AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070369119
270 pages
Gallimard (21/01/1977)
3.34/5   73 notes
Résumé :
Louis Laine, dernier représentant d'une race condamnée, en qui s'accroît peu à peu I'appel de l'horizon et de la mort, est allé chercher là-bas de l'autre côté de l'Océan le seul être, Marthe, une femme, qui ait le pouvoir, en même temps que la vocation, de l'arracher à sa pente. Mais dans nos grandes villes elles-mêmes manque-t-il aussi de sauvages, c'est-à-dire d'irréductibles, engagés dans la protestation - est-elle complètement illégitime ? - de l'individu contr... >Voir plus
Que lire après L'échangeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Belle découverte! Belle pièce de théâtre! Il y a de la poésie, de la tragédie, de l'amour, un peu de légèreté. De l'amour à l'épreuve, bien des âmes succombent à la tentation au point de se perdre totalement. L'échange met en confrontation l'amour contre l'argent. Peut-on vivre l'amour sans argent, ou encore peut-on on avoir de l'argent sans avoir de l'amour? Peut-on avoir les deux? Alors, ici il s'agit de deux couples différents: le premier est amoureux sans argent et le deuxième est riche sans être amoureux, et si on faisait l'échange! Mais d'autres vont y laisser leur peau!
Commenter  J’apprécie          310
Claudel a écrit la première version de cette pièce à la fin du XIXe siècle, alors qu'il se trouvait aux USA, au début de sa carrière diplomatique. Elle paraîtra en 1901 dans le recueil l'Arbre. Il va la remanier dans les années 50 du vingtième siècle, pour Jean-Louis Barrault qui souhaitait la monter. Elle avait déjà été jouée : dès 1914 Jacques Copeau la monte eu Théâtre du Vieux Colombier, et elle avait connue ensuite plusieurs autres mises en scènes.

Nous sommes sur la côte est des Etats-Unis, au bord de la mer, dans la propriété d'un riche homme d'affaires, Thomas Pollock Nageoire. La propriété est surveillée par Louis Laine, un métis Indien. Il a épousé en France une jeune femme, Marthe, qui l'a suivi jusque là, mais elle est inquiète, elle a peur qu'il ne la quitte. le propriétaire arrive, avec une jeune femme, peut-être son épouse, Lechy Elbernon, une actrice. Une liaison se noue entre Louis et Lechy. Thomas est fasciné par Marthe ; il propose à Louis de l'argent pour qu'il l'abandonne. Louis finit par accepter. Lechy se moque de Marthe et lui révèle sa liaison avec Louis. Mais Louis revendique avant tout sa liberté, et s'apprête de partir seul. Lechy le menace, ce qu'il ignore. Lechy va le faire tuer, et incendie la maison de Thomas, ce qui provoque sa ruine. Marthe rend l'argent que Thomas avait donné à Louis et prend en charge ses obsèques.

Une pièce relativement sobre et dépouillée, avec seulement quatre personnages, loin des foisonnements baroques habituels de Claudel. Il a peut-être été inspiré par les traductions d'Eschyle qu'il faisait au moment de la rédaction de la pièce. Mais Claudel entrecroise, comme à son habitude, plusieurs niveaux dans la pièce. Une sorte de sordide vaudeville, entre adultère, et surtout la vente de Marthe par Louis, la description d'une société mue par l'argent, le goût du profit rapide, l'attribution d'une valeur marchande à tout, y compris aux êtres, un meurtre provoqué par la jalousie. Mais aussi un questionnement sur les valeurs : celles de l'argent opposés à quelque chose de spirituel, qui échappe au matérialisme grossier. Thomas ressent comme un obscure besoin d'échanger son monde matérialiste contre autre chose, que symbolise Marthe. C'est au moment où il perd tout, dans l'incendie, qu'un rapprochement avec Marthe peut s'esquisser. Louis qui aspire à la liberté, qui refuse tout lien, finit par périr victime de ce qui ressemble davantage à une tentative de fuite qu'à une libération. le seul personnage inébranlable, fidèle à elle-même du début jusqu'à la fin, est Marthe, qui dans son aspiration à servir, trouve la vraie liberté.

