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Citations de Rosa Montero (674)


La créativité est un voyage vers une autre dimension.
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La ville entière commençait à se couvrir d'une sinistre patine de verglas qui crissait. Dans ce désert inhospitalier et urbain, entre les feux clignotants, marchaient à toute allure Zarza et son chasseur, comme un oiseau suivi à distance par son ombre.
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Désemparée, Zarza allait de pièce en pièce et se trompait parfois de sens tant tout était différent et confus. Ici, la salle de jeux ; non, la pièce où mangeaient les enfants. Et dans ce grand espace inondé d’ombres était la chambre de sa mère. On avait du mal à concevoir que cette pièce désormais vide et triste eût été le théâtre d’un tel mystère. Zarza se rappelait le haut-le-cœur qui la secouait chaque fois qu’elle s’approchait de la chambre maternelle : murmures, pas feutrés, le léger tintement d’une petite cuillère remuant des médicaments dans un verre. Et au fond, adossé à la cloison, l’immense lit, ce temple secret où Zarza fut conçue, cette molle sépulture où maman était morte, ou s’était suicidée, ou bien encore avait été assassinée.
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Raluca est imparfaite. Glorieusement imparfaite. Sans cet enchevêtrement de dents et sans cet œil paresseux qui semble parfois se rapetisser ou s'endormir, elle serait une femme trop belle. Pablo admire le kintsugi, l'art japonais de réparer les céramiques brisées à l'aide d'une résine mélangée à de la poudre d'or ou d'argent, de sorte que la fissure reste bien visible, brillante, soulignée, ennoblie par le métal. Les japonais pensent que ces cicatrices, cette histoire, cette faille, sont la beauté de l'objet? Pablo se rappelle maintenant ce bol délicat du XVIIe siècle qu'il avait acheté à Kyoto, la nervure dorée de son ancienne blessure bien visible.
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Oui, il faut faire quelque chose avec la mort. Il faut faire quelque chose avec les morts. Il faut leur déposer des fleurs. Et leur parler. Et dire que vous les aimez et que vous les avez toujours aimés. Il vaut mieux le dire de leur vivant, mais sinon vous pouvez aussi leur dire après. Vous pouvez le crier au monde. Vous pouvez écrire un livre comme celui-ci. Pablo, quel dommage que j'aie oublié que tu pouvais mourir, que je pouvais te perdre. Si j'en avais été consciente, je ne t'aurais pas aimé plus, mais mieux. Je t'aurais dit bien plus souvent que je t'aimais. Je me serais moins disputée avec toi pour des bêtises. J'aurais ri davantage. Et j'aurais même fait l'effort d'apprendre le nom de tous les arbres et de reconnaître toutes ces petites feuilles. Voilà. Je l'ai fait. Je l'ai dit. En effet, ça console.
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Les contextes révolutionnaires ont toujours été favorables au progrès des femmes. Les moments socialement aberrants ouvrent des fissures dans la trame conventionnelle, par où s'échappent les esprits les plus libres.
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- Cuncta fessa, murmura l'archiviste.
- Quoi ?
- Octave Auguste est devenu le premier empereur romain parce que la République lui avait octroyé d'immenses pouvoirs. Et pourquoi la République avait-elle fait ça ? Pourquoi s'est-elle suicidée pour céder la place à l'Empire ? Tacite l'explique ainsi : Cuncta fessa. Ce qui veut dire : Tout le monde est fatigué. La fatigue face à l'insécurité politique et sociale est ce qui a conduit Rome à perdre ses droits et ses libertés. La peur provoque une faim d'autoritarisme chez les gens. C'est un très mauvais conseiller, la peur. Et maintenant regarde autour de nous, Bruna : tout le monde est effrayé. Nous vivons des moments critiques. Peut-être que notre système démocratique est lui aussi sur le point de se suicider. Parfois, les peuples décident de se jeter dans l'abîme.
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On ne peut pas être à la fois pur et humain. Nous nous débrouillons donc avec notre rapport mouvant et glissant avec le pouvoir. Nous cherchons notre équilibre comme des patineurs sur un lac gelé parsemé de plaques de glace très fine. Certains patinent fort bien et s'arrangent pour ne pas tomber, d'autres sont presque toujours dans l'eau. Pour parler clairement et sans métaphore : certains font preuve d'une plus grande dignité et d'autres d'une incomparable indignité. (p. 50)
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Dans son bref journal de deuil, Marie note avec une obsession du détail les derniers jours qu’elle a vécus avec Pierre, ses dernières actions, les derniers mots. C’est l’incrédulité face à la tragédie : la vie s’écoulait, si normale, et, soudain, l’abîme. La Mort ternit aussi nos souvenirs : nous ne supportons pas de nus remémorer notre ignorance, notre innocence. Ces journées que j’ai passées à New York avec Pablo, un mois à peine avant qu’on lui diagnostique son cancer, sont maintenant un souvenir incandescent : il allait mal et je ne le savais pas, il était si malade et je ne le savais pas, il lui restait un an à vivre et je ne le savais pas. Cette ignorance brûle, cette pensée torture, notre innocence à tous les deux avant la douleur finit par devenir insupportable. Je regarde à présent la photo magnifique que j’ai prise de la fenêtre de notre hôtel à Manhattan et je sens mon cœur se glacer.
