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3,95

sur 7422 notes
Première édition de ce roman en 1985. Depuis, il a été adapté en film, des fanas sont nés, il a été adapté en série, et le livre a été réédité. Un gros succès quoi.
Sauf auprès de moi.
J'étais pourtant persuadée d'aimer « La servante écarlate » en l'ouvrant, vu ce qu'on en disait.
Mais j'ai souffert du manque d'approfondissement.
Premièrement, au niveau des détails historiques qui sont forcément inconnus du lecteur puisqu'il s'agit d'une dystopie. J'attendais ces informations pour bien m'imprégner du contexte politique et social de cet univers, et en comprendre ses règles. Les quelques éclaircissements qui arrivent en fin de livre ont été trop tardifs pour réveiller mon intérêt.
Et deuxièmement, au niveau de la personnalité de la narratrice. Elle m'est apparue neutre. Une femme sans courage particulier. le but était peut-être de nous faire ressentir le quotidien banal d'une femme banale dans ce monde-là ? Même en le prenant sous cet angle, j'ai ressenti un cruel manque de subtilité.
J'ai été lasse d'attendre des précisions. D'attendre que la narratrice m'émeuve.
L'idée fondatrice de cette fiction était bonne, mais ce fut trop long pour moi...
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Une lecture incroyable, dystopique, féministe, conjectural. Elle ne vous laissera pas indemne. ...

Dans un monde où les naissances s'effondrent, ou les relations sont trop fausses ou immorales, la liberté de tout, le choix de tout, les religions relayées au second plan, tout cela c'était avant. Avant tout était normal. La normalité était normal. Maintenant qu'est ce la normalité ?

Un coup d'État et tout vole en éclat. D'abord ils vous retirent votre droit de travailler. Puis viens le droit de posséder, de voter, de lire et quand vous penser que vous touchez le fond ils vous volent votre prénom et vous volent votre propre corps. Ce n'est plus votre propriété mais là leurs! Au nom de la théocratie !

Toutes les femmes fécondes deviennent des servantes. Affectées à des commandants pour procréer de façon devote.
Defred, ce n'est pas son vrai nom, elle en possède plus désormais, est une servante comme une autre. Comme tant d'autres . Pour ne pas perdre la tête, elle se remémore. Ses souvenirs, liberté, amour et famille. Mais que reste t'il de tout cela ? Où sont ils ?
Parfois elle aimerait que cela soit un cauchemar mais non c'est ça la normalité maintenant.
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Dans un monde où la fertilité est devenue rare, les femmes encore capables de procréer se voient « offrir » le rôle de « servantes écarlates ». Ventres à féconder, à disposition de l'élite des « commandants », sous le contrôle permanent des « épouses » officielles.
C'est ça ou l'exil.
Defred est de celle-ci.
Narratrice détachée, d'un ton presque froid, elle décrit la société dans laquelle elle évolue. Ses codes, ses règles. La place que chacun doit occuper, la surveillance totale et permanente, la crainte de sortir du rang, et ce sentiment de révolte toujours étouffé avant de réussir à prendre son envol.
Le propos est glaçant, révoltant, et ce ton monocorde, que quelques digressions lumineuses viennent parfois contrebalancer de façon fugitive, m'a quelque peu déroutée tout en me captivant.
Au fil du récit, Defred s'humanise. Les flash back sur son passé si semblable à notre présent, nous font comprendre que ce détachement n'est qu'un moyen de ne pas sombrer. Les informations sur la façon dont la société a basculé tombent peu à peu. Chaque étape franchie, l'impuissance à réagir…

Texte saisissant parce qu'il n'est pas « spectaculaire ». L'effondrement d'une société confronté à une crise (environnementale en l'occurrence), le pouvoir religieux s'érigeant en rempart et l'obscurantisme qui s'installe à bas bruit, si l'on y réfléchit bien, cela est déjà arrivé dans certaines démocraties.
Le mot qui me vient à l'esprit en refermant ce livre c'est « vigilance »….

