Citations de Nuala O`Faolain (220)
La majorité des femmes de quarante ans et plus détestent leur corps nu, d'après une nouvelle enquête; elles lui attribuent une note de trois et demi sur dix, contre sept sur dix au corps de leur jeunesse. Vous ne trouvez pas ça affreux, les filles? Haïr son propre corps!
L'amour que l'on donne et que l'on reçoit revêt une infinie variété de formes et de figures. Qui sait à quoi il ressemblera la prochaine fois ? N'oublie pas ça.
Que demander de plus?
Oh,semblait s'écrier tout mon être,plein de choses! On peut demander bien plus ! D'être bon.D'être grand.D'être désiré. Que le vide que l'on sent en soi soit comblé. Que sa mère revienne,que son père revienne,que sa tante revienne.Qu'il y ait quelqu'un pour vous aimer,vous aider et vous accompagner dans la dernière partie du voyage.
A l'époque où May mourut, et pour au moins un demi-siècle encore, l'Irlande était totalement en proie à une peur institutionnalisée des femmes; c'est-à-dire de la sexualité. Un homme irlandais sur 50 était alors un prêtre catholique: les trois quarts des hommes entre vingt-cinq et trente-quatre ans étaient célibataires; les admissions d'hommes dans les hôpitaux psychiatriques avaient quadruplé en dix ans et l'Irlande avait le taux de natalité le plus bas d'Europe. Le clergé travaillait de façon obsessionnelle afin de contrôler la sexualité par diktat et en propageant le dégoût. De mon temps, les petites filles n'étaient pas autorisées à faire de l'athlétisme parce qu'elles auraient été obligées de se changer à côté des garçons. L'archevêque de Dublin interdisait l'usage des tampons parce qu'ils familiarisaient les filles avec leur corps. Tomber enceinte hors mariage entraînait la disgrâce à vie pour les filles et leur famille. La contraception était interdite de même que la connaissance que cela existait. Les femmes devaient aller à l'église pour se purifier après chaque naissance. Et ainsi de suite.
La lune répandait son éclat sur un parterre de nuages floconneux jusqu'aux confins du monde. Comment les humains font-ils pour oublier qu'ils tournoient dans l'espace?
Ca change une personne quand le chaos des souvenirs est rendu cohérent. Le voyage à travers la vie peut continuer à ne pas sembler déterminé mais du moins ressemble t-il à un parcours. Son expérience avait l'air d'avoir plus de valeur, d'obéir à une toute nouvelle cohérence. Rétrospectivement, aussi, certains fragments de son être commencent à se réunir. Même un auteur aussi peu policé que May devait, pour les besoins de son histoire, se constituer un personnage. Et, de par ce processus, s'éloigner - imperceptiblement - de ce qu'elle était avant.
"C'est ton opinion de toi-même qui rend ta vie grande ou petite"
Elle avait été très seule au cours des dernières années. Le brouhaha et la frénésie de sa vie s'étaient arrêtés, abruptement, quand elle avait plongé dans le silence d'une cellule. En prison, en France, non seulement elle n'était pas une légende mais elle était à peine un être humain. Elle était la détenue numéro tant. Elle avait sans doute dû se raccrocher à chaque souvenir de ce qu'elle était avant, rassembler ses forces contre son environnement déshumanisant.
Puis je songeais avec angoisse, que de toute façon, personne ne vous regardait jamais.
les évènements que vous enterrez au plus vite en vous gardent toute leur puissance tant que vous ne les avez pas encore analysés.
Ma mère était l’équivalent émotionnel d'un volcan éteint.
Il faut du temps pour revenir quelque part.
Et puis, pendant la cinquantaine, il faut se préparer à l'étape suivante qui, elle, sera réellement éprouvante, on va voir mourir ceux qu'on aime, par exemple. Et se rapprocher soi même de la mort. Une des choses que je voudrais apprendre, c'est comment aller vers les ténèbres.
"La lune répandait son éclat sur un parterre de nuages floconneux jusqu'aux confins du monde. Comment les humains font-ils pour oublier qu'ils tournoient dans l'espace?"
"Dans le Kilbride de l'époque, le malheur n'était pas une condition reconnue."
"Min n'est pas la seule personne, dans cette famille, à ne pas toujours dire aux autres ce qu'ils veulent savoir."
"J'étais si propre et pimpante dans mon corps aminci que je n'ai pu résister à l'envie de passer une tête par la porte de l'agence en demandant si Aidan était là.
Il n'y était pas.
En roulant vers Dublin, je me suis sévèrement remonté les bretelles.
Laisse tomber ! me disais-je. Arrête tes bêtises. Qu'est-ce que tu voulais, hein ?
Qu'il me trouve jolie !
Et pourquoi ? Pourquoi ?
Tu sais bien pourquoi !"
Quel mystère que la désolation qui vivait en moi ne m'ait jamais quittée, mais se manifeste uniquement quand je m'endormais l’après-midi et me réveillait au crépuscule.
Toutefois la famine et la destruction de l'Irlande rurale ne remontaient qu'à quelques générations. Il y avait des gens vivants dont les grands-parents avaient connus ces années-là. Le traumatisme devait être ancré profondément dans le matériau génétique dont j'avais été faite. Je ne peux pas l'oublier, pensai-je, même si je n'en ai pas le souvenir. Cela ne m'appartient pas; mais à qui d'autre cela appartient-il?
Je suis la seule habitante dans cette grande maison en bois et je ne suis pas vraiment là, parce que mon regard est tourné vers l'intérieur et le passé.
Mais alors je ne réalisais pas, n'ayant jamais écrit auparavant sur des gens que j'avais connus de manière intime, qu'ils sont pratiquement obligés d'être contrariés. Même les portraits les plus flatteurs sont sans doute un choc pour les autres et l'image complexe qu'ils ont d'eux-mêmes. L'écrivaine sait qu'elle ne choisit que quelques rares détails de l'ensemble vivant d'un souvenir, alors que ce que voit le lecteur sur la page est maigre.
Tu te souviens de ce qu'un critique a dit un jour sur Ava Garner -je crois bien que c'était elle- dans le rôle de reine Guenièvre ? "Elle ne fait peut-être pas dame du Moyen Age très convaincante, mais pas de doute, elle sait se pencher au-dessus d'un balcon."
Beaucoup de pubs irlandais sont comme ça - il y a un noyau dur d'habitués si absents les uns envers les autres et eux-mêmes qu'ils pourraient aussi bien être ces effigies d'ancêtres que les tribus dressent au bord des falaises dans la jungle.