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Ah. Un croyant. Un quémandeur de réponses. Très bien. Moi, j'ai toujours eu peur de ceux qui ont plus de réponses que de questions.
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Mon père, qui était un homme courageux, m'a dit deux ou trois fois : "Ce qui me fait le plus peur, c'est la folie." Nous n'en avons jamais parlé ; je ne lui ai pas raconte pour mes paniques, et je le regrette à présent. S'il en avait tellement peur, on peut supposer qu'une forme de crise rôdait aussi autour de lui. Encore que peut-être pas, car ce que nous appelons la folie est une chose qui, en réalité, provoque une peur généralisée. La folie suscite une telle peur, et tellement irrationnelle, que les personnes qui souffrent d'un trouble mental sont stigmatisées et isolées socialement, ce qui empire considérablement leur maladie.
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Lui,au contraire,une certaine imperfection lui plaît. Le charme vibrant de l'inattendu.Le trouble de ce qui ne respecte pas la symétrie...à condition que ce trouble soit beau.En vérité, nous ne parlons pas du bête chaos d'une boîte de thon jurant au milieu des boîtes de petits pois,mais de l'art raffiné de conférer de la beauté à ce qui est raté. Pablo croit que,sans cette petite fenêtre sur l'infini,sans cet appel d'air,sa propre obsession le tuerait. L'amour de l'imperfection est son point de fuite, son salut.C'est là le secret de son succès comme architecte : obtenir une impression de classicisme avec quelque chose qui transgresse toutes les lois de la beauté classique. Et réussir, malgré tout,à ce que soit harmonieux.(p.76)
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-Moi, je dis qu’avoir un truc pareil à la maison, c’est dangereux ; si je vous le dis, c’est parce que j’en ai fait l’expérience. Les armes, c’est un truc de barbares, mademoiselle, vous pouvez me croire.
Oui, un truc de barbares. Trinidad avait raison. Conséquence des hordes dévastatrices et violentes qui venaient des confins de la Terre, s’apprêtant à détruire l’ordre en place. Suèves, Vandales, Alains ; multitudes sans foi ni loi qui détruisaient tout sur leur passage, forces de l’obscurité et de la souffrance. Comme ces Tartares qui embrasèrent l’Europe et l’Asie, Gengis Khan et ses féroces guerriers asséchant les campagnes avec les sabots de leurs montures, arrachant les bébés aux bras de leurs mères, violant les vierges, laissant dans leur sillage un flot de souffrance impossible à endiguer. Ce furent peut-être les Tartares qui volèrent à Zarza son enfance, enfance heureuse dont il était impossible de se souvenir même si elle était en photo dans la boîte à musique ; peut-être Gengis Khan fut-il le voleur de toutes les douceurs, lui arrachant son enfance en germe, prometteuse, comme il arracha leur souffle à tous les enfants qu’il égorgea, sans ciller, tandis que la civilisation se consumait lentement dans les braises d’un immense bûcher.
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L’amour vous transformait en être pitoyable.
Soledad n’avait jamais vécu avec personne. Quand l’avait voulu, elle n’avait pas pu, et ensuite elle n’avait pas voulu. Elle avait eu, par contre, beaucoup d’amants. Mieux valait la distance. Mieux valait le contrôle. Que la passion brûle cernée par un coupe-feu. Elle avait le béguin facile. Plutôt instantané. Voire foudroyant. Elle avait besoin d’être amoureuse. Elle aimait l’amour, comme disait saint Augustin. Elle était accro à la passion, et, en bonne accro, cela ne l’intéressait pas de vivre sans.
Soixante ans. Elle se jeta un dernier regard dans le miroir et se mit à enfiler son pyjama. Elle n’était pas belle : son nez était long et fin, son menton pointu ; en fait, durant son adolescence et une bonne partie de sa jeunesse, elle s’était sentie étrange et laide, trop grande, trop athlétique, peu féminine. Avec le temps, cependant, elle avait fini par comprendre que son corps était un joli corps, que les autres femmes le lui enviaient, que sa petite poitrine s’avérait sexy. Et elle avait aussi de jolis yeux, elle avait de la personnalité et du style, et son charme s’était accru avec les années … jusqu’à tout récemment.
