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Critiques de Sylvie Germain (761)
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Magnus

J'avais entendu parler de Sylvie Germain lors de cet épisode au bac de Français mais n'avais pas poussé mes investigations. Le hasard des rencontres m'a mise sur la route de Magnus. Quel beau livre malgré le sujet ! J'ai beaucoup aimé l'écriture de Sylvie Germain et son style. Cette histoire de famille, de quête d'identité m'ont tenue en haleine. Petite déception sur la fin, suis-je la seule à ne pas trop comprendre, à me laisser perplexe ?

Malgré cela, cela reste pour moi une belle découverte et un livre à recommander.
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Magnus

Lu en 2016. Un beau roman jeunesse (à partir de 14 ans) sur la quête d'identité, servi par une plume poétique et très juste.

Un nom, "Magnus", fantasmagorique et rassurant, comme un dédoublement de soi. Un ours en peluche, aussi, qui renferme de terrifiants secrets...

A travers l'amnésie infantile, c'est l'inconscience lestée du poids d'une légende familiale, mystérieuse, honteuse et funeste. Le récit d'une lente reconstruction à vocation de résilience.
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Éclats de sel

Il est des livres qui marquent à jamais votre conception de la littérature. Le Livre des Nuits de Sylvie Germain est chez moi l’exemple le plus parlant. Récit d’une famille paysanne allant des guerres de 1870 à 1945, il retrace la violence inouïe des traumatismes des petites gens à l’ère de l’industrialisation de la guerre, contrastant avec les touches de réalisme magique parsemant le roman et la tonalité d’ensemble qui tire sur le conte initiatique. Chaque phrase est stylisée pour donner à voir l’espérance, la mélancolie et la douleur dans ce qu’elles ont de plus tragique (et quand on sait que l’autrice a été philosophe, on se demande parfois comment elle justifie d’avoir esthétisé certains passages malgré leur barbarie). J’étais sorti de la lecture choqué, retourné, mais persuadé d’avoir affaire à une figure majeure de la littérature française. Pourtant, dans le bien plus modeste Éclats de sel, Sylvie Germain s’attaque à une toute autre forme de souffrance que celles venant de l’extérieur : la dépression.

Direction donc la République tchèque, où nous suivons Ludvík, intellectuel blasé et misanthrope faisant un retour au pays qu’il découvre aussi barbant que lorsqu’il avait décidé de le quitter. Le quotidien de Ludvík est totalement pénible et désenchanté, mais de mystérieux inconnus se mettent à lui parler de sel sans prévenir, comme si le Destin (ou, comme le laissent entendre les dernières pages qui basculent dans le fantastique, un autre lui-même) voulait lui faire retrouver… eh ben, le sel de la vie. La solitude absolue d’un personnage au cœur de pays de l’Est désillusionnés après des décennies de politique au mieux douteuse a de quoi rappeler le film hongrois Damnation, de Béla Tarr (et ce jusque dans la comparaison finale avec un chien) ; mais ici le héros trouve un salut, car les épreuves qu’il aura traversées auparavant lui auront redonné l’espoir et la joie. La damnation n’est pas éternelle chez Sylvie Germain : on se relève, on affronte à nouveau la douleur, et on tient à peu près debout jusqu’à la prochaine chute.

C’est l’occasion pour l’autrice de faire découvrir avec une certaine érudition un pays où elle a elle-même travaillé, mais sans non plus forcer sur l’ambulance : malgré quelques noms propres qui nous sont totalement inconnus, elle fait attention à ne jamais nous perdre dans l’histoire d’un pays que l’on devine foisonnante. Et c’est lorsqu’elle tient ce juste équilibre que ce livre prend toute son ampleur : le style est une nouvelle fois empreint d’un vocabulaire extrêmement riche, mais pour décrire le plus précisément possible une émotion ou une situation précise, évitant presque toujours le vocabulaire technique ou archaïsant qui donnerait au tout un ton pédant. Hélas, les dialogues ne suivent pas (et le fait de ne jamais y opérer de saut à la ligne évoque plus l’idée de porte-containers littéraires que de vrais paragraphes) : en donnant la même langue soutenue (voire encore plus) aux personnages, Germain fait parler des ouvriers et des enfants comme Jean-Bernardin de la Golpherie Oudéacastérane. On parle de « sel de l’oblation », de « circonlocutions » et de « longs stalactites de sel lacrymal ». Mais j’ai l’impression que l’autrice se rend compte de ses propres défauts et tente de les corriger : maladroitement avec des « Oh, ça alors, vous ne parlez pas comme les gens de votre groupe social », ou plus habilement avec de l’autodérision, comme ce moment où Ludvík imagine un enfant le traiter d’emplâtre.

