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Citations de Roger-Pol Droit (345)


Nous voulons le bonheur, nous avons du mal à l’atteindre, et nous serions assez stupides pour ne pas mettre résolument nos pas dans ceux des philosophes qui se sont consacrés – des vies entières, des siècles durant, en cohortes serrées –, à s’exercer à l’apprivoiser ? Ne sommes-nous pas, au contraire, incroyablement chanceux, de pouvoir nous servir, nous aussi, des millénaires plus tard, de ces merveilles amoncelées ?
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L’expression de « chasse au bonheur », que l’on trouve chez Stendhal, n’est pas de son invention. Ce n’est pas une création du XIXe siècle. Aristote, dans Les Politiques, écrivait déjà : « Les peuples partant chacun à la chasse au bonheur d’une manière différente et avec des moyens différents, ils créent les divers modes de vie et les diverses constitutions » (VII, 8, 5)
La philosophie antique examine donc le bonheur, si l’on ose dire, sous toutes les coutures. Elle élabore des tests pour le mettre à l’épreuve, le passe au crible, le dissèque, le cartographie. Elle invente à profusion règles, expériences, exercices, entraînements pour être sûre, autant que faire se peut, de ne pas le rater…
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Aristote, dans plusieurs ouvrages, et longuement dans l’Éthique à Nicomaque, se préoccupe, lui aussi, du bonheur. Il explique, entre autres, qu’on sait seulement à la toute fin de son parcours si un homme a vraiment mené ou non une vie heureuse. Il confirme que le plaisir ne saurait suffire à définir le bonheur ni à le faire exister : la contemplation du vrai par la part intellectuelle de notre âme constitue le seul bien durable où peut s’accomplir le meilleur de l’humain.
Aristote ne privilégie pourtant pas un intellectualisme pur au détriment des conditions concrètes de l’existence : pour être heureux, à l’entendre, il faut aussi une famille aimante, des amis sincères, un peu d’aisance, une bonne réputation, autant d’éléments extérieurs à l’individu.
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D’une certaine manière, tout le monde le sait. Ce n’est pas une découverte : le bonheur des Anciens n’est pas le nôtre. Celui des classiques n’est pas celui des romantiques. Un utopiste du XIXe siècle vise un bonheur sans grand rapport avec celui d’un marxiste, d’un freudien, d’un nietzschéen, qui ont chacun en tête une conception différente… Tous utilisent le même terme, mais il renvoie à des conceptions ou des réalités dissemblables.
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Chaque être humain désirant plus que tout être heureux, et la philosophie, comme par miracle, étant en mesure de combler ce désir essentiel, vital, primordial, il devient inéluctable de conclure que chaque être humain doit philosopher, afin d’obtenir, à coup sûr, ce qu’il convoite plus que tout !
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Ce que tout le monde veut, la philosophie le peut !
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1. Tous les humains désirent le bonheur ;
2. Or la philosophie permet d’atteindre le bonheur ;
3. Donc tous les humains ont besoin de la philosophie.
Voilà la Sainte Trinité que les nouveaux prêtres adorent ! Elle exprime, sous la forme la plus simple, l’essentiel du dispositif. Bien sûr, on ne la rencontre jamais exposée sous cette forme nue et dépouillée. Pourtant, c’est bien l’enchaînement de ces trois prétendues évidences qui constitue le socle de l’opération « philo-clé-du-bonheur ».
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. Le bonheur se construirait ainsi par l’intermédiaire d’un site de rencontres, supposé scientifiquement fondé sur un profilage psychogénétique, selon des procédures rationnelles... Peu importe que l’on en rie ou que l’on en frémisse. L’important, pour l’instant, est d’avoir clairement entrevu ceci : bonheur, autrefois, n’était que hasard, bonheur, aujourd’hui, n’existerait que sans lui.
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L’objectif n’est plus de se soustraire au hasard pour construire son bonheur. Il est désormais d’éliminer le hasard pour construire enfin un monde supposé intégralement et définitivement heureux. L’horizon rêvé est celui où le hasard sera maîtrisé, contrôlé, donc purement et simplement anéanti.
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À défaut de pouvoir modifier le destin, faute de pouvoir en finir avec le hasard, on va s’employer à en déconnecter le bonheur. Les accidents de la vie, bons ou mauvais, pourront perdurer. Les événements de l’histoire, bénéfiques ou destructeurs, pourront se poursuivre et se succéder.