Claudel, dans une lettre à Marguerite Moreno, indiquait qu'il était d'une certaine façon les quatre personnages de la pièce, les facettes contradictoire de sa personnalité et de ses aspirations, s'opposant dans l'opposition des quatre protagonistes. On trouve à la lecture une sorte de complémentarité dans le quatuor, une polyphonie qui s'unit. Bien sûr, comme dans les autres oeuvres de Claudel, nous ne sommes pas dans une description psychologique, les personnages sont plus des métaphores, des idées qui s'opposent et se complètent que des véritables êtres de chair et de sang, mais néanmoins, l'Echange est plus proche d'un récit avec une intrigue qui adopte des schémas familiers au lecteur et spectateur. Associé à la relative sobriété évoquée précédemment, cela rend sans doute la pièce plus facile à représenter que d'autres pièces de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          170
L'ÉCHANGE

Paul Claudel, le petit frère de Camille… écrivit cette pièce lorsqu'il avait 25 ans, en 1894, étant vice consul en poste dans la fabuleuse Amérique, lieu rêvé du rêve des européens. Pays de tous les possibles et de tous les fantasmes. La scène représente une sorte de chambre noire où évoluent le quatuor et leurs désirs contradictoires.

Tout juste mariés, Louis Laine (Itsik Elbaz) et sa femme Marthe (Anne-Pascale Clairembourg ) sont venus s'installer en Amérique. Ils gardent la propriété d'un millionnaire, Thomas Pollock Nageoire (Idwig Stéphane ) et de son « épouse », Lechy Elbernon (Muriel Jacobs). Hors de la présence des perfides propriétaires, au début c'est l'Eden, même si le décor n'a rien d'agreste. de sombres fenêtres squelettiques, nues, un bout de piscine noire, une esquisse de plongeoir, une rampe, un escabeau, du vide noir. Seule Marthe a du corps, du coeur, du courage plein ses jupes, une douceur tranquille pendant presque toute la pièce, accrochée qu'elle est à son rêve d'amour, « au pays vrai ». Un ange déterminé qui ravaude, qui répare, qui console, qui brode patiemment le bonheur. Elle veut partir avec Louis, loin, avoir une hutte simple mais bien à eux, fonder une famille. Il avait pourtant promis… Lui ne tient à rien, même pas à la terre, accroché à son rêve de liberté, animal sauvage, suspendu sur cette balançoire, la seule chose qu'il ait jamais construite de ses mains. « Tu m'as blessé avec un seul cheveu de ta nuque ! » Il se sent prisonnier, déteste d'être apprivoisé. Il sera la proie rêvée de cette femme funeste, l'inconnu, Lechy qui débarque soudainement avec son mari. Elle est un monstre de suffisance et d'égoïsme, à moitié folle, actrice de son état, totale prédatrice, ivre de désir. Elle le convoite. Son mari le lui achète. « Il n'y a rien qui fasse autant d'innocence à un homme que de tromper sa femme » déclare Lechy avec emphase. She's Moonstruck. Drame: le naïf Louis au sang indien, incapable d'écouter Marthe, se sera inéluctablement trompé d'ennemie et en mourra. « Un esprit terrestre est en moi ! »prévient Louis. « Je suis celle qui peut t'empêcher de te sauver, de mourir » plaide doucement Marthe. Douce-Amère.

« Je suis tout. » déclare Thomas Pollock. Il incarne l'or, le capital, les banques, l'armement, le pouvoir absolu, l'avoir. Il est sûr que tout s'achète, que tout peut être « échangé » avec profit. Son désir s'est posé sur Marthe-Marie, beauté sage de l'innocence pure. Lui aussi prédateur, gagne à tous les coups. Mais Louis n'a pas pris l'argent. « Il n'a pas de poches ! » clame Marthe, « Débiteur de lui vous restez ! » le deal est caduque. Lechy, vengeuse infernale, désespérée que l'âme de Louis lui ait échappé, l'a fait mourir. La maison de Thomas Pollock brûle, la fortune s'en va en fumée… Marthe porte un enfant, une main se tend… Elle est tout.

Cette pièce est d'une modernité saisissante. La langue est riche et musicale. L'interprétation de Marthe est divine, tout en elle veut aboutir, elle sait écouter, se taire, faire éclater une juste colère et faire triompher la vie. Lechy surjoue légèrement, façon Cruella, brassant constamment l'air de ses bras cupides ou menaçants. le jeu est un peu répétitif mais rend le personnage merveilleusement antipathique. le colossal géant de la fortune est plein de superbe, le sauvage, victime de ses chimères, un triste animal que Marthe-Marie n'a pas réussi à mettre debout!