Et le fait de lire ce genre de dialogues, dans un roman ne relatant qui plus est que des micro-évènements, m’ont rendu un peu longues ces 175 pages (d’ailleurs, c’est vendu comme un roman, mais si ça se trouve, c’est juste ce qu’on appellerait de nos jours une novella). Je ne suis pas un grand amateur de littérature blanche contemporaine, et ce livre ne m’encourage pas à la découvrir plus en profondeur ; en revanche, il n’a que renforcé en moi l’envie de lire les livres majeurs de l’autrice. Sans compter que le fait de voir quelqu’un se tirer de la dépression est toujours réconfortant quand on en est soi-même victime. Et puis bon, dans tous les cas, c’est pour ma culture…
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Le Livre des nuits

"Le livre des nuits" où comment mettre de la beauté et de la tendresse dans un récit glauque et désespéré.

Un récit où la cruauté, la folie, la mort, la guerre, la souffrance ne laisse aucun répit aux protagonistes.

Un récit aux allures de contes mêlant fantasmagorie, réalité et histoire. Une langue imagée et poétique qui parfois atténue , parfois exarcebe la douleur, le désespoir et la folie du monde et des hommes, qui prend aux tripes et touche au coeur.

Un roman peu commun, qui ne plaira pas à tous, mais qu'à titre personnel, j'ai adoré.

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Jours de colère

Hameau mystique.



Dans ce hameau du Morvan, loin du monde, loin de tout, la folie est omniprésente. Piété maritale, faim insatiable ou passion pour une morte, voici les formes qu'elle prend.



Je ne sais pas quoi penser de ce roman. La plume de Sylvie Germain est toujours aussi belle. Les forêts sont vivantes, les feuilles bruissent sous le vent, le cycle des saisons suit son cours. La piété est le fil conducteur de cette communauté, mystique, dévotion, le sacré transcende le profane. Mais l'amour n'est pas en reste, âme soeur, bonheur des yeux, plaisir charnel, guident les hommes jusqu'à l'aveuglement.



Et pourtant je n'ai pas réussi à accrocher à l'histoire. Je l'ai trouvée bien trop simple. Des secrets de polichinelle, des rivalités entre faibles et puissants dans une petite communauté, ce sont des sujets très communs. Quant aux personnages ils se limitent pour la plupart à un ou deux traits de caractère et n'évoluent pas ou peu sur les années que durent le récit. L'ensemble forme un récit que j'ai trouvé très convenu.



Bref, une magnifique plume pour un récit ennuyeux.
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Petites scènes capitales

On pourra être déçus: ce roman est fort différent des grands livres de l'auteure, il ne nous emmène pas dans des contrées aussi terribles. Il s'agit de l'histoire qui pourrait être ordinaire d'une famille "recomposée" apparemment banale, mais qui va connaître sont lot de drames et de tourments, tout au long des 6 ou 7 décennies qui vont se poursuivre.

L'analyse psychologique est précise et soignée, mais l'auteure en fait un peu trop: naissance d'une enfant au handicap très exceptionnel, inceste du beau-père, vocation religieuse du fiston, paternité et même maternités incertaines, errance de la plus jeune dans une "communauté" de marginaux, dramatique accident lors d'une simple promenade.... Pour une même famille, cela va faire un peu beaucoup.

Nous ne conseillerons pas, par conséquent, cet ouvrage comme premier contact avec l'auteure, tellement plus flamboyante ailleurs.

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Le Livre des nuits

Nous sommes ici en présence d'un roman exceptionnel: le style, la force des situations, la montée en puissance et la répétition des drames, font que nous sommes accrochés à cette lecture, qui confirme la position aux plus hauts niveaux de l'auteure parmi les romanciers contemporains.

On peut toutefois être gênés par l'apport d'une dose de surnaturel, qui affaiblit le réalisme cru des situations. Gênés aussi par le fait qu'une bonne partie de la lignée de l'abondante famille Péniel - qui s'étend sur plusieurs décennies dans ce roman - est issue d'une relation incestueuse. Ce sont des choix de l'auteure, que nous respectons, mais nous pourrions imaginer le même récit sans ses deux caractéristiques encombrantes (?).

