aurai l'impression de vous soustraire une partie du bonheur distillé par cette lecture.

Il vous faut la découvrir ainsi, sans en savoir trop... et il est probable que vous l'aimerez.

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Le dimanche des mères

C'est Bookycooky et sa critique enthousiaste qui m'ont donné envie de lire ce livre , avant , je craignais qu'il fût mièvre ... pas du tout !

Ce tout petit livre (à peine 142 pages ) est empreint d'une grâce et d'un petit parfum de nostalgie positive (!) qui m'ont séduit .

Dans l'Angleterre de 1924, il est une coutume à laquelle les aristocrates, se prêtent volontiers :" le dimanche des mères" . Pendant cette journée, les patrons accordent généreusement une journée à leur domesticité afin que ces braves personnes puissent aller voir leurs mères . Une petite journée de liberté dans un monde de servitudes élastiques et de dur labeur... Ce jour là, Jane ne sait pas trop quoi en faire, et pour cause : elle est orpheline . C'est alors qu'un coup de fil arrive, son voisin et amant (depuis 7 ans ) , Paul Sheringham l'invite chez lui . Ils seront seuls dans sa grande maison , les bonnes en congé pour la journée, et ses parents , occupés à déjeuner et fêter la future union du jeune homme avec une jeune fille de bonne famille . Seuls pour la première fois dans sa maison et dans son lit et aussi seuls pour la dernière fois . Après ce rendez-vous, Paul partira à un déjeuner prévu avec sa riche fiancée , après ce rendez-vous, ils n'auront plus l'occasion de se revoir , le mariage étant prévu 15 jours plus tard .

Entremêlant la petite histoire et la grande , Graham Swift nous offre le portrait d'une époque, d'une classe sociale qui disparaît dans le fracas de la guerre , ainsi qu'une autre qui émerge , saisissant toutes les opportunités qu'offre l' intelligence . Cette petite bonne deviendra une écrivain célèbre , cette journée particulière nous la montrera dévorant les livres, "habitant" les bibliothèques, et découvrant la magie des mots .

Il nous offre aussi ,un subtil regard sur les rapports employeurs/employés quand tombent (presque ! ) les masques , dans la nudité ou le chagrin .

Je n'avais pas fait attention au prénom de l'écrivain et ai réalisé en cours de lecture qu'il s'agissait d'un homme . J'en ai été très surprise au départ puis réflexion faite , je n'ai pas été étonnée : une plume sensuelle et délicate qui n'hésite pas à balancer deux ou trois mots crus sans aucune vulgarité, une déambulation totalement libre dans la maison , un amour pour la "littérature pour garçons" .. . Oui , tout ceci contribue à donner à ce roman qui aurait pu tomber dans la mièvrerie, une touche d'originalité qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre ...
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Le dimanche des mères

Le Dimanche des mères est un livre sur l'Amour, l'amour charnel, l'amour des livres, l'amour des mots.

C'est aussi un livre initiatique où l'on découvre comment Jane , jeune femme de chambre va s'éveiller et devenir écrivain.

C'est un livre qui montre comment un jour, un seul jour peut vous changer, changer une vie.

C'est effectivement, le 30 mars 1924 que l'avenir de Jane va prendre une nouvelle direction. Cette journée va être décrite avec une précision d'orfèvre pour le plus grand plaisir du lecteur. Tous les mots sont choisis, placés , c'est un vrai régal. Quel talent !
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Le dimanche des mères

Angleterre, 30 mars 1924. La campagne du Berkshire verdoie sous un soleil qui se donne des airs de mois de juillet. Sans doute pour se mettre au diapason de cette journée particulière qu'est le dimanche des mères. En effet, en ce dernier dimanche de mars, les aristocrates du comté accordent, par tradition, une journée de congé à leurs jeunes bonnes afin qu'elles puissent rendre visite à leur mère. Privés de leurs employées, ils ont, pour leur part, décidé d'organiser un pique-nique chez les Hobday, sorte de prélude aux futures noces entre leur fille Emma et le beau Paul Sheringham.

Chez les Niven, comme ailleurs, on se prépare pour cette radieuse journée. Peut-être avec moins d'enthousiasme que par le passé, quand les fils de la région étaient encore de fringants jeunes hommes appelés à un brillant avenir, quand la guerre n'avait pas encore privé les grandes familles de leurs héritiers. Milly, la cuisinière, compte prendre le train pour aller voir sa mère. Mais que va faire Jane qui est orpheline ? Une promenade à bicyclette dans la campagne ? Une journée de lecture dans la bibliothèque de Monsieur Niven ? Alors qu'elle hésite, un coup de fil vient décider de son programme. Paul, le futur marié, l'invite dans le manoir familial pour une après-midi d'amour. Pour la première fois, elle pourra entrer par la grande porte. Pour la première fois, elle pourra découvrir la chambre de son amant. Pour la première fois, elle disposera de la maison quand il partira rejoindre sa fiancée. Tant de premières fois pour ce qui sera sans doute leur dernière étreinte...



