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Critiques de Maryna Uzun (187)
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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

« Sur quoi oeuvres-tu, maman griffonneuse, dactylographieuse, maman engloutie ?

— J'écris sur les arbres, les hommes aussi, car je les confonds, voisinant parfois dans le même cadre…

— Tu aimes ton végétal comme un vrai humain ?

— J'aime plutôt l'homme comme une pinède ! »



Chers lecteurs et amis Babelio, après un bienheureux piétinement poétique de cinq ou six ans, je me suis relancée dans le roman !

Mon titre, vous rappelle-t-il les oisillons des parcs urbains ? C'est une prose rongée de vers comme le granit de lichen. C'est une prose bénie de vers comme une vie d'une passion. Galilée s'émerveilla : « Et pourtant elle tourne ! » Pourtant c'est un roman ! ai-je envie de crier. Récit où je slame et m'exclame… Vous trouverez cela barbant si vous ne prisez pas l'aspect dense, et même cursif, rabougri, de la poésie contractée. C'est une fiction qui nous ressemble, moi qui notais, lui qui dribblait, et nous shootions, nous nous pendions chacun à son panier de songes…

J'ai traversé le Rhin, écouté Novalis, je me suis cachée dans le myosotis romantique pour réunir l'onirisme et le monde réel, comme un trouvère en quête de l'amour absolu.

En un camaïeu volubile et hyperbolique, mon dégradé de vert, abreuvant mon âme avide, j'ai décliné à loisir mes tags de prédilection : rêve, pluie, ardeur, poème, liane, sylve, lac, lilas… Vous, feuilles, troncs et branches, mes membres, mes torses, mes peaux ! Bourrée comme un coing de rimes, je me suis muée en Ève !









La suite, ce n'est ni une critique ni un préambule mais un texte qui révèle le caractère du livre, plonge dans son ambiance et ses exaltations gardant le « je » initial de la narration. Commencer par un épilogue, n'est-ce pas une bonne approche ?

La vie, versatile, est impossible à cerner. Elle persévère alors que ce livre se fige. Il n'est qu'un oeil-de-boeuf parmi d'autres éclairant le creux de ma paume... Dès qu'une fin fragile point, une nouvelle intrigue se dessine déjà à l'horizon.



***

Je quitte très tôt mon appartement. La nuit règne encore sur ma promenade. Gisent sagement sur l'échiquier sombre d'un plan d'eau étroit les paons aquatiques. Je ne compte que sur les lampadaires, épouvantée par le désert des lieux. le givre m'enjôle couvrant chaque brin. Tout endolori, près de se casser, mon index semble un bâton de cannelle. Mon pompier agile qui n'est pas venu éteindre le feu de ma foudre en boule, que je voudrais épier sa tenue de course par ces temps gelés, l'entrevoir d'un oeil ! A-t-il un bonnet ? Est-il en collant, sous un coupe-vent, ou toujours sans rien ?

Loin de notre idylle, j'opère mes boucles de Paris-boudeur. C'est ainsi qu'un schéma de la Ville-Lumière se montre à ma vue : dans sa fraise clownesque, juche une tête ronde fendue par la Seine, sa bouche maussade presque édentée ! Bannies soient les cartes !

Ô détail divin ! Sous le pont d'Iéna, le torrent grommelle, remue son prénom, renouvelle encore mon flux de désir. Dans le brouillard bleu du fleuve évolue un petit navire que mon éros berce. Entre les piliers de la Flèche Eiffel, les Sainte Nina et Sainte Rita, les cordes moussues ancrent les péniches. Ces humbles pylônes m'attisent sans fin.

Ma Tour ne sort pas, et c'est le covid qui s'est invité, ennuyé sans elle ! Mais voici mon grog, aux agrumes-mots, une décoction de mes veillées longues, au vin de syllabes, au miel de virgules. Qu'en toutes circonstances, tu demeures ivre ! Quatre pétales de « v », pour ailer ton coeur, et sept pincées d'« i », pour un sourire ample, assaisonnées d' « e », très euphorisants, comme d'une essence naturelle exquise. Puis, à volonté, points d'exclamation !

Mon châle persan, pour ma délireuse ! Tu pionces ou tu brûles, tu racles la gorge murmurant une strophe, apte à distiller une mélodie de ta maladie. Ne sois enrhumée que d'une narine, ne sois obscurcie que du côté gauche ! Vivent nos remakes !

D'un coup j'aperçois le tronçon d'un fût flottant sur les ondes comme un short géant. Salut, mon Baumier, mon témoin muet ! Une mouette grise se pose à mes pieds…

Je tweete et retweete mes « selfies » pour lui, sur un air de Brel. Mais mes lieds cryptés, ma radio de Londres, n'éclaire que moi…

Ce matin hiémal, j'ai froid à la langue à bader la figue au bord de la Seine, à béer devant les arches brumeuses, à foncer depuis trois heures entières dans la vie fermée pour qu'elle s'éventre ! Yeux écarquillés ! Hier, j'ai soufflé ma flamme amoureuse comme une chandelle. Je vais devenir une Laponie ! Et, comme les vieux, tout asymétrique ! Mes encourageuses seront mes deux larmes, mes humeurs du nez !

J'entre aux Tuileries aux piétons épars, hantés de virus. Les paros houssés offrent leur silhouette ou plutôt leur spectre. Je me crois à Vienne où mes doigts de bois peinaient pour capter un lunch d'écureuils, les derniers seigneurs d'un château royal.

Sans raison, je suis montée sur la butte du pont desservant le Palais Bourbon. Là, ma perle rare, je l'ai dénichée ! C'était un trou vague de soleil timide, une lueur baroque, l'éclat tamisé d'un jaune de Naples crevant les nuages et le smog ambiant ! Sous les réverbères encore allumés, dans l'optique amène des ponceaux voûtés, mon Paris loukoum, poudré, impalpable, cité de poupée, s'est ouvert à moi !

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Fière comme une batelière

Merci à l’autrice pour m’avoir permis de découvrir son roman Fière comme une batelière. Ce livre, lu au format PDF est court (environ 150 pages) et raconte la destinée d’Irène, fille de batelière belge entre sa naissance dans les années 1920 et sa mort au début du XXIe siècle.

Alicia, sa petite fille propose à sa grand-mère de raconter sa vie et vient régulièrement lui rendre visite pour l’écouter narrer ses souvenirs.

Irène revient d’abord sur la rencontre de ses parents, bateliers au début du XXe siècle entre Sambre et Meuse. On découvre la vie de ces nomades des canaux et des fleuves dont l’activité commerciale n’existe presque plus.

Mais le roman démarre vraiment avec l’arrivée d’Irène à l’âge adulte au moment de la Seconde Guerre mondiale. Sa rencontre avec Rafaele, un italien prisonnier en Alsace. Son épopée pour l’accompagner en Calabre d’où il est originaire. Son retour en Belgique avec de nombreux autres émigrés de la botte pour travailler dans les mines de charbon. Et puis leur vie, tout simplement mais racontée avec un beau talent d’écrivain.

C’est court, nerveux et en même temps très poétique. Maryna Uzun possède un vrai style qui nous transporte et nous fait vibrer. L’émotion du déracinement est présente mais sans jamais s’engluer dans le pathos. On découvre, à hauteur d’homme, enfin à hauteur de femme qui sont les véritables héroïnes du livre, la vie compliquée de l’après-guerre chez les gens simples, leur lutte de tous les jours pour vivre convenablement.

Il m’a pourtant fallu quelques pages pour rentrer dans l’histoire au début pour comprendre le dialogue entre Alicia et Irène et les passages entre le récit de la grand-mère et le dialogue avec sa petite fille m’ont parfois un peu embrouillés mais cela ne gâche en rien le plaisir de lecture. Peut-être que la mise en place de chapitres et d’interludes auraient été une bonne idée.

Le dernier quart du livre est une reprise en main de la narration par Alicia qui raconte ce qui s’est passé à partir des années soixante-dix et ses recherches pour en apprendre d’avantage sur les lieux et les faits. Une certaine émotion teintée de nostalgie se dégage de cette dernière partie qui clos magnifiquement l’histoire d’Irène

Ce roman aurait pu faire l’objet d’une saga familiale plus longue et plus épaisse mais, le choix de l’autrice est plus d’en faire un témoignage d’une époque, avec poésie et émotion et le pari est plutôt réussie.