Cela ne remet pas en cause l'intérêt de ces lectures: Magnus, Jours de colère, et ce "Livre des nuits" qui les a précédés sont trois livres qui nous ont déroutés et comblés.
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Magnus

Les métamorphoses d’un ours en peluche



Comment procéder pour remonter le temps et comprendre ce que les proches et la mémoire même ont tâché de masquer ? Le héros de ce roman est un enfant partiellement amnésique dont les parents, Théa et Clémens Dunkeltal, ont été acteurs du nazisme, visages rayonnants et triomphateurs jusqu’au moment de la débâcle…

Commence alors le long travail de reconstruction de l’identité de l’enfant qui se rattache irrésistiblement à son ours en peluche Magnus. C’est aussi l’enquête opiniâtre et patiente que l’auteure mène en parallèle pour plonger au cœur de la barbarie et du cynisme du III° Reich : « D’un éclat de météorite, on peut extraire quelques menus secrets concernant l’état originel de l’univers, d’un fragment d’os, on peut déduire la structure et l’aspect d’un animal préhistorique, d’un fossile végétal, l’ancienne présence d’une flore luxuriante dans une région à présent désertique (…) Écrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au coeur des mots. »


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Etty Hillesum

C'est à partir des rares écrits d'Etty Hillesum (Journal ; Lettres de Westerbork) que Sylvie Germain nous livre ici sa belle et émouvante biographie.



Jeune juive hollandaise née en 1914, Etty Hillesum croque la vie par les deux bouts : libre, insouciante, ardente, lisant beaucoup, elle multiplie aussi les expériences amoureuses. C'est ainsi qu'elle va faire une rencontre décisive, celle de Julius Spier, un homme plus âgé qu'elle, et qui, parmi ses nombreux charismes, va lui apprendre à prononcer le nom de Dieu. Un nom que, pendant longtemps, Etty n'a pas le courage de prononcer, jusqu'au jour où elle se lance... Sylvie Germain décrit très bien cette lente maturation, suivie du pas décisif (pages 38-39). Etty Hillesum va donc successivement connaître et expérimenter les différentes facettes de l'amour : "De l'eros à la philia, un pas immense est accompli - même si ces deux versants de l'amour ne sont pas radicalement exclusifs l'un de l'autre. Mais déjà un troisième versant de l'amour se profile, nimbé d'une lumière qui irradie vers les deux autres : l'agapé, ou charité évangélique. Etty Hillesum a parcouru de fond en comble ces trois versants de l'amour au cours de sa brève existence, et en chaque domaine elle aura resplendi" (page 43).



Au camp de Westerbork, dernière étape avant le départ pour Auschwitz, Etty Hillesum continue, par-dessus tout, à aimer la vie, à aimer sa vie. Face à l'horreur qui l'entoure, elle admire les roses qui s'ouvrent dans un vase. L'auteur compare d'ailleurs Etty Hillesum à une rose (page 74). Les circonstances affectent son physique, pas son mental. Les brimades semblent ne pas l'atteindre. Grâce à une vie intérieure forte, intense, dénuée de toute haine, elle ne se sent pas humiliée : "Qui pouvait nous empêcher de mobiliser nos forces intérieures ?" (page 143). Le mal et la haine semblent n'avoir pas de prise sur elle. "Elle a transfiguré le mal en bonté, en amour, en espérance" (page 150, extraite du chapitre III. B.).



Les chapitres sont un peu "touffus" et mériteraient selon moi, un découpage plus fin. Mais ils rendent bien compte de la quête qu'a menée Etty Hillesum : celle du sens de la vie, celle de Dieu. "Il m'arrive de me demander ce que tu veux bien faire de moi, mon Dieu. Mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ?" (page 193). Un itinéraire spirituel hors du commun, que l'auteur compare au parcours d'Edith Stein, et dans une moindre mesure, à celui de la jeune Anne Frank, qui ont en commun d'avoir transité par le camp de Westerbork, avant de rejoindre, par les sinistres trains, celui d'Auschwitz.



Si Etty Hillesum aimait se ressourcer auprès des poèmes et des lettres du célèbre poète allemand Rainer Maria Rilke, Sylvie Germain aime, quant à elle, citer la philosophe Simone Weil, dont le titre de l'ouvrage La pesanteur et la grâce résume à lui seul la destinée unique et tragique d'Etty Hillesum.

