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EAN : 9782330034405
479 pages
Actes Sud (03/09/2014)
3.87/5   91 notes
Résumé :
Journaliste d'art, Miguel est le dernier descendant de la grande lignée des Gensana, famille de la bourgeoisie catalane. Amoureux fou d’œuvres et de femmes, il est de son propre aveu un homme désormais âgé et dépourvu de talents. Ne lui restent que ses souvenirs, ceux d'une jeunesse militante, alors qu'il luttait avec fougue contre le franquisme et découvrait la passion dans les bras d'une violoniste. Invité par la charmeuse Jùlia dans un restaurant chic ― don... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Titre : L'ombre de l'eunuque
Auteur : Jaume Cabre
Année : 2014
Editeur : Belfond
Résumé : Depuis la fin du XVIIe siècle, les Gensana sont installés dans une vaste demeure bourgeoise de la région de Barcelone. Propriétaires d'une usine de textile, la famille va connaitre des jours fastes avant de devoir affronter des crises sociales et économiques, puis la guerre civile et le Franquisme qui ravagèrent l'Espagne. Miquel et Maurici sont deux membres de cette famille. Deux hommes de génération différente, témoins des turpitudes de leurs ancêtres et liés par des secrets inavouables. Deux inadaptés, chroniqueurs de la grande saga dynastique des Gensana.
Mon humble avis : Les habitués de ces petites chroniques savent à quel point Confiteor de Jaume Cabre fut pour moi une véritable révélation. Roman d'une amplitude rare, d'une intelligence exceptionnelle de par son propos et sa construction, j'en garde un souvenir à la fois ému et admiratif. Il m'aura fallu de longs mois avant de m'attaquer à autre un texte de l'auteur Catalan et mon choix se porta sur L'ombre de l'eunuque, pavé de plus de six ans pages évoquant les fastes d'une dynastie Barcelonaise. Une fois de plus l'auteur s'appuie ici sur une trame inspirée d'une oeuvre musicale, une fois de plus la narration est sophistiquée et complexe. Cabre passe du je au il dans la même phrase, des personnages interviennent dans la narration sans que le lecteur s'y attende, puis disparaissent abruptement, créant ainsi des passerelles entre les générations, des interactions entre les personnages principaux et leurs aïeuls. C'est encore une fois complexe et il m'aura fallu une centaine de pages pour rentrer dans ce roman, une centaine de pages pour lâcher prise, pour me faire à la petite musique si particulière de Cabre. Une fois cet écueil passé, je découvrais alors une nouvelle fois un plaisir de lecture rare, un auteur virtuose et une oeuvre en tout point admirable. Si l'ombre de l'eunuque ne tutoie pas les étoiles comme le faisait Confiteor - peut-être plus abrupt, moins brillant, un peu laborieux par instant - il reste néanmoins un roman rare, un roman où se déploie le génie d'un auteur surdoué, un roman d'une complexité folle, d'une densité exceptionnelle, un roman total peut-être. Rarement un auteur ne m'aura paru plus virtuose que Cabre, rarement un écrivain ne m'aura autant impressionné. Ici les thèmes sont nombreux, l'auteur traite de la fin d'un monde, de destins contrariés, de secrets inavouables, de culpabilité, de création artistique. Les deux protagonistes principaux sont tour à tour pathétiques, grandioses,lâches et terriblement humains, même dans leurs travers. Bon je crois que vous aurez compris que je suis un fervent admirateur de Cabre, inutile d'en rajouter. Ruez-vous sur l'oeuvre de cet auteur exigeant et surdoué.
J'achète ? : Bien sûr ce n'est pas un bouquin où l'écriture est fluide et évidente. Bien sûr Cabre est moins accessible que d'autres auteurs, bien sûr son oeuvre peut paraître exigeante. Et pourtant quel plaisir, quel régal de parcourir des textes aussi habiles et aboutis que ceux de cet auteur catalan dont je commence à peine à découvrir l'oeuvre. Quel plaisir d'ailleurs ! Quel plaisir de réaliser qu'il me reste à découvrir de nombreux romans du génial Jaume Cabre !
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Une narration sophistiquée et rare pour ce qui est peut-être LE roman de Barcelone 1936 -1986.

