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sur 177 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Considéré à son lancement comme un fleuron de la navigation moderne, le paquebot Georges Philippar n'en coula pas moins après un incendie survenu au large d'Eden, alors qu'en mai 1932, il s'en retournait de sa croisière inaugurale à destination du Japon. Quarante-neuf passagers y laissèrent la vie, dont le journaliste Albert Londres. Pierre Assouline nous embarque dans ce tragique voyage, aux côtés d'un personnage fictif, Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres anciens, toutefois très discret sur le véritable motif de son déplacement.


Dès l'embarquement à Marseille, commence une série d'incidents techniques qui font gloser les passagers, chacun ayant clairement à l'esprit la série noire du Titanic, du Lusitania, du Britannic et du Fontainebleau. Mais, de même que l'Europe vogue alors au-devant d'une catastrophe dont on pressent de plus en plus sûrement les inquiétants contours en refusant d'y croire encore, la petite société enfermée dans son huis clos flottant choisit de se rasséréner en n'écoutant que les ronronnantes réassurances du personnel de bord et en se pelotonnant dans le confortable raffinement d'une première classe qu'elle voudrait croire à l'abri de toute menace.


Tuant le temps à « bastinguer » face à la mer, à s'observer les uns les autres et à débattre sans fin dans un entre-soi, certes cosmopolite, mondain et cultivé, mais si replié sur lui-même et ses privilèges qu'il n'a même aucune idée des invisibles deuxième et troisième classes, ne parlons donc pas des réalités du monde, cette élite qui se veut éclairée vit suspendue dans ce faux calme qui précède la tempête, sans savoir comment réagir. Et pendant qu'elle étouffe ses pressentiments dans le déni ou s'enflamme sporadiquement dans de stériles prises de bec, elle s'achemine inexorablement vers un double naufrage annoncé, celui d'un paquebot dont on préfère ignorer les évidentes malfaçons, et celui d'une Europe incapable de se positionner face à la montée d'un nationalisme prêt à la jeter dans la barbarie.


Récit historique, le paquebot est surtout un remarquable roman d'atmosphère, peuplé d'une galerie de portraits magnifiques, et merveilleusement rédigé dans la langue soignée d'un érudit un peu plus lucide que ses congénères parce ses lectures de la Montagne magique de Thomas Mann lui font entrevoir le gouffre qui les guette tous dans leur attente confinée. Il est aussi une puissante métaphore, questionnant nos réactions face à la montée des nationalismes, d'hier comme d'aujourd'hui.

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Alors que "l'entre deux guerres" semblait voir le monde reprendre sa vitesse de croisière, le narrateur monte à bord du « Georges Philippar », le paquebot de luxe assurant la ligne d'extrême-orient, pour son voyage inaugural en Chine et au Japon. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de ce Paquebot ? Pour ma part, j'avais oublié ce naufrage, probablement éclipsé par celui de l'Europe qui a suivi…


Le début du périple a un petit air de la croisière s'amuse, et je me demandais si j'y retrouverai la profondeur maquillée de la femme fardée, sublime, de Françoise Sagan. le Paquebot de Luxe, au moins en ses premières et deuxièmes classes, est en effet le théâtre d'une reproduction de la « bonne » société avec ses largesses, ses faux-semblants, son fast, ses rires et ses éclats ; ses silences, aussi, durant lesquels le narrateur nous livre sa passion pour les livres de collection… et son sentiment sur les nouvelles inquiétantes de la monté du nazisme en Allemagne, qu'il est impossible d'empêcher de parvenir jusqu'au écoutilles du paquebot.


Et pour cause, beaucoup de nationalités sont représentées dans cet échantillon d'humanité. Aussi lorsque les hommes se retrouvent au fumoir pour discuter politique, c'est une véritable guerre des idéologies qui enflamme le paquebot. Mais les idées ne seront pas les seules à prendre feu : les coeurs aussi s'enflammeront, de jolies idylles provoqueront des étincelles, des rencontres sensuelles les nuits en bord de piscine feront battre les coeurs, les repas dans la salle commune seront dignes d'un levé de rideau, et certains mettront le feu aux poudres, histoire de pimenter cette traversée.