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Magnus

Histoire dramatique d'un tout jeune garçon allemand qui découvre dans l'immédiat après-guerre que son père est un médecin nazi, qui s'est livré à des crimes et à des expériences criminelles. Ce garçon deviendra adulte, va errer, voyager, connaître l'amour, connaître des drames, découvrira un arbre généalogique un peu différent de celui qu'on lui avait présenté, mais il restera hanté par la terrible vérité, inoubliable.

Sylvie Germain maîtrise tout: la langue, le vocabulaire, le style, la progression romanesque. Ce livre confirme sa position parmi les plus grand(e)s auteur(e)s contemporain(e)s français(e)s.

Il n'y a par conséquent presque rien à dire, à titre de critique. Toutefois....

Ces intermèdes poétiques, intellectualisés, sont-ils vraiment des figures de styles indispensables?

Et un ou deux détails nous rendent mal à l'aise: ce mari, homosexuel, qui de ce fait néglige sa femme et ne voit aucun inconvénient à ce que d'autres couchent ostensiblement avec, c'est tout de même un peu trop...

Désolé d'avoir apporté ces réserves, à propos d'un livre fort, solide, à lire, incontestablement.
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À la table des hommes

Quelle part du festin de la terre les hommes abandonnent-ils aux animaux, aux arbres et aux créatures des étangs ?



Dans quel état une créature peut-elle sortir des décombres de la guerre et de la haine entre les hommes ? C’est un récit intemporel, un conte cruel qu’écrit Sylvie Germain en 2019 lorsqu’elle imagine le destin d’un enfant sauvage né de l’étreinte improbable entre une truie et un soldat agonisant. La scène originelle a lieu dans un monde en guerre où les hommes ont perdu tout repère et toute humanité : « La guerre les a saisis, corps et âme, extirpant des bas-fonds de leur être une capacité de haine et de cruauté qu’ils ignoraient porter. »

Très attentive aux sensations de son personnage, Sylvie Germain se glisse à hauteur d’herbe, fouaille la terre dévastée, lève les yeux vers le ciel, respire les essences des forêts, les odeurs des étangs et les parfums des fleurs. Comme son héros accompagné fidèlement d’une corneille, elle enseigne au lecteur à se méfier du « guêpier des hommes » et à trouver, dans l’émerveillement et l’évasion, des voies alternatives. Et parmi ces voies alternatives, il y a pour l’enfant sauvage, ce pourceau, ce blaireau, cette « fouine » comme le surnomment les autres enfants, la découverte du langage : alors que le village où il a été recueilli sort enfin du confinement et retourne à la civilisation, alors que les routes sont à nouveau ouvertes et que les journalistes arrivent avec les radios et toutes les connexions, « lui qui piétine dans un maigre cailloutis de mots », il entend autour de lui parler toutes les langues et ça l’intrigue et ça le fascine.

Commence alors sa longue aventure « à la table branlante des hommes » à laquelle il faut éviter de s’attabler trop longtemps…

« La table branlante des hommes.

Vois combien la nuit consume la voie lactée des âmes.

Monte dans ton chariot de feu et quitte le pays ! » Le récit de Sylvie Germain s’achève sur une pensée du poète suédois Tomas Tranströmer et ces vers en disent long de l’ensemble du récit car ils sonnent comme un avertissement au lecteur…


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À la table des hommes

J'ai adoré comme toujours cet ouvrage de Sylvie Germain qui est l'une de mes autrices phares !

Elle nous emmène dans un univers loufoque mais qui nous semble réel, avec des personnages tellement pittoresques qu'on a l'impression de les connaître.

Une fable sur la guerre d'abord, sur le handicap ensuite, sur le lien qui unit la nature à l'homme, et enfin sur la haine et la violence. Tellement de sujets tous toujours autant d'actualité bien que ce livre ait été écrit en 2016 (il y a donc pas loin de 10 ans en fait !).

Je ne vais qu'évoquer ce qu'il se passe dans le premier chapitre et je vous déconseille la lecture de tout résumé si comme moi vous n'aimez pas qu'on vous révèle ce qu'il se passe après la seconde moitié du livre !

Au début, donc, nous suivons un porcelet qui tente de survivre dans un environnement ravagé par la guerre. C'était ma partie préférée et je pense qu'un livre uniquement sur ce sujet aurait pu être extraordinaire. Au début j'étais un peu déçu de la tournure qu'a pris le récit au bout de quelques chapitres... Finalement l'histoire tient la route, les personnages sont attachants et on aime suivre ce nouveau récit !