Publié en 1996 (et traduit en français en 2006 par Bernard Lesfargues chez Christian Bourgois), le huitième roman de Jaume Cabré est sans doute celui où se développent pour la première fois à pleine puissance, quinze ans avant "Confiteor", sa singulière maîtrise des techniques narratives sophistiquées et sa capacité à s'appuyer sur une structure de fond directement issue de la musique (ici, la trame suit le Concerto pour violon et orchestre d'Alban Berg - qui joue aussi un rôle romanesque important, que vous découvrirez le moment venu...).

Histoire d'une famille d'industriels du textile barcelonais, entre la fin de la guerre civile, le long règne de Franco et les premières années de la "transition", ce roman est aussi - peut-être surtout - celui du lien particulier unissant le narrateur, fils de famille ayant rejeté sans hargne mais fermement le mode de vie ancestral pour rejoindre durant de longues années la clandestinité de la lutte armée communiste anti-franquiste, et un oncle, greffon maudit de l'arbre généalogique, par qui transitent toutefois toute l'histoire et tous les secrets de la famille jadis puissantissime...

Au fil d'une histoire où, pour se présenter de manière feutrée, les rebondissements n'en sont pas moins spectaculaires, dans un jeu tourbillonnant de voix dont les origines et les locuteurs se confondent parfois, sans aucune part au hasard ou à la facilité, la difficulté de vivre face au mal, le poids du passé, la consolation possible par l'art, et le redoutable et extraordinaire pouvoir de la narration font leur entrée dans les univers de Cabré, vraisemblablement pour ne plus les quitter.

Un très grand roman, déjà, que "Confiteor" amplifiera et confirmera, en un sens, quinze ans plus tard.
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Quelques extraits de "L'ombre de l'eunnuque" pour donner le ton , en attendant que je sorte de ma grosse flemme intellectuelle pour en faire un commentaire :
Dans la lutte contre le franquisme, Miquel , dernier descendant d'une grande famille bourgeoise de la région de Barcelone qui a su s' enrichir grâce au développement de l'industrie textile, traduit ses états d'âmes au moment de cette jeunesse fougueuse où les idéaux l'animaient encore avant la grande désillusion:
jaumé a écrit:

Et si j'avais été une bête sauvage j'aurais flairé la peur, Barcelone était à moitié recroquevillée sous un linceul de méfiance et de frousse parce que, depuis plusieurs semaines, nous, les étudiants, nous avions envahi les rues, et tout l'Eixample, le jour, était virtuellement occupé par les blindés des flics, par les chevaux des flics, par la haine des flics, les rues étaient un champ de bataille, et la nuit c'était pire, quatre membres de la secrète pouvaient sortir sous votre nez d'une bouche d'égout et vous demander vos papiers, qu'est-ce que tu fais, où vas-tu, d'où viens-tu, ou Marx ou Weber."

Miquel analysant retrospectivement ces années révolutionnaires :
Jaumé a écrit:
Ces années là , je les aies vécues transporté par la force intérieure qui soutient les héros.Aleur façon, tous ceux qui se rebellaient menaient une vie de héros . C'était le moent où tout geste devait avoir une motivation idéologique , comme dix ou vingt ans plus tôt on nous avait ensaigné que tout avait une motivation religieuses.Et l'on faisait comme chez les RAFA OU COMME vILA, qui se chamaillaient pour des raisons idéologiques et se brouillaient par idéologie ; des couples se brisaient ; on faisaient l'amour par idéologie et on cessait aussi de le faire par idéologie"