Un beau moment de lecture !
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Les poèmes d'amour pour des premiers venus

Les Poèmes d’amour pour des premiers venus ? Nymphomane, frustrée, allumeuse ! Qui est la narratrice, celle qui vous dit « je » dans ce jeune opuscule lyrique ? Ce sont ses points de vue fugaces, impressionnistes, quelquefois même contradictoires. Quand la muse moqueuse vient piquer son poignet, ce sont des regards flagellateurs.

Son couplet automnal, son couplet atonal, un kaki qui s’écrase à vos pieds. Son amour fourvoyé, son amour foudroyé, son amour fourré dans un écrit… Accordons nos violons, mes lectrices hardies et vous, mes lecteurs persévérants !

Il paraît que c’est vraiment absurde, un je t’aime à quelqu’un qu’on ne connaît que peu, quelqu’un qu’on entrevoit, quelqu’un qu’on entrelit, quelqu’un qui vous écrit à l’aveugle. Elle et cet oiseau bleu, oh qu’ils mêlent leurs plumes ! Dans un alexandrin, qu’il l’habite ! Une ogresse de mots, elle se gorge de lui. Qu’il se lise dans cet opuscule !

Le bonheur accapare, exclusif, épuisant ! Qu’il la laisse souffler, ce boulet, empiler ses chefs-d’œuvre qu’elle écrit pour vous, le passant et le premier venu ! « Oh ! Lis-moi, mon amour, quand il lime mes jours, ce bonheur castrateur et simplet ! Ce n’est pas la bonne heure pour pondre un sonnet quand il vient se hisser sur mon toit ! » Bonheur la triturant, la traitant de traîtresse, le bonheur, son Samson endormi, c’est un maître sévère, un amant infernal, pour lui doit-elle se cloîtrer sans fin ?

Qui tue affectueusement la marguerite ? Lisons-nous, lions-nous à l’infini ! Les poèmes d’amour naissant des étincelles, l’avant-goût plutôt qu’un souvenir ! Oui, elle n’est fidèle qu’à la poésie, ne prend de risques que sur papier. Et son ubiquité, c’est une infirmité. Pas de vérité sans oxymore !

Ses poèmes d’amour pour des premiers venus, ses kakis s’écrasant à vos pieds… Un passant a glissé sur la chair fermentée, ses alcools sont peut-être trop forts ? Ou c’est elle qui patine sur un beau kaki, croit avoir trouvé la pie au nid ? Elle est la dupe heureuse de tout et de tous et rien ne peut dissoudre sa liesse !

Elle ne rate jamais un beau chagrin d’amour, vive son mal hyper productif ! Une joie fainéante, on n’a pas besoin d’elle, sa plume serait-elle sadique ? Sa saison chromatique : « Il pleut trop pour pleurer, pour laisser couler trop d’encre noire. Ris aux anges, aux dieux, ris au nez, ris aux larmes ! Rire jaune en automne est mal vu ! »

La buée lui a ravi sa chère Tour Eiffel, elle se sent toute déboussolée ! Dans ses kakis d’amour, que sa langue s’égare ! Suivez-la ! Pourquoi non ? Pourquoi pas ?! Ses trois derniers kakis sont si bien accrochés aux serpents des branches dépouillées qu’ils ne tomberont pas et pourriront sur l’arbre, elle les garde pour elle pour toujours !



On court, on danse et on galope le risque des désillusions pour vivre quelques instants frêles à la porte d’un amour neuf ! Lorsque l’amour n’est qu’électrique, qu’il n’est même pas en papier, on trottine en souliers de vers : do, ré, mi, fa, sol, la si, do… On peut bien faire l’escargot sous la pluie dans un parc désert, on peut aimer d’un amour d’arbre, être embrassée des réverbères, marcher jusqu’aux ampoules rouges avec son amour impossible dans Paris couvert de chantiers, au bord de la Seine boueuse ! Toutes les nuits, la lune est pleine, elle klaxonne, elle réveille le sens aigu du belvédère, le sens aigu des aléas. On se rend compte avec tristesse, on se rend compte avec humour, qu’une folle histoire d’amour n’est qu’une histoire potagère : moins on arrose les tomates, plus elles auront de saveur !

Pardon, lecteur, pardon, lectrice, elle ne pensait pas vous troubler ! Pardonnez son amour rêvé et sans épines du réel ! Elle est parfois son propre clown la tirant des larmes brûlantes ! Le soleil la surprend toujours là où elle dit très lentement : « Je n’ai que l’amour du crachin, je n’ai que l’amour du pavé ! »

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Le voyage impaisible de Pauline

Après avoir lu Fière comme une batelière, j’ai choisi un autre livre de Maryna Uzun, le voyage impaisible de Pauline avec un joli néologisme dans le titre. L’autrice m’a envoyé le livre qui s’est installé dans le haut de ma PAL.

Maryna Uzun raconte, je pense, un peu d’elle même dans cette histoire d’amour. L’héroïne, Pauline est une Ukrainienne de Kharkov, deuxième ville d’un pays qui panse les plaies de la dictature soviétique. Elle se rend en France pour un concours d’entré au conservatoire qu’elle n’aura pas. A la place un gagne un amour fort et intense pour Tom. Ce dernier accepte le mariage avec cette jeune fille de dix ans de moins que lui afin de lui permettre de pouvoir revenir légalement pour le retrouver. Elle sera aussi aidé par un attaché culturel atypique de l’ambassade de Kiev, Antoine, qui deviendra un ami.

Tom est chef d’une bande d’artistes, intermittents du spectacle. Il emmène sa troupe et sa femme dans le Cantal pour s’y produire de façon permanente.

L’amour entre Tom et Pauline évolue en fonction des saisons, des représentations, des humeurs des autres artistes, de Pia, notamment, amoureuse de son mari et jalouse.

Jusqu’au drame.

La vie de Pauline bascule alors dans une autre dimension.

Maryna Uzun écrit avec un style classique mais rempli de légèreté et on rentre en douceur mais très facilement dans la vie de la jeune danseuse. J’ai apprécié la première moitié du livre même si je trouve que parfois, il y a quelques longueurs. On se demande où cette histoire presque banale va nous mener.

Mais j’ai dévoré la deuxième moitié. Celle qui suit le drame. La poésie feutrée du quotidien au début raconte, outre l’histoire d’amour, l’intégration de Pauline en France, à Paris puis dans le Cantal. Cette poésie devient magnifique dans la deuxième partie. En peu de mots, sans pathos, sans sentimentalisme, on suit la volonté farouche de la jaune ukrainienne de s’en sortir. Les cent dernières pages se lisent d’un coup. Il est alors difficile de poser le roman.

Une histoire qui a donc fini par me toucher et que je conseille à tous ceux qui aiment ces histoires de vie poétiques.
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Le voyage impaisible de Pauline

♫Devant un café-crème

Épuisés mais ravis

Fallait-il que l'on s'aime

Et qu'on aime la vie

La bohème, la bohème

Ça voulait dire

On a vingt ans

La bohème, la bohème

Et nous vivions de l'air du temps♫

-Charles Aznavour- 1965 -

---♪---♫----🩰---💙💛---🩰----♫---♪---

Maryna nous parle d'un temps

Que même les moins de 20 ans

peuvent bien sûr reconnaître

2014-Kharkov, déjà en ce temps là

Etait le théâtre d'importants combats ...



Son Exil sous les toits de Paris

Derrière le plafond c'était déjà le paradis

Elle prendra goût à trouver des rimes

Sex'prim, hierarchie, respect patronyme

Pauline, une Belle d'abandon

celle qui danse au bout d'un baton

Travailler sans raisonner, ou l'inverse peu ou prou

Laisser parchemins au Perret, ses bâtons dans les roues

Parole jetée prend sa volée

Je suis venu te dire que je te veux en violet

Ainsi Amants et poétes, ils vivaient sur Vénus,

"Qui langue a, à Kiev va" n'était qu'un proverbe russe...