Challenge Muli-défis 2018
Challenge Plumes féminines 2018
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Après le coup de coeur que j'ai eu cet été pour l'adaptation en Série télévisée de la Servante écarlate, la lecture du roman est devenue évidente. J'ai donc profité d'une LC avec Dixie39 de Page 39 et du Club de lecture de Babélio pour me lancer. Il est rare que je débute dans cet ordre : le livre après la série. Il est vrai que si je n'ai pas vraiment eu de surprise en ce qui concerne l'intrigue ou à fournir d'effort pour créer un univers par mon propre imaginaire (je visualisais Defred sous les traits de l'actrice Elizabeth Moss ou les décors de la série pour la maison de Serena Joy et du Commandant), ma lecture s'est révélée être un véritable coup de coeur.

Dans les années 80, l'Humanité connaît un terrible coup du sort : le taux de natalité s'effondre brutalement. Plusieurs éléments sont mis en cause dans le récit : un dérèglement climatique lié aux activités humaines intenses ou une catastrophe écologique dans l'est américain. Quant aux partisans de Gilead, ils voient là un signe de la punition divine. Dès lors, ils fomentent un coup d'état, renversent le gouvernement en cours et impose une « République » dans laquelle les femmes seront protégées pour la survie de l'Humanité. Ces dernières sont alors réparties en castes : les Épouses habillées de bleu seront les compagnes des Hauts dignitaires du régime, les Martha en gris seront affectées aux tâches ménagères, les Econofemmes seront une faveur accordés aux soldats les plus dévoués de la République et enfin les Servantes Écarlates, en rouge. Réduites au rang d'esclaves sexuels, les Servantes qui ont déjà donné la vie, sont précieuses : au service des Hauts dignitaires, elles doivent concevoir un enfant, lors d'une Cérémonie régulée par des préceptes bibliques. Defred est l'une d'entre elles et raconte son histoire…

Dès les premières pages, le lecteur tisse un lien des plus intimes avec Defred : il devient rapidement son confident et a le sentiment d'être le dépositaire d'un témoignage important et unique. le style oral de Defred et le point de vue interne renforcent cette impression. Et Defred s'avère est une jeune femme attachante : forte mais prudente et intelligente, c'est à travers ses yeux que le lecteur pénètre dans le milieu verrouillé de la République de Gilead.

Le récit de Defred est glaçant : sous couvert de vouloir sauver la race humaine, la République se base sur la Bible pour imposer sa dictature théologique. Les femmes deviennent alors les premiers boucs émissaires. Elle ne peuvent plus enfanter? C'est de leur faute car leur mode de vie les a dévoyé de leur mission première. Elles ont désormais l'interdiction de suivre des études, de travailler, même lire ou écrire est passible d'une amputation de la main. Les femmes ne sont pas les seuls cibles de la République de Gilead : les homosexuels sont poursuivis impitoyablement, les médecins responsables des avortements sont exécutés, les vendeurs de vêtements dits indécents sont humiliés en place publique et doivent faire pénitence, les croyants des autres religions doivent se convertir ou s'exiler, etc… L'ordre absolu se place sous la censure, l'étroite surveillance des individus, la purge systématique des opposants, la dénonciation, l'imposition d'une morale puritaine, etc…

Et le pire dans tout cela? le récit de Defred sonne comme une mise en garde : si vous Lecteur, n'y prenez pas garde, cela risque aussi de vous arriver. Vous seriez comme une grenouille dans un récipient d'eau chaude qui au fur et à mesure que la température augmente, mourra ébouillantée! Dans le contexte d'aujourd'hui, difficile de ne pas y penser : les violences faites aux femmes au sein de l'Etat Islamique, le droit à l'avortement remis en cause dans plusieurs pays comme en Espagne ou aux Etats-Unis, l'opposition véhémente à l'institution du mariage homosexuel en France par certains milieux religieux ultra conservateurs ou la restriction de nos libertés individuelles sous prétexte de lutte antiterroriste…