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L’allemand a conservé une relation analogue en utilisant le même terme Glück pour dire « la chance » comme pour dire « le bonheur ». Il en va de même en anglais où le lien est évident entre happiness (bonheur) et le verbe to happen, désignant ce qui arrive, advient, ce qui se produit selon le cours immaîtrisable des événements.
Ce lien premier entre bonheur et hasard est donc bien attesté dans les langues européennes. Partout, l’idée de départ est semblable : les événements qui nous satisfont, nous rendent joyeux, nous procurent du plaisir, viennent par eux-mêmes, comme ils veulent, non pas quand nous le voulons, ni selon nos actions. Nous n’avons donc aucun pouvoir sur notre bonheur...
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Bonheur, en grec ancien, peut se dire eutuchia, où se discerne déjà exactement ce que dira, bien des siècles plus tard, le mot français. « Eu » est en effet la marque du bon et du bien (eu-phonique, eu-rythmique, etc.) et tuchè signifie le hasard, la chance. Un autre terme grec peut servir à désigner le bonheur, eudaïmonia (d’où provient eudémonisme = doctrine du bonheur, de la vie heureuse). Lui aussi contient le préfixe « eu », mais il l’accole à la représentation des puissances divines, des forces à l’œuvre dans les existences humaines, celles des « démons ».
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"  Bon heur ", c’est donc tout simplement bonne chance, beau hasard, heureuse rencontre. De même que « mal heur » n’est que « pas de chance », mauvaise pioche, sale coup du sort... Ce qui nous arrive est faveur ou défaveur, plaisir ou souffrance, joie ou affliction, mais nous n’y sommes pour rien ! Nous n’avons aucune prise sur cette loterie. Voilà ce que dit, d’abord, le mot français.
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Il n’est pas difficile de repérer la trace de ce lien premier entre bonheur et hasard, même s’il est depuis longtemps estompé, même s’il se trouve aujourd’hui carrément dénié. Il suffit de jeter un coup d’œil au vocabulaire. La plupart des langues indo-européennes ont conservé, dans les noms qui servent à désigner le bonheur, la marque de la chance, de l’imprévu, du hasard.
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Pour les hommes de l’Antiquité, l’évidence première fut exactement l’inverse de notre conviction présente : à leurs yeux, le bonheur ne dépendait pas de nous. Il était avant tout le fruit du hasard.
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La conviction la plus antique est en effet que le bonheur, tout comme le malheur, survient, advient, surgit… soudainement. Il nous tombe dessus, sans que nous en soyons jamais la cause, sans même que nous puissions le prévoir ! Il faut y insister : ce bonheur-hasard, exactement aux antipodes de notre bonheur construit, semble bien être la première conception qui se soit développée chez les Grecs, chez les Romains, comme chez d’autres peuples de l’Europe antique.
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Grâce aux philosophes – nos maîtres, nos guides, nos sauveurs... – nous voilà capables de distinguer l’authentique du frelaté, le réel de l’illusoire. Finis miroirs aux alouettes, incertitudes, tâtonnements, échecs… voici venir, apporté par des sages, le vrai bonheur, garanti authentique !
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Tout bonheur, on nous le répète jusqu’à la nausée, est notre œuvre – intégralement, ou presque. Ce « presque » est là seulement pour la forme, ce n’est qu’une précaution, un détail. Si des obstacles surgissent, il nous appartient de les écarter. Quand des tempêtes surviennent, c’est à nous de les contourner. Au bout du compte, nous sommes bien, effectivement, les seuls maîtres du jeu. Telle est, à présent, notre croyance la plus évidente, la moins interrogée.
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Le bonheur est à construire. C’est de nous qu’il dépend, et de nous seuls. Si nous savons nous y prendre, il ne peut pas nous échapper. Nous sommes les maîtres de la situation – tout n’est qu’une question de méthode, de doigté, d’application. Cet état bienheureux, que nous sommes censés désirer plus que tout, est supposé être suspendu uniquement à ce que nous faisons pour y parvenir.
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Dans « sois heureux ! », j’entends « sois esclave ! » – et c’est pourquoi j’ai honte que des philosophes participent à ce totalitarisme à visage radieux, que ce soit délibérément ou par inadvertance.
Je conçois que ces propos puissent paraître abrupts, voire elliptiques. Ils nécessitent quelques explications, qui sans doute les rendront plus détaillés, à défaut d’être plus acceptables.
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