J'ai beaucoup apprécié ce roman, qui appartient à un genre difficile : le roman bref, et donc nécessairement stylisé. le parcours de Max est relativement linéaire, de l'Allemagne qu'il fuit au Brésil dont il rêvait enfant, et dont la jungle et ses fauves peuplaient l'imaginaire. En même temps, toute une vie ou presque tient dans ces 74 pages bien tassées.
Au départ, Max est un jeune homme, fils de fourreur (non juif, a priori, d'ailleurs son père n'aime pas les Juifs), d'une nature sensible et craintive, semblable en cela à sa mère, alors que son père est une brute qui le rudoie et le méprise. Enfant, il aime à s'enfermer dans la remise et lire, allongé sur les peaux de félins, premier contact avec les fauves de sa vie. Jeune homme, il est obligé de quitter l'Allemagne à la montée du nazisme, à cause d'une trahison. C'est en s'embarquant sur un cargo qu'il gagnera le Brésil, puis fera naufrage et se réfugiera sur un canot, en compagnie d'un léopard, sauvage et beau... Eh oui, il y a fort à parier que Pi soit un descendant de Max !
C'est le type de récit qui a un double effet : le plaisir simple à la lecture d'une bonne histoire avec une écriture soignée (et une bonne traduction), et ensuite, des passages qui remontent, des mots et des images qui reviennent et font mouche ; le roman est beaucoup plus puissant qu'il ne le paraît à la première lecture. Je pense qu'il fait partie de ceux qui peuvent être lus et relus, tout en gardant leur pureté originelle, un roman d'aventure puissant avec un regard sur la condition humaine tout entière.
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Le jaguar semblait rassasié. Il restait encore trois poissons dans le fond de la barque, de petite taille. Se pourrait-il que… ?
Très doucement, il approcha sa main.
Le jaguar le fixait, impassible.
Les doigts de Max progressèrent de quelques millimètres, stoppèrent ; s'avancèrent encore de quelques millimètres, stoppèrent de nouveau. Maintenant, ils touchaient au but.
Soudain, le jaguar posa sa patte sur les poissons. Effrayé, Max tomba en arrière. Il se redressa, fixa de nouveau le jaguar, vexé, les yeux dilatés. "Excuse-moi, ce n'est pas ce que tu croyais."
Mais peut-être le fauve était-il matois, affectant une certaine indifférence pour mieux porter le coup fatal, le moment venu.
Max se calma un peu. La mort ne lui paraissait plus imminente ; il avait un répit pour réfléchir
« Pourquoi avait-il fallu qu’il fréquente une femme mariée ? Pourquoi s’être lié d’amitié avec un gauchiste ? » (p. 28)
Depuis le jardin botanique de Rio de Janeiro, Olivier BARROT présente le livre de Moacyr Scliar "Le carnaval des animaux" paru aux éditions du Serpent à plumes.