Ce livre est sorti dans les années 80 et je suis surprise de ne l'avoir découvert que maintenant. Il est devenu populaire seulement depuis la sortie de la série télévisée, cette année, aux Etats-Unis. L'édition du roman est somme toute très récente par les éditions Robert Laffont. Et pourtant, un livre aussi bien écrit et avec un impact aussi glaçant mériterait de se placer au même titre que les grandes dystopies comme 1984 d'Orwell.
Lien : https://labibliothequedaelin..
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En 1985 Margaret Atwood a écrit une dystopie sensée se passer dans un avenir désormais proche, aussi angoissante que réaliste.
Dans une Amérique où la pollution a rendu stériles la plupart des humains, des extrémistes religieux ont instauré une république totalitaire dont les femmes sont les premières victimes. Séparées en cinq groupes reconnaissables à la couleur de leurs vêtements, les Épouses mariées aux Commandants et régnant sur le foyer, les Marthas domestiques, les Servantes qui ont déjà dans le monde d'avant prouvé leur fertilité et sont prêtées aux Commandants pour mettre au monde l'enfant qui sera élevé par l'épouse, les éconofemmes épouses des hommes du commun, enfin les Tantes sortes de gardes-chiourmes. J'allais oublier les Antifemmes déportées dans les Colonies où elles sont vouées à des travaux qui les détruisent peu à peu.
Nous découvrons cet horrible monde à travers le monologue de Devred, une Servante qui alterne description de son quotidien et souvenir “d'avant”.
La description parle d'esclaves sexuelles à propos des Servantes, je trouve que cela est une erreur ( volontaire parce que le sexe fait vendre ?). Elle ne sont pas là pour divertir les hommes, ce n'est absolument pas une illustration du kamasutra. Les relations sexuelles, mensuelles, sont ritualisées et les Servantes sont de façon évidente une substitution de l'épouse. Bien évidemment de par la loi, seules les femmes sont stériles. La référence à un réseau clandestin que Devred rejoindrait induit également en erreur sur ce que l'on s'attend à lire.
Avant d'être des Servantes, les femmes sont rééduquées. Et Devred elle-même est reconnaissante que les femmes soient désormais protégées, on ne peut plus les toucher, les siffler encore moins les violer. D'ailleurs leur tenue rouge est aussi peu sexy que possible, robe longue et ample avec un voile et une coiffe ornée d'ailes qui enserre le visage comme dans un tunnel. Façon d'éviter les contacts, même verbaux. Elles sont d'ailleurs anonymes, leur nom d'origine est oublié, celui par lequel elles sont désignées est créé à partir de celui du commandant auquel elles sont prêtées, et elle en changent à leur nouvelle affectation.

Un des aspects inquiétant de ce monde c'est que la narratrice semble ignorer beaucoup de choses, elle sait pour l'avoir vécu qu'un jour les comptes bancaires des femmes ont été gelés et qu'elles ont toutes perdu leur travail mais elle ne semble pas savoir qui exactement a fait cela. Elle ignore ce que font les hommes, ce qui se passe en dehors de la République…

Une chose m'a interpellée, si l'on évoque un moment les juifs sommés de se convertir ou de déguerpir, il n'est jamais fait référence à un ou une noire, ou individu d'origine sud américaine.

Je découvre Margaret Atwood avec ce livre, et j'en lirai d'autres. Je ne sais pas si le dernier homme ou La femme comestible me feront autant d'effet mais cette dystopie me paraît tout à fait crédible et donne à réfléchir. J'ai lu récemment le dernier hyver de Fabrice Papillon, qui imagine une tout autre évolution possible à la reproduction humaine, mais cette version me semble plus vraisemblable. J'ai entendu quelqu'un dire à propos de la campagne contre les gestes sexistes et viols que cela allait se retourner contre les femmes. Oui peut être. Entre la fertilité qui est réellement affaiblie et les discours d'un type comme Trump, c'est plausible.


