Ce ne sont pas
Stephen King,
Dean Koontz et consorts qui me font peur, qui me terrifient. Eux, ils me font frissonner et j'aime ça, j'en redemande.
Margaret Atwood, elle, m'angoisse et me terrorise.
Rien de plus traumatisant que "
La Servante écarlate", ni de plus glaçant, parce que ce que raconte ce roman est rien de moins qu'atroce et parce que parfois on se dit que ça finira par arriver un jour (pessimiste moi? non mais regardez le monde!) et tout comme
George Orwell avec son sublime mais désespéré
1984, on ne peut pas dire que
Margaret Atwood laisse beaucoup de place à l'espoir dans ce chef d'oeuvre dystopique, effrayant mais ô combien génial!
Certes la fin est ouverte et laisse place à toutes les spéculations, mais enfin...
Lire "
La Servante écarlate", c'est accepter d'étouffer et d'avoir mal tout au long du récit, c'est se soumettre à cet insupportable sentiment d'injustice, c'est consentir à boire goulûment tout le flacon sans jamais étancher sa soif et se rendre compte qu'il contenait de l'arsenic. C'est encore une fois la preuve que la fiction et les auteurs peuvent nous torturer tout en nous passionnant, l'affirmation qu'ils savent s'engager et nous bousculer pour nous faire réfléchir.
Dans ce qui était autrefois les Etats-Unis règne aujourd'hui une puissante théocratie totalitaire qui s'est fondée sur le désir de ses fondateurs d'un retour à la pureté après des années d'excès. Ce qui caractérise le mieux ce régime de Gilead est le traitement qu'il réserve aux femmes. Ces dernières ne sont plus rien ou presque, que des numéros, des ombres, allez... des tâches de couleurs sans visages ni identités. Les commandants les ont réparties en plusieurs catégories: les Épouses dominent la sphère domestique dans leurs robes bleues, les Martha -toutes de vert vêtues- sont des domestiques, les Servantes sont formées par les tantes -brun sculptant et asservissant le rouge-. Leur rôle? La reproduction. Dans ce futur où le taux de natalité avoisine zéro, peu de femmes sont capables de donner un héritier à leur mari. La fonction des servantes est là: lorsqu'elles sont prêtes, elles passent de foyer en foyer où les hommes tentent de leur faire un enfant qu'on lui enlèvera à la naissance pour le confier à l'épouse de la maison. Ce sont des ventres, des esclaves dissimulées sous leurs coiffes et leurs amples robes écarlates.
Defred est l'une d'elle. Elle est aussi l'héroïne de notre histoire. le jour, elle subit et quand vient la nuit, elle se rappelle de sa vie d'avant, de son mari, de sa fille, de ce temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler, d'avoir un compte en banque. Si elle rêve de s'échapper, elle refoule bien vite ce désir fou. Il n'y aucun moyen de fuir, aucun espoir.
A moins que...
Là où le roman excelle, outre que dans la création de cet univers dystopique effrayant, c'est dans sa construction. Tout au long de ses pages, nous vivons l'histoire à travers le regard et le point de vue de Defred, ce qui nous rend familier pour ne pas dire intime avec son sentiment d'impuissance et d'enfermement surtout. Par ailleurs, ce procédé évite à l'auteur une présentation canonique de son univers, ce qui s'avère souvent fastidieux et facile pour ne pas dire grossier. En revanche, cela nous contraint à lire entre les lignes, à deviner, à reconstruire l'histoire et à en lever des pans au fur et à mesure, ce qui fait monter la tension progressivement jusqu'à l'horreur, jusqu'à l'insupportable ce qui participe -selon moi- à l'incroyable puissance de ce roman que tous et toutes devraient lire.
On a besoin de temps en temps d'être bousculé, surtout si c'est fait avec autant de talent et de génie que
Margaret Atwood dans "
La Servante écarlate".
Et puis "Nolite te salopardes exterminorum", si ça peut qu'on ne l'oublie pas.