Je tire donc mon chapeau à Sylvie Germain qui encore une fois nous fait vivre des aventures humaines (et pas que ici !) incroyables en nous faisant y croire.

Le lien avec Magnus est évident bien que les livres soient très différents, mais si vous avez apprécié Magnus je vous conseille À la table des hommes !
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Le vent reprend ses tours

Sylvie Germain depuis toujours – notre toujours débute avec son premier roman – ecrit en prose de la poésie, et cite en vers les poètes qu’elle aime et dont parfois elle utilise un vers pour titre, ainsi Qohélet, Le vent reprend ses tours.



Ici, Gavril, un rom boyash (1) dit à Nathan, le gamin, personnage central du livre, qui lui demande ce qu’est Auschwitz: «c’est un des noms de l’impardonnable, de l’inconsolable.»



Gavril «désencombré de lui-même», est l’auteur des plus beaux poèmes qui n’ont jamais été écrits: auteur de poèmes qu’il fait – je ne peux pas dire qu’il écrit - en vivant



Gavril «expulsé du présent par le retour en force du passé, par la perspective imminente d’un avenir réduit à un ‘désormais’ suffocant...Banni hors de lui-même pour avoir trop parlé...»



Gavril qui récite Benjamin Fondane (2) à Nathan:

«Mais quand vous foulerez ce bouquet d'orties

qui avait été moi,

dans un autre siècle,

en une histoire qui vous sera périmée,

souvenez-vous seulement que j'étais innocent

et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,

j'avais eu, moi aussi, un visage marqué par la colère,

par la pitié et la joie,

un visage d'homme, tout simplement!»



Dire de ce livre qu’il est beau est le ramener au niveau d’autres romans, le banaliser...



Il faut oublier les qualificatifs habituels et ranger ce livre sur le rayon le plus accesible de notre mémoire.



1 ( branche des Roms, répandue dans plusieurs pays de l’Europe centrale et du Sud-Est. Ils se caractérisent principalement par le fait que leur langue maternelle est le roumain dans tous les pays où ils vivent, et que leur occupation traditionnelle est la confection d’ustensiles en bois utilisés notamment en milieu rural. )

2 Le poète Benjamin Fondane a été assassiné à Auschwitz en 1944. Né à Iasi en Roumanie en 1898, il émigre en France en 1923. Il prend la nationalité la nationalité française.
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Le Livre des nuits

On ne peut pas soupçonner Sylvie Germain d'un manque d'ambition, surtout quand on sait qu'il s'agissait de son début (1985). Elle en a fait une épopée familiale complète qui suit plus ou moins l'histoire de France du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle. Quatre générations de la famille Peniel sont représentées, d'abord comme mariniers sur le complexe de l'Escaut dans le nord de la France, puis comme agriculteurs dans les Ardennes françaises. Tous les descendants ont en commun une tache dorée dans l’iris de leur œil gauche. Cela indique déjà qu’il y a quelque chose de spécial avec eux, et Germain utilise également en abondance d’autres éléments magiques réalistes. L'histoire prend donc régulièrement des allures de conte noir, et Gabriel Garcia Marquez et la famille Buendia (100 ans de solitude) me reviennent également à l'esprit de temps en temps.

Pourtant, c’est devenu un roman très inégal. Il contient des passages incroyablement forts, comme les scènes de guerre horribles (combien de variations sur l'horreur des tranchées sont-ils possibles ?). Mais le récit aussi régulièrement vire vers des intrigues secondaires moins suivables. Aussi sur le plan stylistique ce livre est un peu inégal : il contient des scènes incroyablement poétiques, mais à d'autres moments le style d'écriture est plutôt plat. Autrement dit : des sentiments plutôt mitigés. Mais, comme mentionné, pour une première tentative c’est assez impressionnant ; cela me rappelait même parfois Le roi des Aulnes de Michel Tournier. Cela veut dire quelque chose.
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La pleurante des rues de Prague

Prague, de nos jours. Au loin, une silhouette se détache dans la brume odorante du soir. Apparition fascinante et mystérieuse, âme de la ville, elle s'invite dans les pensées de la narratrice jusqu'à devenir constitutive de son expérience tchèque.



À la fois géante et menue, claudicante et aérienne, invisible et pourtant terriblement présente, elle « louvoie d'un monde à l'autre », dépositaire des souvenirs des vivants et gardienne des secrets des défunts.



