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sur 7372 notes
J'avais envie de me plonger dans ce livre depuis plusieurs années. Je savais que tôt ou tard j'allais le faire, mais comme d'habitude, je me suis laissée entrainer dans d'autres lectures. C'est en voyant la nouvelle édition chez mon libraire que je me suis enfin décidée à franchir le pas. Il faut dire qu'avec cette couverture rouge, on ne risque pas de le rater. Il y avait aussi une petite jaquette au titre accrocheur qui m'a permis de découvrir qu'une série tirée de ce livre était diffusée au États-Unis. Je reconnais que sitôt rentrée, j'ai regardé la bande annonce sur le net…
Bon, peut être que je regarderai un jour la série, en attendant, je me suis plongée dans le livre.

Même si je savais parfaitement quel était le sujet abordé, je me dois de reconnaitre que cette lecture fut un choc. Oui, nous sommes dans une uchronie, mais la condition des femmes est tellement misérable que cette lecture fut assez éprouvante.
Des femmes réduites à des fonctions purement reproductrices, avec aucune possibilité de s'en sortir, mais quelle horreur !
Ici, nous découvrons une république imaginaire, Gilead, avec au pouvoir des chrétiens bien fondamentalistes ( ou fanatiques si vous préférez ). Évidemment, toute leur société est basée sur le patriarcat et les femmes sont obligées de rentrer dans les « cases » (ou les rôles) qu'on a choisi pour elles. Comme il existe une véritable crise de la natalité ( et de la fécondité ) due apparemment à la pollution de l'environnement, les femmes en mesure de procréer vont devenir des « servantes écarlates ». Elles doivent s'habiller de rouge et vont être « placées » dans les familles de hautes personnalités pour permettre aux dirigeants d'avoir une descendance.
Ces femmes, ces servantes écarlates, se voient privées de tout ce qui est essentiel pour s'épanouir : on ne leur permet même pas de garder leur prénom d'origine, puisque maintenant leur prénom est en lien avec leur « propriétaire » . « Defred » est la servante de Fred, Dewarren celle de Warren…

C'est Defred qui est la narratrice de cette histoire, de son histoire. Dans un style qui pourrait paraitre détaché au premier regard, elle se raconte en mêlant présent et passé. Mais si on se laisse submerger par ses émotions, peut-on vraiment survivre et garder l'envie de vivre ? Defred a eu à une époque un travail, un compagnon et une petite fille. Maintenant, elle se retrouve seule, isolée, dans une maison où sa mission est de porter l'enfant du propriétaire. Elle a juste le droit de faire les courses sous certaines conditions.
Aucun choix, ou presque, ne s'offre à elle, car celles qui refusent de rentrer dans le moule disparaissent bien vite de la circulation en étant envoyées dans les sinistres colonies.

J'ai été émue pendant une bonne partie de ma lecture, car l'histoire de Defred est bouleversante, même s'il s'agit d'une uchronie. Je n'ai pu m'empêcher de me demander, « et si cela arrivait, qu'aurais-je fait ? «
La condition féminine est au centre de cette histoire qui interpelle et fait réfléchir. Apres tout, il existe encore tellement de sociétés où le principe d'égalité est loin d'être acquis et où les femmes n'ont aucun droit…
A la fin du livre se trouve une postface de Margaret Atwood ou elle raconte l'élaboration de ce livre. Je citerai juste une phrase « Je m'étais fixé une règle : je n'inclurais rien que l'humanité n'ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n'existerait pas déjà. »
Edifiant…


Challenge ABC 2017/2018
Challenge BBC
Challenge Pavés 2018

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« N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Simone de Beauvoir

« La servante écarlate », roman publié en 1985, résonne bien bizarrement. Entre l'Amérique de Trump, l'État islamique et des droits qui resteront à jamais à défendre, le roman fait froid dans le dos. Trente ans après son écriture, cette dystopie flirte de près avec la réalité, les actualités du 20 heures.

Le synopsis, pour ceux qui auraient échappé au raz-de-marée causé par l'excellente série américaine :
« Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d'esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, " servante écarlate " parmi d'autres, à qui l'on a ôté jusqu'à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. le soir, en regagnant sa chambre à l'austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler... »

La sortie des premiers épisodes aux États-Unis a précédé de peu l'élection du président Trump. Certaines américaines, inquiètes pour leurs droits civiques, se sont alors demandées si le livre était prémonitoire. Par la suite, des militantes féministes ont revêtu la cape rouge des Servantes Écarlates pour défiler dans le pays contre la suppression du financement du planning familial. Alors à quoi ressemble-t-il ce livre que certains considèrent comme le pendant féministe du « 1984 » d' Orwell?

