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Jerome Kohn (Éditeur scientifique)Jean-Luc Fidel (Traducteur)
EAN : 9782228904063
362 pages
Payot et Rivages (04/03/2009)
4.25/5   22 notes
Résumé :

Vous êtes " normal ", une personne ordinaire. Ni un criminel, ni un idéologue, ni un monstre pathologique. Un jour, toutes les normes auxquelles vous étiez habitué s'effondrent. Dès lors, vous courez le risque d'être complice des pires choses.

Comment l'éviter ? Comment distinguer le bien du mal ? Comment dire " non " ? En essayant d'évaluer la situation. Pour cela, explique Hannah Arendt, il faut penser - et penser par soi-même. Cet acte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
“Réflexions sur Little Rock” est une prise de position problématique de Hanna Arendt sur la ségrégation raciale à l'école, faisant suite aux événements survenus à Little Rock aux États-Unis en 1957.
A l'heure où Arendt est fréquemment étudiée dans les établissements scolaires en France (notamment), il me semble important de partager ce texte et de comprendre les fondements de la pensée de Arendt qui l'obligent à avoir cette position
On a la chance d'accéder à ce texte en ligne, en suivant l'adresse plus bas. Quant à l'évènement lui-même, il est assez détaillé dans Wikipedia. “Neuf de Little Rock”

Le 2 septembre 1957, la Little Rock Central High School refuse d'accepter en son sein neuf étudiants afro-américains. Ces enfants avaient été inscrits en vertu de l'ordonnance de la cour fédérale interdisant la ségrégation raciale à l'école.

Hanna Arendt répond en se mettant successivement à la place d'une mère noire puis d'une mère blanche du Sud. Et plus loin on peut lire le genre de rapprochement qu'elle fait avec la question juive.

“Le point de départ de mes réflexions, ce fut une image parue dans les journaux, qui montrait une Noire rentrant d'une école nouvellement intégrée ; elle était persécutée par une troupe d'enfants blancs…”
“Si j'étais une mère noire du Sud, je sentirai que la Cour Suprême, sans le vouloir mais inévitablement, a placé mon enfant dans une position plus humiliante que celle dans laquelle elle se trouvait auparavant”
“Que ferais-je si j'étais une mère blanche du Sud ?…Je conviendrais que le gouvernement est impliqué dans l'instruction de mon enfant dans la mesure où il est censé devenir un citoyen, mais je dénierais au gouvernement tout droit de me dire en compagnie de qui mon enfant reçoit cette instruction.”

Si Hanna Arendt se voyait refuser l'inscription de son enfant à l'école publique de son choix, au motif qu'elle est juive, que dirait-elle ?

Arendt ne répond pas à cette question, ou plutôt la déplace en choisissant un lieu différent, qui ne fait que renforcer la confusion.

“Si, en tant que juive, je veux passer mes vacances seulement en compagnie de juifs, je ne vois pas comment qui que ce soit peut raisonnablement m'empêcher de le faire ; de même, je ne vois pas pour quelle raison d'autres lieux ne devraient pas s'occuper d'une clientèle qui ne souhaite pas voir de juifs pendant ses vacances”.

En revenant à la situation subie par l'enfant, Arendt a-t-elle à l'esprit ce qu'elle a subi en tant qu'enfant juive ?
Extrait d'une conversation télévisuelle le 28 octobre 1964 :
“Je viens d'une vieille famille de Königsberg et pourtant le mot "juif" n'a jamais été prononcé quand j'étais enfant. Je l'ai rencontré pour la première fois par le biais de remarques antisémites (inutile de les répéter) des enfants dans la rue. Après cela, je pense que j'ai été "éclairée" si l'on peut dire.
- Ce fut un choc pour vous ?
- Non.
- Est-ce que vous vous êtes dit : "Désormais je suis une personne à part" ?
- C'est une autre question. Ce ne fut pas du tout un choc pour moi. Je me suis dit : "C'est comme ça."»

Faut-il d'ailleurs assimiler la question de la ségrégation raciale à la question juive ? C'est une autre question.

En tous les cas, Arendt pouvait facilement supposer que pour cette enfant noire à Little Rock, ça n'était pas non plus un “choc”. L'heure était à la déségrégation concrète après plusieurs décennies de luttes depuis l'abolition de l'esclavage.

Arendt préfère voir l'urgence de légaliser les mariages mixtes, qui est un droit universel. Mais pourquoi opposer ce problème fondamental au problème tout aussi fondamental qui s'est manifesté à Little Rock ?

Il faudrait remonter à cette opposition fermement maintenue par Arendt entre un monde et la politique d'un côté et la vie de l'autre ; entre la liberté du côté de la politique, et la nécessité du côté de la vie.

On peut objecter que le droit universel reste abstrait si les conditions universelles d'accès à l'universel n'existent pas réellement, c'est-à-dire si la ségrégation demeure la réalité quotidienne.
Mais Arendt estime qu'au bout de cette logique le gouvernement serait autorisé à légiférer sur tous les aspects de la vie quotidienne ; ce que personne ne veut.

