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Ortuno Michelle (Traducteur)
EAN : 9782376650959
416 pages
Contre Allée (06/10/2023)
4.55/5   11 notes
Résumé :
À travers les 11 nouvelles de ce recueil, Luisa Carnés dresse le portrait de personnages en prise avec le régime franquiste : des combattant.es, des femmes emprisonnées, prisonnières politiques, des personnages en révolte, lancés dans le combat pour leurs libertés, leur dignité, poussés par le désir de voir renaître une Espagne nouvelle et juste.

On ne peut qu’être profondément touché·es par Marta, qui entend les pleurs de son enfant à travers les mur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Luisa Carnes raconte ce moment de l'histoire de l'Espagne où le pays bascule vers l'inconnu et l'indicible, où la victoire de Franco emporte tout ce en quoi la République avait cru et tout ce pourquoi ses partisans s'étaient battus. L'Espoir n'est plus et l'ennemi s'impose, les obligeant à fuir, à quitter un pays dans lequel ils ne se reconnaissent plus.
En fuyant ils choisissent de tout abandonner, non seulement les choses matérielles, mais aussi les morts, les blessés, ceux avec lesquels ils avaient combattu et avec lesquels ils avaient partagé un rêve de liberté.
Reste l'exil en France, ce "pays ami" qui va parquer les arrivants dans des camps appelés pudiquement "camps de transit"
Sur le chemin, chacun rumine son malheur hésitant à le partager par crainte de réveiller le malheur enfoui des compagnons de route.
C'est le thème de la femme à la valise, la nouvelle qui donne son titre au recueil, une femme muette qui cache à ses compagnes le contenu de sa valise et suscite ainsi leur méfiance. Luisa Carnès nous montre comment le vainqueur poursuit les vaincus jusque dans leur intimité en instillant chez eux la méfiance des autres, préfiguration de la société de délation qu'il va imposer au pays.
Seule la nature reste rebelle. Insensible aux injonctions des franquistes, elle s'insurge contre l'envahisseur en faisant fleurir le souvenir de ces six soldats qui ont péri pour défendre une ville assiégée (Le Laurier)
Le doute s'installe pour ceux qui restent. Et si nous devenions comme eux ? Avec la même cruauté, la même indifférence pour l'être humain réduit à son rôle de délateur ou de conspirateur (La partie de Dominos).
"La menace pesant sur le quartier était sur le point de disparaître. C'était ce qu'ils pensaient mais aucun ne le ressentait au fond de lui. Ils continuaient à être obsédés par le délateur, soumis à sa terrible immobilité. (...) Son sacrifice servirait-il à quelque chose ?"
Oublier et vivre dans cette société où la punition des rebelles est un dogme que le pouvoir impose. Punir et empêcher de vivre (De retour) Stigmatiser ceux qui ont péché en les montrant du doigt, en faisant tout pour que ceux qu'ils ont connus autrefois, en les voyant maintenant leur tournent le dos, meurtris au fonds d'eux mêmes d'avoir à le faire, "Elle m'avait reconnue et elle se défendait face à moi, sans le vouloir, d'un danger qui la menaçait."
"Je suis libre ! L'idée qui m'avait obsédée pendant les dernières semaines est venue m'assaillir, seule idée que j'aurais aimé oublier : "Où pourrais-je aller ?"
La prisonnière en vient à penser "La prison avait été une protection face au monde terrible né de la trahison."
Les lieux n'ont plus la même saveur maintenant et c'est en vain qu'elle recherche des souvenirs à jamais disparus.
Les 11 nouvelles du recueil mettent en scène des femmes, seules, veuves, et des orphelins, livrés au malheur essayant de survivre dans la résistance, (La Fripouille) ou le renoncement (La femme et le chien).
"Et on avait la sensation qu'elle faisait référence à sa longue et infinie vie sans but ; sa vie grise de grain de poussière au milieu d'un renouveau de passions et d'héroïsme."
Dans prison pour mères, les femmes privées de leurs enfants avec la plus grande des cruautés, imposant des visites où peu à peu l'enfant nie les valeurs que sa mère a défendues et défend celles que sa nouvelle famille lui inculque.
"On lui a dit que sa mère est une criminelle qui ira en enfer et que lui doit me sauver avec ses prières. Et je crois qu'il porte un regard horrifié sur moi."
Luisa Carnès fait également écho aux mouvements sociaux de l'après guerre en Espagne, comme la grève des tramways à Barcelone en 1951 (Aixo va bé).
Un recueil de nouvelles qui éclaire la situation de l'Espagne après la guerre et donne de la dictature franquiste une image plus réaliste, loin de la légende du Caudillo unificateur de la nation.
Certaines nouvelles résonnent avec le roman d'Almudena Grandes, Les patients du docteur Garcia, sur la résistance clandestine au franquisme dans l'immédiat après-guerre.
Une auteure à découvrir.
Merci à Babelio et aux éditions de la Contre Allée pour cet envoi Masse Critique.


