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EAN : 9782818020944
160 pages
P.O.L. (13/05/2014)
3/5   4 notes
Résumé :
On sait : l’autre. On sait qu’il va venir. Il arrive toujours. Il nous tient par les yeux, nous oppresse. Il contamine notre espace, veut nous réduire à petit feu. On sait qu’il est en bas, là, derrière le mur. C’est à devenir dingue. C’est à devenir : on devient. Presque. Mais non, on ne le laissera pas faire, on ne veut pas finir si vite. Alors on se concentre, on se concentre puis on l’attend, l’autre, le pied ferme. On ne veut pas céder à la panique. On court ve... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

N°821 – Octobre 2014.

ON SAIT L'AUTRE – Édith Azam – P.O.L


Des les premières pages, on sent comme une menace, l'autre peut aussi en être une. Pour cela le narrateur a fermé la porte à clé et veut les faire disparaître pour se protéger de cette venue inquiétante. L'autre pourtant ne vient pas mais son absence n'est pas pour autant rassurante, pire, elle est angoissante parce que violente(« C'est plus tard qu'il viendrait : avec sa hache, son coup de métal froid »). Pour le narrateur, cela devient même une obsession puisque cette éventuelle intrusion dans la maison le détermine à détruire tous ses carnets sauf un. C'est que cette crainte, même si elle n'existe que dans son imagination devient une hantise. Cet autre n'a pas de visage, c'est une sorte de potentialité, mais pour le narrateur cette virtualité est suffisante, il faut donc éviter tout contact avec les autres et même ne plus leur parler . Dès lors le silence est le seul possible, jusque dans la mort. le narrateur semble donner une clé pour échapper à cette sorte de fatalité, c'est la poésie qui use de la langue mais sans volonté de domination sur autrui. Fort de cette remarque, il va entasser tous les livres de poèmes qu'il possède dans une valise qu'il va descendre à la cave. Là, il va se passer une métamorphose, comme un miracle et ces livres font se mettre à saigner pour prouver qu'ils sont vivants. Il va donc falloir les rassurer. Pour cela il va se coudre sur le corps les pages de ces livres.

Et l'autre là-dedans ? Il se trouve qu'il est toujours présent dans la pensée du narrateur mais aussi qu'il a pris forme. Au début, le texte faisait mention de trois chevaux bien vivants (les chevalos). Progressivement, ils vont quitter leur apparence animale pour agir comme des hommes, ils jurent, ricanent, jouent à la roulette russe, fument des cigares et finalement incarnent « l'autre » quand la mort est proche. Je n'ai pas compris cette hantise qui revient sous forme d'images répétées (Les guêpes, les chevaux, les valises, des deux coeurs, le sang)

J'avoue que ce texte, lu en ce qui me concerne avec difficulté tant le style est haché, me pose question. Cela est-il le symbole de la difficulté de vivre tout simplement. Est-ce le rejet de toute référence sociale, comme par exemple « la réussite » avec son cortège de manifestations tangibles et reconnues ? La peur constante des autres révèle les blessures de la vie même si « ce vieux corps usé » se réfugie dans la poésie et peut-être dans la mort ?

Sur le principe, je ne suis pas opposé à cette manière de voir l'autre. Nous savons tous que nous devons nous en méfier, même s'il nous est proche. Dans ce cas de figure la trahison, le mensonge, l'hypocrisie font partie d'un jeu qui peut, à cause de l'autre, se retourner contre nous. Ce n'est pas pour paraphraser Sartre, mais bien souvent « l'enfer c'est les autres » même si nous vivons une époque où il convient de faire jouer la solidarité, l'entraide. Cependant, sur la forme, je n'ai que très peu goûté ce texte que j'ai lu comme une longue litanie mono-thématique, écrite, à mon goût d'une manière trop abrupte. J'ai voulu y voir une sorte de fatrasie, un délire verbal mais franchement je n'ai pas pu, malgré toute ma bonne volonté, entrer dans cet univers créatif. Une nouvelle fois je suis peut-être passé à côté de quelque chose mais ce moment de lecture n'a pas été pour moi ce qu'il doit être : un plaisir.

