Ingeborg Bachmann a aussi écrit des
poèmes et ce avec une technique et un rythme remarquables, malgré le propos souvent très direct. Cette constatation est à nuancer : en 1963, elle dit arrêter d'écrire des
poèmes parce qu'elle s'est aperçue qu'elle peut en écrire même sans en éprouver le besoin, c'est-à-dire sans que cela ne puisse être autre chose que des
poèmes. En 1971, elle dit qu'elle n'a plus rien à dire sur ses
poèmes, maintenant qu'elle n'en écrit plus. Et il est vrai qu'elle en a très peu écrit de 1964 à 1971 et assez peu dans l'ensemble, puisque ce recueil rassemble tout ce qu'elle a publié de son vivant en 180 pages. Il ne contient pas les
poèmes publiés à titre posthume (publication controversée) en 2000.
Au final, on a presque l'impression d'une partie mal-aimée de son oeuvre. Peut-être estimait-elle sa prose plus spontanée, plus directe. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de relever que des
poèmes comme Mirjam rappellent
Celan (allusion au judaïsme, à la Shoah, une étonnante sensualité en plus, une forme plus maîtrisée) avec qui elle a entretenu une longue correspondance et mériteraient la même renommée. Par ailleurs, les thèmes sont souvent les mêmes que dans le reste de son oeuvre : la mort, le désespoir, les crimes (nazis), un peu moins de féminisme peut-être. Noter le splendide poème écrit à Prague en janvier 1964, alors qu'elle essaye de se remettre de la rupture fin 2012 avec
Max Frisch, sur le retour à la vie. Malheureusement,
Ingeborg Bachmann revint à Rome et vécut dans la dépendance à l'alcool et aux médicaments, jusqu'à sa mort dans un incendie en 1973, à 47 ans.