Autrement dit, l'auteure oppose la liberté politique à la nécessité de la discrimination positive. Mais cette opposition entre liberté et nécessité devient une abstraction stérile s'il n'y a pas un jugement de la situation particulière.

Nous sommes ainsi ramenés au début du texte : “Si j'étais une mère noire...si j'étais une mère blanche du Sud”. Mais de quel droit peut-on parler à la place de l'autre ? Si on parle des "vérités de fait", où sont-elles ? Prétend-elle être « libérée des idiosyncrasies » ? Rien n'est moins sûr, tant elle lit l'évènement au sein de l'opposition qu'elle maintient obstinément entre le monde et la vie.

Il y a une circularité hallucinante dans les textes de Arendt. Mais sur le chemin, fonçant tête baissée dans l'obscurité des affaires humaines, elle sème des problèmes dont on doit débattre. Ce commentaire n'a donc pour but que de commencer une réflexion.

Lien vers le texte, pages 151 à 163
https://jugurtha.noblogs.org/files/2018/05/Responsabilite-et-jugement-Hannah-Arendt.pdf
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Essai un peu difficile, ce n'est à lire sur la plage mais ça vaut le coup de s'accrocher. Ecrit après le procès d'Eichmann auquel Hannah Arendt avait assisté. Sa théorie de la "banalité du mal" a été beaucoup critiquée mais elle n'est pas aussi pessimiste et surtout aussi fataliste qu'on a bien voulu le dire. Ce n'est pas que le mal est en nous tous, c'est qu'il PEUT l'être. Cela ne dépend pas de la culture (le nazisme est né dans un grand pays de culture) mais du jugement et il est donné à tout le monde. Voir Béranger dans Rhinocéros de Ionesco, celui qui résiste n'est pas celui qu'on attendait. C'est le défaut de pensée, de jugement critique qui a amené le nazisme selon Hannah Arendt. Il n'est pas facile de résister encore aujourd'hui à la pensée unique, à des règles de conduite prescrites par l'époque et c'est un combat intérieur permanent que de tenter de le faire en sachant que chacun peut toujours se laisser aller à des jugements hâtifs. Mais cette réflexion est passionnante parce elle nous responsabilise et qu'elle fait la force de l'humanité.
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Un ouvrage à lire, quel que soit notre domaine d'exercice professionnel, ou la source de nos questionnements sur ceci : comment me sortir de ce dilemme opposant mes valeurs à mes intérêts ?
Quelle est notre responsabilité sociale, où commence-t-elle ? Où s'arrête-t-elle ?
Une lecture intéressante qui nous permet de se mettre en accord avec nos'principes et les mettre en oeuvre.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
ce qui m’a convaincue de devenir américaine, c’était l’existence de fait d’un corps politique, en opposition complète aux États-nations européens, avec leur population homogène, leur sentiment organique de l’histoire, leurs divisions de classes plus ou moins décisives et leur souveraineté nationale fondée sur la notion de raison d’État. L’idée que, dans les moments cruciaux, la diversité doit être sacrifiée à l’« union sacrée » de la nation, jadis triomphe supérieur de la puissance assimilatrice du groupe ethnique dominant, a commencé à s’effriter sous la pression de la transformation menaçante de tous les gouvernements — y compris celui des États-Unis — en bureaucraties ; ce n’est plus l’État de droit ni le gouvernement des hommes, mais l’empire des bureaux ou des ordinateurs anonymes, dont la domination entièrement anonyme peut devenir un plus grand danger pour la liberté et pour le minimum de civisme sans lequel aucune vie commune n’est concevable que l’arbitraire le plus terrible que les tyrannies passées aient vu. Mais ces périls liés à une simple question d’échelle, associée à la technocratie, dont la domination menace toute forme de gouvernement d’extinction, de « dépérissement » — qui n’est d’abord qu’un mauvais rêve idéologique délibéré et dont les propriétés cauchemardesques ne se détectent que moyennant un examen critique —, n’étaient pas encore à l’ordre du jour de la politique quotidienne, et ce qui m’a influencé lorsque je suis arrivée aux États-Unis, c’était précisément la liberté de devenir une citoyenne sans avoir à payer le prix de l’assimilation.
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Dans la solitude, je suis "parmi moi-même", en compagnie de moi-même, et donc deux-en-un, tandis que dans la désolation, je suis en vérité un seul, abandonné de tous les autres.
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Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal.
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Ce pernicieux mot d'obéissance...
La question posée à ceux qui ont participé et obéi aux ordres ne devrait donc jamais être :"Pourquoi avez vous obéi?" mais : " Pourquoi avez-vous donné votre soutien?"
in Annah Arendt , RESPONSABILITE ET JUGEMENT, page 91
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