C'est par la chanson que je suis (re)venu à la poésie, (après le premier contact au collège et au lycée, comme tout le monde), c'est par
Jean Ferrat et
Léo Ferré que je suis venu à
Aragon. J'imagine que je ne suis pas le seul. La chanson est un magnifique pont entre deux mondes, celui de la musique et celui de la littérature, et un merveilleux outil pour entrer dans celui de la poésie.
En plus,
Aragon, comme quelques autres (
Verlaine ou Hugo, par exemple), a cette particularité d'avoir d'emblée une poésie « musicale » : par le rythme choisi, par la cadence des vers, par le choix des mots et des sonorités,
les poètes impriment déjà comme un mouvement au poème qui ne peut qu'inspirer les compositeurs.
Quand en plus, ces compositeurs s'appellent Ferrat ou Ferré, c'est tout bonus !
Je débarquais à Paris en 1974 – c'était hier – et un copain communiste (un camarade, quoi) me fit connaître Ferrat. Je connaissais un peu pour l'avoir entendu à la radio, je savais par coeur quelques tubes comme « Potemkine » ou « La Montagne », mais j'appris ainsi à mieux cerner le chanteur, musicien et poète, et puis ce coup de foudre le disque « Ferrat chante
Aragon ». A très peu de temps de là, j'eus une expérience similaire avec
Léo Ferré et son disque « Les chansons d'
Aragon ». Ferrat, comme Ferré, dans deux styles différents, mais avec la même ferveur, la même passion, le même respect dans l'adaptation, me firent, avec ces deux disques, un des plus magnifiques cadeaux qui soient…
En y réfléchissant bien, il n'est pas très étonnant que ces deux pointures de la chanson se soient penchées sue le cas
Aragon : ils étaient poètes eux-mêmes (notez que Brassens, quelques années avant, leur avait montré la voie en adaptant « Il n'y a pas d'
amour heureux »
Louis Aragon (1897-1982) est l'auteur d'une oeuvre immense (poésie, romans essais, articles divers) qui fait de lui un des écrivains-phare du XXème siècle. Son
oeuvre poétique en particulier est d'une richesse et d'une qualité qui le placent dans le peloton de tête des plus grands poètes français, toutes époques confondues. Deux thèmes majeurs parcourent ces cinquante ou soixante années d'écriture : l'engagement (politique et patriotique) et l'
amour exclusif et total pour sa femme
Elsa. Un troisième thème recouvre les deux premiers et l'ensemble de sa production : l'
amour de la poésie.
Le recueil «
Les Poètes » est à la fois hommage à cet art, et à ses confrères en poésie, contemporains ou pas, dans les pas desquels il met ses pas. le « Prologue » compose une grande fresque qui fait défiler nombre de poètes de toutes époques et de tous pays. « La complainte de Robert le Diable » évoque de façon magistrale
Robert Desnos, « La halte Collioure » ressuscite
Antonio Machado, « Celui qui s'en fut à douleur » est un hommage à
Francis Carco, « Feux de Paris » à
Charles Baudelaire, et « Ainsi Prague » à
Vitezslav Nezval, poète tchèque peu connu chez nous. Et tout au long des autres
poèmes passent les ombres de
Verlaine, de Rimbaud, d'
Apollinaire…
Un recueil à savourer lentement, en se laissant pénétrer par la musique des vers…
Et continuez le plaisir en écoutant ces mêmes vers transcendés par une musique composée par d'autres poètes :
Léo Ferré : Les chansons d'
Aragon, Ferrat chante
Aragon (2 volumes). Isabelle Aubret chante
Aragon (où elle reprend beaucoup de titres de Ferrat et Ferré), Hélène Martin chante
Aragon, et pour faire bonne mesure, une excellente anthologie : «
Aragon, de l'innocence du poème à la chanson » dans la collection Les voix de la poésie : les
poèmes d'
Aragon chantés par Catherine Sauvage,
Francesca Solleville, Monique Morelli, Marc Ogeret,
Jacques Douai, Colette Magny et même des textes récités par
Aragon lui-même.