©Hervé GAUTIER – Octobre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Et toujours cette même question. Le rescapé, le trente-troisième petit cahier, comment faire ? On ne parvient pas à admettre que ce dernier bout de silence cartographié disparaisse. On ne veut pas refaire une seconde fois, le geste de poussières et feu : ce serait une aliénation de plus. Sans savoir pourquoi, des visions de statues nous viennent à l’esprit. On voit de longs visages, des têtes à moitié humaines, à moitié animales et sauvages, à moitié autre chose encore, mais on ne sait pas quoi. Ce sont des têtes pleines de moitié pense-t-on, à moitié pleines, vides aussi, et de moitié encore. Elles nous parlent, on ne saurait dire de quoi, et pourtant on sait bien qu’elles expriment parfaitement ce qui n’effleure jamais nos lèvres mais que l’on porte si lourdement et bien en travers : dans le corps. On réfléchit, on met à plat toute la nuit qui nous habille la poitrine. On se dit qu’il faut une vie pour admettre que quelque chose dépasse l’organisme. On se dit qu’après tout, ce n’est pas grand-chose, à notre âge on peut bien l’admettre, ne pas mentir sur le bilan. C’est tout petit la vie, tout petits : les morceaux qui brillent, et qu’ils étaient sans doute écrits dans les cahiers, à faire de la lumière encore, parfois, entre les feuilles. On n’avait pas le droit de tous les brûler ainsi. Ils n’appartenaient plus à personne, ils étaient simplement le résidu d’oubli, la trace d’une mémoire qu’il fallait recueillir. À présent que c’est impossible, c’est comme si elles hurlaient, qu’elles étaient faites pour hurler ces traces, jusqu’à jamais. On soupire. On sait, on reconnaît qu’on a eu tort de tout détruire. On touche du bout des doigts la couverture grise du cahier rescapé.
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On se lève, on regarde le désastre, les livres, les feuilles… Il y a de tout partout, c’est la pagaille oui, et cependant on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a, dans ce désastre, quelque chose de beau. On va s’asseoir, on regarde. On regarde le sol sur lequel se couche notre vie, pense-t-on, et d’une certaine manière, on sait pertinemment, qu’elle ne nous concerne plus. Que ce ne sont là que des traces qui appartiennent à l’histoire, et puis qu’en tant qu’individu, cela n’a pas grande importance. On reste là, longtemps, à contempler la chose belle : le désastre. On a, entre les cœurs, un clignotement soudain qui nous pince. On ne sait si c’est la douleur : on est fatigué, voilà tout. Vieux et fatigué se dit-on. Les deux cœurs se froissent, dehors les chevalos s’apprêtent : à bondir. À nouveau ce bruit de ruche qui bourdonne dans nos oreilles. Abasourdi, éreinté, on n’y prête pas garde. On reste planté, assis sur la chaise, les yeux comme des caves à moitié effondrées, un regard d’homme : d’animal triste. Devant nous s’étend toute notre vie, elle se résume à ça, se dit-on, et c’est pénible. Ces feuilles-papiers-griffon, ça ne pèse pas lourd, non.
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Avec le
manque d’expérience, on met du temps
pour la rencontre. Toujours trop de questions, de doutes sur le bon geste. On oublie
trop souvent qu’il n’y a rien à comprendre.
Calculer l’itinéraire est déjà : un détour. On
s’enfonce dans un vide, on n’espère plus
rien, on reste là, planté, un peu de bave aux
commissures, la langue tirée, immobile,
qui ne sait plus très bien, n’ose plus tourner,
s’oublie et puis… Et puis finalement, les
bons gestes nous viennent : et le don, et
l’accueil. La nuit aussi, la nuit s’apprivoise,
réalise-t-on soudain lorsqu’elle nous lèche
le visage.
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On aime ça, la surprise, s’offrir la
possibilité qu’une chose, à revers, pousse.
On retourne s’installer sur le cuir, et c’est
une sensation agréable parce qu’il est chaud
encore, lorsqu’on se cale dans ses bras. On
aime ça, le confort. Non, ce n’est pas exactement cela, pas exactement le confort, pas
exactement du tout, en fait. Ce qu’on aime,
c’est la sensation que le fauteuil ne soit plus
cuir. Ce qu’on aime, c’est cette chaleur :
l’accueil, tout simplement. L’apathie nous
reprend peu à peu tout le corps, et c’est une
langueur, une indolence réconfortante.
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On voudrait se trouver dans une phrase nouvelle, une de ces phrases petites qu’on écrirait serein, avec grand soin, et ce serait la bonne phrase, celle qui ferait grimper les mots, couler l’eau chaude dans l’autre sens, reconstituerait les cahiers, mais le seul qui reste, le rescapé, ne révèle pas un seul des mots qu’on a : brûlés. Un regret, alors, qui nous pince le cœur. C’est d’un tel ridicule… on écrit on écrit, on ne sait pas même si on aurait pris le temps de les relire un jour ces cahiers. À présent on donnerait cher pour que cela nous soit possible.
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Vidéo de Edith Azam
Edith AZAM – "Ça n'a pas d'importance" (France Culture, 2008) L’émission « Ça rime à quoi ? », par Sophie Nauleau, diffusée le 28 septembre 2008.
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