Une journée particulière dans la vie d'une jeune fille qui s'en souvient encore dans les moindres détails quelques soixante années plus tard. Une journée fondatrice, une parenthèse hors du temps, une récréation...Soleil, langueur, paresse, sensualité, sexe et drame, pour un moment de lecture envoûtant, une ode à la femme, belle, désirable et libre. A la littérature aussi. Celle de Conrad, de Stevenson, dite ''de garçons'' et que Jane aime à découvrir. De la passion de la lecture à la passion de l'écriture...un cheminement né peut-être par une chaude journée de 1924, quand le temps s'est arrêté, la laissant seule pour réfléchir, se chercher, se trouver.

Roman d'un amour interdit mais surtout roman de la liberté, du choix, de l'appétit de vivre. Un livre lumineux, poétique, vivifiant.



Merci Sallyrose pour ce précieux cadeau.
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Le dimanche des mères



1924: l'Angleterre porte encore le deuil de ses jeunes hommes perdus à la guerre. C'est le cas des familles dans lesquelles nous arrivons dans le roman.

30 mars , c'est le dimanche des mères en Angleterre.

Les domestiques ont congé pour rendre visite à leur mère.

Jane Fairchild, orpheline, est employée chez les Niven.

Elle a une aventure depuis plusieurs années avec le jeune voisin, Paul Sheringham. Comme c'est souvent le cas, les maîtres ont des aventures avec les bonnes. La littérature nous en a livré de nombreux exemples.

Dans deux semaines, Paul se marie avec une jeune riche voisine, Emma Hobday.

Aujourd'hui, dans sa maison vide de domestiques et de parents, Paul a donné rendez-vous à Jane pour vivre leur dernière rencontre.

C'est très librement qu'ils vont la vivre et l'auteur va nous raconter la scène de façon très naturelle, sans fausse pudeur.

Emma se promènera nue après le départ de Paul parti rejoindre sa fiancée.

Un drame se déroulera ce jour-là.

Nous retrouverons Jane à l'âge de quatre-vingts ans, devenue célèbre et ce sera vraiment intéressant d'avoir son regard sur les évènements.

Graham Swift nous livre un très beau roman d'ambiance dans une Angleterre de début du vingtième siècle dans une société qui avait été bouleversée par la première guerre mondiale.

Je m'attendais à un livre conventionnel, et bien pas du tout.

Un vrai régal!
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Le dimanche des mères

Le style de Graham Swift que je découvrais, m'a étonnée. Agréablement étonnée. Il ne se perd pas en descriptions stériles sur la verdoyante nature bourgeonnante. Et, si l'on tient compte des faits qui, concrètement, pourraient être résumés sur une dizaine de pages. on peut aisément s'interroger sur ce que Graham Swift peut bien nous raconter dans les 160 pages restantes pour retenir notre attention ? Car, en effet et pour ce qui me concerne, j'ai trouvé un intérêt certain à cette lecture. Sans faire de grandes phrases et avec des mots simples et précis, il m'a immergée dans l'atmosphère de ce début des années 20 dans un milieu de nantis plus ou moins déchus conséquemment aux ravages de la Première Guerre Mondiale.



C'est avec une remarquable acuité qu'il pointe le doigt sur la psychologie et les conditions de vie de ce petit personnel de maison dont l'existence même est niée, telle celle de fantômes inoffensifs.

Petites bonnes qui avancent dans la vie la tête baissée, dociles, effacées, efficaces. Ne s'autorisant la moindre émotion, le moindre commentaire, la moindre manifestation de fatigue ou de lassitude. Non qu'elles soient, à proprement parlé, martyrisées mais seulement parce que c'est le destin qui leur a été assigné dès la naissance et qu'elles l'ont accepté par une sorte de fatalisme borné, résolues à ne pas avoir d'autres choix.



Et, parmi elles, il y a Jane. Et, Jane, elle a décidé que ce choix, elle l'avait.
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Le grand jeu

Oups ! Gros coup de coeur de l'année 2021 pour moi !



Je viens de lire deux fois de suite ce « Grand jeu » de Graham Swift. Enfin, quand je dis deux fois … c'est plutôt deux et demi. Je m'explique : je commence à le lire d'une traite jusqu'à une bonne moitié et … je perds mon exemplaire – je souhaite bonne lecture à celui ou celle qui l'a récupéré.