La plume de Margaret Atwood est « classique », certaines expressions m'ont paru presque désuètes, je me suis demandée si la traduction que j'avais ne pourrait pas être un peu dépoussiérée... le rythme est assez lent, beaucoup de descriptions, d'introspection de la part de Defred, des allers-retours dans le temps, et somme toute assez peu d'action. « La servante écarlate » est un roman qui se déguste doucement. Il n'en est que plus glaçant, plus dérangeant. Defred se plonge souvent dans ses souvenirs avec ce qui pourrait sembler être du détachement, il s'agit en fait d'une mise à distance de la réalité, de son quotidien. Pour se protéger. Une froideur uniquement apparente car Defred s'accroche désespérément à ses souvenirs pour ne pas sombrer.

Imaginez, imaginez son monde. La république de Gilead est féroce avec toutes les femmes fécondes ou non. Servantes (vouées à la reproduction), simples Marthas (domestiques), Épouses (réduites à tenir les poignets, pendant l'acte, de celle que leur époux doit féconder) partagent le même cauchemar. Les rebelles, les femmes âgées, les inutiles sont envoyées aux colonies, on les appelle les Antifemmes. Des castes, toutes opprimées ; pas de plaisir, c'est contraire à l'ordre moral ; du rationnement (tickets alimentaires) ; un endoctrinement religieux omniprésent et le bras armé de la dictature : les Yeux. La peur règne. La violence est tapie derrière les portes.

L'enchaînement d'événements à l'origine de Gilead me fait encore plus peur que la république elle-même : un problème de pollution, de déchets toxiques, une perte de fécondité, des fanatiques religieux qui prennent le pouvoir en se jouant de la peur, un putsch militaire et les habitants se retrouvent piégés dans cet îlot de non-droit. Cela semble tellement possible. C'est effrayant.

J'ai beaucoup aimé ce roman, même si le style m'a semblé daté parfois, les personnages sont puissants, impossibles à oublier. Gilead semble à portée de... fusils ? Désastre écologique ? Textes religieux ? On lit .On réfléchit. On s'indigne. On tremble pour elles. On espère un lendemain privé de rouge. Et on finit le livre à bout de souffle.

Je recommande à chacun l'histoire de Defred. Et aux jeunes femmes qui lisent mes mots, n'oubliez jamais les premières lignes de ma chronique .

PS : Ne croyez pas que les hommes soient épargnés dans ce roman, leur condition n'est pas très enviable, mais pour cette chronique j'ai laissé ma plume ne parler que de femmes. C'est un choix personnel.
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Au tournant du 21ème siècle...

La Terre est devenue infertile par les dérives sanitaires et industrielles, entraînant peu à peu la stérilisation naturelle de la race humaine.
Les États Unis sont devenus une gigantesque "secte" fondamentaliste et la société s'est plongée dans un obscurantisme dictatorial.

Un roman d'anticipation (prémonitoire?) sur un monde en guerres de religions d'un nouveau genre avec son corollaire d'une société où toute sexualité et sensualité sont interdits et qui fait face à une chute de la natalité mettant en péril le genre humain.
Qu'à cela ne tienne, il reste à codifier la gestion de la procréation, maîtrisée comme une fonction de service, avec personne dédiée à cet effet.

La servante rouge a un statut de reproductrice sans amour et affect, un utérus à deux pattes exclusivement disponible pour les coups de reins de Monsieur (sous les yeux rageurs de Madame, inféconde), en vue d'enfantement et dans un protocole sans sentiment qu'il est interdit de déroger.

Margaret Atwood imagine une société totalitaire fermée, un univers glaçant et rétrograde, où toute intimité des corps est exclus et où le concept d'amour est dépassé, pour en supprimer les abus et débordements.
Les règles de vie sont strictes, la terreur règne. Dans le quotidien quasi carcéral de la servante s'entremêlent introspections et souvenirs. Et sa misérable existence soulève les notions de peur, de désirs refoulés, d'espoir et de résistance.