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Luisa Carnés donne des nouvelles, côté républicain, de la guerre civile espagnole et de la dictature qui a suivi. Ces nouvelles qu'on ne lisait pas dans les journaux, celles que ne connaissaient que ceux qui les avaient vécues, celles qui se rapportaient à voix basse, de témoin à partisan républicain. Nouvelles de vies bouleversées, torturées, amputées.

« La femme à la valise » qui donne son titre au livre, la femme à la valise avec son « regard terne et sans expression », ses « yeux de verre », ses « pupilles fixes derrière lesquelles se devinait un horrible vide », ses « yeux immobiles (...) dont les deux énormes orbites n'abritaient plus aucun signe de vie », ses « yeux de verre opaque, des braises devenus cendres » est l'une des nouvelles de ce recueil, peut-être la plus emblématique ; mais toutes sont d'une force éprouvante, et recèlent pourtant, pour la plupart, un zeste d'humanité, de fraternité, d'idéalisme obstiné, qui fait rendre grâce à l'auteur : elle donne malgré tout à espérer.

L'écriture est à la hauteur de ces tragédies individuelles. Pleine, fluide, imagée, et réitérant, répétant les sensations que la mémoire des drames subis n'en finit pas de susciter. Que ce soit l'angoisse de l'action de résistance, la dévastation de la mort d'un enfant, l'oppression de la prison ou la peur de l'arrestation, Luisa Carnés fait éprouver ces sentiments par son lecteur, totalement, de façon presqu'insoutenable par instants.

Une écriture de forces et de nuances, dans une traduction parfaite puisqu'elle se fait complètement oublier.

Mon dernier coup de coeur de l'année, sans doute. Immense !
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Après la romancière, avec Tea Rooms, qui m'a déjà vraiment séduite, je découvre la nouvelliste avec ce recueil, La femme à la valise. Onze nouvelles écrites ou publiées entre les années 1940 et 1960 avec toutes, en ligne de fond, le franquisme, de la guerre civile aux manifestations, de plus en plus nombreuses, qui dénoncent et tentent de combattre, tant bien que mal, le régime.

Ce que je retiens de ces nouvelles, c'est d'abord, comme dans Tea Rooms, la place laissée aux femmes, puisqu'elles sont, dans la majorité d'entre elles, les protagonistes, montrant qu'elles ont bien, elles aussi, été partie prenante du franquisme, tant comme résistantes que comme victimes. La parole leur est ainsi principalement confiée pour décrire les exils, les emprisonnements, les aliénations de toutes sortes, les combats, qui les touchent, elles aussi, par l'intermédiaire de la nouvelliste qui parvient, brillamment, en racontant l'histoire de certaines et de certains, à raconter l'Histoire de toutes et de tous - ce qui n'est pas chose aisée avec le genre de la nouvelle, de fait particulièrement maîtrisé ici -.

En quelques pages, parfois en une dizaine, l'on entre de plein fouet, sans fioritures, ni pathos, dans la tragédie espagnole, longuement tue, dans tous les cas minimisée pendant la guerre civile, voire ignorée par certaines parties du monde pendant l'âge d'or du régime franquiste, pour mieux en ressortir, au dénouement, à travers une chute toujours brutale, mais pas toujours dénuée d'espérance.

Je remercie les éditions de la Contre-Allée et Babelio de m'avoir permis de découvrir une nouvelle facette, tout aussi marquante, de l'écriture de Luisa Carnés, qui mérite en effet que l'on redécouvre son oeuvre, et pas qu'en Espagne.
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Avec ce recueil de 11 nouvelles, je fais la connaissance de Luisa Carnés qui a été elle-même membre du PC espagnol et militante. Elle a été obligée de fuir l'Espagne pour la Colombie en 1939.