Qu'auriez-vous fait dans la même situation ? Je sais qu'en m'adressant aux Babeliotes que vous êtes, vous comprendrez ma réaction. Accros à la lecture ? Addicts comme moi ? Vous auriez fait de même. Comment interrompre mon plaisir de lectrice et ne pas aller au bout de l'histoire ? Ni une ni deux, je file chez mon libraire de quartier juste avant le couvre-feu de 19 heures. Miracle : un exemplaire sur l'une des tables. Et c'est Gallimard – et un tout petit peu mon libraire – qui sont contents. Depuis je l'ai relu deux fois : une pour l'histoire, le second pour savourer encore le plaisir de la lecture.



De quoi ça parle ?

Aout 1959, Brighton, en Angleterre. Un couple se prépare à monter sur les planches, un duo de magiciens – le mot est lancé – en la personne de Ronnie dit Pablo sur scène, et de Evie dite Eve. Ils sont tous jeunes, ils sont pauvres, ils sortent de la guerre, les gens ont besoin de distraction et ils en rêvent depuis longtemps. Mais ce n'est pas seulement un duo qui monte sur scène. C'est un trio. le troisième personnage s'appelle Jack.

Jack Robinson, ou Jack Robins, ou Jack tout court, il a failli être Sir Jack, mais non, n'allons pas trop vite. Jack est un ami de Ronnie, ils se sont connus au service militaire, et ils se sont reconnus comme membre de cette confrérie du divertissement – on ne dit pas encore « Showbiz » - et Jack est aujourd'hui le bateleur qui annonce les numéros au théâtre de Brighton.

Il fait ça très bien, Jack, il danse des claquettes, il chante, il amuse le public, il sait y faire, sa mère l'a préparé à cela tout petit.

Tout comme Evie, ou Eve sur scène, venue de la banlieue de Londres, avec une mère qui lui a appris à mettre en valeur ses gambettes, et à sourire tout le temps.

Alors quand Evie tombe sur l'annonce « on recherche un assistant », - c'est Jack qui a conseillé à Ronnie de s'adjoindre un assistant, ou même une assistante, c'est très important pour un magicien – elle n'a pas hésité. Et bizarrement elle a été embauchée tout de suite, elle n'en croyait pas sa chance, et la voici sur les planches, à sourire dans son costume pailleté tout garni de plumes, à sourire aux spectateurs pour détourner leur attention, et elle le fait très bien. « Ils ne se contentent pas de faire de la magie », dit la presse locale, « Ils sont magiques ». Il faut dire que tous les trois ont ce qu'on appelle « le démon de la scène ».



Tout cet été 59, à Brighton, les spectateurs vont se précipiter pour voir les numéros s'enchaîner, et particulièrement celui de « Pablo et Eve » - qui deviendra même, à la fin de l'été « Pablo le magnifique ». On imagine sans peine qu'après cet été fabuleux, Ronnie et Evie, qui sont fiancés dans la vie, vont devenir Mr et Mme Deane – Eve porte déjà une bague de fiançailles qui signifie à tous son avenir tout tracé.

Mais Ronnie alias Pablo cache un secret. Et de secrets, il en sera question tout au long du récit.



Son enfance ne l'a pas préparé au spectacle, contrairement à la mère de Jack ou la mère d'Eve, qui apprenaient à leur progéniture comme sourire et donner à voir « ce que les gens veulent avoir ». Il a même « profité » de la guerre, lui qu'une enfance entre une femme de ménage dans la banlieue de Londres d'origine espagnole et un marin trop souvent absent, ne préparait pas du tout à la scène.



Pourtant, lorsqu'à l'occasion d'une proposition de mettre les enfants à l'abri des bombes, il se retrouve par hasard près d'Oxford, dans une maison de style élisabéthain auprès de Mr and Mrs Lawrence, c'est tout à fait par hasard encore qu'il va découvrir ce qui passionne le mari : la magie…

Evergrene.

Le terme - qui désigne le lieu-dit où il passera une enfance dorée auprès d'un couple sans enfant qui le considère comme le leur – restera gravé dans son esprit et synonyme d'un profond bonheur, bonheur qui ne peut que disparaître puisque la guerre va bien finir par se terminer elle aussi. Mais le jeune Ronnie reviendra d'Evergrene totalement transformé, et mordu par la passion inculquée par son mentor Eric Lawrence : il deviendra magicien.





