Dans une belle langue et un style soutenu, qui fait parfois penser à Pierre Michon, Jacques Chessex parvient à rendre crédible le parcours et le discours du narrateur, amant de la sainte Pia Canisia Piler, qui a choisi la voie du sexe pour vivre sa foi en Dieu et témoigner de son amour. Il convoque Sainte Geniève, en affirmant que c'est en distrayant sexuellement les Huns, qu'elle permit aux Parisiens de préparer la défense de la ville et de repousser celui dont on disait que là où son cheval passe, l'herbe ne repousse pas. Je ne sais pas si cette variation de la légende, sur le thème du gazon maudit est corroborée par des sources historiques ! Sexe et religion font rarement bon ménage, comme le rappelait encore Kamel Daoud dans un article du Monde, même si par le passé, le monde musulman était parvenu à un haut degré de raffinement à ce point de vue. Côté chrétien, les hérésies sanctifiant le sexe ont également existé comme le montre le film "La voie lactée" de Buñuel, qui propose un pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle de deux clochards, à travers le temps et les hérésies (où Jean Piat, récemment disparu, fait une brève apparition, en tant que janséniste, dans un duel qui l'oppose à un jésuite - jansénistes dont J. Chessex évoque pareillement l'exemple dans son récit). Que l'extase mystique se confonde avec l'extase de la jouissance sexuelle, l'illustration de l'édition de poche qu'a pointée ericbo, mais aussi bien d'autres oeuvres en apportent la preuve. Chessex campe son histoire dans un décor suisse qu'il connaît bien - et avec lequel j'ai aussi quelques accointances - ce qui n'a fait que donner encore plus de corps à mon plaisir de lecture.
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C'est la chance de la folie d'errer entre sépulcre et ciel, rien n'est impossible à celui qui croit, surtout s'il remet sa folie en Dieu.
Les saints ne savent pas qu'ils sont saints et ils marchent vers leur apothéose, quoi qu'il advienne ou soit enlevé, dans l'absolue stupeur du Tout.
C’est une effrayante erreur : j’étais du côté de Dieu et j’ai choisi le camp de Satan pour satisfaire mon orgueil. p.175
Payot - Marque Page - Jacques Chessex - Le dernier crâne de M. de Sade