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L'insomnie est couchée dans mon lit

Chers Lecteurs et Lectrices ! Si vous n’avez ouvert aucun de mes ouvrages en vers ou romanesques vous n’avez rien perdu ! Puisque d’un livre à l’autre, j’écris la même chose, et la sauce se corse ! Le dernier, le meilleur, prenez-le sans tarder ! C’est encore une femme qui trouve le temps long, mais qui s’amuse aussi sans conséquences graves. Il ne s’y passe rien, c’est le chemin qui compte !

On couche avec son téléphone à portée de la main et parfois avec son calibre posé sur l’oreiller. Avec son double ou sa moitié, avec un livre ou un chapelet… Elle couche avec son insomnie ! Elle dort avec son insomnie ! Pour ne pas être déprimée, elle laisse des trous de mémoire dans ses chaussettes de soie bleue. Comment savoir si elle s’élève ? Comment savoir si elle s’enlise ?

Son insomnie, ah peu importe qu’elle soit blanche ou noir orage pourvu qu’elle tue ses cafards ! Ne cherchez pas de cohérence dans une lueur de Poésie, ne cherchez pas de cohérence dans un cœur qu’elle a ébloui !

Mais si on est bon on pourrait déjà se manger soi-même, ses vers blancs teintés, ses vers blancs fouettés, de confinement ! Je suis ironique ! Enfin, j’ai cédé à la tentation de vous les montrer. Mes poèmes tombent comme une avalanche de feuilles éparses. L’insomnie à lire. Qu’elle voie le jour et batte son plein ! Et moi, je m’en vais battre le pavé. Je ne suis pas un bourdon égoïste qui ne fait du miel que pour sa bedaine !

Elle a couché avec l’ennui, couché avec son insomnie, couché avec des mots écrits, avec des arbres enlacés et avec Pablo Picasso, avec la pluie, avec un troll, avec le soleil forcené ! Elle oublie pas mal son piano gobant un fruit de la passion tous les matins à l’heure bleue. Rien de nouveau sous le soleil. Ne la jetez pas en pâture à des requins, cyber-coquins, cyber-pierrots, cyber-blaireaux ! Il était une figurine qui valait vingt euros à peine car en résine, hyper-fragile, à mettre dans une vitrine…

Encore un livre que personne ne verra au milieu des débris ? Encore un repas que mon fils mangera froid sur un fouillis de jouets ? J’en ai trop l’habitude ! Ça ne m’empêche pas de succomber aux mots ! Il me plaît de m’aigrir et d’être réaliste, des brindilles aux lèvres, les brindilles d’espoir ! Et je suis presque sûre qu’aux murs du paradis, les petits ânes lisent mes refrains de survie !

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Le voyage impaisible de Pauline

Le voyage impaisible de Pauline, écrit par Maryna Uzun qui crée un néologisme original, a été publié en 2014. L’autrice étant d’origine ukrainienne, il est impossible de lire sans penser au drame que vivent les Ukrainiens, cette terrible guerre menée par la Russie de Poutine contre un pays n’aspirant qu’à vivre en paix.

Pauline, l’héroïne du roman, est née à Karkhov et a grandi dans la deuxième ville d’Ukraine située à 413 kilomètres de Kiev. L’agglomération compte plus d’un million d’habitants. Si les Français l’appelaient Charcovie au XIXe siècle, elle fut, un peu plus tard, de 1917 à 1934, capitale de la République socialiste soviétique d’Ukraine. Anna et Anatoli, les parents de Pauline parlent russe car dans cette grande ville martyrisée durant la seconde guerre mondiale, l’influence de la langue russe est importante. D’ailleurs, si le russe est utilisé dans la vie courante, l’ukrainien reste la langue officielle.

Hélas, à cause de cette guerre qui fait honte à la civilisation européenne d’aujourd’hui, Karkhov a été partiellement détruite par l’artillerie russe, cette année.

L’histoire mise en scène par Maryna Uzun se passe donc quelques années avant ce drame qui dure encore. Pauline rêve de devenir danseuse. Après quelques années de formation à la danse classique dans sa ville, elle veut partir pour Paris où elle va tenter un concours pour intégrer une école de danse.

Si elle sait que sa candidature est un échec, Pauline rêve de danse contemporaine. C’est alors que, square Lamartine, elle rencontre par hasard, Tom (Thomas) qui a dix ans de plus qu’elle, alors qu’elle n’a que vingt ans. Si je me doute de l’idylle qui s’amorce, l’inquiétude revient vite car le visa touristique de Pauline ne dure que trente jours. Elle doit retourner en Ukraine avec une seule idée : revenir à Paris et épouser Tom. Il faut dire qu’ils ont fait l’amour, Tom notant d’ailleurs que, pour lui, c’est la première fois qu’il a des relations sexuelles avec une vierge.

Pour pouvoir revenir dans les bras de Tom qui veut bien du mariage pour lui permettre un retour en France, il lui faut un visa. Après le certificat de célibat, elle doit faire le pied de grue à l’ambassade de France, à Kiev.

Démoralisée par les heures d’attente, elle est prête à renoncer quand un homme portant un badge s’approche et déclare : « L’administration, la bêtise au front du taureau ! ». Pauline réagit aussitôt et s’écrie : Baudelaire !

Cette culture littéraire de notre jeune ukrainienne est son meilleur passeport pour la France car l’employé du service culturel, Augustin Beaulieu, est efficace. Sans en dire plus, je peux seulement laisser sous-entendre que ce personnage reviendra un peu plus tard…

L’aventure parisienne de Pauline et Tom se poursuit dans le Cantal, à Yolet où Tom est embauché comme directeur artistique d’un projet culturel ambitieux. Pauline fait bien sûr partie de l’équipe car ses talents de danseuse séduisent le public. Dans la troupe, une certaine Pia a un rôle non négligeable.

Tiraillée entre son pays d’origine par l’intermédiaire d’une mère assez envahissante, et la France, Pauline tente de trouver son équilibre.

Maryna Uzun mène son roman de manière très classique avec une écriture qui ne m’emballe pas. Par contre, l’autrice me fait découvrir son pays d’origine par de petites notes très intéressantes.

Au fil des pages, j’espère un événement surprenant, un rebondissement inattendu, voire dramatique. Quand cela arrive enfin, le style de Maryna Uzun reste très classique.

L’amour est fort dans Le voyage impaisible de Pauline, plus fort que tout et c’est bien l’essentiel ! Je remercie Maryna Uzun qui m’a permis de découvrir un de ses romans faisant partie d’une production littéraire déjà conséquente.


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Carnaval des majuscules : prolongation exce..

Chers amis babelio ! à la suite des erreurs dans la base de données, ce livre s'est assimilé au premier volume du "Carnaval des majuscules" et s'est retrouvé sans critiques ni citations comme un orphelin. Voilà pourquoi je poste ce billet. Comme j'ai déjà fait une "invitation à la lecture" pour célébrer cet ouvrage par de grandes festivités, je vous parlerai plus sobrement aujourd'hui, presque trois ans après sa sortie.



Le premier abécédaire pour adultes ou encore un abécédaire pour enfants ? Cet abécédaire est pour les deux à la fois ! Pourquoi pas puisqu'il s'agit ici d'un carnaval et le carnaval est un moment de l'année où toutes les folies sont permises !

Cet abécédaire n'est pas imprimé sur le papier « indestructible » qu'on utilise souvent pour les plus jeunes lecteurs mais sur un papier basique qui passe partout. Cet abécédaire ne vous promet pas d'être d'une simplicité enfantine, et même des commentaires et digressions des adultes seront les bienvenues pour que certaines métaphores, trop éloignées du langage courant, parlent aux enfants ! Cet abécédaire n'est pas purement instructif, terre à terre, il est surtout poétique, tantôt rigolo, tantôt brumeux !

Chers parents, chaque livre que vous lisez avec vos enfants est un élixir qui vous rajeunit d'un an et c'est une somme que vous versez sur leur compte d'épargne. Chers professeurs, vous qui avez plus d'enfants que le commun des mortels, chaque poème que vous lisez avec vos élèves ouvre à vous tous les portes de vous-mêmes. Tout le blanc d'une page poétique, vous le remplissez de vos pensées qui voyagent comme des nuages et qui communiquent. Il en était ainsi et il en sera toujours ainsi.

O comme L'oeil de poète, en concurrence avec Jurassic Park !