Les thèmes principaux de ce « Grand Jeu » de Graham Swift tourne tournent autour de l'illusion, de la prestidigitation, mais aussi de la disparition – comme ce père marin, très souvent absent, proclamé « disparu » en mer – mais sans que Ronnie n'en sache vraiment plus.



On pense au roman de Christopher Priest, « le Prestige », adapté ensuite au cinéma par Christopher Nolan avec Scarlett Johnson dans le rôle de l'assistante des deux magiciens. Une jolie assistante, c'est indispensable pour détourner l'attention des spectateurs.



L'époque des années 60, que l'auteur fait ici magnifiquement revivre, concentre les prémices de ce qui deviendra « l'Entertainment » à grande échelle, mais pour l'instant il y est question d'artisanat, de music-hall, de baltringue – à l'image par exemple d'un couple comme « Shirley et Dino » en France aujourd'hui – d'acteurs de pacotilles, sans encore le cinéma et la machine hollywoodienne pour l'industrialiser.



On ira de suspense en suspense, avec des allers et retours dans le passé puis dans le futur qui embarqueront le lecteur dans ce scenario épique. Duquel le trio ne ressortira pas indemne : quelques tours et puis s'en iront.

« Jack s'était penché vers Eve : Des tours ? Des illusions ? C'est quoi la différence, Eve ? Expliquez-moi ».



La fin révèlera un ultime secret, une boite secrète qu'on n'imaginait pas, car l'auteur a plus d'un tour dans son sac. Mais on ne dira rien pour ne pas réduire le plaisir des futurs lecteurs. « le monde est un théâtre où chacun doit jouer son rôle » - une phrase tout à fait juste, aussi bien en 1949 qu'en 2021.



Oui, Graham Swift a sorti « le Grand Jeu ». Et croyez-moi : celui-ci mérite d'être partagé.

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Le dimanche des mères

En quelques heures de lecture impatientes et avides, j’ai vécu à travers les yeux de Jane, la journée la plus marquante et la plus enthousiaste de mes plaisirs littéraires.

Ce jour-là est celui du 30 mars 1924. Les vieilles familles aristocrates anglaises dont les fils ont été décimés par la guerre, accordent à leurs domestiques un jour de repos pour aller visiter leur famille au loin.

Pour Jane, orpheline placée chez les Niven, ce jour-là est un jour vacant où les heures, les minutes et les secondes s’échappent du cadran de l’horloge, loin du rituel quotidien et des besognes. Un moment volé au temps pour lire ou rejoindre son amant qu’elle connaît depuis 7 ans, James Sheringham, le dernier fils d’une famille amie des Niven.

Mais ce 30 mars 1924 n’est décidément pas ordinaire de par son exceptionnelle chaleur qui inonde le livre d’un flot de lumière et par l’intensité des évènements qui bouleversent la jeune femme, Jane. Comme si cette journée ne voulait pas mourir.

L’écriture radieuse et très élégante de l’auteur nous invite à entrer dans cet espace-temps, l’espace intemporel de la fiction qui nous fait douter de ce que nous vivons « Y avait-il jamais eu un jour comme celui-ci ? Pourrait-il jamais y en avoir un autre semblable ? » .



Une seule journée peut accomplir une vie.





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Le dimanche des mères



Jane Fairchild, 98 ans, est un écrivain reconnu. Elle ne rechigne pas à répondre aux différents entretiens, un sourire au coin des lèvres. Enfant abandonnée dans un orphelinat, elle a travaillé comme bonne. Elle avoue même que cet état est à l'origine de sa vocation d'écrivain. Oui, être orphelin, c'est une page blanche, sans passé, sans date de naissance, sans même un nom. Ceci est le discours officiel.



Sa vie a changé à tout jamais un dimanche de mars 1924. Ce dimanche de fête des mères octroyé à l'époque par les employeurs, le seul jour de congé de l'année, un dimanche qu'elle n'évoque jamais. Elle avait prévu de lire, profitant du calme de la maison vide, ou d'enfourcher sa bicyclette en cette journée ensoleillée. Elle va finalement rejoindre son amant sur son invitation, entrer par la porte principale de cette maison bourgeoise désertée, passer quelques heures dans cette chambre qu'elle ne reverra jamais. Mais tous les détails sont minutieusement imprimés dans sa mémoire, soixante-dix ans après les faits.