Un récit désespérant, plombant, effrayant de réalisme, addictif par la clairvoyance pessimiste de l'auteure.
Une réflexion sur la soumission et l'avilissement de la femme qui garde tout son sens dans notre époque de conflits en croyances spirituelles.
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La servante écarlate a été publié pour la première fois en 1985 et à ce jour, il n'a pas perdu de son intensité. C'est à Berlin-Ouest que Margaret Atwood a commencé ce livre pour le terminer au Canada. Nul doute que le Mur l'a profondément marqué car il en est le décor de fond.
Une dictature particulièrement nauséabonde s'est installée suite à des guerres, épidémies et disparition de ressources naturelles, provoquant une baisse flagrante de la natalité. La population féminine est subdivisée en castes. Nous avons les Epouses des Commandants, au statut le plus élevé et seules accréditées à élever un enfant. Les enfants à venir proviennent de mères porteuses au service des Epouses : les Servantes écarlates, enveloppées de rouge des pieds à la tête. Celles-ci sont « éduquées » par les Tantes au service du Pouvoir, n'hésitant pas user de sévices corporels pour les récalcitrantes. Nous avons également les Econofemmes, tout au bas de l'échelle, occupant leur journées à tenter de joindre les deux bouts. Invisibles, on en parle peu. Et puis encore quelques malheureuses prostituées au service des nantis, les Commandants.
Les autres hommes sont les Yeux, sorte d'espions, prêts à dénoncer les enfreintes aux règles, les Gardiens, armés jusqu'au cou et à la gâchette facile et ceux au service des Commandants pour divers petits métiers.
Et nous avons le Mur, ce fameux mur de la honte sur lequel pendent ceux et celles qui transgressent les règles imposées. de l'autre côté du Mur plane le grand mystère.
Mais ces règles, quelles sont-elles ? Livres et lecture, abolis. Divertissements abolis. Discussions abolies. Vêtements, objets faisant parti du quotidien, abolis.
Amours, amitiés, abolis.

La servante écarlate est une lecture dérangeante, nauséeuse mais nécessaire, qui fait bouillonner le cerveau. Etrangement, malgré l'appellation de roman d'anticipation, beaucoup de ces aspects font maintenant parti de mon vécu. Période sombre dont je commence à peine à digérer, au moins à en parler. Car jamais je n'oublierai la fermeture des librairies. La fermeture des magasins « non-essentiels » alors que l'on s'agglutinait tous dans les supermarchés. Les interdictions de se retrouver en famille ou d'accompagner les derniers instants de parents ou grands-parents. La fermeture des restaurants alors que d'autres, clandestins, ouvraient leurs portes aux détenteurs de pouvoir. L'aberration d'articles de journaleux en tout genre, surfant sur la vague pour vendre leur torchon. Les interdictions. Les répressions. La violence. Les amendes. Que n'ai-je été témoin de tout cela ! Et … la dénonciation. Les Yeux dénonciateurs. Je pense que c'est ce qui m'a le plus répugnée. Et aujourd'hui, la prolifération d'applications électroniques à télécharger et d'autorisations accordées ; que de facilités pour nous en contrepartie d'un parfait outil de contrôle de nos désirs, de nos pensées.
Alors, malgré le côté ténébreux de ce roman, je vous invite à le découvrir si ce n'est déjà fait, ou à le relire dans quelques années. Comment aurons-nous évolué ?
Néanmoins, la fin du livre intitulé « Notes historiques » m'a procuré un profond soulagement.

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Quand on pense que ce roman est paru en 1985, c'est d'une vision futuriste vraiment incroyable ! Ce monde pourrait exister, aujourd'hui, cela fait froid dans le dos ! Et pourtant, épouvantable, dans certains pays une parcelle de ce sort existe déjà depuis toujours. Trop vraisemblable, cette nation où les femmes ont perdu leur place, de même que toute liberté. Jusqu'à leur propre nom et leur compte en banque ! La femme se fait recaler à son plus bas. C'est sadique. Dégradant. Répugnant. "La Servante Écarlate" prend une tournure extrêmement étrange; et leur sort, elles ne l'ont pas choisi !