Dans l'herbe humide de rosée,

Où l'allégresse est infusée,

À tour de rôle, nous soufflions

Les doux chatons de dents-de-lion…

Sur une tige, nous roulions

Les gouttelettes amusées…



Et nous rêvions d'un pas de boeufs,

Toujours friands de calembours…

Si O pouvait éclore un jour

Comme une fleur ou comme un oeuf

Dans une vieille basse-cour

Ou dans un ciel refait à neuf !



Te souviens-tu, Oeil de poète,

Combien le monde était en fête ?

Ô l'Oeil, si rond d'étonnement,

Comme parfois l'oeil vif d'enfant,

Et seul dans l'ordre du cosmos

Utilitaire jusqu'à l'os !
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Les silences d'Isis

"Avoir un seul enfant de toi

Ça f'sait longtemps que j'attendais

C'est le cadeau dont je rêvais" Un enfant de toi, Phil Barney.



J'ai tellement apprécié "Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! " de Maryna Uzun, que j'ai dévoré "Les Silences d'Isis".

J'aurais aimé rencontrer cette jeune femme, encline à la poésie, qui en a marre de son Marc (son marc amer de café) surtout qu’elle attend depuis si longtemps un enfant de lui.



C'est un poème en faveur d'une jeune femme qui rêve de vie et d'amour!

Aussi merci Maryna :



M comme "Malheureusement, tu m’as pourri l’envie. Quand je veux quelque chose, je le veux tout de suite, sinon l’envie me passe. Tu as tué mon rêve… Maintenant, ne t’approche plus de moi ou je vais considérer que tu me violes ! "



A comme..."Avant, prononça-t-elle avec mélancolie, tu m’embrassais tout le temps.

- Avant ! Avant quoi ?" Répond Marc.



R comme... " regard qu'on portait sur un objet, dans l'intérêt qu'on accordait à une personne, parce que c'était là des instants volés au néant."



Y comme... "Yeux se fixèrent sur la Vierge. Isis se crispa. Cette image de femme avec enfant était omniprésente…"



N comme... "Nous nous sommes risqués à vivre la poésie et pas seulement à l'imaginer, et entre la poésie et la folie il n'y a pas de frontières. "



A comme... "L'amour , c'est juste un envoûtement"

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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

"Oh lis moi sans délai, je ne t'attendrai pas!" me fit un quatrain quand je le dépassais. Ce sont mes vers-lapins qui minent, sapent, creusent des souterrains..." nous prévient Maryna Uzun.

Un petit hommage à "Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas!"





Maryna ...

M comme:

Ma vie de couplets enragés et de légumes encombrants, et de précautions inutiles où j'ignorais les dinosaures..





A comme:

Aèdes courtois, ne m'appelez pas "ma petite fleur", j'ai peur qu'on me mette un jour dans un vase,





R comme: Réveille moi, feu vert ardent. Rappelle moi, fontaine fraîche. Je me rue à ta rencontre, la rue de nos révélations. Notre coeur-à-coeur est étrange...





Y comme:

"Y a pas le feu, madame!

J'ai envie de répondre: Comme menace, il y a pire. C'est la ménopause!"





N comme: Néanmoins où puis-je aller ailleurs? J'aurais beau être chez moi, affalée sur le divan, azimuter Casimir, l'écouter continuellement se plaindre...





A comme:

"A mes amours, ce soir, j'avoue: les utopies qui ne sont pas réalisées sont des cauchemars...Casimir prétend que j'entends tout de travers.





En espérant que ces quelques extraits vous donneront envie de lire ce livre. Mais, qu'est ce qu'un "Casimir":)

"Canapé ou Ampoule au pied?

Sérénade ou Intempérie?

Mamelles t'aimantant à l'oreiller ou Isthme éventé au point du jour?

Refixe ton choix: des becs drus ou patins moelleux?"





Elle ouvre la source des larmes

Et les fait doucement couler.

Ses "vers-lapins" ont les plus doux charmes

Et moi émerveillé, je m'y laisse couler .
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Les silences d'Isis

Avec Les silences d’Isis, Maryna Uzun, nous plonge dans les pensées et les rêves d’une belle jeune femme artiste peintre. Celle-ci est éprise d’absolu et dotée d’une sensibilité extrême au monde qui l’entoure. Elle a vécu pendant une dizaine d’années avec l’un de ses professeurs des Beaux-Arts et l’a quitté lorsqu’elle a rencontré Marc.

Marc et Isis semblent très épris l’un de l’autre même si celui-ci ne correspond pas du tout à l’idéal masculin d’Isis, Marc goûtant peu la poésie et se plaisant davantage dans une vie plus rangée et plus terre à terre. Hormis leur entente charnelle dans laquelle ils puisent la vie, les deux amoureux semblent sur deux longueurs d’onde complètement différentes.

Isis se sent de plus en plus étouffée et disputes et retrouvailles s’enchaînent. Maximilien, l’un de leurs amis serait-il plus à même de comprendre les désirs d’Isis, rien n’est certain…

J’ai souffert auprès d’Isis de l’ambivalence créée par son hypersensibilité.

Une passion presque excessive face à la beauté de chaque instant côtoie une grande souffrance face à la difficulté à faire partager cette richesse émotionnelle et à entretenir des relations et des contacts avec les autres.

L’art, la lumière, les couleurs, l’observation de ce qui l’entoure, tout est source d’émotions pour Isis et le fait de ne pas pouvoir partager ou transmettre cet excès de bouleversement sensoriel font qu’elle se sent incomprise, l’épuisent souvent et peuvent l’isoler.

Elle a besoin d’être écoutée, vue, reconnue, sentant un vide en elle, une insatisfaction quasi permanente - beaucoup d’attente et peu de réponses à ses désirs.

Sont évoqués également au cours de ce roman, la relation mère-fille et le mal d’enfant qui hante la pensée d’Isis.

Maryna Uzun, d’origine ukrainienne, est une pianiste concertiste de talent qui, dans ses heures silencieuses, s’investit dans l’écriture.

Bien qu’ayant apprécié l’écriture et cette élégante manière de différencier les pensées intimes d’Isis en les mettant en italique, le tout mettant en avant un souffle poétique et artistique, je me suis néanmoins essoufflée à suivre cette insaisissable Isis jamais satisfaite et un peu lassée à force, de ces allers-retours avec Marc.

Je garde cependant un beau ressenti après la lecture de cet ouvrage et remercie Maryna Uzun pour sa confiance.


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Pianissimo féroce

Chers Babeliotes ! Je vous annonce la parution de mon nouveau livre. Comment vous dire mes impressions confuses de mon propre ouvrage ?



Le procès de la Rime, le procès de la Reine. C'est la haine du beau, haine de l'élégance. C'est la Révolution, tuerie à la française ou tuerie à la russe ! Ça ira ! Ça ira tout de même sans vos rimes et surtout, et surtout, sans compter des syllabes ! C'est la haine du luxe, du grand luxe de détails. C'est la haine, c'est la haine des instants privilèges. À bas toute harmonie, senteurs, baumes, douceurs ! C'est la haine du classique, c'est la haine des règles, c'est la haine des maths, c'est la haine des cadences. C'est la haine du propre, boue et beau se confondent. C'est la haine du pur, c'est la haine des Grâces. C'est la haine des Muses qu'on taquine cruellement ! Ni rayures ni fleurs ni syllabes ne se voient. Les tonneaux se renversent dans la rue Saint-Antoine. Des vers tachés de sang, écrits avec du sang, sont encore à l'honneur…

Mais pas d' vers dans la haine, pas d' Paris sans la Seine, pas de force dans les cris ! Cette rime qu'on assassine, ma petite Bécassine, a pourtant survécu à la grande guillotine. C'est le nouveau Jésus ! Et la rime-fistonne n'a pas perdu sa langue !

Rimer, ne pas rimer, to be or not to be ? Chacun pense ce qu'il pense et chacun fait ses choix. Moi, je vis à l'anglaise donc j'adore et vénère la famille royale ! Rime est morte ! Vive la Rime ! Ma rime n'est pas par terre. C'est la Rime d'Angleterre. Et je rime à l'ancienne tels des vieux artisans. Vive la Rime chargée d'ans ! J'ai gratté, j'ai creusé et je creuse toujours ! J'ai pioché, remâché l'herbe drue de la Rime. L'avocate de la Rime, l'avocate de l'Ange, je ne fais pas de rimes, c'est la Rime qui m'a faite !