En peu de mots, Graham Swift nous parle de ce temps d'avant. Celui où les fils ne sont pas revenus de la Première guerre mondiale, les chevaux ont été remplacés par les automobiles, les familles aristocrates tristes pouvaient se permettre de payer uniquement une bonne et une cuisinière, les mariages étaient toujours arrangés (pour combien de temps encore). Il nous parle aussi de la création littéraire, l'auteur qui raconte des histoires, peut-être vraies, peut-être un peu inventées aussi. L'auteur nous livre un hommage à Joseph Conrad, cet écrivain aujourd'hui passé de mode qui n'écrivait pas que des livres sur la mer, qui a changé de nom en devenant anglais, qui n'a jamais écrit en polonais ou en français – des langues qu'il maitrisait parfaitement.

Un superbe roman beau et fort.

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Le dimanche des mères

Jane se souvient du 30 mars de cette année-là

Sa jeune nudité s'embrasait dans les draps

Elle, la petite bonne, pour la dernière fois

Sera l'amie, l'amante du beau Paul Sheringham

Le fils de bonne famille qui va se marier

Qui au volant d'une auto soudain disparait

Jane se souvient mais n'en dira jamais rien

Mêlant fiction et vrai, elle devient écrivain

Enrubannant les mots , les détournant aussi

Elle égrène cette journée la chambre leurs corps unis

Jane se souvient tant du dimanche des mères

Et la mort en vertige comme un vestige amer...



Fort belle écriture, une Jane inoubliable, tour à tour malicieuse et émouvante,et une réflexion intéressante sur les mots, leur pouvoir, leur dérision également... J'ai adoré cette journée particulière...ce dimanche des mères.





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Le grand jeu

♬ Attention, mesdames et messieurs

Dans un instant on va commencer ♬

Nous sommes à Brighton au coeur de l'été 1959, station balnéaire au sud de Londres.

Les stations balnéaires anglaises recèlent pour moi une jolie mélancolie désuète.

Chaque soir, un trio épatant offre aux vacanciers un spectacle éblouissant. Ce sont : Jack Robbins qui devient Jack Robinson facétieux maître de cérémonie, Ronnie Deane lui devient Pablo le Magnifique, magicien phénoménal et Evie White devient Eve son assistante dévouée sur scène qu'il enferme tous les soirs dans une malle pour la scier en deux.

Mais à d'autres moments du récit, nous sommes aussi au coeur de la seconde guerre mondiale et puis un peu plus tard, nous sommes à une époque contemporaine presque proche de la nôtre, en 2009. Evie White a soixante-quinze ans et se souvient à son tour, longtemps après...

L'art de Graham Swift est de se promener dans le temps et de nous y promener aussi, d'un temps à l'autre, avec une légèreté insoupçonnée. C'est un regard épris de justesse qu'il sait poser sur ses personnages comme un papillon sur une épaule.

Mais le tour de magie de Graham Swift est de faire apparaître et disparaître des personnages avec une sensibilité exacerbée. Ils sont nombreux, ceux qui apparaissent, disparaissent dans ce récit, les personnages principaux et ceux qui leur ont donné un sens à leur vie... Malheureusement, tous ne réapparaissant pas après leur disparition...

Ronnie n'a pas encore fait le deuil de la mort de son père adoptif, celui à qui il doit sa vocation de magicien. Ronnie prend la lumière de ce roman, peut-être trop à mon goût, son destin est la trajectoire oblique qui traverse ce texte avec fulgurance et beauté.

Difficile d'évoquer ce court roman.

Le synopsis tient à peu de choses, les thèmes sont multiples : l'amitié, l'amour, la famille, les origines, les illusions de la vie, les mystères qui nous font tenir debout et espérer... L'amour, oui, une étrange et bouleversante histoire d'amour va se dessiner dans les coulisses...

Et puis un jour la magie n'opère plus, le tour ne prend plus, cette illusion qu'on voulait se donner une dernière fois encore...

Les coulisses de la vie sont des portes où s'enfuir et disparaître à jamais...

Tout n'est peut-être qu'affaire de miroirs...

Scier une femme en deux sous un chapiteau, c'est sans doute plus facile que de vouloir recoller les morceaux de toute une vie ébréchée.

Le sujet est beau est d'une infinie tristesse.

Mais, je suis resté un peu en lisière du texte, alors que ma première rencontre avec l'auteur m'avait totalement ému, c'était le dimanche des mères. Ici il est question encore des mères, sans doute que ce thème touche de près l'écrivain qu'est Graham Swift. Elles sont fortement présentes, multiples dans ce roman-ci.

J'aurais tant voulu que l'auteur creuse davantage les deux autres personnages que sont Eve et Jack, puisqu'il s'agit d'un trio dont ils sont indissociables. Ils sont à peine effleurés et je suis persuadé que dans une plus grande fresque, les projecteurs se seraient un peu plus braqués sur leurs destins.

Cela n'enlève rien à la qualité et à la beauté du récit.
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