Citations de Nuala O`Faolain (220)
Il y avait un seul nuage, comme un léger coup de pinceau blanc, au zénith. A l'instant même où je le regardais, le nuage s'évapora, et le firmament devint parfaitement, intensément bleu.
Il n'y avait pas eu de tournant majeur, pourtant. Mais une série de petites choses qui, mises bout à bout, traçaient comme une voie vers la sortie des ténèbres
Le jour suivant, il se trouve que je suis partie en voiture jusqu'à l'extrémité nord-est de l'île, dont la beauté naturelle est restée intacte parce que le développement a été arrêté par les actes de guerre qu'a connus la région - le genre intime, pas de champs de bataille mais une bombe dans une fête de mariage, un fil de détente mortel sur une route de campagne, un employé de la voirie assassiné tandis qu'il mange une pomme, assis à l'arrière de sa camionnette.
Je me suis efforcée de voir mon corps vieillissant comme quelque chose qui m'unissait au monde naturel. Des feuilles rouges et dorées jonchaient le pré hirsute. Ne pouvais-je envisager mon propre automne comme une saison riche de couleurs ? (..........) N' y avait-il pas, pour moi aussi, un fruit à cueillir quelque part ? Quel intérêt y avait-il à se lamenter sur des états que je ne retrouverais plus - la jeunesse, la passion, l'enthousiasme naïf, l'espoir insouciant ? Ne pouvais-je accepter d'en conserver une partie, à défaut de la totalité ? Ne pouvais-je imaginer un état de bien-être qui se passait de tout cela ?
"Vous êtes faits de beaux et grands blocs de granit. Etes-vous les mêmes que ceux sur lesquels j'ai marché il y a trente ans?Si oui,pourquoi ne pleurez-vous pas?"
" Mais je n'étais liée à personne. A plus de cinquante ans. Je ne pouvais pas m'empêcher de revenir sans cesse à ce simple constat ni de l'affronter. Je n'étais pas malheureuse. Mais je continuais de penser - parfois avec surprise, parfois comme une simple observation, parfois prise de panique : Tu es toute seule. Tu es toute seule." P. 257
D'ailleurs, où, sinon dans l'art, le commun des mortels a-t-il accès à quelque chose qui dépasse la dimension individuelle et dure plus longtemps qu'une existence humaine ? Et puis, l'art nous détourne de l'argent et autres préoccupations matérielles. Parce que l'art ne s'achète pas. L'art ne se laisse pas dicter sa portée. Il choisit lui-même le moment de la révéler.
Puis j'étais entrée dans la quarantaine. Le jeu - le jeu de la séduction - occupait une place si centrale dans ma vie que j'avais de la peine à croire qu'il touchait à sa fin. Et, à l'approche de la cinquantaine, ç'avait été comme si les gradins se vidaient et que je me retrouvais seule au milieu d'une arène déserte.
Eh bien si je regarde ma propre vie, je m'aperçois que les satisfactions qu'elle m'apporte proviennent du corps (trop rarement !), de l'argent que j'ai pu gagner, de l'amitié, de l'art, des voyages, des animaux (même Belle, la chatte de Min, qui ne m'aime pas beaucoup, n'en finit pas de me ravir) et de la nourriture. Et du simple fait de persévérer - tenir bon est en soi une source de satisfaction.
J'ai pensé à mes amis et à ce que j'éprouve pour eux. J'ai envie de les soutenir. Pour rien au monde je ne voudrais leur faire de mal. S'il y a quelque chose en eux qui me semble pouvoir être amélioré, je le leur suggère avec délicatesse et affection - du moins je l'espère. Mais globalement, je les aime comme ils sont et s'ils veulent rester tels, cela me convient.
Aimez vos vrais amis. Prenez soin d'eux comme vous aimeriez qu'ils prennent soin de vous même si votre amitié n'est pas la relation facile et plaisante que vous pourriez paresseusement souhaiter. Cultivez vos amitiés, même lorsqu'elles semblent avoir disparu, tel un musicien qui improvise jusqu'au retour du chanteur....Si vous répondez généreusement aux exigences de l'amitié, votre coeur battra avec toujours plus de vigueur
L'école avait sa propre atmosphère, piquante et dense. C'était un endroit compliqué, cérébral. Nous aurions aussi bien pu être des êtres incorporels, vu le peu d'attention que l'on accordait au corps.