Sylvie Germain nous livre ici un long poème en prose s'étendant sur deux ans et découpé en chapitres au rythme des apparitions de la pleurante. Réflexion sur le passage du temps, l'histoire et la mémoire, c'est aussi pour elle l'occasion de dévoiler la ville et ses multiples facettes sous un nouveau jour, loin des guides touristiques.



Je ne sais si c'est le fait de la poésie de l'écrit, du caractère envoûtant de la ville de Prague ou de la déambulation contemplative mais je ressors profondément marquée par ma lecture et ce titre rejoint mon île déserte ! Merci au challenge solidaire et à l'Institut français pour cette découverte.

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Brèves de solitude

Brèves de solitude

Sylvie Germain

roman

Albin Michel, 2021, 210p



J’aime bien Sylvie Germain. J’ai lu presque tous les livres de sa première période. Je l’avais un peu délaissée, puis je l’ai retrouvée avec Brèves de solitude, et décidément l’autrice mérite qu’on la lise.

Brèves de solitude est d’abord un chef-d’œuvre de construction. Finalement, c’est peut-être ça avant tout, un roman, une construction. L’histoire semble banale : des personnes dans un square. Une vieille dame observe, tout en faisant ses mots croisés, ceux qui s’y trouvent, et parmi eux un jeune homme pas bien propre sur lui, qui dérange un peu. Ce jeune homme aura la place en creux dans ce roman, la place centrale même ; il est la figure du migrant et il reçoit plusieurs appellations. Ce qui arrête la banalité, c’est le moment : nous serons en plein confinement, et donc les promenades dans le square seront suspendues. Quelle place alors pour le migrant. Ce confinement nous permettra de connaître davantage les personnes qui se trouvaient dans le square. Nous accompagnerons un fils qui perd sa mère morte à l’Ehpad, et qui sera enterrée sans les soins mortuaires. Tous regarderont la lune, qui est pleine, avec étonnement.

Sylvie Germain, mine de rien, fait revivre cette période très spéciale, presque exceptionnelle, parle de la vie, des gens, des tracas, et des problèmes humains d’aujourd’hui. Elle est une remarquable observatrice de notre société.

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Magnus

Lecture dans le cadre du Challenge solidaire 2023 de @Gwen 21



J'ai été très vite prise dans l'histoire du héros de Magnus, que l'on suit à la recherche de son identité, à partir de son enfance en Allemagne dans les années 1940. Seul indice du passé : un ours en peluche.



Le style est fluide, poétique par moments, pour une lecture agréable et plaisante malgré un découpage du texte déroutant.

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Magnus

« Écrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au coeur des mots. »



Magnus, c'est le récit d'un enfant à la mémoire lacunaire, que l'on voit grandir, qui devient homme, en quête d'identité, la sienne, celle des autres qui lui furent proches, les siens, celle d'un passé à jamais recouvert sous les décombres de ses origines.

Franz-Georg est né avant la guerre en Allemagne, mais il ne se souvient plus des cinq premières années de son existence, à cause peut-être d'une grave maladie, le typhus dont il a failli mourir.

Il grandit dans cette famille allemande qui voue un culte immodérée à Hitler, son père est un médecin tortionnaire nazi, grand serviteur du IIIème Reich. Quand la seconde guerre mondiale scelle la capitulation de l'Allemagne nazie, le père s'enfuit au Mexique, tandis que sa mère et l'enfant se réfugient en Angleterre. On change le prénom de l'enfant qui devient Adam... Là-bas, cette mère si dévouée, - trop dévouée peut-être, va s'efforcer d'aider l'enfant à reconstituer sa mémoire en lui réapprenant sa langue, l'allemand, son histoire familiale, ce passé qui ne passe pas...

Dans les pas de l'enfant, seul témoin qui pourrait tout raconter à son fidèle ami, il y a Magnus, petit ours en peluche à l'oreille roussie, qui va l'accompagner tout au long du récit.

Franz-Georg va devenir Magnus...

Magnus, c'est la mémoire impossible à reconstruire sur les désastres de la guerre.

C'est un roman autour des secrets, de la mémoire et de l'oubli.

Qui suis-je ? C'est la question qu'il se pose tout au long du roman, dans cette fuite éperdue allant à la rencontre de lui-même. Il lui faut tout réapprendre, ou plutôt désapprendre ce passé qu'on lui a inventé...