Ces nouvelles ont été écrites entre 1940 et 1960. Elles se déroulent pendant et après la guerre d'Espagne et mettent en scène essentiellement des femmes. Elles ont toutes traversé des épreuves dures, l'arrestation, la torture, la prison, la fuite. L'espoir n'est plus de mise, elles ont perdu des maris, des pères, des fils et doivent survivre dans une société muselée par les franquistes.

C'est une lecture forte, sans pathos, tout est dit avec une sobriété qui met d'autant plus en relief l'atrocité de certaines histoires comme la nouvelle qui donne son titre au recueil. Un groupe de femmes qui fuit vers la France, à pied. Une de ces femmes porte une valise qu'elle ne veut en aucun cas lâcher, éveillant la curiosité des autres. Elle ne dit pas un mot. L'ouverture de la valise au bout du périple tétanisera le groupe de femmes, devant une réalité insoutenable.

Dans "la partie de dominos" c'est de vengeance dont il est question, mise minutieusement au point et visant un traître, montrant la difficile cohabitation des franquistes victorieux et des républicains vaincus et réduits au silence.

Plusieurs nouvelles évoquent la grande misère des enfants séparés des parents ou en prison avec des mères condamnées. Certains leurs sont enlevés et confiés à des institutions fascistes.

Une des nouvelles les plus poignantes concerne une femme qui a accouché en prison et voit son enfant dépérir de jour en jour dans cet univers délétère. Elle prendra une décision terrible pour lui donner une chance de sortir de cet endroit.

Les situations évoquées sont multiples et montrent également des femmes réduites à la prostitution puisqu'à leur sortie de prison elles ne pouvaient trouver de travail nulle part et devaient se méfier de tout le monde.

Une des rares nouvelles porteuse d'espoir "Aixo va bé" rappelle une journée de manifestation quinze ans après les évènements qui remet en présence Paco et Paloma. Paco continue la lutte dans la clandestinité, permettant à Paloma de retrouver la chaleur d'un groupe uni dans la résistance et fier de ses convictions.

C'est un recueil de nouvelles d'une égale qualité, je n'ignorais pas ce qui s'est passé en Espagne franquiste, mais ces histoires de femmes qui n'occultent rien donnent une dimension pleinement humaine à ce qu'une partie de la population a dû subir, avec les séquelles que nous connaissons encore aujourd'hui.

Une autrice que je ne connaissais pas et dont je vais continuer la lecture puisque les éditions de la Contre Allée ont eu la bonne idée de rééditer ses textes, trop méconnus en France.
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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C'est un recueil de onze nouvelles dont les histoires se déroulent durant la guerre en Espagne dans les années 30.

Les nouvelles sont fortes, percutantes !

L'autrice arrive à transmettre beaucoup d'émotions en peu de lignes. Les personnages sont engagés pour la cause, résistants, féministes.

L'autrice a voulu raconter ces parcours de vies déchirés par cette guerre. On ressent comme une urgence à l'écriture de ces nouvelles.

