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Critiques de Vassili Grossman (178)
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Vie et Destin

Difficile de résumer pas loin de 1200 pages d'un roman qui n'a rien d'un turn-over et a failli ne jamais être édité !



Stalingrad, la ville mais ici surtout la bataille de Stalingrad( immense boucherie, 800000 morts soviétiques et 400000 du côté allemand) sert de fond à ce roman. La guerre est là avec ses souffrances, sa violence, ses morts, ses soldats si jeunes trainant dans la boue, le froid et crevant de faim. Pourtant ce n'est pas vraiment un roman de guerre. La guerre révèle seulement les similitudes des deux systèmes totalitaires qui s'affrontent.



Dénonçant les purges précédentes, les faux procès, la partialité des décisions, la collectivisation, les camps des goulags, l'aisance de certains face à la misère de la très grande partie de la population, le racisme latent sous "l'amitié entre les peuples", l'antisémitisme, on ne peut s'étonner que le manuscrit ait été détruit par l'état. Ce même état brise les personnages qui oscillent entre le bien et le mal et sont toujours sous la terreur d'une décision arbitraire .



La lecture de ce roman est exigeante , il n'a rien d'une bluette. La dénomination des personnages par différents patronymes complique la lecture au début. Je pense qu'il est bon d'avoir quelques idées sur l'histoire de l'URSS pour l'aborder.



Roman difficile, dense et riche.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Pour une juste cause

Il y a un moment où il faut se décider, il ne suffit pas d'acheter deux pavés de plus de mille pages et de les laisser traîner dans le mouton à lire ....

Ce moment est arrivé, pourquoi, je ne sais pas vraiment, je tourne autour de la Russie actuellement alors pourquoi ne pas découvrir ce que certains ont appelé l'un des grands romans du XXe siècle, "vie et destin" mais j'ai souhaité respecter la chronologie et commencer par le début ...

Ce sera pour quelques temps .... pour une juste cause.



Les jours se sont enchaînés, les pages se sont tournées avidement, convulsivement .... deux années se sont écoulés 1941 et 1942, j'ai été éblouie par le malheur, les morts, les scènes de combat, les discours traumatisant de ceux qui se croyaient les maîtres du monde, la tranquillité de ceux qui étaient sûrs de combattre pour la survie de leur territoire, les scènes invraisemblables où l'âme russe nous amenait à la contemplation de ce que l'on pourrait nommer l'horreur et qui se transformait en sentiment de jouissance face à la beauté du monde.

C'est une lecture renversante, épuisante de par son volume et par l'éclatante élégance de l'écriture.

Il faut lire "pour une juste cause", pour comprendre l'engouement d'un peuple sûr de sa force, de ses certitudes, qui est à ce moment là une façon de résister à l'invasion fasciste.

1942 était encore une époque où l'on pouvait croire en la grandeur du communisme !
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Vie et Destin

III - Comme Stalingrad pour la Seconde guerre mondiale, cette découverte marque le tournant décisif dans l'oeuvre de Grossman. Mais il ne tombera pas dans le piège de l'auto-apitoiement, il fera beaucoup mieux : l'horreur imposée aux Juifs par les Nazis, il fait en sorte de la dépeindre comme un fléau universel, capable d'atteindre du jour au lendemain l'Humanité tout entière. Vous faut-il une preuve ? le sort infligé à Sturm, alter ego vraisemblable de l'auteur dans le roman et physicien dont se détournent peu à peu, après la guerre, parce qu'il est juif, tous ses bons "camarades", qu'ils aient ou non leur carte au Parti, voilà cette preuve, froidement et presque cliniquement détaillée par un homme à qui les siens ont fait perdre ses dernières illusions.



On admirera l'ironie avec lequel l'effacement progressif de Sturm dans et par une société soviétique qui se soumet à l'antisémitisme stalinien est justement stoppé par un appel téléphonique du Coryphée suprême, désormais soucieux, en raison des progrès américains en la matière, des théories sur l'atome du physicien déchu ...



Sturm est sauvé, certes : mais les autres ? Les autres Juifs, bien sûr mais aussi tous les autres qui, sans être juifs, pourrissaient dans les isolateurs ou dans les camps de travail du régime ? ...



On ne peut que demeurer muet et admiratif devant l'humanité profonde qui a permis à Vassili Grossman non seulement de transcender ses chagrins personnelles - en tant que fils, en tant que père, en tant que juif - et de trouver la force de faire si tôt le lien entre les deux grands totalitarismes du XXème siècle, mais aussi de refuser l'auto-apitoiement facile de ses pairs pour se préoccuper avant tout de la souffrance humaine universelle. Ce faisant, il faisait de "Vie & Destin", dont tous les exemplaires manuscrits furent, en principe, confisqués par le KGB en 1961, un livre lui aussi universel qu'il ne faut pas hésiter à lire. S'il y a un homme qui mérita un jour le titre si galvaudé à notre époque de "citoyen du monde", ce fut bien Vassili Grossman : lisez "Vie & Destin" - vous comprendrez. ;o)
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Vie et Destin

C’est presqu’un lieu commun, mais vraiment s’il ne faut choisir qu’un livre du XXème siècle, c’est celui-là, c’est un chef-d’oeuvre et il embrasse l’essentiel de l’histoire de la première moitié de ce siècle. Il témoigne à la fois de la shoah à l’est de l’Europe et de l’univers totalitaire stalinien. Les personnages sont très nombreux, pris dans la tourmente de l’histoire et broyés par elle. Il faut dire qu’il maîtrise bien son sujet puisqu’il fut journaliste de guerre à Stalingrad, chargé de réunir au fur et à mesure de l’avancée soviétique les documents sur les massacres commis par les nazis, témoin de la libération de Treblinka et Maïdanek, présent à Berlin lors des derniers combats et de la capitulation.