Moi seule trimballais le souvenir de ce qui avait été – la gloire du monde tel que je l’imaginais quand j’étais jeune, quand la passion semblait me faire accéder à un immense royaume, quand, parfois, j’avais l’impression de quitter la Terre pour m’élancer dans l’univers et y scintiller de tout mon être. Quand je ne me posais aucune question sur moi-même. Quand j’avais foi en tout.
La traite des Blanches n’était pas imaginaire. Il y avait, et il y a encore, du trafic. Les gangs trouvaient leurs victimes parmi les domestiques sous-payées, les ouvrières des usines, les serveuses et les vendeuses dont des milliers luttaient pour survivre avec des salaires insuffisants. Elles étaient « dressées » puis vendues. En un seul mois, pendant une campagne de réforme des années 1890, la police sauva trois cent vingt-neuf jeunes filles qui ne croyaient plus jamais ressortir de leurs bordels.
Dans une bibliothèque de ce « quartier des plaisirs », j’ai recopié une courte lettre qu’une de ces filles écrivit: « J’aimerais que tu viennes me voir et ainsi je pourrais tout te raconter car je suis une esclave blanche, c’est certain. Excuse le crayon, il fallait que j’écrive ça et que je l’envoie en douce. »
May nie avoir été une prostituée. Elle se considère comme une « soutireuse », femme qui attire un homme dans une chambre ou les préliminaires amoureux sont interrompus par un complice qui joue le rôle d’un flic, d’un mari outragé ou d’un propriétaire, et, dans la panique qui s’ensuit, elle ou son complice vole les objets de valeur de l’homme. En d’autres termes, c’est une honnête voleuse. C’est une travailleuse qualifiée.
Personne ne possède sa propre histoire. Quelqu'un d'autre peut arriver et s'en emparer, comme un coucou s'approprie un nid.
Ne vous lamentez pas si la vie est injuste envers vous. Il n'y a pas de justice.
Globalement, je les (mes amis) aime comme ils sont et s'ils veulent rester comme ils sont et s'ils veulent rester tels, cela me convient. Alors je me suis aperçue que je n'avais jamais été aussi indulgente envers moi-même. Toute ma vie, je me suis enjoint de changer, de m'améliorer. Jamais je ne me suis traitée avec amour. Et c'a été comme si, enfin, je comprenais. S'aimer soi-même, ce n'est pas faire preuve de complaisance égoïste. L'amour peut nous ouvrir. Il peut nous adoucir et nous permettre d'échapper aux vieux moules. L'amour est une attention délicate et protectrice. En dirigeant cette attention vers soit-même, on permet aux pousses fragiles d'un nouveau moi de s'épanouir.
j’ai eu du plaisir avec chaque livre que j’ai pu lire, quelle que fût son importance. En tout cas, je préférerais lire quelque chose qui ne me plaît pas plutôt que de faire quoi que ce soit d’autre. J’aime la lecture en tant que telle. J’aime suivre une ligne – pas seulement l’histoire, mais aussi le rythme, le ton, la sensation de ce qui s’est accumulé avant et de ce qui commence à se dessiner à l’horizon -, parcourir d’un pied sûr la corde raide tendue par l’intention de l’auteur. J’aimais tout ce qui avait un rapport avec l’anglais en tant que matière scolaire. Les cahiers de texte. Le vocabulaire : les sélections au programme de chaque jour commençaient par des exemples de procédés métriques et de figures de rhétoriques – des mots propres à émerveiller, comme rodomontade, anapeste ou onomatopée. (pp;40-41)
De fait, la marée finit toujours par s'inverser et, au fond de moi, un changement commençait à se faire jour. Deux ou trois signes sont venus m'indiquer que j'avais cessé de courir derrière un horizon qui s'éloignait sans cesse. je touchais au rivage.
Il n'y a rien d'amusant à se trouver encore jeune quand tout le monde vous trouve le contraire.