Celui qui rime encore, qui se dit griffonneur de poèmes inactuels (ou bien intemporels ?), il vous dit : « Éteignez vos maudits téléphones ! Les poètes, les poètes, venez vite ! Rime vous sonne ! »

Le hameau de la Rime… Des mots tels des poussins, des mots illuminés illuminent la basse-cour. Loin des yeux de la cour, Son Altesse Rime accourt oubliant ses longues jupes. Et la Rime rougit sous le fard de ses joues…

Un procès de la Rime ? Suis-je une illuminée ? Ai-je conçu ce bouquin comme un livre-procès ? Cette idée est la mienne. Mon idée bien-aimée vit en moi en sourdine, pianissimo féroce, et jamais un clébard n'a tant chéri son os ! Pianissimo féroce puisqu' existent déjà des forte* gentillets et des forte faiblards ! Qu'est la rime aujourd'hui ? Atavisme ? Imposture ? Mais est-elle si fautive ? Est-elle artificielle ? Si elle a trop de chaussures, si elle mange trop de gâteaux, c'est que son vagin pleure de désenchantement ! Et si ça continue, et si ça continue, notre Rime sera trash, elle aussi, par dépit !

J'ai écrit cette préface pour vous dire mes excuses. J'avais honte de la Rime puisqu'elle me ringardise ! J'ai juré : plus de rime (et c'était une prouesse !), pour revenir à la rime, faillir à ma promesse… Ne jamais dis jamais, poétesse-pécheresse ! Ne jamais dis jamais : vers rimé, vers quand même !

Rime, est-elle si affreuse ? Est-elle pire que la prose ? Est-ce cucu ? à l'eau de rose ? Les cadeaux de la rime, cadeaux empoisonnés ? Ô Rime, diable ou sirène… Elle m'enchante, je l'écoute ! Ou je ne l'écoute pas ? Céder aux nouveaux maîtres qui sont fous des haïkus ? Des haïkus, comme une loupe, qui savent grossir les mots !? Chaque vers est un choix : vers sans rime, vers quand même !

J'ai pensé à Schoenberg qui a fait un « procès » à la tonalité ! Ma modeste aquarelle s'échappe de mon tiroir pour lui rendre un hommage aussi bref que lointain. Douze couleurs comme douze sons pour donner quelque sens à ma folle fantaisie. Comme la rime, les toniques, dominantes furent bannies par cet homme de génie. La dodécaphonie, sa nouvelle sirène, a régné quelque temps. Mais chaque règne son déclin. On condamne la rime, on condamne les règles, si c'est pour en faire d'autres, ma rime, je la gracie !



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Tableaux de l'amour au goût de yaourt (suiv..

Mon livre est confiné ! Il ne sort toujours pas ! Attend d’être annoncé, attend d’être imprimé, attend d’être livré… Coincé dans le transit, il attend d’être aimé ! Il doit rester confiant, chanter la Marseillaise à huit heures du soir, sans tourner au vinaigre, sans tourner au yaourt… Mon livre est confiné mais il se montre au risque d’attraper le virus de la neurasthénie !

Que sont ces poèmes ? Le sais-je moi-même ? Perles attachées ? Perles défilées ? Tableaux de l’amour au goût de yaourt ? Rien à enlever, rien à ajouter. Tableaux des forêts habitées de livres, la paix méridienne des bords de la Seine… Tableaux quotidiens par une glaneuse, glaneuse du beau retournant la terre… Portraits d’arbres blancs et de courants verts, de rues bien-aimées, paysages-corps… La réalité, mais non euclidienne, des voix éoliennes, de tout ce qui rime… Ces vers s’échafaudent les uns sur les autres, les vers acrobates, les chanteurs de Brême. Ces gemmes impures, corsets délacés, ces vers se dérobent sous ma grosse tête. Ma perle éphémère, tu as chatoyé, retourne à ton huître, tu seras huée !

Vous aimez quand les vers s’endiablent pour de bon ? Mais ceux-ci ne s’endiablent pas, ne sont jamais nauséabonds. Vous aimez qu’un auteur endiamante l’amour ? Mais mon amour ne s’endiamante que de pluies froides et de larmes. Quand deviens-je moi-même ? En étant amoureuse ? Ou bien en étant écriveuse au temps des beautés renversées ? Que faire des sent-bon et de mes falbalas quand autour de moi tout se coupe jusqu’au vif voire jusqu’à l’os ? Moi, je tète la rime, même au bord de l’abîme, tout comme l’on tète le veau, tombés dans le piège du beau !

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Le voyage impaisible de Pauline

Pauline est une fée.

Elle en a le charme, la finesse, et l'élégance. Quand elle s'avance dans la vie, elle le fait avec la grâce, la majesté, et la calme assurance du cygne en train de fendre l'onde. Tout le monde s'écarte et la regarde, subjugué, par tant de simplicité et de certitude.

Pauline est drôle. Elle a ce don de transmettre sa joie aux autres.

Pauline est belle. Sa voix chantante et claire, ses épaules rondes, sa lourde chevelure et son long cou ensorcèlent les hommes.

Pauline est une poétesse qui voit les choses cachées aux yeux du quidam.

Pauline a de la force d'âme, de celle qui transforme les rêves en réalité. Les montagnes, elle les aplatit ; les tempêtes, elle les traverse.

Tout n'est pourtant pas paisible dans le long voyage de Pauline, cette Française en Ukraine, et cette Ukrainienne en France. Elle doutera, et d'abord d'elle-même. Elle subira des revers. Au détour d'un chemin, en respirant une odeur fugace, la nostalgie de sa famille et de son vieux pays la prendra à la gorge. Ici et là, elle perdra quelques illusions. Puis il y a cette voix, ce rire de cet être tant aimé, trop tôt disparu, qui l'accompagnera jusqu'au bout du chemin.

Les parents qui attendent leur fille adorée, le sourire et les pâles menottes de Lena, le dernier coup de couteau de Pia, et Augustin le roi mage…

Suivez Pauline qui traverse la vie de sa silhouette aérienne et majestueuse. Suivez là ! Ralliez-vous à sa robe bariolée.

Merci Maryna.

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Le voyage impaisible de Pauline

Le voyage impaisible de Pauline - Roman - Maryna Uzun - Éditions Les 2 Encres - Lu en août 2022.



Impaisible, voilà un mot qui ne figure pas dans le dictionnaire mais qui est très explicite et poétique, bien plus que impossible, difficile ou improbable.



Pauline, petite jeune fille ukrainienne, un beau jour, dans un grand oiseau blanc, s'élance vers la France, Paris afin de tenter sa chance lors d'un concours de danse.



La danse, c'est Pauline, Pauline, c'est la danse.

Mais Pauline c'est aussi le rêve, la poésie, la naïveté, la beauté. Hélas, la voilà quittant la planète Rêve pour se plonger dans la dure réalité de la planète Terre avec un échec cuisant. Elle rate le concours, trop de trac, pas assez d'assurance, de confiance en elle.

Elle est triste Pauline et erre dans les rues de Paris quand elle tombe - au propre comme au figuré - sur un jeune homme assis sur un banc. Ils discutent. Tom est comédien, rêveur et poète comme elle. Ils s'aiment, profondément, passionnément. Pauline et Tom, ce sont les amoureux de Peynet.



Mais par un vilain jour, Tom s'en va si loin que Pauline ne peut le rejoindre. Elle est dévastée, déprimée, elle est vide de Tom mais pleine de l'enfant qu'elle attend.



Pauline confie sa petite fille Léna à ses grands-parents en Ukraine, elle est sûre que Léna sera choyée et aimée comme elle l'a été en tant que fille. Léna restera là-bas jusqu'à ses cinq ans.



Petit à petit, lentement, Pauline reprend goût à la vie, retrouve le sourire, se remet à danser, fait des rencontres, mûrit, mais garde son âme de rêveuse et de poète. Elle rend visite régulièrement à ses parents et à sa fille.



Et puis, un nouveau beau jour, elle rencontre Augustin, professeur de philosophie, pratiquant l'écriture et la musique à ses heures, grand admirateur de J.S. Bach.

Pauline et Augustin, ils sont Pierrot et Colombine.



Ils se marient, Léna a un papa réel, ils sont heureux...