Cela dit, ceux d'entre vous qui ont reconnu le nom du paquebot savent déjà que lui aussi va s'enflammer comme ses habitants, et sombrer avec l'Europe. Si vous connaissez l'histoire, vous savez aussi quelle célébrité disparaîtra en mer à cette occasion… C'est avec une plume juste et pertinente que Pierre Assouline nous plonge dans cette ambiance qui précède deux naufrages annoncés. D'agréables références littéraires agrémentent cette traversée dans laquelle l'auteur, caché derrière son narrateur, s'amuse à semer des citations que le lecteur devra repêcher comme dans la littérature japonaise traditionnelle ; beaucoup de sentiments humains traversent le lecteur via le narrateur. Un bel hommage, une parenthèse flottante, avant de reprendre le cours de nos vies actuelles et terrestres - parfois bateaux. Un intermède rafraîchissant entre deux pavés, malgré la tragédie qu'il raconte.


« La croisière, en comédie comme en tragédie, nous avait tous révélés en nous mettant à l'épreuve. »
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Vous envisagez une croisière VIP ou vous êtes simplement curieux de connaître les sujets de discussion en milieu mondain des années trente, ragots, railleries, sarcasmes, machisme, jalousie, mépris, autosuffisance...

C'est ce que nous livre le journal de bord de Jacques-Marie Bauer, collectionneur de livres ancien, en route, sur le luxueux Georges Philippar, De Marseille au Japon.
Egalement une belle brochette de citations et références enrichissant ma pal, Thomas Mann, Mme de Staël, La divine comédie, L'éducation sentimentale, Stendhal..

Moi qui apprécie l'humilité chez un auteur, je n'ai pas trouvé très glorieux le côté sarcastique du narrateur (et de l'auteur) faisant son beurre des petites mesquineries de la belle société. Par contre la plume de l'auteur cadre admirablement avec le milieu aristocratique et le travail que ce livre a nécessité est impressionnant.

Le livre m'a paru un peu long, récurrent sur la montée du Nazisme, et je me serais bien passé du voyage retour.
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Au départ de Marseille le 26 février 1932, le narrateur Jacques-Marie Bauer s'empresse, une fois à bord du paquebot Georges Philippar, de s'accouder au bastingage afin de mieux observer ceux et celles qui partageront son quotidien pendant les 43 jours de la traversée jusqu'à Yokohama. Une série de portraits croqués sur le vif par le libraire-collectionneur, dont il affinera les contours au long des journées passées à arpenter le pont, en attendant les dîners arrosés en bonne ou en moins bonne compagnie, et les groupes de discussion créés au gré des rencontres.
Ces voyages axés sur la lenteur m'ont toujours attirée et l'écriture de Pierre Assouline fait ici merveille. J'ai embarqué aux côtés du narrateur, pilote et guide sans pareil, qui m'a initiée aux us et coutumes d'une traversée au long cours, parmi des gens de divers horizons et classes sociales. « Tous les passagers n'ont pas les même motivations. Il y a ceux qui se rendent d'un point à un autre, ceux qui rentrent, ceux qui fuient. À eux tous, ils forment une constellation de circonstances. »
Un roman historique que j'ai savouré goulûment pour ses descriptions de personnages hautes en couleurs et sa fine analyse politique et sociale de l'époque.
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Bien du mal à évaluer ce livre tant mon jugement est partagé....L'histoire se traine comme un paquebot sur une mer d'huile....C'est tres descriptif , des personnages, des lieux , de l'ambiance.... Mais c'est fait avec la plume d'Assouline et cela donne du relief à tout cela! de belles saillies, de beaux traits illuminent les pages....une histoire d'amour entraperçue , une fin tragique qui met du piquant au livre;..Voila... pas un grand livre mais pas du temps de lecture perdu non plus.... et le fait que cela se déroule entre les 2 guerres donne une note salée plaisante
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Pierre Assouline est un excellent raconteur qui revisite l'histoire d'une façon très précise et vivante. Il est aussi grand biographe (Simenon, Hergé, Dassault, Gallimard). Parfois le personnage principal est un lieu, l'hôtel Lutetia au retour des camps de la mort, Sigmaringen ultime refuge de ceux qui avaient fait le mauvais choix. Ici nous embarquons sur le Georges Philippar, flambant neuf (expression tristement prémonitoire) et quittant Marseille pour le Japon. Il porte en toute modestie le nom du patron, bien vivant, des Messageries Maritimes.

