Paul Steiner, notre narrateur, est un homme brisé par la dissolution de son couple, par l'absence de ses deux enfants, de sa femme dont il est encore profondément amoureux. Cerise sur le gâteau, c'est la panne sèche question écriture, l'inspiration ne vient pas. Enfin, il se voit obligé de rentrer momentanément au domicile parental, qu'il a fui dès qu'il a pu. Mais les retrouvailles avec ses parents sont difficiles, à l'image de la relation qu'ils ont toujours entretenue, froide et distante: un père, renfermé, peu intéressé par ses enfants ( Paul a un grand frère François) dont l'unique intérêt semble être le cyclisme et une mère qui ne vit que pour prendre soin des enfants mais qui semble tout aussi inaccessible que son époux. le couple a toujours durement travaillé pour donner à leurs enfants une vie agréable au sein d'un pavillon de banlieue, des cours de musiques à l'aîné, des cours de tennis au cadet. Bref, une vie normale dans une ville simple où cohabite une population assez mixte. Sauf que, Paul ne garde aucun souvenir précédant sa dixième année, où il se revoit sur le bord d'une
falaise, sur le point de se jeter dans le vide avant que son frère ne l'appelle et ne lui sauve involontairement la vie.
Paul, à cette image de l'auteur qui se pose à l'exact opposé de la vie que mènent la plupart des gens, semble être hors du temps, encore perdu quelque part sur ce bout de falaise d'où il s'est vu tombé une trentaine d'années plus tôt: c'est d'ailleurs la raison de l'échec de son mariage avec Sarah, qui du couple était celle qui endossait toutes les responsabilités, et qui a atteint un jour le point de non-retour, ne supportant plus les absences et le passéisme de son époux. Cette mise hors du temps, aux lisières de la vie, il ne se l'explique pas et représente la cause de sa dépression. Il est donc question, dans ce récit, d'abord de l'absence du narrateur, d'une façon d'abord spirituelle mais pas seulement.
Olivier Adam finit, comme dans les deux romans cités plus haut, par dévoiler la raison plus concrète et objective à ce déracinement. D'un Paul désespéré, conscient de ses faiblesses, qui semble reprendre le contrôle sur lui-même, on assiste à un Paul qui semble, très lentement, comprendre et assimiler les réalités de ce mal-être insoluble, qui le poursuit sans relâche, en prenant bien soin, auparavant, de bien tomber, accompagné, dans des abîmes de souffrance et d'autodestruction. Car le renoncement à la vie n'est jamais bien loin, on ressent fortement que la ligne rouge peut être franchie à n'importe quel moment, d'autant que les relations avec sa femme et ses enfants ne font qu'aller de mal en pis.
Dans un éclairage auto-fictif,
Olivier Adam nous entraîne dans les méandres d'un homme détruit sans qu'il ne sache lui-même pourquoi. Son écriture est d'une sensibilité que j'ai rarement rencontré chez un écrivain, elle trouve écho à des sentiments qui gisent profondément dans chacun d'entre nous, qu'il met à contribution à travers la lecture de ses écrits, une mélancolie, une tristesse qui sont subitement réveillées.
Olivier Adam semble s'ancrer si profondément dans son personnage, il est également doté d'une estime rare pour son contemporain, son oeil est d'une bienveillance exceptionnelle, presque naïve quelquefois, qui rendent ces auteurs attachants. Il excelle dans le portrait de chacun de ses personnages, qui apparaît tellement important et signifiant sous sa plume négligeant toute considération sociale. Son personnage est doté d'une sensibilité si aiguë et d'un sens de l'observation hors du commun. Même dans l'agacement, Paul ne parvient pas vraiment à être totalement agacé et a rejeté l'autre. Mais, et heureusement,
Olivier Adam ponctue son récit de quelques pointes de moquerie, je relèverais à cet effet les différentes allusions à ses collègues écrivains « Guillaume Levy et Marc Musso », chanteurs « Calimero » (ou notre célèbre Calogéro, ne me demandez pas pourquoi, je suis restée bloquée sur celui-ci) d'où ressort une certaine forme de dérision et de légèreté délectables.
Voila, un roman qu'il ne faut pas rater, une plume à côté de laquelle il ne faut pas passer. Peut-être que certains y verront trop de sensiblerie, en ce qui me concerne, j'y observe une sensibilité, une simplicité, qui sait me toucher à chaque fois. Pas d'effet de manche, pas de héros à la vie extraordinaire qui traverse dix pays et parle quinze langues différentes, seule une justesse inouïe et douloureuse, dans l'approche des drames de la vie et des fêlures de l'individu, abandonné aux prises de sa solitude.
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