Maryna Uzun a une manière unique de raconter la vie de ses personnages, vie qui, même impaisible, n'en reste pas moins un conte de fées, un conte philosophique.



C'est léger comme de la ouate.

C'est tournoyant comme un manège.

C'est chagrin comme les départs.

C'est joyeux comme la musique.

Et les mots sont poésie.



J'ai relevé une phrase du livre page 206 ; " Il (Augustin) vivait toujours dans le silence des livres, et cela commençait par ne plus lui suffire... "



Eh bien, à moi ce livre a parlé ! Je les trouve d'ailleurs forts bavards les livres.



Merci Maryna pour ces moments de lecture qui m'ont fait oublier que j'avais la Covid. Fatiguée mais guérie, je peux enfin poster ma chronique.



4 recueils de poésies de Maryna Uzun m'attendent pour d'agréables flâneries afin d'oublier cette période morose et angoissante qui pèse sur le monde. .



5 étoiles pour ce super beau roman.



Et surtout prenez soin de vous.



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Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas !

« Souris aux lys, sinon ils fanent ! Badine au ciel, sans quoi il s'étiole ! »



Ce ne fut pas une rencontre gagnée d'avance. Mais il a eu raison de moi. Ce livre. Cela fait un moment que je l'ai à mes côtés, à chaque fois que je l'ouvrais je ne savais pas par quel bout le prendre, preuve en est à quel point je suis formatée par un type de poésie, une poésie plus cadrée, celle des alexandrins d'un Baudelaire, celles des poésies sans rimes mais cependant structurée d'une Andrée Chédid par exemple ou d'une Anise Koltz, et surtout celles des tankas que j'aime lire et écrire. Les tankas de Akiko Yosano et son somptueux « Cheveux emmêlés » est mon oreiller d'herbes depuis une dizaine d'années, l'épure de ses tankas m'apaise. Alors comment accueillir cette poésie fleuve, libre, rebelle, imprévue qui me donnait le tournis dès que j'en approchais mes yeux fermement corsetés, guindés dans l'étau de leurs oeillères…



J'aime regarder

Les immensités sans borne

Le ciel et la terre –

Oublier les sens, les formes

Des lignes et des frontières



Pourtant, elle prévient dès le départ Maryna : « Notre bavardage exalte. Ou il ennuie. Cela dépend de qui nous a apprivoisés ». Il faut donc l'apprivoiser. Oui mais comment ? Quelques indices cependant « la macaronée, rare et non paginée, se consomme en quantités réduites. Ce n'est pas systématiquement du miel apaisant, de l'huile luisante. C'est souvent de l'ail ou de la moutarde, ou du hareng saur ». Très bien, j'aime l'idée. Une poésie qui a du caractère à consommer par petites doses donc. Je relève le défi.



Comme à chaque expérience de littérature, la lecture à voix haute m'a ensuite donné les clés d'approche. Et je fus littéralement émerveillée lorsque la porte s'est enfin ouverte. La poésie de Maryna Uzun est une poésie qui pétille, qui claque, qui explose, qui tourneboule, qui ose, qui crie par moment, qui apaise aussi. Une poésie primesautière. En l'espace d'une ou deux pages, elle nous entraine dans une multitude de sentiments, de beautés, d'émotions. Et me voilà impressionnée et tellement imprégnée par ma lecture que je me surprends à voir émerger des images provenant de son imagination à elle dans ma vie à moi…Ainsi, me baladant, à la vue de des premières feuilles, voilà que surgit un dragon crachant du vert tendre.



La poésie de Maryna, c'est une poésie qui se dépiaute, qui se lit et se relit, qui cache des images derrière d'autres images, dont la richesse se met peu à peu à flotter sur l'eau de nos yeux ébahis à chaque petit chapitre. Elle se picore la riche et roborative poésie de Maryna, elle nous nourrit, nous lecteurs chanceux, en en un rien de temps…

« Une femme aptère, la mouche sans ailes, pour qu'elle demeure près de son mari ? La poupée en argile, épouse ininflammable, qui résistera à l'amour subit ? Non, je ne suis pas conçue pour me mariner ni pour me complaire en fleur éplorée ! Je suis immariable : je vais m'envoler ! ».



La poésie de Maryna convoque tous les sens, c'est un festival d'odeurs, de sons, de couleurs qui explosent en mille et un confettis.



« Ma fantaisie imminente, que nous buvions à nos fragilités réunies ! Que nos subtilités s'entrelacent ! Je serai ta bonne mauvaise herbe ! Que nos matins fleurissent en jaune ! Nos mille coucous printaniers, nos appels de canari, inquièteront le bosquet ! A nos plumes citronnées ! ».



Pourtant, la poésie de Maryna raconte avec pudeur les douleurs d'un mari bousilleur de songes et jaloux de la créativité de la poétesse, la détresse de l'amour dans « sa brumaille et ses embrouilles », narre au contraire avec bonheur et délicatesse l'enfant avec qui elle se sent en totale connivence. Assurément, elle a gardé la fraîcheur de son âme d'enfant, cette âme qui voit la beauté des lieux, cette âme qui fait surgir des images insolites, cette âme qui fête sans cesse ses étonnements, cette âme qui invente des noms, cette âme un brin espiègle qui joue sans relâche, ne prenant pas la gravité de la vie ou les déceptions amoureuses au sérieux, qui les écrase à coup d'optimisme envers et contre tout, et cette fraicheur fait tellement de bien, elle nous éclabousse de sa pureté, de sa beauté. Elle est salvatrice.



« J'ai rêvé qu'on s'offrait une spacieuse maison, seulement pour nous deux, située sur une place rumoreuse et peuplée d'humbles réverbères, sous un ciel de crépuscule, bleu-orange-violet. Sur un mur pendouillait une photo de couple, pas de nous mais d'heureux inconnus aux regards flous, qui nous magnétisait des phrases de cinéma, immortelles, éthérées, trompeusement faciles…Je voulais, avec mon enthousiasme intact, nettoyer de fond en comble cette demeure. Cependant elle était déjà propre et ensoleillée. Je courais d'un niveau à l'autre pour rien. Sauf pour la découvrir et te la raconter ! Ce n'était ni en ville, ni à la campagne, ni dans une station balnéaire quelconque. Je crois qu'elle était sous le ciel d'Italie.

- Mouais…, marmonnait le mari sans lâcher sa souris. Mouais… , répétait-il encore, ce bousilleur de songes ! »



La poésie de Maryna est d'une beauté à couper le souffle, d'une élégance folle, d'une créativité sans limite dans laquelle la musique est toujours présente en filigrane. Des arbres qui s'allument, des clairs de lune debussystes, des saillies lisztiennes, des endroits rumoreux, du jus de ciré, des complots sylvestres, des aubades tartares, des yeux glaneurs, une dévoreuse d'aube, des carrosses de syllabes, des vers blancs assaisonnés de pluie…C'est une poésie connectée avec la nature qui sait sans relâche s'étonner et s'émerveiller. Elle nous donne des clés magnifiques pour regarder différemment, envers et contre tout, surtout envers et contre tout.



« le Chêne sort droit du moyen-âge. C'est une cathédrale ondulante d'un vert gothique aux maints moulages, aux plâtres fins sur la corniche. Un Cèdre, c'est toujours bohème, ses rameaux poussent en désordre. C'est un géant au dos voûté qui, débonnaire, ouvre les bras. C'est aussi un sorcier, en loques, baissant les branches face à la mode. Arbre vétuste, poivre et sel, il n'a jamais le vent en houppe, tandis que les Magnolias luisent comme des autels habités (…) Il fait bon tromper son mari avec les plantes séculaires ».



Espiègle Maryna, touchante Maryna, facétieuse Maryna, l'incroyable dentellière d'amour…Sa poésie est d'ailleurs très souvent sensuelle, voire érotique, l'air de rien, toujours par images interposées.



« Toi, mon prochain amour, je t'attends ! Que ton bout-rimé se pose sur le mien comme une libellule ! Sur la tige rouge de mon dos tortillant, qu'il s'endorme en souriant ! ».