Février 1932, direction Yokohama pour ce luxueux ocean liner. Nous allons faire connaissance avec le beau monde, ce qu'on appellerait maintenant la business class. Des ponts inférieurs on ne saura pas grand-chose.Jacques-Marie Brauer, libraire spécialisé en bibliophilie sera notre conteur. On ne peut s'intéresser à tous, nous resterons donc plutôt au gotha. Cette période dite maintenant de la montée des périls a si souvent été le cadre de bien des romans. Dans le huis clos plutôt élégant du Georges Philippar toutes les sensibilités s'affrontent à fleurets mouchetés. Les sujets délicats en manquent pas, le Duce par exemple, ou cet agitateur autrichien devenu patron d'un nouveau parti en Allemagne.

On s'occupe. Jeux de cartes et d'échecs. Piano, piscine, essais de théâtre. On parle de Claudel, de Flaubert, de Proust. de Freud, de Thomas Mann. Des Juifs. de grands boxeurs et de courses automobiles.Plusieurs générations, le commandant Pressagny, ancien pacha et sa petite-fille Salomé, Sokolowski musicien russe, le jeune Philippe, gamin astucieux, la belle mystérieuse Anaïs, des diplomates, hommes d'affaires, militaires, fonctionnaires coloniaux. Et le jeune aveugle Numa, surdoué des 64 cases noir et blanc, l'un des rares qui monte de la plèbe d'en bas. Et puis un personnage réel, qui n'apparait que très peu et seulement au retour car il y aura un voyage retour, enfin à moitié. Albert Londres le célèbre reporter auquel Pierre Assouline a consacré une bio il y a des années (Albert Londres. Vie et mort d'un grand reporter).

le Georges Philippar, bien sûr, c'est notre monde en ces années trente. Plus tard ça s'appellera l'Entre Deux Guerres mais on ne le sait pas encore. Quoique...Aux sombres rumeurs sur les fragilités du navire, bien curieuses pour un vaisseau de prestige et qui sort des chantiers, technologies dernier cri, luxe, calme et volupté au programmefont écho d'autres bruits quant à l'Europe. le monde d'hier s'apprête à devenir le monde d'avant-hier. le destin foudroyé du paquebot, flammes sur le golfe, n'anticipe-t-il pas sur le sort du monde?

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Qui n'a pas fantasmé sur le temps des voyages en paquebots, synonymes d'époques où le trajet faisait tout autant partie de l'expérience que la destination ? Pierre Assouline en restitue si bien l'ambiance qu'on le soupçonnerait presque de revenir du passé pour raconter. Embarquer sur le Georges Philippar à sa suite est un plaisir gourmet, il suffit de se laisser aller aux subtiles descriptions d'une plume élégante et généreuse.

Nous sommes en février 1932 et l'Europe hésite encore à penser que l'après-guerre est en train de se transformer en entre-deux-guerres. le Georges Philippar est un paquebot flambant neuf dont la croisière inaugurale embarque 358 passagers au départ de Marseille vers le Japon. Parmi eux quelques privilégiés invités par la compagnie, des industriels, des artistes de différentes nationalités. Et Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres rares, chasseur bibliophile au service d'amateurs éclairés et collectionneurs en tout genre. Un personnage délicieux, fin observateur de ses contemporains, passionné à tendance contemplative, de ceux qui vivent à moitié dans les livres qu'ils préfèrent à d'autres fréquentations. A tel point qu'il cite sans même y penser. "Ah Bauer... A force de faire des citations, vous mourrez un jour d'une rupture d'aphorisme" s'amuse joliment l'un de ses voisins de pont. Des liens se nouent, des conversations s'engagent, des regards se chargent de promesses... le temps s'étire dans une forme d'insouciance alors que les échos de la situation en Europe suscitent inquiétudes et débats enflammés lors de discussions de fumoir. Et puis les petits incidents de circuit électrique font parfois surgir les spectres de naufrages passés. Tout ceci est une sorte de représentation, chacun joue son rôle et c'est un réel plaisir pour le lecteur d'assister à la générale aux premières loges.