Et, malgré tout, l’optimisme de Vassili Grossman domine,car à travers le personnage d'Ikonnikov ce livre est aussi sa déclaration de foi en la bonté de l’homme “sans idéologie”, “la bonté des hommes hors du bien religieux ou social”. Ce même optimisme l’a conduit à espérer publier ce livre (dont le manuscrit fut saisi début 1962 pour ne répparaître, en Occident, qu’en 1980). Mais à la même époque Soljénitsyne avait bien réussi à publier “Une journée d’Ivan Denissovitch”.

Un livre terrible et en même temps une belle déclaration de foi en l’humain.
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Vie et Destin

Cette avis ne peut rien apporter de plus que les précédents. Mais il me semblé important de montrer comment à travers les années "Vie et Destin" reste un monument sur litterature russe contemporaine sur son histoire du XXeme siècle. Ce nouveau Guerre et Paix, aussi ardu à la lecture mais tellement marquant pour la compréhension du monde. Et c'est précisément en relation avec l'actualité internationale, que je recommande aux lecteurs d'aujourd'hui de se plonger une nouvelle fois dans ce roman puissant.
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Tout passe

Dernier écrit de Vassili Grossman avant sa mort, « Tout passe » résonne tout particulièrement dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine.

Le texte, rédigé après la mort de Staline est pour son auteur un testament politique amer et désenchanté. La rédaction du texte jalonne la fin des années cinquante jusqu’en 1963, Grossman, relégué progressivement au rang des écrivains bannis par le régime, y abandonne le lyrisme et la poésie qui accompagnaient Vie et Destin, encore marqué par sa foi inébranlable dans l’homme, ici l’espoir a disparu, le constat est fait d’une impossibilité pour la Russie soviétique d’échapper à son identité profonde, laquelle tourne le dos irrémédiablement à toute évolution de l’état vers la démocratie et la liberté.

Grossman nous parle d’un pays pétrifié, immobile, condamné, comment ne pas y voir les accents prophétiques qui nous ramènent à la Russie de Poutine, dans son aveuglement et ses certitudes monolithiques. Ce texte est d’une densité politique historique philosophique, inversement proportionnel à ses 250 pages, le lecteur y est confronté à chaque page à la dureté et la lourdeur des constats. La mort de Staline n’est pas seulement celle du tyran, c’est aussi la continuation d’un état marqué par nature par l’obscurantisme. Grossman annonce ainsi des lendemains terribles, au-delà du vingtième congrès et des portes ouvertes des camps sibériens. Le livre n’est pas un roman, pourtant Grossman y garde la patte du romancier, dans l’introduction du récit, croqué sur le vif à l’arrivée dans la capitale du train de Khabarovsk, dans les personnages qui jalonnent le récit, ceux qui s’effacent vite comme Nicolas Andréiévitch, aux accents qui ne sont pas sans rappeler Victor Strum de Vie et destin, il y a aussi les personnages qui cimentent la réflexion de l’auteur : Ivan Grigoriévitch qui sort de camp et affronte sans illusion le monde retrouvé, Anna Sergueievna par laquelle Grossman met à nu l’organisation par l’état soviétique de la famine en Ukraine qui fit plusieurs millions de mort au début des années 30. Grossman ne s’attarde pas à brosser le portrait de ses personnages, il les fait parler, regarder, constater. Le constat est accablant, le livre s’ouvre sur les médecins juifs condamnés dans le pseudo complot des blouses blanches, il se poursuit avec les milliers de mort des obsèques de Staline, il revient sur la réalité des camps et leur mécanique de déshumanisation bien huilée. Grossman s’interroge sur la gestation de la terreur d’état qui caractérise le régime dans toute son histoire, sa condamnation de Lénine est sans appel, Staline n’en est que le continuateur. Au-delà de ces figures, l’auteur pressent que la Russie soviétique ne parviendra pas à échapper à sa marque génétique, celle du servage, qui la condamne à tourner le dos à toute forme de démocratie.

C’est bien la Russie de Poutine qui prend forme dans ces pages.

Un livre terrible.


Lien : https://weblirelavie.com
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L'enfer de Treblinka

Un texte difficile à lire de par son contenu et son rôle dans le Procès de Nuremberg.



On y trouve la description du camp d’extermination de Treblinka depuis sa conception jusqu’à sa disparition.



Les procédés utilisés sont listés et détaillés et ils font frémir tant les mises en scène théâtrales ne nous feraient pas soupçonner le but atroce qu’elles camouflaient.



Sans ambages ni fioriture, sur la base de témoignages avérés et véridiques on assiste révoltés à l’organisation méthodique et efficace de l’extermination, pour certains tortionnaires avec délectation, de milliers de personnes !