« Mon mamelon dans ton oreille te joue la musique d'une baignade d'animaux, buffles et zèbres, dans un lagon. Je suis heureuse et amoureuse, et caressante et caressée. C'est mon soupirail de l'Invisible que je promène autour du lac… »



Voilà, je ne sais comment exprimer mon émotion mais réelle elle est. J'avais à mes côtés un trésor depuis de longs mois sans même le savoir. L'importance d'être constant ou celle d'être aléatoire, questionne-t-elle ? Elle a su me sortir de la constance de la poésie cadrée pour me plonger sans bouée dans les flots de sa poésie aléatoire qui regorge de merveilles, de force, de féminité, de sensualité. J'ai perdu pied avec délice dans ses délires lacustres, dans sa poésie pleine de circonvolutions et d'arabesques insolites, sur ces chemins sylvestres nostalgiques rongés par les vers sur lesquels je l'imagine vagabonder avec grâce.

Merci infiniment et chapeau bas chère Maryna pour tant de beauté, pour tant de créativité et pour cette leçon : « Je peux être heureuse grâce à mon chaos ». Je reviendrai picorer sans cesse dans cet écrit qui n'a pas fini de me nourrir.





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Fière comme une batelière

J'ai pris la photo de la couverture, un après-midi pluvieux, il y a des années. Je sentais que l'instant était magique. À cette époque, il a engendré ce poème : « Loin des Abbesses, de Barbès, la Seine ondule et fait un S. Je l'ai suivie au pas bien leste. Elle est splendide après sa « sieste » : elle se met à scintiller, c'est un croquis au pointillé d'un soleil cru, réapparu derrière un nuage tout ventru ! Je la préfère en « sfumato », lorsque le jour se lève tôt, sans les moteurs de la plaisance qui la sillonnent en tous sens ! Mais je me plie au sablier quittant mon fleuve aux peupliers. Silencieusement, il coule, j'ai caressé sa chair de poule… »

Il y aura toujours la Seine ! Serait-ce ma passion païenne ? Ses émanations m'atteignent où que je sois. Il y aura les peupliers, mes fidèles écuyers ! Certains lecteurs, qui ont fouillé mes opuscules de fond en comble, vont reconnaître ces vers. J'ai l'impression de les avoir engrangés, ceux-ci et tant d'autres, pour que tous ces recueils poétiques confluent dans mon nouveau roman.

Donc, ce paysage, au charme du noir et blanc, sans réellement l'être, sous ce soleil vaguement orange, me paraissait comme le portrait d'une personne, que je ne connaissais pas, d'une voie que j'attendais peut-être. La vie m'a apporté un éclaircissement : c'était Irène !



Née en 1926, au bord de la Sambre, une gamine est négligée et presque haïe par sa mère, cultivée et distinguée. Sa chance se révèle d'être belle, rebelle et intelligente ainsi que d'hériter la gnaque de son père, illettré. Sa curiosité universelle l'élèvera peu à peu et créera sa personnalité autodidacte. Elle s'impose avec le temps et sera la seule, dans sa fratrie batelière de onze enfants, à évoluer aussi fort. Si son adoré Raffaele, venu d'un coin merveilleux mais pauvre de l'Italie, a eu le privilège d'être instruit, il n'a pas la détermination d'Irène qui, dès l'adolescence, a pris soin de ses parents vieillissants...



Dans un risque-tout juvénile, cette fiction parcourt l'itinéraire « terre et mer » d'une batelière et son tohu-bohu époustouflant. Ôtez rigueur, exactitude et objectivité ! Accordez votre clémence à un certain toupet et à quelques incartades qui l'habitent et qu'elle conte dans son ivresse, tantôt plus lyrique tantôt plus joyeuse ! C'est le roman de la vie de cette femme qui s'est si bien accommodée à toutes les couches de la société, sans honte et avec panache, simplement en étant elle-même : Irène. C'est la chanson de l'amour que sa petite-fille, Alicia, lui porte au-delà de l'âge et des frontières.

Le lecteur entend le « je » d'Alicia, plus fiorituré, puis celui d'Irène plus dépouillé, puis encore celui d'Alicia, qui finit le livre, comme dans une Fantaisie de Schubert à quatre mains. L'une est une intello et rêveuse et l'autre est réaliste, très pratique, même si Irène est si sentimentale, d'où la différence de formulation des phrases.



De son existence entière, c'est pour les mariniers qu'Irène a éprouvé la plus grande admiration. Qu'elle aurait préféré vivre sur l'eau, inconditionnellement, perpétuer le voyage, pareillement à ces gens fiers qui se sentent si opposés à ceux de la terre ! Éternels explorateurs, nulle maison ne les apprivoise ! En dépit de cela, elle a quitté son chaland de beauté pour suivre son préféré jusqu'en Italie. Irène et Raffaele s'exposent sans arrêt au danger dans le contexte historique absurde de 1945. Leur naïveté les écarte de ce qui se trame en haut lieu, de la condition réelle des différentes nations à l'issue du conflit. Roosevelt, Churchill, Hitler, Mussolini, De Gaulle, Staline… Les amoureux ne mesurent pas entièrement le désastre et la difficulté qu'auront les peuples à se relever. Raf ne pense qu'à installer Irène dans un coin de rêve. La Calabre est magique dans sa tête, telle qu'il l'avait quittée à seize ans. Il compte épater sa belle ! Néanmoins, plus ils avancent vers le sud, plus ils vivent la déception, avec effroi et amertume. Ont-ils encore la solution de reculer, au risque de se perdre ? Et, pour couronnement, ils découvrent son adorée Reggio mutilée par les bombardements…

Que subsiste-t-il après cet effondrement ? Irène verse dans la vie courante un je-ne-sais-quoi, qui demeurera sa recette à elle, et petit à petit l'existence émerge dans sa majesté fabuleuse, dans ses envols infinis, dans une mouise somptueuse obéissant à une poésie inexplorée ! Irène, en femme d'action, réussit à bouleverser l'ordre des choses parce qu'elle s'est efforcée de se débattre, vigoureusement, malgré la fatigue et l’écœurement.



Une amie m'a généreusement permis de connaître l'histoire d'Irène. Ainsi, ma prédilection pour la Seine, qui transparaît dans tous mes livres précédents sans exception, a trouvé un aboutissement dans notre Rencontre. À elle, ainsi qu'à sa famille, vont mes humbles remerciements.



Le choix de ma démarche est celui de donner la parole à Irène qui est avant tout fille de ses œuvres. Ce ne serait jamais un portrait fidèle d'elle si un langage précieux se mêlait à ses traits de sauvageonne qu'elle a gardés fièrement tout le long de son chemin, tout en aspirant vers le raffinement. Son récit devait lui ressembler, rapide comme une tornade ! Qui l'aime la suive !



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Souviens-toi de ton Odessa suivi d’autres p..

Chers babeliotes ! Si un livre est un repas, j’adore vous servir mes mises en bouche ! Je vous présente donc mon nouveau livre.



Comment changer de ton sans même faire un bond ? Je change de démon : je pense à Odessa ! Et j’entends des accords : l’alpha et l’oméga. Parce qu’avec ma terre, avec mon Odessa, j’ai coupé le contact sans couper le cordon. Je change de cantor, je change de temps fort, je comble des temps morts, je vais jusqu’aux transports. Je pense à mes mentors, les mouettes du vieux port, même au conservatoire, oui, qui m’a fait tant croire. Car avec le recul, l’amour ne fait qu’accroître…

Je dédie ce recueil de poèmes aux gens d’Odessa, des intellectuels enfouis dans leurs labos scientifiques ou camouflés dans la musique et ne pensant qu’à une seule chose : que Dieu nous garde des chaires, des postes, des responsabilités et d’autres corvées du pouvoir !