Quand l'histoire commence, on est déjà en plein dedans, dans ce monde changé, ce monde d'avant que les femmes ont connu (le nôtre) pour tout perdre ensuite. Elles ont connu les deux. Quelque chose est arrivé. On en apprend au compte-gouttes, cela reste flou par moments et en surface, souvent. On vit surtout le moment présent. Ce que j'ai le moins aimé de ce roman, c'est le manque de détails. J'aurais aimé qu'il y ait plus de développement autour du "qui", "où", "depuis quand", "comment", "pourquoi". Or, les nombreuses questions qu'on se pose autour du sujet initial demeurent plutôt sans réponses et pour moi, cela en fait un récit incomplet. Je pense qu'il y a énormément de potentiel dans ce qu'il y a déjà, mais...juste pas assez de détails. de là mon 3 étoiles.

Peut-être le fait d'avoir vu la série télévisée en premier aura influencé cette lecture dans mon cas. C'est certain que la série a ajouté beaucoup plus d'informations, elle en a inventé par la même occasion, je m'attendais un peu à ce que tout cela soit dans le livre, ce qui ne fût pas le cas. C'était moins. Ce n'était pas assez développé à mon goût. Donc, dans un rare cas, je dirais avoir préféré la série télé au roman. Par contre, dans le roman, bien aimé la personnalité de DeFred, on vit dans sa tête et on entend toute sa fureur. Il faut tout de même garder en tête que cela a été écrit en 1985 et juste en cela, reste impressionnant !

J'aimerais pouvoir reculer dans le temps et avoir découvert "La Servante Écarlate" il y a trente ans, sous un oeil différent...En tous cas, peu importe l'époque à laquelle on le lit, cela reste très dérangeant et je crois qu'il faut avoir lu ce classique au moins une fois dans sa vie ! Parce qu'il laisse des traces...
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Lire ce roman après avoir vu la série adaptée était un risque car je connaissais l'histoire dans les grandes lignes.

Mais cela n'a rien enlevé au plaisir de cette lecture. Un roman pour moi, de la trempe de 1984. Une dystopie qui fait froid dans le dos tant la réalité pourrait rejoindre la fiction.

On ne s'attache pas forcément à "Defred", je pense d'ailleurs que ce n'ai pas le but mais on ne peut rester insensible à son combat (parfois), sa passivité (à d'autres moments). Les libertés bafouées ne donnent que peu de choix à ces servantes. Chaque mouvement, pensée, action doit être réfléchi afin de ne pas risquer sa vie.

Un livre dévoré que je recommande vivement avec une très belle écriture et un style très agréable.
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« Certains romans hantent l'esprit du lecteur, d'autres celui de l'auteur. La Servante écarlate a fait les deux. » C'est par ces mots que commence la postface signée par Margaret Atwood chez Robert Laffont, et ils ne sauraient être plus appropriés. Si la série télévisée avait été une claque, le roman, lui, fut un véritable uppercut. Posons un peu le décor : aux États-Unis, le régime actuel a été remplacé par un régime totalitaire, Gilead, dans lequel les hommes et les femmes doivent désormais respecter une hiérarchie bien précise. Au sommet, les Commandants et leurs Épouses : ce sont les cadres dirigeants de cette nouvelle nation, ceux qui ont le contrôle des forces armées et qui décident de l'orientation prise par le régime. Viennent ensuite différents groupes : les Yeux (invisibles mais présent partout et chargés d'espionner leurs semblables), les Tantes (chargées de l'instruction des Servantes), les Marthas (gouvernantes, cuisinières…), et enfin les Servantes. Leur rôle ? Donner des enfants aux Commandants et à leurs femmes, frappées de stérilité causée par un certain nombre de facteurs (radiations, pollution...). Dans un pays où parvenir à mettre au monde un enfant en bonne santé est devenu un miracle, les femmes ayant déjà prouvé que leur utérus fonctionnait font figures de véritables trésors que les Leaders s'arrachent. Chacun la sienne ! Et pas question pour les demoiselles de décider de leur vie ou de leur avenir : « Notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout à été fait pour nous éliminer de ces catégories. L'amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c'est tout : vases sacrés, calices ambulants. »