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Une des choses les plus ridicules impliquées par l’âge est la quantité de trucs, de potions et d’appareils avec lesquels nous tentons de lutter contre la détérioration : le corps se remplit peu à peu d’infirmités et la vie de complications.
On voit ça clairement lors des voyages : quand on est jeune, on peut parcourir le monde avec juste une brosse à dents et une tenue de rechange, alors que, quand on s’enfonce dans l’âge mur, on doit progressivement rajouter une infinité de vue choses dans la valise. Par exemple : des verres de contact, des liquides pour nettoyer les verres de contact, des lunettes de vue de rechange et une autre paire de lunettes pour lire ; des ampoules de sérum physiologique parce qu’on a presque toujours les yeux rouges ; un dentifrice spécial et du collutoire contre la gingivite, plus du fil dentaire et des brossettes intermédiaires, parce que les trois ou quatre implants qu’on a exigent alors des soins constants ; une crème contre le psoriasis ou contre la couperose ou contre les champignons ou contre l’eczéma ou contre n’importe quelle autre de ces calamités cutanées qui se développent avec l’âge ; du shampooing spécial antipelliculaire, anti-cheveux gras, anti-cuir chevelu sec, anti-chute des cheveu ; une crème colorante parce que les cheveux blancs ont colonisé votre tête, des ampoules contre l’alopécie ; des crèmes hydrantes, qu’on soit homme pou femme, des crèmes nourrissantes, lissantes, raffermissantes, davantage pour ces dames, mais aussi pour certains messieurs ; des lotions anti-tâches ; une protection solaire écran total parce qu’on a déjà pris tout le soleil qu’on peut supporter en une vingtaine de vies ; des onguents anticellulite pour le corps, côté femmes ; des tondeuses de poils de nez et d’oreilles, côté hommes.
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– Tu as des enfants, Soledad? lui demande Marita.
Oh non. Et maintenant ça. […] Elle détestait qu’on lui pose cette question, car lorsqu’elle répondait non, ce non tellement irréversible à son âge, ce non qui signifiait non seulement qu’elle n’avait pas d’enfants, mais aussi qu’elle n’en aurait plus jamais et que par conséquent elle n’aurait pas non plus de petits-enfants; ce non qui l’étiquetait comme une femme non mère et qui la rejetait sur la plage des infortunés, comme le sale rebut d’une tempête marine, car les préjugés sociaux étaient indéboulonnables sur ce point et que toute femelle sans enfants continuait d’être perçue comme une bizarrerie, une tragédie, une femme incomplète, une personne à moitié; quand elle disait non, enfin, Soledad savait que ce monosyllabe tomberait comme une bombe à neutrons au milieu du groupe et modifierait le ton de la conversation; tout s’arrêterait et les personnes présentes resteraient dans l’expectative, réclamant tacitement une explication acceptable au pourquoi d’une anomalie aussi affreuse; que Soledad dise “je n’ai pas pu avoir d’enfants”, ou peut-être ” j’ai une maladie génétique que je n’ai pas voulu transmettre”, ou même “en réalité je suis transsexuelle et je suis née homme”; ils accepteraient n’importe quoi, en définitive, mais ils l’obligeraient de toute évidence à se justifier.
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Un cœur métallique vous faisait-il moins humain qu'une jambe en titane?
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J'ai toujours pensé que la fiction est l'art primordial des humains. Pour exister, il faut se raconter et il y a beaucoup d'affabulation dans cette histoire de nous-mêmes : nous nous mentons, nous nous imaginons, nous nous leurrons.
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Au bout du compte , tout finissait par déboucher sur de l'amour.
Et sur de la souffrance. (p. 47)
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Il est vrai que des oeuvres atroces et d'une horrible facilité se vendent comme des petits pains en s'adressant à un public de lecteurs peu exigeants mais écrire un roman à la fois très mauvais et très populaire n'est pas à la portée du premier venu. Il faut pour cela avoir une certaine impudence ou être vraiment un peu simplet; il faut ne pas craindre de tricher, de flatter les bas instincts, et tout le monde ne sait pas le faire. J'ai l'impression que le bon écrivain ne peut que bien écrire, tout comme le mauvais n'est capable que d'écrire mal. Chacun écrit comme il peut car la littérature finit par devenir une fonction organique supplémentaire comme transpirer, par exemple, et on ne contrôle pas sa sueur: certains ruissellent au moindre effort tandis que d'autres restent parfaitement secs.
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