Désabusé , cruellement lucide , Miquel continue à analyser son engagement de l'époque aboutissant à un constat implacable :
Jaumé a écrit:

"De temps en temps , il pensait à Toro et commençait à regretter que tant d'énergie gaspillée en dangers , en prisons,et en morts , finisse par se concrétiser en des partis politiques qui avaient comme premier souci leur propre subsistance , comme si'ils étaient une finalité par eux-mêmes .Lorsque les hommes se trouvent avec la possibilité d'exercer , ils ont pris le pouls qui en tremble d'émotion et , avec un dribbling de l'âme , ils oublient leurs rêves et la seule choses qu'ils veulent , c'est le pouvoir . C'est très bête , Gemma , mais c'est comme ça .

Pensant à haute voix , Miquel toujours :
jaumé a écrit:
Nous ne pouvons être responsables des gènes qui ne sont pas à notre portée, réfléchit à haute voix Miquel Darwin Gensana, tout en mordant à belles dents dans le chocolat de son oncle .Même s'ils sont une évoultion de nos gènes.(L'ombre le regarda en silence et Miquel hésita, avant de poursuivre: ) La paix morale d'aucun individu ne serait possible .Je serais responsable d'Hitler.


A travers ce roman , on trouve déjà les prémisses de son oeuvre magistrale "Confiteor" :
la structure narrative est identique dans l'absence de chronologie où l'intrigue est amenée dans un mélange temporel qui pourrait destabiliser le lecteur si celui-ci n'accepte pas les règles du jeu ......mais le rythme d'une grande musicalité nous entraîne dans le lâcher-prise et quel bonheur de s'approprier le texte par cette approche originale !