Je crois que c'est la première fois que j'écris cette injonction : À lire absolument.

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Roman-journal écrit par une femme ( et non un écrivain demiurge ) qui officiellement n'existe pas mais vit et respire ( tout juste ) comme pondeuse fertile au sein d'un état religieux et patriarcal.

Elle n'existe pas mais le lecteur est dans sa tête. Sa fureur n'a d'égale que son manque de réaction, de rébellion, enfermée dans un quotidien banal où l'émotion ne pointe qu'à de très rares moments.

L'idée de l'auteure est de nous plonger dans les réflexions d'une femme qui n'a rien d'une romancière. Ses écrits sont plats, factuels. Ils n'abordent que ce qu'elle est en capacité de voir et/ou de comprendre. Elle n'appréhende qu'avec difficulté la société dans laquelle elle évolue. Les autres sont réduits à leur fonction. le Moi a disparu et l'émotion avec, ou peu s'en faut. Reste les souvenirs interdits du passé...

Seul compte le système et le respect de la Loi. En ça l'auteure a réussi son roman : elle nous donne à lire ce que la servante croit voir d'elle et des autres ; ce qui est le commun de toutes les personnes prises dans les griffes d' un État Totalitaire. et broyées par lui.
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La renommée de ce titre, notamment sur Babelio avec plus de mille critiques au compteur, m'a poussée à le lire pour étendre un petit peu ma culture personnelle vers le domaine de la dystopie. Je n'en suis pas du tout une spécialiste. Mes meilleurs souvenirs par le passé concernent "1984" ou "Le Meilleur des Mondes" et plus récemment le merveilleux roman de Blandine le Callet "La ballade de Lilas K." avait remporté les 5 étoiles.

