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Citations de Laure Murat (297)


Jean Echenoz-

On invente un peu le livre qu'on lit. Un jour, un lecteur m'a parlé d'une scène dans un de mes livres. Je ne reconnaissais rien. Et puis j'ai fini par comprendre de quoi il s'agissait: il avait changé les sexes des personnages, les situations, les dialogues, les lieux, à peu près tout. J'ai trouvé ça formidable. Il avait entièrement reconstruit le livre-pour lui- C'était magnifique, c'était cette idée que le lecteur écrit le livre qu'il lit.

Je ne perçois pas du tout la dimension régressive de la relecture. La relecture me fait toujours avancer. Je ne suis pas dans une répétition vaine. Ce sont soit des redécouvertes, soit des retrouvailles selon d'autres angles. (p. 166)
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Les mondes mettent longtemps à mourir, plus encore à disparaître tout à fait. Ils cohabitent plutôt, se superposent et traînent dans le temps. Ils se prolongent et s'éternisent, par la voix des témoins qui, de recits en conversations, de souvenirs en affabulations, passent le relais, dans un chant en canon qui se perd en échos interminables.
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Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres (Du côté de chez Swann) 
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« Le plaisir aristocratique de déplaire… » Combien de fois cette citation de Baudelaire n’a-t-elle pas été répétée par les aristocrates eux-mêmes, persuadés que le poète justifiait par cette formule la supériorité d’une élite et légitimait sa morgue ? Ignorance mieux que mauvaise foi, la citation est le plus souvent tronquée de sa première partie, qui change pourtant singulièrement le propos : « Ce qu’il y a d’enivrant dans le mauvais goût, c’est le plaisir aristocratique de déplaire. »
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[…] ce qui se transmet vraiment ne s’enseigne pas. 
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Le déclin de l'aristocratie depuis la Révolution française a été d'une lenteur record. Alors qu'elle aurait dû s'éteindre à l'avènement de la IIIe République, elle a jeté tous ses efforts dans le maintien de son train de vie et de la pantomime mondaine qui l'accompagne, artefacts destinés à persuader la société de son intemporelle prospérité. Sa survie doit tout à l'esthétique - car c'en est une - des manières et de la mondanité.
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 […]  toute prestigieuse que fût l’union de « deux grands noms de l’histoire de France », elle n’en était pas moins marquée dans les mentalités par le décalage entre la noblesse d’Ancien Régime, incarnant le passé féodal, et la noblesse d’Empire, de plus fraîche extraction. « L’héritier des hommes de guerre de la vieille France a donné sa fille au descendant du “Petit Caporal” », […] Que Proust, longtemps chroniqueur mondain, ait été fasciné par ces différences de traitement dans les classes sociales ne doit pas étonner. Chacune incarne un rapport au Temps, à son épaisseur, à sa puissance d’accumulation, des croisades aux guerres napoléoniennes. C’est dans cette distance avec l’origine de l’anoblissement que Proust voit même l’écart sensible entre les deux noblesses, incarnées par Saint-Loup, affable, élégant, mais sans-gêne et méprisant le bourgeois, et le prince de Borodino, plus majestueux, car moins éloigné de l’époque où son père était reçu à la cour impériale. Quand les couches du temps auraient dû jouer en faveur de Saint-Loup, leur minceur bénéficie paradoxalement au prince d’Empire, aux manières supérieures. Saint-Loup a intégré toutes les élégances, au point de parfois les oublier. Borodino s’en souvient encore. 
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« Monsieur le duc de Luynes, Château de Luynes, à Luynes », disait le libellé des enveloppes qui jonchaient son bureau. Je suis le duc, la terre et le fief, le domaine naturel et l’espace politique. Territoire, nom, origine, tout était collé. Depuis la nuit des temps jusqu’à celle du tombeau.
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Nous sommes tous devant le romancier comme les esclaves devant l'empereur : d'un mot, il peut nous affranchir. [...] Par lui, nous sommes Napoléon, Savonarole, un paysan, bien plus - existence que nous aurions pu ne jamais connaître - nous sommes nous-mêmes.
Marcel Proust, « Le véritable Protée »,c. 1899
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De nombreux ouvrages ont rapproché le snobisme de la théorie de l’amour dans la Recherche. Or Proust ne s’intéresse pas à l’amour, mais à la jalousie, car elle est le moteur de l’imagination, dont il aurait pu dire avec Baudelaire qu’elle est « la reine des facultés ». Il n’y a pas d’étreintes dans la Recherche, ni aucun moment tendre entre amant·es, mais une suite de phantasmes et de délires érotiques. Odette, Morel et Albertine sont, respectivement, des créations de la jalousie de Swann, de Charlus et du narrateur. De même, Proust ne s’intéresse pas plus au faubourg Saint-Germain, mais au snobisme qui met en branle des univers entiers, excite mille chimères, détermine jouissances indicibles et blessures mortelles. Le snobisme serait en réalité à la mondanité ce que la jalousie est à l’amour : une machine à délirer, l’équivalent de la lanterne magique de l’enfance, cette usine à projections et à rêves. 
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Montrez-moi votre bibliothèque, et je vous dirai qui vous êtes. Dites-moi ce que vous relisez, et je recueillerai vos secrets (p. 274)
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Linda Lê