C'est une agréable surprise d'avoir découvert ce recueil, mais aussi cette autrice et cette maison d'édition que je ne connaissais pas.
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
29 décembre 2023
Glaçantes, telles se révèlent les onze nouvelles de ce recueil signé Luisa Carnés (1905-1964). Elles plongent dans l’Espagne de la fin des années 30 alors que le général Franco instaure son pouvoir dictatorial après une sanglante guerre civile contre les Républicains.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
27 octobre 2023
Nourris par un sens aigu de l’observation des corps et des sentiments, ses textes sonnent comme un cri de ­colère dans la nuit franquiste.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Les trois femmes marchaient sur une piste blanche qui grimpait entre les pinèdes. Leurs coudes auraient presque pu se toucher, cependant, aucune d’entre elles ne connaissait rien de la vie des autres. Leurs chemins s’étaient rencontrés à la croisée de la déroute. Elles partaient pour serrer la main fraternelle que la France leur tendait.
Que prétendaient-elles sauver ? Elles fuyaient le fascisme. Un bombardement les avait réunies au pied d’un arbre, sur du thym sauvage. Ensuite, elles avaient fui ensemble vers la frontière.
À la tombée de la nuit, le vert ramage de la campagne devenait noir. Le vent arrachait aux Pyrénées des particules de givre qu’il déposait sur les poitrines de ces trois femmes.
— C’est tellement loin !
— Que le chemin est long !
La route semblait s’étirer constamment devant elles. Elle se montrait par-
fois compatissante, s’offrant après un détour trompeur pour ensuite dispa- raître, s’éloigner, dessinant une autre illusion devant les yeux et les cœurs fatigués des fugitives.
Devant elles et dans leur dos, d’autres groupes de réfugiés offraient cette même image d’épuisement.
L’une des femmes portait une valise ; une autre un sac sur son dos ; la troisième traînait un panier en osier, que le temps avait noirci.
Dans la nuit noire, des langues de feu montaient de la terre sombre et, autour d’elles, on pouvait voir des visages affligés, des regards pleins d’inquiétude.
Les trois femmes continuaient leur chemin, le cœur serré par l’angoisse.
À mesure qu’elles avançaient, la route devenait plus difficile, plus pentue, et se remettait à leur jouer des tours.
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Comprenez-vous à présent pourquoi je dois continuer, chaque jour, à monter et descendre des escaliers, à frapper aux portes avec ma feuille blanche, avec mon arme simple et formidable ? Je cherche à toucher ton cœur, et le tien aussi. Parce que je cherche à bâtir un rempart de cœurs qui fasse le tour du monde ; un rempart derrière lequel on puisse enrayer les agissements des mains criminelles qui me menacent tous les jours, à chaque heure, qui nous menacent tous. Je dois en finir avec ce monde cauchemardesque peuplé d’êtres monstrueux capables de voler des enfants à leurs parents, et où des mères acceptent avec joie la mort de leurs enfants. Je dois honorer le mandat que j’ai reçu de la mort, que j’ai reçu de tous ceux qui sont morts au nom de la liberté de l’Espagne.
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Je sais que beaucoup d’entre vous ne me comprennent pas ou ne veulent pas me comprendre. J’arpente les rues, j’emprunte sans arrêt des autobus, je frappe aux portes, j’entre dans des maisons inconnues, j’en ressors. Je tiens dans un sac l’arme la plus simple et puissante qui existe : une feuille blanche. Une feuille que je tends à mes frères inconnus, aux passants, à la femme qui, dans son foyer, sèche les larmes amères de l’exil et à celle qui étend sur la table la nappe blanche d’un bon repas, au jeune qui, chaque soir, aperçoit une nouvelle étoile dans son ciel pâle. Je présente ma feuille blanche à tout le monde.
Mais je ne demande pas une obole pour dire une prière à la mémoire d’un défunt, ni l’aumône de qui que ce soit. Ce que je veux, c’est le don généreux de la conscience de tous les Espagnols. Je frappe aux portes fermées avec ma feuille à la main jusqu’à ce que je rencontre des cœurs ouverts, des cœurs qui ne se résignent pas à cesser de battre avant d’avoir fait flamber leur plus merveilleux rouge carmin. Lorsque les cœurs sont fermés, je leur donne des petits coups avec ma feuille, tendrement mais fermement, et je leur dis : «Je ne veux que votre nom sur cette feuille, l’expression de votre désir de vivre, de ne plus fermer les yeux, d’arracher le terrible bandeau qui pèse sur eux...»
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Celle dont le père était cheminot frissonna devant ce silence, et dit à sa compagne :
— Il vaut mieux continuer, avant qu’il fasse nuit noire.
— Oui, allons-y ! dit l’autre.
Elles avaient chargé de nouveau sac et panier, et repris leur marche.
La femme à la valise les avait suivies.
Des charrettes roulaient sur la route, poussées par des êtres rongés par
l’angoisse. Des mots lâchés dans le souffle agité de ceux qui prenaient la fuite arrivaient jusqu’aux oreilles des trois femmes.
Après le bref moment de repos, elles sentaient moins le poids de leur corps ; leurs pieds étaient plus légers et les pierres du chemin semblaient moins cruelles.
Mais très vite la pente s’accentua ; le sac et le panier s’étaient mis à peser davantage sur le dos des deux femmes, jusqu’à les faire saigner.
Les bourrasques de neige les fouettaient, comme des pantins se traînant avec anxiété le long du chemin qui menait à la frontière française.
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La place de Catalunya n’était plus qu’une marée humaine que rien ne pouvait contenir. Il se disait que les autorités hésitaient à faire sortir l’armée dans les rues et que des renforts policiers arrivaient de Madrid. Et tous ces évènements insolites mettaient de la joie dans la plupart des regards ou faisaient pâlir certains visages.

(Aixo va be)
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