Cette tentative d'ouverture de mon horizon a été malheureusement vouée à l'échec. J'ai atteint péniblement la page 80 avant d'abandonner. Je n'en peux plus de ce texte qui piétine, de cette histoire qui ne commence pas. Je n'adhère pas à cette écriture à la première personne, avec les dialogues noyés dans les phrases, qui semble du langage parlé. Franchement, je ne me vois pas aller au bout des 500 pages.
La 1/2 étoile est là simplement pour signaler mon abandon, je suppose que ce titre qui a plu a su plaire à tant de lecteurs a sûrement des qualités auxquelles je ne suis pas sensible.
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Un style difficilement abordable pour ma part mais une histoire se déroulant dans un monde dystopique jamais vu auparavant avec des thèmes qui seront sujet à de moult réflexions. Je comprend tous les lecteurs qui crient au chef d'oeuvre. J'aurai voulu que l'autrice s'arrête beaucoup plus sur les raisons du fléau qui a engendré un coup d'état, et de la guerre qui a frappé le territoire états-unien. Je ne sais pas encore si je lirai le T2. Je vais cependant commencer la série de ce pas.
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Dans un futur proche, les États-Unis ont basculé dans un régime policier et ultra-contrôlé : le pays est devenu la république de Giléad. Des accidents nucléaires ont pollué l'atmosphère et les corps. Nombreux sont ceux frappés de stérilité, mais selon la loi est claire à ce sujet : « Un homme stérile, ça n'existe plus, du moins officiellement. Il y a seulement des femmes qui sont fertiles et des femmes improductives, c'est la loi. » (p. 69) Ce nouvel ordre social est dominé par les hommes, mais il fait la part belle aux femmes capables de procréer. Elles sont les servantes, toutes vêtues de rouge et affectées au service d'un foyer influant pour leur donner un enfant. Jalousées et extrêmement surveillées, les servantes ont le privilège de la maternité et elles assument un rôle sacré, presque religieux, comme en témoignent leur robe aux allures moniales. « Maintenant elle sont protégées, elles peuvent accomplir leur destin biologique en paix. » (p. 246)
Objet de tous les désirs, ces femmes ne se livrent pas à tous les hommes. Strictement offertes à des hommes méritants, souvent puissants, rien ne doit souiller leur corps ou leur fonction. « Notre fonction est la reproduction : nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des concubines. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n'est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d'autre ; l'amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c'est tout : vases sacrés, calices ambulants. » (p. 152) Elles forment un corps unique, une hydre au ventre aussi prodigieux que monstrueux : nul ne sait si l'enfant qui naîtra sera viable, mais chaque grossesse est une promesse qui fait de la servante le réceptacle temporaire d'un miracle.
Parmi elles, Defred, « une soeur, trempée dans le sang » (p. 11), ne cesse de penser aux temps d'avant, pas si lointains, à l'époque où la liberté était une chose insouciante et à laquelle personne ne faisait vraiment attention. « Nous vivions comme d'habitude, en ignorant. Ignorer n'est pas la même chose que l'ignorance, il faut se donner la peine d'y arriver. » (p. 65) Defred pense à son époux et à sa fille, des êtres chers qui se dissolvent dans l'incertitude. Sont-ils morts ? Où sont-ils ? Vaut-il mieux ne pas savoir ? À ces souvenirs de bonheur perdu se mêlent ceux de la formation dans le centre rouge, là où elle a appris à devenir une servante. « Je suis devenue une ressource nationale » (p. 74), dit-elle : le nombre des naissances est en chute libre et la démographie est au coeur des enjeux belligérants de la nouvelle république.
Le souvenir de son amie Moira la poursuit parfois : la jeune femme, même avant la république de Giléad, était un esprit libre et rebelle, jamais soumis. Mais on défend aux femmes de trop réfléchir. « Penser peut nuire à nos chances, et j'ai l'intention de durer. » (p. 10) Globalement docile, Defred a parfois des accès insurrectionnels : la seule liberté serait mourir. Mais le régime le sait et il prévient toutes les tentatives. Interdites de divertissements et avant tout de lecture, les servantes vivent dans la menace constante de la déportation dans les Colonies, auprès des Antifemmes, dans ces terres brûlées et toxiques où la mort est un châtiment avant d'être une délivrance. Impossible de savoir à qui faire confiance, il y a des espions partout. Avec une phrase qui fait rengaine dans son esprit, « Nolite te salopardes exterminorum », Defred essaie de grappiller quelques libertés, de minuscules espaces de rébellion.
À mesure que se déroule le récit de Defred, et en dépit de certaines réticences, on comprend qu'elle se livre à un aveu honteux, presqu'un confiteor. « Je regrette qu'il y ait tant de souffrance dans cette histoire. Je regrette qu'elle soit en fragments, comme un corps pris sous un feu croisé ou écartelé de force. Mais je ne peux rien faire pour la changer. » (p. 297) Soumise malgré elle à la nouvelle religion austère qui domine la république, Defred sait ne pas pouvoir échapper à son rôle, ou alors au prix d'une inconcevable témérité.
Ce roman rappelle sans aucun doute 1984 d'Orwell ou Brave New World d'Huxley. Rien d'étonnant à cela : la société se répartit entre Commandants, Épouses, Gardiens, Yeux, Servantes, Marthas, Anges, etc. Chacun a une fonction et une couleur. La transgression est interdite, traquée et impitoyablement châtiée. La science-fiction se fait discrète : quelques allusions à un système général de reconnaissance et de contrôle qui régit tout et chacun. Mais pas d'insémination : la reproduction se fait à l'ancienne, avec les méthodes naturelles, même si la cérémonie de l'accouplement revêt des dehors pour le moins étranges.
Lisez avec attention les notes historiques qui concluent le récit de Defred. Oui, toute civilisation se passe et ce qui fait horreur aujourd'hui sera objet d'étude demain. Pour ma part, je ne peux que vous recommander cet excellent roman d'anticipation : son volet profondément social et féminin en fait un texte de mise en garde. Des femmes incubateurs ? On peut en rire, mais faisons attention…
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La Servante écarlate, immense succès de Margaret Atwood, est publié 36 ans après « 1984 » d'Orwell, et 36 ans avant notre époque marquée par un recul des libertés et une montée de la censure et de la surveillance de masse.