Tous les thèmes quasi obsessionnels chez Cabré sont là :
réflexion lancinante sur la notion de culpabilité , engagement idéologique stérile , poids de la grande histoire et de la génétique dans l'histoire individuelle , quête incessante de sens indissociable de la création artistique , incapacité de l'homme à exercer son libre-arbitre englué par les chaines du passé .......et son amour pour la musique encore et toujours !
Pourtant malgré ces tourments existentiels , Cabré s'amuse : délibérement enjoué , à l'image du prestidigitateur , il a plus d'un tour dans son sac ! Quel talent pour jongler avec les facéties de l'histoire !!!
Encore une fois j'ai adoré !
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On ne peut pas dire que la prose de Jaume Cabré nous emporte par un souffle entraînant. Bien au contraire, l'écriture reste simple, laissant le lyrisme au placard, pour ne pas parasiter l'essentiel de ce récit : le portrait d'un homme à travers l'histoire de son pays au siècle dernier (la Catalogne ? l'Espagne ?) et l'histoire chaotique de sa famille, les Gensana. Mais "L'Ombre de l'Eunuque" crée la surprise par l'originalité de sa construction narrative. Non pas parce que Cabré croise les récits et les narrateurs, cela devient même aujourd'hui un cliché que beaucoup d'auteurs cherchent à éviter, mais parce qu'un même narrateur joue souvent avec l'énonciation, passant de la première à la troisième personne, parce qu'un deuxième ou un troisième narrateur vient, par instants, remplacer le premier, sans s'annoncer, puis s'effacer aussi rapidement qu'il était venu pour revenir un peu plus tard. Ce jeu complexe est extrêmement exaltant car il crée des passerelles entre les différentes temporalités des événements, mais surtout parce qu'il donne forme à une sorte d'atavisme fatal, un éternel retour familial et social où se rejoue la passion puis la déception amoureuse, le tabou social, la prédestination familiale et sa remise en cause. Et au bout du compte, ce héros indécis, Miquel Gensana Ombre de l'Eunuque, nous fait le récit d'une vie particulièrement riche et romanesque.
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Deux récits s'entrecroisent dans ce roman, celui de Miquel Gensana, qui a tourné le dos à sa famille bourgeoise et s'est engagé dans la clandestinité pour lutter contre le régime de Franco, il a du mal à trouver sa place de retour dans la société et celui de son oncle Maurice Sicart, qui retrace la vie des générations passées de la famille Gensana. Ces deux récits font l'objet d'une longue conversation entre Miquel et sa collègue journaliste. Comme dans les autres romans de Jaume Cabre,le discours intérieur est présent, les époques se mêlent, et les locuteurs changent. Les héros se moquent d'eux-mêmes. Excellent roman, qui de plus est plein d'humour. Un régal. A lire absolument.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Et si j'avais été une bête sauvage j'aurais flairé la peur, Barcelone était à moitié recroquevillée sous un linceul de méfiance et de frousse parce que, depuis plusieurs semaines, nous, les étudiants, nous avions envahi les rues, et tout l'Eixample, le jour, était virtuellement occupé par les blindés des flics, par les chevaux des flics, par la haine des flics, les rues étaient un champ de bataille, et la nuit c'était pire, quatre membres de la secrète pouvaient sortir sous votre nez d'une bouche d'égout et vous demander vos papiers, qu'est-ce que tu fais, où vas-tu, d'où viens-tu, ou Marx ou Weber."
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... c'est que les rares instants clés que nous avons en notre vie se produisent sans que nous les remarquions, après quoi nous consacrons désespérément le reste de notre existence à essayer en vain de les récupérer.
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Je viens de terminer ce roman et ne trouve pas les mots pour dire mon désarroi.
J’ai l’impression d’avoir perdu un ami, en tout cas quelqu’un de cher, dont je me me vis très proche. Quelqu’un d’hésitant, indécis, peu sûr de lui, d’une sensibilité rare. Un homme qui ne sait comment l’être, qui se méfie et qui se rit de lui. Un amoureux qui n’a pu dire son amour et qui continuera sans doute, sa vie durant, à en souffrir.
Plusieurs douleurs l’accompagnent : des morts, des fautes, la culpabilité. Ce que j’ai fait, ce que je n’ai pas fait, ce que je n’aurais pas dû faire.
Tristesse de quitter Miquel, qui me parle tellement de moi-même et qui me laisse un peu plus seul.
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Ces années-là, je les ai vécues transporté par la force intérieure qui soutient les héros. A leur façon, tous ceux qui se rebellaient menaient une vie de héros. C'était le moment où tout geste devait avoir une motivation idéologique, comme dix ou vingt ans plus tôt on nous avait enseigné que tout avait une motivation religieuse. Et l'on faisait comme les Rafa ou comme Vila, qui se chamaillaient pour des raisons idéologiques et se brouillaient par idéologie ; des couples se brisaient par idéologie ; on faisait l'amour par idéologie et on cessait aussi de le faire par idéologie.
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Tomber amoureux, avec le temps, débouche sur la solitude et sur le regret de ce sentiment si fou, si violent et irrationnel, qui semble tellement ressembler au bonheur.
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Vidéo de Jaume Cabré
Les livres cités dans l'émission par Mikaël : - le Soleil des Scorta de Laurent Gaudé aux éditions Actes Sud - En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut aux éditions Finitude - La Comédie Humaine de Balzac (Pléiade) - Confiteor de Jaume Cabré aux éditions Actes Sud - La Cantique de l'Apocalypse Joyeuse d'Arto Paasilinna chez Folio
Les mille MERCIS du libraire de caractère : "À l'équipe de la Grande Librairie au nom tous les libraires indépendants, à Virginie, ma chérie qui m'a suivi dans cette folie et qui déchire tout dans l'ombre depuis plus de 10 ans, à Audrey et Rémy, qui reviennent chaque matin avec leurs lectures, leurs conseils et leurs blagues irremplaçables et à tous les clients qui font partie de cette famille qui s'agrandit et qui nous donnent une force incroyable ! Vive les livres !"
+ Lire la suite
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