Les souvenirs se dissipent en vrac. S'ils lui reviennent au gré de belles rencontres, c'est souvent en désordre, la mémoire en cours de recomposition présente un étrange caractère de fragmentation. C'est un endroit où il continue de se sentir otage des secrets et du mensonge des autres, où il ne voit pas toujours comment s'en délivrer.

Magnus découvre que L Histoire fait mal.

D'un âge à l'autre, d'un amour à l'autre, d'une identité à l'autre, - identité accidentelle, identité imposée, identité choisie -, Magnus se promène dans les décombres de sa mémoire où gît peut-être la vérité. Mais faut-il vraiment tout savoir sur ses origines ? C'est un chemin fait d'impasses, de sentiers en perdition, d'ombres et de lumières en embuscade...

Certaines révélations ne sont pas forcément toujours bonnes à entendre. Est-ce là le prix à payer pour se délivrer du joug de l'amnésie ?

Et c'est sous cette forme de fragments recueillis comme des îles en perdition que Sylvie Germain construit la narration du récit, faisant de l'édifice de son texte une véritable allégorie du destin de son personnage principal. L'ordonnancement de ces fragments ne suit pas toujours la chronologie des faits, mais cela ne nuit nullement à la lecture, il s'agit plutôt d'une sorte de processus intime, la confrontation du réel au vide de sa mémoire...

J'ai trouvé l'écriture de Sylvie Germain incroyablement belle, poétique, travaillée. Peut-être trop travaillée justement, au point de me perdre dans un dédale de résonances où il m'a manqué des émotions et des respirations...

C'est sans doute pour cela que je suis resté au bord du texte, regardant passer Magnus et son errance.

J'aurais aimé que Sylvie Germain ouvre l'espace, déchire le ciel, fasse de la mémoire lacunaire de ce jeune homme, un gros roman, une odyssée, une constellation de vertiges et de sensations.

Et pour tout vous avouer, la fin m'a laissé sur ma faim...

Aussi, cette première rencontre avec Sylvie Germain est-elle plutôt mitigée. Son écriture magnifique m'incite cependant à revenir dans son univers littéraire.



" Ce qui n'a pas été dit en temps voulu est perçu, en tant d'autres temps, comme une pure fiction. "

Aharon Appelfeld

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Magnus

C'est un roman à la construction bien particulière que les lycéens ont plébiscité en 2005.

Ce sont des fragments, fragments de mémoire, fragments de passé qui font office de chapitres; entrecoupés de notules qui donnent un regard plus scientifique et de séquences et autres résonances ou échos en guise de respiration poétique.



L'intrigue repose sur une quête d'identité, celle d'un homme qui s'aperçoit un jour que son passé est un écran de fumée et qui ne sait s'il pourra se construire et savoir qui il est sans remonter le fil du temps.



J'ai été très en phase avec la construction choisie par Sylvie Germain, tant j'ai trouvé qu'elle rentrait en pleine résonnance avec le propos. Et j'aime toujours beaucoup quand la forme sert le fond.

J'ai aussi beaucoup aimé le style de l'autrice, au vocabulaire riche et dans lequel on sent que le choix des mots était important.

Par contre, la fin m'a un peu perturbée; je ne suis même pas certaine d'avoir compris les intentions de l'autrice et ça a fait retomber un enthousiasme qui ne m'avait pas lâchée jusque là.
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Brèves de solitude

Dans un square, les habitants du quartier se croisent et se jugent. Quelques jours plus tard, le confinement les isole et les oblige à se confronter à eux-mêmes.

J'avoue m'être ennuyée ferme à la lecture de se roman. Chaque chapitre est consacré à un personnage, et si certains reviennent, jamais l'autrice ne prend la peine de vraiment développer leur histoire. Résultat, je n'ai ressenti d'empathie pour aucun d'entre eux et me suis sentie indifférente à ce qu'il pouvait leur arriver. Et ce d'autant plus que l'on ne peut pas dire que ce qui leur arrive est original. Le récit ne fait que reprendre des situations mille fois entendues aux infos. Seule l'histoire de Bobby m'a touchée, rencontre fugace au détour d'une église, bien trop fugace pour faire pencher la balance du côté de l'appréciation pour ce roman.

Au final, j'ai trop ce roman trop superficiel et sans originalité, qui ne rentre pas assez dans les histoires de chacun pour vraiment soulever l'intérêt.
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Sylvie Germain

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