Les deux romans sont devenus assurément deux grands classiques de la dystopie.
Alors, l'élève a-t-elle dépassé le maître ? En ce qui me concerne, c'est un oui ! Je ne vais pas me lancer dans une comparaison de ces deux oeuvres maîtresses, je vais simplement tenter d'expliciter ce qui m'a ébloui chez cette autrice que je découvre.

J'ai pris mon temps pour consommer ce récit, faisant durer le plaisir. Après coup, je me trouve idiot d'être passé à côté jusqu'alors. Peut-être un problème d'étiquetage ? Car ce roman illustre parfaitement l'arbitraire du clivage entre littérature « blanche » et littérature « de genre » (SF pour ce qui nous concerne). À ce propos, voir l'excellente liste https://www.babelio.com/liste/2170/Quand-la-SF-se-camoufle-dans-la-litterature.

Cette lecture m'a profondément touché, autant par la forme que par le contenu.

Par la forme, car Margaret Atwood possède un vrai style, prononcé, que j'imagine propre à elle. En littérature, un style fort est à double tranchant, pouvant susciter l'adhésion comme le rejet. Mais au moins, on est fixé dès les premières lignes ! L'écriture d'Atwood est délayée, faite de longues phrases aux innombrables virgules. Une écriture assez libre, quoique toujours respectueuse de la syntaxe et du sens du discours. Un style qui m'a surpris au début, mais finalement parfaitement adapté avec la narration au présent qui nous plonge dans la tête de l'héroïne, Defred. Immersion assurée.
Encore quelques mots sur le style, car il est fort joli. Globalement je l'ai trouvé très évocateur, presque poétique.
Les figures de rhétorique foisonnent et sont plutôt bien accordées au style. Ici je donne deux exemples de (double) répétition de mots :
« J'attends, dans ma chambre, qui en ce moment précis est une antichambre. Quand je vais me coucher, c'est une chambre à coucher. »
« Je mets mes vêtements, des vêtements d'été, c'est encore l'été ; il semble que le temps se soit arrêté l'été. ».

La narration est assez singulière, on le remarque dès le début aussi. Ainsi, durant les 50 premières pages (j'ai lu l'édition Robert Laffont à 360 pages), d'une certaine façon il ne se passe pas grand-chose. On suit Defred qui sort de sa chambre à l'étage, descend prendre sa liste de courses auprès de la cuisinière de la maison, sort faire ses commissions puis revient. C'est tout ! le truc, c'est que l'autrice passe en revue chaque regard, chaque geste de l'héroïne et en prend prétexte pour nous plonger dans ses pensées. C'est habilement fait et ainsi elle parvient à broder son histoire, mais également à fournir, par touches successives, des détails sur le régime en place. La trame principale est simple à suivre, linéaire, plutôt logique, mais pas très palpitante. L'intérêt est bien dans la plongée dans cette société dystopique qu'on devine peu à peu terrifiante.
Parallèlement, il y a une seconde trame (ou plutôt une multitude de trames secondaires), toujours contée par Defred, qui correspond à ses souvenirs du passé. À travers ses souvenirs on comprend peu à peu comment elle est arrivée ici et comment on en est arrivé là. Cette trame secondaire est difficile à suivre, car morcelée et non chronologique. Il faut parfois être patient pour avoir certaines réponses, mais au moins l'autrice en donne !