Tout le talent de Pierre Assouline est dans cette reconstitution impeccable et pleine de vie à l'aide de personnages merveilleusement incarnés dans une ambiance où l'insouciance est peu à peu grignotée par des nuages annonciateurs de drames, à petite et à plus grande échelle. Sous cet aspect suranné, les observations autour de la montée des nationalismes en Europe provoquent un écho glaçant avec notre époque. Et nous rappellent qu'à tout moment des mondes changent, meurent et pas toujours pour que naissent des meilleurs.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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1936. Nous sommes avec le narrateur à bord d'un navire luxueux le "Georges Philippar', qui effectue sa croisière inaugurale. La clientèle est huppée, les passagers appartiennent à la « haute société », et parmi eux, sur le pont supérieur, des snobs, des parvenus, des hommes d'affaires. Voilà un huis-clos dans le grand large dont profite le narrateur pour nous décrire ce « microcosme flottant » dont il dresse un portrait au vitriol, un monde animé par la conversation, souvent futile, et souvent aveugle devant la catastrophe qui se prépare : la guerre.
Lors du voyage de retour, le narrateur fera connaissance avec le journaliste Albert Londres dont il est fait un beau portrait. Celui-ci périra avec d'autres passagers, lors du naufrage du navire au large du cap Guardafui, naufrage symbolisant celui de la société européenne qui surviendra en 1939.
Voilà un livre au caractère très littéraire, écrit dans un beau style classique, l'auteur ayant le goût de la formule et du trait qui fait mouche. Il aime jouer avec le lecteur, en semant mine de rien dans son texte ça et là, des citations sans guillemets, à nous de les débusquer. Par exemple en page 110 un clin d'oeil à « Le dîner », le beau film d'Édouard Molinaro, et en page 145 un autre clin d'oeil au « Capital » de Karl Marx. Et il y en a d'autres.
Au lecteur de partir à la recherche de ces petites truffes littéraires...
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La croisière inaugurale du Georges Philippar se termine en mai 1932 par une catastrophe au large d'Aden, entraînant la mort de 49 personnes lors d'un incendie, brûlées vives ou asphyxiées, dont le célèbre journaliste Albert Londres, 713 parvenant à échapper au feu et être sauvées grâce à des bateaux naviguant à proximité.
Pierre Assouline, s'empare de cette tragédie historique, pour écrire comme à son habitude un roman très documenté, et nous livrer un récit d'atmosphère sur la vie à bord d'un paquebot de luxe au cours des années trente, dans un milieu clos, à l'image de deux autres de ses romans Lutétia et Sigmaringen.
Truffé de références littéraires, ce qui m'a donné l'envie de futures lectures, ce roman peut être considéré comme une allégorie à l'inexorable naufrage de l'Europe qui s'annonce. Dans un style précis et très soigné, l'auteur nous fait vivre par procuration, à l'aide de touches impressionnistes, le théâtre de la vie à bord d'un paquebot de luxe durant les années trente où se côtoient aristocrates, artistes, hommes d'affaires venus de toutes l'Europe, avec tout ce que cela représente de futilité, d'intrigues, de passions, et disputes car à bord on commente la montée en puissance du nazisme. Tout l'intérêt du roman repose sur la description de ce microcosme, car on pressent la fin tragique avec, au fil des pages, les rumeurs qui vont bon train sur les défaillances du système éclectique du paquebot.
Un bon moment de lecture même si, personnellement, j'ai trouvé quelques longueurs dans la description que fait le narrateur de la vie à bord, un certain Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé et bibliophile (un personnage qui ressemble étrangement à Pierre Assouline par ses goûts littéraires) lequel s'embarque De Marseille pour le Japon, noue des relations avec les passagers, et décrit dans les dernières pages du roman le naufrage sur le trajet du retour.
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Quel plaisir de lecture ! Il faut dire que la plume de Pierre Assouline participe grandement de ce bonheur ; elle épouse parfaitement le snobisme suranné de cette micro société 1ere classe avec laquelle le lecteur est embarqué. Les mots, qu'ils soient au service de conversations récurrentes ou de digressions plus personnelles, sont au centre de cette croisière. C'est au travers d'eux que le lecteur assiste, voyeur impuissant, au naufrage du Vieux Monde.
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