Quelques extraits de "L'ombre de l'eunnuque" pour donner le ton , en attendant que je sorte de ma grosse flemme intellectuelle pour en faire un commentaire :
Dans la lutte contre le franquisme, Miquel , dernier descendant d'une grande famille bourgeoise de la région de Barcelone qui a su s' enrichir grâce au développement de l'industrie textile, traduit ses états d'âmes au moment de cette jeunesse fougueuse où les idéaux l'animaient encore avant la grande désillusion:
jaumé a écrit:
Et si j'avais été une bête sauvage j'aurais flairé la peur, Barcelone était à moitié recroquevillée sous un linceul de méfiance et de frousse parce que, depuis plusieurs semaines, nous, les étudiants, nous avions envahi les rues, et tout l'Eixample, le jour, était virtuellement occupé par les blindés des flics, par les chevaux des flics, par la haine des flics, les rues étaient un champ de bataille, et la nuit c'était pire, quatre membres de la secrète pouvaient sortir sous votre nez d'une bouche d'égout et vous demander vos papiers, qu'est-ce que tu fais, où vas-tu, d'où viens-tu, ou Marx ou Weber."
Miquel analysant retrospectivement ces années révolutionnaires :
Jaumé a écrit:
Ces années là , je les aies vécues transporté par la force intérieure qui soutient les héros.Aleur façon, tous ceux qui se rebellaient menaient une vie de héros . C'était le moent où tout geste devait avoir une motivation idéologique , comme dix ou vingt ans plus tôt on nous avait ensaigné que tout avait une motivation religieuses.Et l'on faisait comme chez les RAFA OU COMME vILA, qui se chamaillaient pour des raisons idéologiques et se brouillaient par idéologie ; des couples se brisaient ; on faisaient l'amour par idéologie et on cessait aussi de le faire par idéologie"
Désabusé , cruellement lucide , Miquel continue à analyser son engagement de l'époque aboutissant à un constat implacable :
Jaumé a écrit:
"De temps en temps , il pensait à Toro et commençait à regretter que tant d'énergie gaspillée en dangers , en prisons,et en morts , finisse par se concrétiser en des partis politiques qui avaient comme premier souci leur propre subsistance , comme si'ils étaient une finalité par eux-mêmes .Lorsque les hommes se trouvent avec la possibilité d'exercer , ils ont pris le pouls qui en tremble d'émotion et , avec un dribbling de l'âme , ils oublient leurs rêves et la seule choses qu'ils veulent , c'est le pouvoir . C'est très bête , Gemma , mais c'est comme ça .
Pensant à haute voix , Miquel toujours :
jaumé a écrit:
Nous ne pouvons être responsables des gènes qui ne sont pas à notre portée, réfléchit à haute voix Miquel Darwin Gensana, tout en mordant à belles dents dans le chocolat de son oncle .Même s'ils sont une évoultion de nos gènes.(L'ombre le regarda en silence et Miquel hésita, avant de poursuivre: ) La paix morale d'aucun individu ne serait possible .Je serais responsable d'Hitler.
A travers ce roman , on trouve déjà les prémisses de son oeuvre magistrale "
Confiteor" :
la structure narrative est identique dans l'absence de chronologie où l'intrigue est amenée dans un mélange temporel qui pourrait destabiliser le lecteur si celui-ci n'accepte pas les règles du jeu ......mais le rythme d'une grande musicalité nous entraîne dans le lâcher-prise et quel bonheur de s'approprier le texte par cette approche originale !
Tous les thèmes quasi obsessionnels chez Cabré sont là :
réflexion lancinante sur la notion de culpabilité , engagement idéologique stérile , poids de la grande histoire et de la génétique dans l'histoire individuelle , quête incessante de sens indissociable de la création artistique , incapacité de l'homme à exercer son libre-arbitre englué par les chaines du passé .......et son amour pour la musique encore et toujours !
Pourtant malgré ces tourments existentiels , Cabré s'amuse : délibérement enjoué , à l'image du prestidigitateur , il a plus d'un tour dans son sac ! Quel talent pour jongler avec les facéties de l'histoire !!!
Encore une fois j'ai adoré !