Si la trame principale n'a rien d'exaltant, l'écriture reste parfaitement maîtrisée. Une poignée de personnages convaincants, bien identifiables, aux rôles représentatifs des différentes castes. Pour les mettre en valeur, une autre poignée de scènes logiques, crédibles, parfois mémorables. Enfin, le sentiment de vulnérabilité permanente de Defred suffit à entretenir une certaine tension du début à la fin.

Le sujet du roman : si je devais le résumer en une phrase, je dirais qu'il s'agit d'une dystopie classique dans laquelle l'idéologie (ou le mouvement) réactionnaire est poussée à son paroxysme. Un fondamentalisme occidental devenu systémique, centré sur le patriarcat et la natalité.

Voici une petite liste des choses qui m'ont particulièrement plu dans ce roman :

- le style, même si sur la fin, je commençais à saturer de cet enrobage.
- La justesse du propos, des comportements, des sentiments, des situations.
- Les petites phrases qui tuent, ou au minimum bien senties, qui parfois ponctuent un paragraphe.
- le fait que Defred (et d'autres avec elle), se souvienne parfaitement du monde d'avant. Ainsi on sort du sempiternel schéma dystopique de la prise de conscience du héros suite à un évènement perturbateur.
- La parole crue et cash dès qu'il est question de sexe, de procréation ou d'accouchement. C'est drôle, j'ai souvent l'impression que seules les autrices savent ou osent traiter ces sujets ainsi, sans filtre (érotisme, romance, humour…).
- La relation glaçante qui lie épouses et maîtresses. Une relation déjà pas forcément glamour dans notre société, mais certainement bon enfant en comparaison de ce qui se passe dans la société imaginée par Margaret Atwood… Je pense en particulier aux deux scènes dantesques de la procréation et de l'accouchement.
- L'énorme travail d'imagination et de théorisation pour créer cette société et, comme Orwell, le talent pour la rendre crédible, palpable et effrayante. En particulier, j'ai apprécié que la plupart des castes mentionnées fassent l'objet d'un développement important et d'un personnage (ce qui n'est pas le cas dans 1984).
- le nom du régime totalitaire – République de Giléad – m'a bien fait rire : impossible de ne pas penser au laboratoire pharmaceutique qui s'est illustré si brillamment ces derniers temps !
- Une brillante démonstration des mécanismes classiques de ces régimes : aliénation, propagande et novlangue, endoctrinement, délation, répression, peur, violence, état de guerre permanent, et surtout, déléguer ces nobles activités au peuple lui-même, meilleur moyen de parachever son aliénation…

Enfin, dans ce roman la question du point de vue est sans cesse posée.
- Les premiers mots de la présentation « Defred est en quelque sorte un bien national [...] » dénotent l'ambivalence du statut des Servantes : glorifié (bien national) ou haïssable (aliénation).
- D'emblée la condition des Servantes semble bien noire. Mais l'autrice n'en reste pas là et nous montre les menus plaisirs auxquelles elles, et elles seules, peuvent s'adonner. Plus généralement, on comprend peu à peu que chaque caste de la société réussit à trouver quelque compensation à ses devoirs, et que c'est précisément ce qui assure au régime sa pérennité. On apprend également que les castes les plus élevées a priori, et même les personnes ayant oeuvré à l'avènement de cette société, ont des raisons d'être amères.
- La façon dont le régime s'est construit (en réaction à des moeurs supposément devenues immorales), aussi bien que les nombreux souvenirs du monde d'avant évoqués par Defred, permettent à l'autrice de jouer habilement sur les deux tableaux : critiquer bien sûr le nouvel ordre totalitaire, mais également les excès du progressisme.
- L'écriture elle-même fourmille de ce procédé qui consiste à rebondir sur un mot ou une phrase pour développer ensuite l'idée contraire. Ma première citation plus haut en contient d'ailleurs un exemple.
- L'ambivalence se teinte de cynisme étudié dans certaines dénominations : les Tantes qui inculquent, les Anges qui guerroient (sacrifice pour le bien commun).


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