Le texte entier : http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/treblinka.htm



Challenge RIQUIQUI 2021
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Vie et Destin

Que dire qui n'a pas déja était dis sur ce monument de la littérature du 20 éme siécle ? Cet ouvrage relate avec beaucoup de réalisme la terrible bataille de Stalingrad qui a vu pendant un an les russes faire face dans une duel sans pitié avec les armées allemandes . La plus grande défaite de l'armée russe qui fut contrainte au recul jusqu'a la Volga et la'plus grande victoire paradoxalement pour la Russie qui au terme de cet affrontement sans pitié a remporter une victoire qui allait sonner le début de la fin pour l'armée allemande prise au piége des glaces et de l'hiver russe . N'oublions pas que cet opus est la suite de Pour une juste cause publiée en 1952 par Grossman . Le méme Grossman avait vécu tellement d'événements terribles durant la période de la guerre , entre autres la mort de sa mére pendant le massacre des juifs au ghetto de Berditchev en 1941 , puis son arrivée en tant que correspondant de guerre au camp de Trebnlinka en Septembre 1944 , avant d'étre le rédacteur en chef d'un livre noir sur l'extermination des juifs par le régime nazi , avant comple de l'absurde de vivre la terreur stalinienne qui s'abattie sur la population juive à partir de 1948. Au final la rédaction de ce manuscrit fut achevée en 1960 et confisqué par le régime soviétique à l'image de L'archipel du Goulag de Soljénitsyne . Il fut enfin publié en France en 1980 , puis en Russie en 1989. Cette oeuvre dresse un portrait trés peu flatteur de la société soviétique au travers de nombreux personnages , cela dans une période marquée par Auschwitz et le Goulag. C'est donc un roman historique et un roman psychologique que l'on a ici. Grossman prend le parti de comparer les régimes soviétique et nazi pour donner une idée la plus précise possible de la folie du totalitarisme et du populisme appliqué. Grossman n'épargne pas le régime soviétique qui est selon lui le principal fautif de l'échec dans l'instauration d'une démocratie socialiste. Pour lui l'histoire méme de la russie est à l'origine de cet échec. Il renvoie dos a dos communistes et nationalistes , et les accusent d'avoir détruit l'idéal de liberté que comportait la notion méme de démocratie socialiste. Pour lui Stalingrad fut au fond une victoire et une catastrophe pour le'peuple russe qui allait connaitre l'enfer du stalinisme , l'opposé total du socialisme en tout points. Grossman se pose en observateur devant la soumission du peuple russe à une icone , une idole . Ainsi il établit un lien direct encore une fois avec le nationalisme , ce quise confirme encore aujourd'hui. Pour lui la force des régimes totalitaires c'est au fond la privation de la capacité de liberté de l'esprit , cela à l'échelle d'un continent . Il va méme jusqu'a parler d'hypnose en la matiére et force est de constater qu'il avait raison . La violence des mots est telle dans ces régimes que l'homme est au final réduit en esclavage malgré lui et ne peut plus répondre de maniére individuelle. La parole de masse a remportée une victoire en aliénant les esprits et en les rendant dépandants d'une parole dite issue de la voix du peuple . Pour lui , la banalisation de la parole extrémiste est un piége fatal qui conduit à l'horreur du totalitarisme et à la justification d'actes atroces dont l'extermination des juifs. Il brouille les frontières entre innocence et culpabilité , pour lui la quasi totalité des peuples sont responsables des actes atroces commis par les bolchéviques et par les nazis . Vie est destin est un ouvrage comme il en existe trop peu dans l'histoire , et il est à regretter qu'il soit si complexe , si ardu , a tel point que nombre ne le terminent pas . Peut étre aurait il mieux valu que ce livre soit édité en plusieurs tomes , de maniére a pouvoir vraiment prendre le temps de le lire et de mesurer combien l'humanité doit à cet auteur qui est aujourd'hui trop oublié alors qu'il fut et qu'il reste l'une des principales voix par dela la mort a lutter pour la'paix et pour la liberté de l'esprit.
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Vie et Destin

Suite de "Pour une juste cause" (que je n’ai pas lu), "Vie et destin" est une œuvre immense. Elle a été terminée en 1962, mais elle a bien failli être perdue en raison de l’intervention musclée du KGB. Heureusement, elle a pu être sauvée. Son contenu provient de l’expérience personnelle de Vassili Grossman comme correspondant de guerre sur le front, face à la Wehrmacht (notamment à Stalingrad). Une expérience terrible, qui lui a permis de tout observer: l’impréparation de l’Armée Rouge, les atrocités de la guerre, les massacres de Juifs par les nazis, le poids despotique de la dictature stalinienne. Il raconte tout cela, mêlant son expérience personnelle aux aventures de ses personnages romanesques. Dans ce livre, l’auteur - qui était Juif - se révèle lucide et sincère, au risque de se mettre personnellement en danger. Dans ce monde en folie, il sait prendre de la hauteur et s’exprime sans acrimonie, sans pathos. Vassili Grossman était un grand humaniste.

J’ai découvert tardivement ce monument de la littérature russe et je suis heureux, amèrement heureux de l’avoir lu. Je le recommande sans aucune réserve, malgré la longueur de son texte.
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Tout passe

J'ai lu ce court récit (une centaine de pages) immédiatement après avoir lu Vie et Destin, de telle manière que les deux lectures semblent s'être complétées de manière tout à fait harmonieuse.