Du 11/12 au 12 /11 2010

AU THÉÂTRE DES MARTYRS Bruxelles

http://www.theatredesmartyrs.be/index2.html
Commenter  J’apprécie          21
"L'échange" (1894) de Claudel est une pièce de théâtre de la Fin de Siècle qui offre un réflexion sur les relations amoureuses et conjugales. Elle effectivement contemporaine avec Mademoiselle Julie (1888) et La Danse de mort (1900) d'August Strindberg. À sa sortie elle a eu sans doute une grand force frappe mais elle a mal vieilli. Je ne vois pas comment on pourra la monter au 21e siècle.
Le premier problème est que l'héroïne est une demoiselle du moyen-âge. On exige de nos jours une héroïne émancipée ou au moins une précurseuse.
Un deuxième problème est l'emploi des expressions anglaises par les personnages américains qui sortent aux moments très saugrenus. Ces personnages américains d'ailleurs ne possèdent pas la moindre qualité américaine.
On lit "L'échange" seulement parce qu'il fait partie de l'oeuvre d'un très grand écrivain qui à d'autres moments a écrit des très belles choses.
Commenter  J’apprécie          10
L'échange de mots, l'échange des couples, l'échange d'argent, car c'est l'un des thèmes clés de la pièce. Une pièce typiquement du vingtième siècle par son côté absurde parfois drôle mais souvent noir et triste comme les personnages. Ajoutez à cela de la poésie et quelques répliques où on se croirait dans une tragédie racinienne et vous obtenez cette pièce unique et belle que j'ai vraiment appréciée et vous recommande !
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
— Qu'est-ce que la vérité ?
Est-ce qu'elle n'a pas dix-sept enveloppes comme les oignons ?
Qui voit les choses comme elles sont ? L'œil certes voit,
 l'oreille entend.
Mais l'esprit tout seul connaît. Et c'est pourquoi l'homme veut
 voir des yeux et connaître des oreilles
Ce qu'il porte dans son esprit, — l'en ayant fait sortir.
Et c'est ainsi que je me montre sur la scène….
Commenter  J’apprécie          100
"Tu t’es plongé dans la mer ce matin et tu voulais aller jusqu’au fond ; mais ce n’est pas cette eau salée là qui te purifiera, mais celle qui sort de tes yeux. Ô Laine, tu es vivant encore ! Donne moi tes mains ! Donne moi tes deux mains ! Ô main droite ! Ô main gauche ! Ô main ! Je te tenais dans la nuit et, le coeur plein de joie, je comptais tes doigts l’un après l’autre. Ô mains ! Pourquoi avez vous été si promptes à prendre et à lâcher ! "
Commenter  J’apprécie          30
Je n'ai pas été élevé
Dans les villes aux rues infinies, pleines de peuple, et de l'arbre la feuille touffue est agitée devant le ciel couleur de feu.
Une araignée
M'avait attaché par le poignet avec un fil et j'avais de l'herbe jusqu'au cou ;
Et du milieu de sa toile elle me racontait des histoires telles qu'une femme assise.
Et je connaissais les fourmis selon leur nation,
Quand elles vont et viennent comme les ouvriers qui déchargent les bateaux, comme les scieurs de bois qui s'en vont portant des planches deux par deux.
Commenter  J’apprécie          20
C'est ainsi que la mer,
Comme quelque chose qui a peur, avertit les mauvaises consciences. Je me rappelle quand nous étions au milieu !
De la porte nous voyions comme un champ où il reste de la neige, et la mer en désordre sous la pluie, et l'étendue funéraire.
Qui sait pourquoi le vent souffle ? pourquoi, quand ses eaux se déchaînent et s'apaisent ? -La lumière créée
Suspend son pas au zénith, couvrant de splendeur l'étendue qui la réfléchit.
Commenter  J’apprécie          15
Marthe
Où étais-tu?
Louis Laine
Chez eux.

Il désigne du pouce un côté de la scène derrière lui.
-Silence.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Paul Claudel (167) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Claudel
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
+ Lire la suite
autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (302) Voir plus



Quiz Voir plus

Les titres des pièces de Paul Claudel

Quel est le titre correct ?

Potage de midi
Partage de midi
Carnage de midi
Bardage de midi

11 questions
24 lecteurs ont répondu
Thème : Paul ClaudelCréer un quiz sur ce livre

{* *}