Souvent uniquement connue pour son succès Les Quatre filles du Dr March,
Louisa May Alcott a pourtant publié bien d'autres textes. Aimant sa prose, j'ai entrepris de découvrir ceux disponibles en français, à commencer par
Derrière le masque et désormais
Secrets de famille, deux courts textes où sa plume piquante fait des merveilles.
Dans
Derrière le masque, l'autrice était une synthèse de
Wilkie Collins (pour la satire),
Mary Elisabeth Braddon (pour le drame) et Dickens (pour le côté sociétal) et mettait en scène la revanche amoureuse et sociale d'une femme. J'ai retrouvé sensiblement les mêmes ingrédients ici, cette fois dans le tour d'une famille cherchant à piéger et révéler les méfaits de l'un d'eux. Très savoureux à nouveau !
Il est d'abord intéressant de noter que le titre original n'est pas
Secrets de famille mais A Nurse's story et quand on sait que l'autrice a été elle-même infirmière lors de la Guerre de Sécession, cela revêt une toute autre couleur. Pour autant, le texte n'est pas celui d'une aventure tournant essentiellement autour de la maladie et la proposition française n'est pas mal trouvé pour illustrer ce qu'il y a en jeu.
Nous suivons en effet la jeune Kate Snow, embauchée par la famille Carruth pour veiller sur l'une de ses membres qui souffrirait d'une maladie mentale. Or en apprenant à connaître cette famille, Kate va découvrir qu'elle cache également des secrets, dont un certain plan ourdi par l'un des frères : Steele, qui lui tourne autour. Avec une plume des plus savoureuses et piquantes, l'autrice va alors nous conter comment le pot-aux-roses va être découvert et comment l'auteur du méfait va se retrouver piéger. Et cela ne s'arrête pas là, car une petite intrigue romantique vient en plus s'y greffer qui va surprendre et se jouer des personnages, faisant tourner la tête à Steele mais aussi à Kate qui ne va plus savoir sur quel pied danser : faut-il suivre sa morale ou son coeur ?
J'ai aimé cette double intrigue pleine de bondissement. Je suis un peu plus restée sur ma faim concernant les premières intentions de l'autrice : conter le journal d'un infirmière auprès de sa malade et sa famille. C'est poignant et émouvant de découvrir cette femme souffrant de troubles mentaux. Cependant on s'interroge sur les sources de cela et après quelques pistes, peut-être des violences vécues, l'autrice semble bien vite botter en touche et esquiver tout ce qui pourrait faire polémique. A l'époque où on commence à s'intéresser aux maladies mentales des femmes qui résultent bien souvent de viols et autres violences, j'aurais aimé que l'autrice s'attaque à ce tabou, plutôt que d'utiliser la carte de la « maladie héréditaire »…
De la même façon, j'ai trouvé à plusieurs reprises que la narration n'était pas à la hauteur de la proposition. J'ai eu l'impression de me retrouver dans une pièce mal montée où les raccords ne se faisaient pas. Il y a d'ailleurs ce ton théâtral qui me plaît bien et me donne le sentiment d'une autrice passant dans la pièce de théâtre au roman/nouvelle. Mais parfois les scènes manquent de liant, on passe du coq à l'âne avec le sentiment de scènes coupées manquantes, ce qui est fort dommage parce que la mise en scène de l'ensemble est savoureuse. C'est vraiment sympathique d'apprendre à connaître cette famille, son fonctionnement, ses secrets, ce qui s'y trame à travers le regard extérieur de cette infirmière qui va peu à peu y trouver sa place comme si elle en faisait partie, Kate étant un personnage attachant, qu'on aime suivre.
Petite nouvelle qui continue de permettre de découvrir la plume de
Louisa May Alcott hors roman et oeuvre pour la jeunesse, on y savoure sa plume malicieuse et piquante où elle aime déjouer les plans gentiment maléfique de figure diabolique qui au final ne le sont pas tant que ça. Ça manque de développement sur bien des points, mais c'est aussi touchant et attachant sur d'autres avec de beaux développements sur la famille et la fonctionne d'infirmière, métier bien connu de l'autrice. Je reste donc curieuse de la découvrir sur d'autres textes, mais ceux-ci ne sont pas des plus faciles à trouver, des rééditions seraient les bienvenues !
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