C'est l'une de ces Suivantes que l'on suit dans ce roman, une certaine Desfred, dont on plonge dans le quotidien avec une horreur croissante. Au fil des rituels qui ponctuent ses journées, Desfred nous fait part de ses pensées et de ses souvenirs, le tout sans interruption et, au premier abord, sans véritable ordre ou logique. de digression en digression, le récit alterne entre passages au présent, au cours desquels l'héroïne nous relate son nouveau quotidien, et flashbacks qui permettent au lecteur de comprendre le lien entre notre société telle qu'on la connaît aujourd'hui et celle qui nous est montrée ici. Desfred est une jeune femme attachante qui tente tant bien que mal de survivre à ce qu'on lui inflige dans l'espoir de retrouver un jour sa fille dont on l'a séparé. On s'identifie d'autant plus facilement au personnage que celui-ci ne filtre jamais ce qu'elle ressent ou pense : elle nous révèle tout et ne cherche pas à nous cacher ses moments de faiblesses ou ses pensées les moins reluisantes. Cette plongée dans la psyché tourmentée de la jeune femme est éprouvante pour le lecteur qui ne peut néanmoins s'empêcher de dévorer le témoignage avec avidité. Si vous aviez déjà trouvé la série dérangeante, dites-vous bien que le roman est encore plus sombre ! Car si dans l'adaptation l'héroïne parvient à se ménager (difficilement, certes, mais tout de même...) quelques moments d'intimité avec tel ou tel personnage, la chose semble totalement impossible dans le roman, ce qui accroît bien évidemment le sentiment d'angoisse du lecteur. de même, si la série adopte plusieurs points de vue et nous permet d'avoir un aperçu de ce qui arrive aux autres personnages (Moira, Luke...), ce n'est pas le cas ici ou seule Desfred est au commande. Attendez-vous donc à être particulièrement frustrés, puisqu'on ignore tout du sort réservé aux proches de l'héroïne, et que le témoignage de cette dernière se termine par un énorme point d'interrogation.

Outre l'attrait exercé par le personnage et l'efficacité de la narration, le roman marque aussi et surtout parce qu'il permet de comprendre la manière dont peut s'installer progressivement un régime totalitaire, y compris dans nos sociétés occidentales. Pas question ici de coup d'état violent (en tout cas pas avant la phase finale). Il s'agit plutôt de faire passer progressivement des lois de plus en plus liberticides et misogynes visant à ôter aux femmes et aux dissidents tout pouvoir et toute possibilité de se révolter. On retrouve évidemment ici des points communs avec les grands totalitarismes qui ont marqué le XXe siècle, et c'est ce qui rend cette dystopie encore plus dérangeante. L'auteur nous explique d'ailleurs ceci dans la postface : « Je m'étais fixé une règle : je n'inclurais rien que l'humanité n'ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque. Les pendaisons en groupe, les victimes déchiquetées par la foule, les tenues propres à chaque caste et à chaque classe, les enfants volés par des régimes et remis à des officiels de haut rang, l'interdiction de l'apprentissage de la lecture, le déni du droit à la propriété : tout cela a des précédents, et une bonne partie ne se rencontre pas dans d'autres cultures ou religions, mais dans la société occidentale, et au sein même de la tradition chrétienne. » La nouvelle société dépeinte est ainsi ulta violente, pratiquant volontiers pendaison, torture, lynchage ou encore mutilation, le tout sur fonds de religion, les fondateurs de Gilead justifiant la nouvelle hiérarchisation et moralisation de la société par des passages de l'Ancien Testament. Tout y est donc contrôlé, des costumes (une couleur pour chaque ordre), aux postures en passant par les prénoms, sans oublier les rituels.

Si l'auteur se défend d'avoir voulu écrire une « dystopie féministe », toujours est-il que son roman renvoie à de véritables questions de société sur le sujet et se révèle toujours autant d'actualité qu'au moment de son écriture dans les années 1980. le roman nous met face à ce que l'humanité peut faire de pire et se révèle d'autant plus dérangeant que la moindre des atrocités perpétrées par ce nouveau régime est inspirée d'un exemple avéré, et qui plus est pas si éloigné. A l'image du « Fahrenheit 451 » de Bradbury, du « 1984 » d'Orwell ou du « Meilleur des mondes » d'Huxley, « La Servante écarlate » peut ainsi sans mal revendiquer sa place parmi les meilleures dystopies du XXe siècle. Une découverte bouleversante, à lire absolument !
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Glaçant.

La république de Gilead a été fondée suite à la baisse dramatique de la fécondité. Certaines femmes, de par leur fertilité, ont été transformées en esclaves sexuelles. Ce sont les servantes écarlates. Defred est l'une d'entre elles.

Cela faisait des années que je voulais lire ce livre. J'avais une grosse appréhension à cause de la thématique. Je ne regrette pas de l'avoir lu au final. Ce n'est pas seulement un coup de coeur, c'est un chef d'oeuvre.