Là où Vie et Destin développe de manière progressive et à travers les comportements de ses personnages, les évènements historiques ou personnels l'idée de la nocivité intrinsèque de toute forme de totalitarisme, Tout passe se fait beaucoup plus synthétique, allant directement aux idées défendues par l'auteur: une première d'ordre générale, affirmant la liberté comme étant conssubstantielle à la nature humaine, et une seconde, qui n'avait pas été développée dans Vie et Destin, à savoir le paradoxe du développement de la Russie, qui s'est fondée sur un asservissement croissant de l'individu et ce dès l'époque tsariste, à travers le servage.



La concision et la moindre importance donnée à l'intrigue dans cette oeuvre-testament de Grossman tient certainement au fait qu'il sentait sa mort proche, rongé par un cancer après la confiscation du manuscrit de Vie et Destin.

Une forme de pessimisme autant que de sérénité affleurent dans ce petit ouvrage magnifique: le narrateur, un ancien détenu du Goulag libéré à la faveur de la mort de Staline, exprime son désarroi face à ce qu'il croit être une impossibilité pour la Russie d'emprunter un jour le chemin vers la liberté, face au poids de son Histoire faite de "mille ans d'esclavage", avec des "conceptions fanatiques de la liberté, d'Avvakoum à Lénine", et à son incapacité à saisir la chance que représenta l'abolition du servage en 1861, qui fut selon Grossman un évènement plus important que la révolution d'Octobre, dans la mesure où elle aurait pu marquer le premier pas vers une société russe où le progrès économique et technique seraient enfin compatibles avec le progrès de la liberté.



En même temps, le roman s'achève sur une forme de sérénité retrouvée, à la vue de la mer Noire au bord duquel le narrateur a passé son enfance: l'émotion éprouvée à la vue de l'étendue marin est associée à ce que l'aspiration à la liberté chez tout homme a d'irréductible.



En extrapolant un peu, il est possible de se demander si le schéma mis en évidence par Grossman, à savoir la déconnexion entre progrès économique, technique et progrès de la liberté en Russie peut s'appliquer à d'autres pays...Je ne peux m'empêcher de penser ici à la Chine, dont le développement économique actuel impressionnant s'accompagne d'une chape de plomb étouffant toute velléité de démocratisation. Le parallèle me paraît d'autant plus pertinent qu'on a affaire là à une puissance communiste (certes convertie au capitalisme, mais toujours dirigée par un parti se revendiquant du marxisme) au même titre que l'URSS ou vécut Grossman...
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Vie et Destin

За правое дело suivi de Жизнь и судьба

Traduction : Luba Jurgenson pour "Pour Une Juste Cause" et Alexis Berelowitch et Anne Coldefy-Focard pour "Vie & Destin"



I - Aucun livre n'a jamais été présenté de cette manière sur notre forum et il n'y en aura sans doute pas d'autre. Les deux volumes peuvent se lire séparément et ont été édités tous deux séparément et pourtant, il ne nous viendrait pas à l'esprit de les présenter l'un sans l'autre car la spécificité de "Vie & Destin", son caractère unique non seulement dans la littérature russe mais aussi dans la Littérature tout court, ne se perçoit pleinement que par opposition à ce que son auteur avait conçu comme la première partie de sa fresque, "Pour Une Juste Cause."



L'axe central des deux volumes, c'est le siège de Stalingrad. Rappelons brièvement que le sort de l'Europe et de la Seconde guerre mondiale s'est décidé à Stalingrad et que, sans l'héroïsme du peuple russe tout entier et de ses soldats, les Alliés auraient peut-être réussi à abattre Hitler mais cela leur aurait pris infiniment plus de temps. L'affirmer n'est ni faire mentir l'Histoire, ni dénier aux Américains l'importance que revêtit pour nous leur intervention dans le conflit. Mais il faut garder à l'esprit que, au moment où débute "Pour Une Juste Cause", l'Europe entière, à l'exception de l'Italie fasciste, de l'Espagne, d'obédience franquiste, et de la Grande-Bretagne de Sa Gracieuse Majesté, est envahie par les Nazis. On peut chipoter sur les distinctions entre les pays annexés (comme l'Autriche ou une partie de la Pologne), les pays effectivement occupés (comme la France) et les pays satellites (comme la Roumanie ou la Hongrie) mais la réalité s'impose : l'Europe appartient aux nazis.



Pour une raison connue de lui seul, Hitler prit la décision de rompre le pacte que l'Allemagne avait signé avec l'URSS le 23 août 1939. L'idéologie nazie des "sous-hommes" incluait largement les Slaves et cette arrogance de ceux qui s'auto-proclamaient comme appartenant à la "race des Seigneurs" allait entraîner leur perte. Car si l'attaque allemande du 22 juin 1941 fut pour Staline comme un véritable coup de massue - et l'homme n'était pourtant pas facile à déstabiliser, on le sait - il allait très vite se reprendre et, à sa manière très particulière, exiger et obtenir du peuple russe un effort si gigantesque, si surhumain, qu'il finit par renverser la vapeur de l'énorme machine de guerre allemande.