Quand un nom vous turlupine et vous lui cherchez des rimes cela vous mène très loin ou vous fait faire les foins. La rime est tel un reflet, un reflet de vérité, ou la valise à soufflet, car tout dépend du doigté. Odessa couci-couça, Odessa le mimosa… Je n’écoute que mon cœur et cela fait parfois peur. Un voyage sans voyage, un curieux pèlerinage, un travail de détective pour trouver l’île fictive. Un séjour dans le passé sans quitter ce cher présent, un refuge menacé contre mes anciens tourments. Tomber sur un vieil herbier me fait noircir du papier… sauf si c’est la clé du puzzle qui me transforme en rappeuse ! Cela n’a rien d’un système, dit votre air dubitatif, mais voici mon chant cursif qui est simple comme un ch’t’aime. La naïveté qui sauve et qui fait tomber aux pièges, toujours la même matrice, c’est l’essence créatrice ! La naïveté qui flotte, tout comme un bouchon de liège, la naïveté qui ôte l’inaction aux griffes fauves…



Odessa… Ce n’est pas une valse à danser mais le souvenir d’une valse. Ce n’est pas une ville à habiter mais le sentiment d’un lieu. Nous sommes là au cœur du sentiment le plus intime. Odessa serpente comme une tentation. Odessa miroite au soleil. Mais Odessa du farniente n’existe plus. La réalité et le présent sont sombres ou mélancoliques. Je vois net mais n’ose rien conclure, ce qui donne à cette œuvre l’apparence de l’inachevé.

Après le cycle poétique « Souviens-toi de ton Odessa », comme après un trou normand, s’ouvre une série de poèmes divers avec une prédominance du thème « le poète et la poésie ». Curieusement, le piano est omniprésent dans les deux parties de l’ouvrage. Est-il le refuge contre le trop de paroles ou une beauté absolue ?

Quand le poète et la poésie deviennent des héros à part entière, cela donne des poèmes très divers. Que d’événements dans un miroir lorsqu’il se charge de vision… Cela rappelle aussi Picasso dont le thème de prédilection était le peintre et son modèle. Le poète aime dire « je » mais il parle de lui également en troisième personne. Parfois même, il se tutoie ! Vive sa verve satirique, sa verve chevaleresque, sa verve hystérique, sa verve carambolesque, sa verve capricieuse, sa verve aboyeuse, sa verve intarissable quoiqu’indébroussaillable ! Et si c’est une poétesse, de ses poèmes elle se confesse… Ses vers s’emboîteraient l’un dans l’autre comme des matriochkas, des poupées russes, si on les rangeait par taille dans l’ordre décroissant !

Je soumets à votre écoute et votre regard ces vers, blancs ou colorés de rimes, et parfois une prose poétique, accompagnés de mes photos maritimes. Mes souvenirs se cachent aux coins des coquillages éparpillés dans le monde selon une géométrie mouvante. Mes souvenirs se lisent et s’épurent dans les délicates nervures des pierres et du bois…

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Le voyage impaisible de Pauline

Recalée au concours de danse du Conservatoire de Paris qui lui a fait entreprendre le coûteux voyage depuis sa ville de Kharkov, en Ukraine, la jeune Pauline concrétise pourtant un autre rêve, plus secret celui-là, lorsque le hasard la met sur le chemin de Tom, intermittent du spectacle, et que leur coup de foudre suivi d’un mariage express lui ouvre définitivement les portes de la France, ce pays qu’elle idéalise. Une vie de bohème heureuse commence pour le jeune couple, qui n’en a toutefois pas fini avec les coups du sort, cette fois implacablement dramatiques.





Sous ses dehors de romance légère qui narre les faits sans s’y appesantir, comme l’on regarderait à travers une vitre le défilement d’une vie, ce récit rédigé au passé, sur un ton globalement enjoué et comme détaché, prend une toute autre saveur quand une des épigraphes du livre, « Je n’ai pas fait un autoportrait, j’ai photographié mon ombre », et quelques proximités troublantes entre le parcours de Pauline et celui de l’auteur, viennent jeter un doute tenace dans l’esprit du lecteur : jusqu’à quel point l’ombre de Maryna, en couverture, se confond-elle avec celle de son personnage ?





Dès lors, les imperfections-mêmes du récit, il est vrai à première vue sans profondeur véritable, finissent par rendre plus touchante la narration sobrement contenue dans une sorte de prudente mise à distance. L’émotion est bien là, à se laisser deviner. Ou plutôt, elle ne transparaît que désormais tenue en laisse, dans un parcours marqué par la résilience, caractéristique de tant de ces vies slaves habituées à bannir l’auto-apitoiement dans les épreuves auxquelles elles ont à faire face depuis des générations.





C'est ainsi qu'en quelque sorte note de fond du roman, l’émotion se retrouve presque masquée par la note de tête légère et fraîche d’un récit plein de vivacité, piqué des mille observations d’une jeune femme qui découvre avec sensibilité les différences culturelles entre la France et l’Ukraine, confrontant ses rêves à la réalité, s’appliquant à l’apprentissage d’une langue dont elle connaît alors mieux les citations de grands écrivains que les expressions quotidiennes, le tout avec une spontanéité pleine de poésie et de bonne humeur qui font tout le charme d’une écriture parfois joliment décalée, émaillée de petites inexactitudes involontaires comme de trouvailles judicieusement imagées.





L’on referme alors ce livre sur une note de coeur, pris d’affection pour la sincérité simple et courageuse d’un récit que l’on aurait tort de réduire à une simple romance un peu superficielle.





Un grand merci à l’auteur pour la gentillesse de son partage.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Fière comme une batelière

Fière comme une batelière - Maryna Uzun (Nemorino) - roman - Éditions le Livre Actualité - Édité en 2023 - Dessin : Dimillimour.



"Destiné à la tribu d'Irène"



Déjà, le mot tribu me ravit, un mot qui fait penser à une nombreuse famille et là, je vais être gâtée.



Avec le titre, je comprends vite que l'histoire se déroule au bord de l'eau, pas loin de Paris où "les bateaux amarrés se dodelinent"



Irène, la septantaine, qui, pour tout le monde, est une coiffeuse retraitée, descend d'une longue lignée de bateliers.

"Mon coeur se penche sur la barge qui, dans le passé, sillonnait la Seine, elle aussi. A son bord oeuvrait la délicieuse Irène que je ne suis plus"



Irène sent qu'il est temps de laisser une trace de son passé.

Nous sommes en 1998. Alicia écoute, écrit, dessine les paroles de sa chère grand-mère, oui, elle sort d'une école d'Arts, est passionnée de voile et rêve de vivre sur une péniche.



"Mon idée (dit Alicia) d'écrire un roman à quatre mains, comme deux pianistes jouant Schubert, sachant que ses états d'âme et ses anecdotes y primeraient, l'a enchantée fortement".



Et voilà notre grand-mère égrenant ses souvenirs, sa vie sur la mignole (sorte de péniche), sa rencontre avec son "préféré" Raffaele, un calabrais clarinettiste au tempérament plutôt chaud !



L'histoire d'amour d'Irène commence au cours de la Seconde Guerre mondiale, la vie côtoie la mort ou l'inverse, mais Raffaele touche le coeur d'Irène et leur folle équipée commence, ils partent pour l'Italie, Irène la Belge et Raffaele le soldat italien. Ils auront quatre filles , Aria, Valentina, Giulia et Ramona.



Mais, au-delà de l'histoire d'Irène et Raffaele, on remonte plus loin dans le temps jusqu'aux arrière-arrière-arrière grands-parents et l'on découvre alors une extraordinaire reconstitution de cette "tribu", une fabuleuse aventure avec ses drames, ses amours, le dur travail de batelier, la vie des

ancêtres d'Irène,



Quelle épopée, quelle découverte, quelle densité dans l'écriture de Maryna Uzun, elle a un véritable don pour raconter, une plume trempée dans l'encre de la poésie, même si l'on n'utilise plus de plume depuis longtemps, j'aime cette image. Les mots se lisent dans un souffle, c'est magique,c'est prenant, c'est vivant de la première à la dernière ligne, pas de longueur, pas un instant d'ennui, lu en une après-midi.



Irène s'en est allée le 21 juillet 2010, mais son âme est dans le livre de Maryna Uzun.



"Si toute la famille s'est éparpillée aux quatre vents de la France et de la Belgique, un morceau du coeur d'Irène bat en chacun de nous"



"Irène...

Derrière ce prénom, que de ruisseaux murmurent !

Une sirène leste ou reine nonchalante

C'est elle qui se sent comme un poisson dans l'eau

Dans ma Seine irisée à l'instar du colvert !

Ses yeux bleus ont connu les larmes des départs

Qu'elle a su dépasser en fière batelière"





Alors, courez vite lire "Fière comme une batelière " et comme Alicia, vous aurez envie de vivre sur une péniche au fil des eaux.

Merci Nemorino pour cette belle lecture en ce dimanche lumineux.





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