La narration se concentre sur le quotidien de Defred. Celui-ci pourrait être linéaire, ennuyeux, d'une certaine banalité, mais l'autrice à eu l'idée géniale d'y intercaler le monologue intérieur de l'héroïne. Nous y voyons la vie d'avant Gilead, où les femmes pouvaient travailler, pouvaient ne pas avoir d'enfants, étaient libres. de même, les regrets de l'héroïne apparaissent de plus en plus, sous couvert d'une fausse acceptation de la situation.

L'univers est très riche. C'est une société très hiérarchisée. Les femmes et les hommes sont assignés à des tâches particulières. Par exemple, les Anges font office de militaires, quand les Marthas sont chargées des tâches ménagères. Ainsi dans cette société l'inégalité est partout. Certaines femmes (les Tantes, les Épouses) sont au-dessus de la plupart des hommes (Anges, Gardiens). Il ne s'agit pas d'une simple dictature misogyne, la situation est infiniment plus complexe. Les femmes sont ainsi gérées par les femmes, quand les hommes sont gérés par les hommes.

La plume de Margaret Atwood est très belle. Celle-ci reste simple et fluide, mais j'ai senti une très grande richesse lexicale. Son raisonnement derrière la montée de Gilead est également intéressant. Nous oublions souvent que les États-Unis actuels, avec leurs valeurs humanistes et universelles, sont apparus au XVIIIe siècle. Leurs vrais racines sont les puritains anglais de la Nouvelle Angleterre du XVIIe siècle et leur méfiance envers les femmes. Ainsi les Églises evangéliques restent très puissantes aux États-Unis aujourd'hui.

En bref, un roman indispensable à lire, pour rester vigilant face à la réduction des libertés fondamentales. Je lirai la suite et jetterai probablement un oeil à la série.
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Tout a été dit sur ce roman. Je me contenterai de 3 points.

Roman futuriste, de science-fiction ?

Ce qui marche dans ce roman, c'est qu'il va plaire aussi aux lecteurs qui n'apprécient guère les récits de science-fiction avec robots, mutants, cyborgs, etc… Dans la servante, tout est familier. Seules quelques petites choses ont changé, très discrètement, au départ, puis les événements se sont enchaînés. Donc on peut y croire, ce n'est pas saugrenu.

Un roman de 1985 et une série de 2017

La série est dure, peu réjouissante, on ne passe pas un bon moment. On a hâte de l'heure suivante où on chargera une série comique (Curb your enthusiasm, par exemple !). le livre est différent, il nous offre un moment de lecture beaucoup moins réel, plus littéraire aussi, évidemment. On sait que ce n'est que de l'encre imprimée sur papier. La série fait beaucoup plus réaliste, il faut regarder les 5 ou 6 premiers épisodes AVANT de lire le livre, qui devient alors limpide.

La prétendue analogie avec l'Amérique contemporaine

C'est l'interprétation qui m'agace le plus. le roman d'Atwood n'a pas à nous faire penser à Trump. C'est un non-sens. Trump n'a pas fait mitrailler tous les parlementaires, n'a pas déchu par décision unilatérale les femmes de leurs droits, même s'il les respecte peu et s'il approuve les initiatives (hélas démocratiques) des élus mâles les plus catholiques des Etats américains les plus conservateurs. Donc non, n'en déplaise à Télérama, le roman n'éclaire pas d'une lumière crue l'Amérique contemporaine ! le récit collerait plutôt à ce qui pourrait advenir chez les Talibans ou en Arabie Saoudite.

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Defred vit dans une société où certaines femmes, comme elle, sont ramenées à l'état de simple ventre, avec obligation de procréer pour des Epouses et des Commandants.

Margaret Atwood nous livre ici une vision de la société très effrayante où les droits des femmes ont été complètement rayés de la société. Je crois que le pire dans ce récit, c'est de se dire que tout cela pourrait très bien arriver dans les années à venir. Ecrit il y a plus de 30 ans, ce récit sonne terriblement actuel. Sans être très rythmée, l'histoire n'en est pas pour autant ennuyeuse car elle alterne entre scènes du passé de Defred et action présente. J'ai été très frustrée par la fin, car j'aurai aimé en savoir plus. Mais clairement, c'est une histoire qui mérite d'être lue et qui fait réfléchir sur notre société.
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