Toutefois, le 22 juin 1941, l'armée allemande se trouve aux portes de la taïga : l'Ours soviétique semble sur le point de rendre l'âme et le reste de l'Europe se tait, comprenant avec horreur que la conquête de l'URSS, si on l'ajoute à toutes les précédentes et aux victoires remportées également en Asie et en Afrique, marque la naissance d'un monde entièrement soumis au nazisme. (A Suivre ...)
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Vie et Destin

La bataille de Stalingrad et toutes les horreurs du 20 ème siècle : le nazisme, le stalinisme, les camps, l'élimination des juifs ; ce sont les thèmes de ce livre. Les passages éloquents sur la nature humaine sont déprimants. Le livre est fort, il porte un regard lucide sur cette époque et ce témoignage est comme un phare balisant les risques menaçant notre humanité. C'est bien sûr un livre référence, mais il faut reconnaître que c'est aussi un pavé indigeste de presque 1 200 pages auquel il faut s'accrocher pour aller jusqu'au bout. Des chapitres prenants et émouvants, des analyses philosophiques, mais aussi beaucoup de longueurs, notamment sur la bataille de Stalingrad. On a parfois un peu de mal à resituer dans le puzzle les multiples personnages de cette vaste fresque. Si vous embarquez, vous ne serez pas déçus, mais le voyage ne sera pas facile. Je l'avais abandonné, il y a quelques années et suis content d'être cette fois arrivé au bout.
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Vie et Destin

Il y a tellement d'aspects à aborder dans "Vie et Destin" que je ne m'y tenterais pas ici mais, me permettrai une réflexion . Si Vassili Grossman tend à nous prouver que tous le régimes totalitaires, quelques soient leurs bords, ont des bases ou des socles communs, l'âme Russe, elle, possède le don du roman fleuve et, qu'ils soient écrits sous des régimes tsaristes ou communistes, cela ne changent rien au talent de leurs auteurs.
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Vie et Destin

À l'actif de ce livre, la présence. L'effrayante proximité des Russes et des Allemands dans les ruines de Stalingrad, leur mobilité dans l'eau glacée de la Volga, dans la neige arrosée par les snipers, dans l'usine de tracteurs convertie en usine de chars qui reste active de nuit sous les bombes. L'auteur a vécu la guerre totale dans la « capitale de la guerre mondiale ». On n'invente pas la proximité de la mort, cette anesthésie de l'épuisement qui participe à l'héroïsme : « À plusieurs reprises, Poliakoff fut jeté à terre, il tombait, se relevait, courait, il ne savait plus où il se trouvait, s'il était vieux ou jeune, s'il y avait encore un haut et un bas. Mais Klimov l'entraînait à sa suite et ils finirent par se laisser tomber dans un profond trou de bombe, glissèrent jusqu'à son fond plein de boue. L'obscurité y était triple ; l'obscurité de la nuit, l'obscurité de la fumée et de la poussière, l'obscurité d'une cave profonde » (p 583-4).



Au passif, l'excès de déplacements des deux côtés du front, la navette sans transition chez les civils dans les zones libres ou occupées, chez les zeks du goulag, dans les camps allemands de prisonniers russes, dans les camps russes de prisonniers allemands. Mais sans doute cette impression de vertige est-elle voulue par l'auteur. Plus pénibles et plus disparates encore sont les interminables conversations où chacun, désigné par son nom, ses prénoms, ses surnoms ou ses fonctions — une bonne centaine de personnages —, intervient sur une comme sur dix pages pour discourir sur l'homme russe, l'âme russe, le peuple russe, son avenir, le parti, la bureaucratie ou l'ennemi. Tout ce monde parle ou pense pour nous, soldats du front, victimes de l'arrière, académiciens de Moscou, généraux dont l'existence est attestée, y compris les têtes historiques, Eichmann, Hitler, Staline : « Staline était ému. En cet instant, la puissance future de l'État se confrontait avec sa volonté. Sa grandeur, son génie n'existaient pas par eux-mêmes, indépendamment de la grandeur de l'État et des Forces armées. Les livres qu'il avait écrits, ses travaux scientifiques, sa philosophie ne prenaient un sens, ne devenaient objet d'étude et d'admiration de la part des millions de gens que lorsque l'État était victorieux » (p 874).



Sur le plan des idées, on sent percer derrière la multiplicité des vies et des destins (curieux, le singulier du titre), un archétype de l'homme fort, honnête, patriote et pessimiste, dont la bonté se retourne contre lui, bientôt désespéré. Après la victoire de Stalingrad, le temps des héros est aussitôt suivi du retour de la haine, de la méfiance, de l'antisémitisme (l'arrestation et la torture de Krymov, le questionnaire imposé à Strum, physicien juif, après sa découverte). L'union sacrée qui rassemblait camarades commissaires et camarades combattants reflue en un constat désespéré, celui d'une convergence morale avec l'ennemi : dans une très longue et peu vraisemblable conversation entre un officier allemand fataliste et un vieux bolchevik, l'auteur dénonce la convergence des deux totalitarismes (p 527-40), idée insupportable aux censeurs. On peut lire ailleurs la biographie de l'auteur, la condamnation et la résurgence de son livre.



