Rien de plus déroutant qu'un livre convoité pendant des jours, des semaines, fantasmé à n'en plus pouvoir à force de scruter sa couverture, dont on a attendu avec les pages avec délices et qui nous échappe péniblement. Cette désagréable impression d'avoir été flouée, cette sensation de ne pas lire ce à quoi on nous a préparé...
Pour sa défense,
Flowerbone (l'objet) est sublime. Une couverture à tomber (la photo de Joan Bennet dans Rue rouge de
Fritz Lang), un titre sibyllin qui aimante, et un résumé offrant la promesse d'un récit d'anticipation où les cyborgs redécouvrent la sensualité et l'instinct à travers l'une d'elle. Donc Yvonne, programmée à retraverser le siècle sous la forme d'une femme brune et séduisante pour comprendre les méandres de la nature humaine et savoir où elle échoue et se perd. Pas de l'anticipation à gadgets, plutôt un onirisme éthéré, tant dans la façon de raconter que d'écrire.
Ce que
Robert Alexis fait avec beaucoup de grâce. L'écriture est élégante, recherchée, alanguie à force d'images ondoyantes. le récit débute au moment où Yvonne se réveille sous sa nouvelle identité, se touche et découvre sa peau, ses sensations, les fonctions vitales de son corps mi-humain mi-robot ; avant d'être réexpédiée dans le New York des années 20 et lui faire parcourir tout le siècle sous les traits d'une femme qui a l'allure des actrices hautaines et mystérieuses des films hollywoodiens des années 40. C'est très beau. Ce qui fait d'autant plus regretter un élément crucial et absent ici : la capacité à conter.
Flowerbone est très séduisant, pourtant l'histoire ne prend jamais, on la suit comme si on était séparé par une vitre qui la rend hermétique, froide, et même ennuyeuse. D'ailleurs il se passe quelque chose d'étrange avec
Flowerbone. On ouvre les pages au hasard, on relit un paragraphe, on admire sans ambages l'écriture de
Robert Alexis. Quand on lit le roman dans la continuité… La magie n'opère pas. Bizarrement, repenser à l'ambiance de
Flowerbone est très agréable, d'autant que la cyborg passe par plusieurs entités féminines: espionne, star de cinéma, prostituée… et à chaque fois étudie ses propres réactions ainsi que celles de ceux qui l'entourent. L'ambiance, c'est ce qui reste de ce court roman dont l'histoire n'est pas incompréhensible, elle se situe plutôt au niveau du non-identifiable. La seule chose intéressante, dans
Flowerbone, c'est l'envie de découvrir les livres précédents de l'auteur, et voir s'ils arrivent à réunir l'ambiance et la capacité à conter, en plus d'écriture d'une beauté formelle aussi évidente.