En relisant Jules Verne, je me rappelais tout ce que je ressentais alors: la joie d'entrer dans un monde inconnu, la joie d'apprendre des mots nouveaux, la joie aussi aussi d'établir des passerelles entre la France et le Vietnam. Quand je relis des livres plus tard, en France, c'est la joie de reconnaître ma dette d'amour envers certains créateurs. Les réminiscences livresques sont essentielles pour qui n'oublie pas, comme je l'ai dit dans un de mes essais, qu'avant d'être un débiteur d'histoires, l'écrivain est un débiteur, redevable aux intercesseurs hantés. (p.224)
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Entrer dans la bibliothèque d’un écrivain, lire les textes qu’il a eus entre les mains, qui plus est dans les lieux mêmes de son séjour, tel est le seul vrai pèlerinage, ou en tout cas la proximité la plus étroite que l’on puisse trouver avec une pensée. 
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Cherchez-vous, dans la relecture, la lectrice que vous étiez ?

c'est même cette recherche qui motive le plus mon désir de relire. Mesurer la distance entre la lectrice d'autrefois ou/et retrouver celle que j'étais au moment où j'ai lu le livre pour la première fois. Double plaisir, par exemple, d'avoir relu (en diagonale tout de même !) -Les Misérables-: d'une part, m'éprouver dans la fille de seize ans, touchée par l'écriture lyrique de Victor Hugo, ce souffle généreux, vibrant au sort des humiliés ( Fantine, qui n'a plus de dents, insultée), , célébrant l'amour physique de Marius et Cosette avec des accents religieux. d'autre part, émotion mélancolique de considérer cette fraîcheur, cette naïveté, dont je suis aujourd'hui incapable en lisant n'importe quel livre ...(p. 177-178)
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La noblesse d’Empire, qui doit ses titres à sa bravoure sur le champ de bataille, a ceci de particulier qu’elle dépend d’un seul homme, Napoléon. Or l’Usurpateur, comme l’appellent ses ennemis, est un souverain sans légitimité généalogique, un monarque qui se passe du droit divin, instaure un régime héréditaire et fabrique une nouvelle aristocratie sans racines ni passé. Admise avec le temps dans la société, elle ne sera jamais pleinement reconnue par l’aristocratie d’Ancien Régime. 
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Une année, une de mes sœurs avait spontanément adopté le tic d’une de ses professeures d’école qui ajoutait des « eu » traînants à la suite de certains mots, comme dans « je suis allée à la piscin-eu » […] je vois encore la panique sur le visage de ma mère, comme si la famille groseille au complet avait pris possession du larynx de ma sœur . (p.172)
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À l’aristocratie est souvent rattaché le mot de prestige. […]. Personnellement, je préfère le « proustige ». […] Je ne m’arroge en rien le prestige de Proust parce qu’il aurait décrit le monde où je suis née, mais je loue sa magie à m’en avoir sortie, en authentique proustigitateur. (p.16)
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Ma lecture de la Recherche m’a délivrée des faux-semblants attachés à l’aristocratie de mes origines, m’a instaurée en tant que sujet en dépliant le sens des mises en scène attachées à l’homosexualité et, plus que tout, m’a ouverte au réel.
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Proust aurait-il trouvé dans la perfection rituelle et vide de l’aristocratie l’esquisse, le schème imaginaire de son grand œuvre – plein de sens, celui-là -, qu’il désirait bâtir comme une cathédrale, fût elle inachevée, une dentelle gothique, une robe ? (p.89)
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La science du narrateur dans sa compréhension des usages du grand monde culmine dans Sodome et Gomorrhe.
« Je commençais à connaître l’exacte valeur du langage parlé ou muet de l’amabilité aristocratique, amabilité heureuse de verser un baume sur le sentiment d’infériorité de ceux à l’égard desquels elle s’exerce mais pas pourtant jusqu’au point de la dissiper, car dans ce cas elle n’aurait plus de raison d’être. « Mais vous êtes notre égal, sinon mieux », semblaient, par toutes leurs actions, dire les Guermantes  ; et ils le disaient de la façon la plus gentille que l’on puisse imaginer, pour être aimés, admirés, mais non pour être crus : qu’on démêlât le caractère fictif de cette amabilité, c’est ce qu’ils appelaient être bien élevés ; croire l’amabilité réelle, c’était la mauvaise éducation. »
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