Vouloir donner la parole à tous crée de pénibles distorsions. Ainsi Grossman donne deux représentations de la Shoah (le mot n'est pas prononcé). Avant les images odieuses des chapitres 47-48 (seconde partie), il attribue à Eichmann, le planificateur minutieux du massacre, une vision totalement irréaliste, une scène de science-fiction : « Le sol était constitué de lourdes dalles mobiles à encadrement métallique parfaitement jointes. Un mécanisme commandé depuis la salle de contrôle permettait de faire basculer ces dalles en position verticale, de telle sorte que le contenu de la chambre était évacué dans les locaux souterrains. C'est là que la matière organique était soumise au traitement d'une brigade de dentistes qui en extrayaient les métaux précieux de prothèse. Après quoi on mettait en action le convoyeur conduisant aux fours crématoires, où la matière organique désormais exempte de pensée et de sensibilité subissait, sous l'effet de l'énergie thermique, une dégradation ultérieure pour se transformer en engrais minéraux phosphatés, en chaux et en cendres, en ammoniac, en gaz carbonique et sulfureux » (p 640).



Sur le plan littéraire, le réalisme le plus cru côtoie le grand lyrisme russe « La terre s'étirait, immense et sans fin. Et, immense et éternel comme la terre, il y avait le malheur » (p 181). « Tout passe, mais ce soleil, ce soleil énorme et lourd, ce soleil de fonte dans les fumées du soir, mais ce vent, ce vent âcre, gorgé d'absinthe, jamais on ne peut les oublier. Riche est la steppe… » (p 387). « Mais ce siècle était le sien, il vivait avec ce siècle et y resterait lié même après la mort » (p 353).



Un livre qu'on est heureux d'avoir lu et soulagé de terminer.

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Vie et Destin

Petite précision qui peut avoir son importance, « Vie et destin » est la suite de « Pour une juste cause ». Si le roman se suffit à lui-même, la multitude de personnages évoqués m’a parfois fait regretter l’absence d’un petit index.

Pour le reste, quelle réussite ! Ces 1200 pages nous offrent une mise en perspective du nazisme et du soviétisme.

Une petite parenthèse pour dire que le roman a été écrit dans les années 50 et j’avoue être admirative du courage dont a fait preuve l’auteur – son roman fut d’ailleurs confisqué – et du recul qui a été le sien pour analyser la situation de son pays.

Il est terrible de constater à quels points ces deux régimes, bien qu’antagonistes suite à l’opération Barbarossa, sont similaires dans les méthodes utilisées et dans l’extermination de tous ceux considérés comme ennemis, ceux-ci pouvant d’ailleurs être les amis d’hier.



Vassili Grossman nous dépeint avec force la vie soviétique avec cette peur permanente de la délation, où chaque parole peut être mal interprétée et sujette à une lettre de dénonciation.



L’analyse de la place de la bureaucratie est aussi bien menée, on assiste à la mise à l’écart des révolutionnaires historiques, de la première heure, au profit d’une nouvelle catégorie d’hommes et de femmes, pas forcément plus zélés communistes mais en tout cas bien plus habiles apparatchik.



Les personnages principaux ne sont pas manichéens dans l’ensemble même si l’auteur semble s’attacher à ne pas nous les rendre attachants, en nous exposant leurs défauts et autres faiblesses sans fard. Ce n’est pour autant pas un reproche car au final je trouve que cela m’a permis d’appréhender bien mieux la vie sous Staline.


Lien : https://allylit.wordpress.co..
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Tout passe

Après le monument, le chef d'œuvre "Vie et Destin", il me fallait lire le dernier roman écrit par Vassili Grossman.

Plus court, il raconte le retour d'Ivan Grigorievitch après 30 ans de goulag.

Le roman se passe bien après la guerre. Staline meurt.



> Staline mourut sans qu’aucun plan l’eût prévu, sans instruction des organes directeurs.

> Staline mourut sans ordre personnel du camarade Staline.



Ivan Grigorievitch tente de retrouver une place dans une URSS modelée par le stalinisme.



Ivan croise des personnes et lieux qu'il a connu.

C'est à chaque fois une occasion de sonder les Hommes.

Chaque rencontre éclaire un pan de l'histoire de l'URSS sous Staline : les procès, les camps, les tortures, les dénonciations, la famine.



Tout commence avec son cousin à Moscou qui a traversé toutes ses années avec beaucoup de compromissions.

Il a fermé les yeux, signé des manifestes contre les traitres à la révolution.



> Oui, il avait passé sa vie à s’incliner, à obéir, à avoir peur, peur de la faim, peur de la torture, peur du bagne sibérien. Mais il avait éprouvé aussi une crainte particulièrement basse : celle de n’avoir plus que des œufs de saumon à la place de caviar.



Il croise aussi celui qui l'a dénoncé. Ce qui lui a valu 30 ans de goulag.

Les évangiles nous offrent un Juda. Vassili lui analyse pour nous tout un éventail de Judas.

Il y a eu durant ces décennies, bien des façons d'envoyer son voisin, son collègue, un membre de sa famille en prison.



> Souvenez-vous de Tolstoï : dans le monde, il n’y a pas de coupables. Mais notre Etat a inventé une nouvelle formule : tout le monde est coupable. Il n’y a pas un seul innocent. Il s’agit seulement de déterminer le degré de culpabilité.



L'auteur n'a pas sa pareille pour sonder l'âme humaine prise dans un système inhumain.

La culpabilité, la lâcheté, la bêtise, la loyauté, ... l'auteur scrute comment les faiblesses humaines ont contribué à cette prison à ciel ouvert.



Un tableau tout en finesse



> Mais savez-vous ce qu’il y a de plus sordide chez les mouchards et les délateurs ? Vous pensez que c’est le mal qui est en eux ? Non, le plus épouvantable, c’est le bien qui est en eux, le plus triste, c’est qu’ils soient pleins de qualités, de vertus.Ce sont des fils, des pères, des maris aimants et affectueux. Ils sont capables d’accomplir une bonne action, de faire des prouesses dans leur travail.



