Un choeur de voix féminines m'enveloppe et m'ensorcèle.
Elles sont cinq à prendre la parole dans ces nouvelles. Ce sont des voix un peu heurtées, déphasées, cacophoniques, qui s'interpellent d'une nouvelle à l'autre, font écho et se racontent des histoires, ou des bouts d'histoires, souvent avec des hommes qu'elles séduisent mais avec qui elles ont du mal à s'accorder. Il y a quelque chose qui cloche, ne les convainc pas, les laisse insatisfaites.
Elles ont perdu le décodeur, sont légèrement en décalage avec la réalité.
Elles parlent plusieurs langues, comme Nadja, traductrice, qui entame une relation avec un homme qu'elle vient de rencontrer dans un congrès. C'est juste le début d'une liaison ou une aventure de courte durée, un peu chaotique, à distance. Nadja est embarquée malgré elle dans ce périple, perdue dans le flot de mots qu'elle doit traduire, avec cet homme qui n'a d'autre attrait que celui d'être originaire de Vienne.
Dans Problèmes, problèmes, Beatrix, immature, entretient une liaison avec un homme marié dont l'épouse fait plusieurs tentatives de suicide. Elle n'a ni formation, ni travail, et ses seuls plaisirs sont le sommeil et le coiffeur, et pourtant la dernière séance va virer au cauchemar.
Dans Les yeux du bonheur, Miranda a un problème avec ses lunettes. Souvent, elle ne les trouve pas. Cela lui permet de voir les choses comme ça l'arrange. Elle va procéder de la même manière avec son amoureux.
Il faut se laisser porter par ces longues phrases sinueuses et poétiques, par ces voix captivantes, moins âpres et désespérées que celle qu'
Ingeborg Bachmann nous faisait entendre dans
Malina, plus légères, distanciées, proches de nos interrogations, de nos errements, de nos maladresses.
Dotée d'une capacité à décrire des situations avec une sorte d'"hyperréalisme émotionnel", cette écrivaine nous touche au coeur.