Chaque personne rencontrée est l'occasion de lever un pan de l'histoire soviétique.

Comme les femmes envoyées au goulag. Envoyées, car femme de ..., fille de ..., mère de..., sœur de ...

Comme l'[Holodomor](https://fr.wikipedia.org/wiki/Holodomor).



Chaque histoire est racontée simplement par une des personnes du roman.

Simplement, mais avec une grande force.



Comme dans "Vie et Destin", le récit alterne entre histoire personnelle et perspective plus large.

Quelques chapitres se consacre ainsi à l'analyse de la Russie, de son "âme", de rôle de Lénine et de Staline et de la liberté.

Il montre que Staline n'a pas perverti le léninisme.



> L’intolérance de Lénine, son opiniâtreté, son implacabilité envers ceux qui pensaient autrement que lui, son mépris de la liberté, le fanatisme de sa foi, la cruauté dont il faisait preuve envers ses ennemis, tout cela, qui assura la victoire de son œuvre, était né et s’était forgé dans les profondeurs millénaires du servage russe, de la servitude russe. C’est pourquoi la victoire de Lénine servit l’anti-liberté.



"Vie et Destin" analysait avec brio le bien, le mal et la bonté.

"Tout passe" plonge son regard dans l'âme russe pour y trouver en vain une trace de liberté.



> L’histoire des hommes, c’est l’histoire de la liberté. L’histoire de toute la vie, depuis l’amibe jusqu’au genre humain, c’est l’histoire de la liberté, le passage d’une moindre liberté à une plus grande liberté, et la vie elle-même est liberté.



Un regard peu optimiste sur l'avenir et donc sur la Russie d'aujourd'hui.



> Où est-il le temps de l’âme russe libre ? Quand viendra-t-il ? Peut-être ce temps-là ne viendra-t-il jamais.
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Tout passe

Tout passe, le dernier roman de Vassili Grossman, est en quelque sorte son testament politique et spirituel. Il raconte l'histoire d'un homme qui retrouve les siens après un séjour de trente ans dans un camp sibérien. Le soir de son retour, il s'assoit à table avec sa famille, mais personne ne lui demande ce qu'il a fait pendant toutes ces années, ni quelles souffrances il a endurées. À quoi bon demander ? Pendant des années, au sein de l'Union soviétique, a sévi un système de surveillance et de délation implacable. Staline vient de mourir sans doute. On découvre l'ampleur des crimes commis par le régime, les prisonniers politiques sont libérés, mais le même état d'esprit continue à régner dans une société où le simple fait de penser met en danger.

Ivan, le personnage principal, a été emprisonné parce qu'il a refusé de dénoncer de soi-disant opposants au régime. C'est un idéaliste épris de liberté. Il retrouve la femme qu'il a aimée, l'ami qui l'avait dénoncé, son cousin Nikolaï qui ne lui a jamais adressé le moindre signe pendant son internement et qui continue à craindre pour sa propre réputation. Nikolaï est l'homme du compromis. Il a signé des dénonciations contre les traîtres, c'est un homme toujours prêt à obéir, mais qui vit constamment la peur au ventre.

Ivan cherche à comprendre les motifs des délateurs, de ceux qui ont trahi, calomnié, dénoncé, par instinct de conservation ou tout simplement parce qu'ils voulaient obtenir la confiance du Parti, seul moyen d'améliorer leur existence. Comment ils ont fait le mal, même sans le vouloir. Cette réflexion est l'occasion pour Grossman de dresser les portraits des victimes de la terreur, avec des scènes parfois insoutenables, notamment lorsqu'il décrit la collectivisation forcée en Ukraine dans les années 1930 et la terrible famine qu'elle a engendrée.

Le témoignage de Grossman est d'autant plus fort que lui aussi été un communiste convaincu, au moins jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, où sa vision du régime a alors changé radicalement. Cette évolution intellectuelle est nettement visible à la lecture de son diptyque sur Stalingrad : alors que la publication de la première partie Pour une juste cause a été autorisée par la censure, le manuscrit de Vie et Destin, où Grossman met en parallèle les régimes nazi et stalinien, a été confisqué par le KGB en 1960. L'écrivain reconnu a perdu ses illusions et est devenu un opposant intellectuel. Avant de disparaître, Grossman s'est senti obligé de dire tout ce qu'il pensait du phénomène totalitaire soviétique. Tout passe parachève son parcours, c'est un résumé de sa pensée, une dénonciation sans complaisance de la dictature et de la souffrance de tout un peuple.

L'ouvrage de Grossman offre une critique féroce de Lénine et de Staline, qui n'ont aucunement amélioré le sort du peuple, déjà asservi sous la Russie tsariste. Pour assouvir leur soif inextinguible de pouvoir, et avec un mépris absolu pour la vie humaine, les deux principaux dirigeants ont sacrifié la liberté du peuple russe. Son livre rend hommage à ceux qui, dans la Russie stalinienne, croyaient encore que la liberté, la tendresse, la bonté étaient « le pain et l'eau de la vie ». Tout passe, nous dit Grossman, sauf l'aspiration invincible de l'être humain à la liberté.

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Vie et Destin

Il faut certains efforts pour se plonger dans cette oeuvre, bien écrite mais pleine de recoins, de nuances, de plans distincts, de personnages nombreux, dont les noms russes varient selon le contexte. Il y a des romans que l'on lit simplement, avec une certaine distance. Ce roman là ne se lit pas, c'est une expérience que l'on fait.

Au milieu du livre, j'ai failli jeter l'éponge. La description d'Auschwitz m'avait débordé de malaise. J'ai poursuivi néanmoins et quelle grâce ! ? Aussi paradoxal et incompréhensible que cela puisse paraître.



Ce roman est trop riche pour être résumé. Mais si vous voulez entrevoir quelque chose de l'humain, du totalitarisme, de la guerre, de la liberté, foncez chez le libraire.

Il y a beaucoup de livres que j'aime, mais c'est bien le seul qui m'ait marqué à ce point, pour lequel je conçois une telle urgence. Ce sont probablement les conditions initiales de publication qui ont fait que ce monument est relativement peu visité. Foncez.



NB: Dans l'édition "bouquins " de 2005(Vassili Grossman Oeuvres ), outre le fait que le texte à été revu (Ah! le charme du samizdat issu d'un microfilm approximatif), la préface de Tzvetan Todorov me semble précieuse.
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Carnets de guerre



Vassili Grossman était correspondant de guerre sur le front russe pendant la seconde guerre mondiale de 1941 à 1945. A ce titre, il rédigeait des articles pour le journal de l’Armée rouge, « l’Etoile Rouge ». « Carnets de guerre » présente les notes préparatoires à ses articles. Introduit et commenté par Antony Beevor, historien anglais, et Luba Vinogradova, le témoignage de Vassili Grossman présente la terrible réalité des combats et des conditions de vie des soldats, les souffrances des civils et les exactions de l’armée allemande. Le récit est particulièrement réaliste et poignant quand il relate la bataille de Stalingrad. Premier journaliste à rentrer dans Tréblinka, Vassili Grossman rapporte les témoignages des rares survivants. Le journaliste présente le fonctionnement du camp d’extermination dans une analyse détaillée. La qualité littéraire préfigure son œuvre principale « Vie et destin » qu’il rédigea après la guerre. L’intérêt des carnets dépasse le simple témoignage, l’écrivain perce derrière la froide réalité du front, mais aussi l’homme effaré par la souffrance des soldats, des civils et les horreurs perpétrées. Il a conscience que la censure stalinienne frappe ses écrits et que le pouvoir soviétique cache le sort réservé aux juifs.

Les carnets sont replacés dans leur contexte et leur chronologie par Antony Beevor et Luba Vinogradova. Le commentaire en facilite la lecture et permet une mise à distance des écrits de Vassili Grossman qui en tant que correspondant de guerre se devait de valoriser la bravoure de l’Armée Rouge.

Le livre est à conseiller pour son apport historique ses qualités littéraires et sa présentation.







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La paix soit avec vous

Envoyé en Arménie pour un travail de traduction, Vassili Grossman observe ce pays inconnu d’un regard qui se veut critique. Il rédige pour l’occasion ce qui sera sa dernière œuvre, témoignage de l’aboutissement d’un parcours biographique tumultueux alimenté par de nombreux revirements idéologiques dans un cadre politique incertain. Résultat : l’observation du peuple arménien permet à Vassili Grossman de constater que les règles de stigmatisation culturelle n’agissent pas. Les Arméniens ne sont ni bons, ni mauvais, ce sont des hommes comme tous les autres. Vassili Grossman cherche à capter l’étrange fusion de l’âme chrétienne et du souvenir païen qui caractérise, selon lui, le soubassement de la vie arménienne, semblant réellement surpris de constater que le catholikos est plus mondain que spirituel, et que la plus grande foi se dévoile plus facilement parmi les petites gens du peuple. On redécouvre ainsi que l’habit ne fait pas le moine.





D’une manière plus générale, la découverte de ce pays et de ce peuple étrangers permet à Vassili Grossman de pratiquer la théorie qu’il aura mûrie toute sa vie : rien n’est absolument bon ni mauvais. On mangeait de la délicieuse truite du lac Sevan mais la pêche est maintenant interdite, l’eau du lac ayant été trop massivement utilisée pour le développement technologique du pays. Les traditions relient les vivants à leurs aïeux et leur permettent de construire des liens sociaux basés sur les figures de l’éternel, mais les traditions sont violentes et ne prennent pas en compte les désirs immédiats des vivants. Enfin, peut-on accepter absolument toutes les figures arméniennes lorsque certains arméniens se montrent plus bornés et dangereux que des hommes politiques dévastateurs ?





Rien de neuf sous le soleil mais dans le contexte de publication du livre, Vassili Grossman s’inscrivait à contre-courant de la pensée idéologique dominante. Son œuvre a d’ailleurs été censurée. Malgré les indications de la préface, nous lisons donc un texte corrigé et appauvri, ce qui explique peut-être en partie la déception. On s’attend à un livre qui prend la pensée à bras-le-corps pour remuer les opinions établies, et on se retrouve finalement avec un hors-d’œuvre bien refroidi. C’est peut-être le signe que l’opinion d’aujourd’hui s’est enfin alignée à celle qu’avait Vassili Grossman dans les années 60, c’est peut-être le signe qu’on peut enfin passer à l’étape suivante.
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