Ce roman chinois ne date pas d’un lointain passé (il a été écrit et a circulé sous le manteau sous la dynastie Ming), mais il se réfère à l’époque très ancienne "des Printemps et des Automnes". Belle de candeur est la fille du duc Mu. Encore très jeune, elle est initiée à l’amour par un "homme-montagne" (c’est-à-dire un immortel, dans les croyances taoïstes). Il lui donne des pilules pour « évaser ou resserrer sa vallée », afin d'augmenter sa jouissance et celle de ses partenaires. Il lui apprend l’art de bien faire l’amour: il s’agit de « recueillir les fruits de la bataille ». En effet, dans les conceptions taoïstes, tout doit être fait pour que la jouissance se prolonge le plus longtemps possible, non seulement pour le plaisir des partenaires, mais aussi et surtout pour qu’ils emmagasinent toutes les énergies cosmiques en jeu dans l’amour et, ainsi, améliorent leur santé et leur longévité. (On trouvera une interprétation moderne de ces préceptes dans un livre intitulé "Le Tao de l'art d'aimer")
Initiée par l'immortel, Belle de candeur va avoir une longue carrière amoureuse, qui est détaillée ici dans une langue surprenante mais charmante. On évoque ça et là « cette chose légèrement convexe d’une blancheur odorante comme un petit pain cuit à la vapeur», les « deux seins aussi blancs et tendres qu’une tête de poulet », ou « le membre viril [qui] se dresse pareil à une lance d’or, raide et pointu ». Naturellement, comme dans tous les romans érotiques, l’effet de répétition finit par émousser un peu le caractère émoustillant du récit. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une réussite qui, de plus, a tous les attraits de l’exotisme. J’ajoute que, à travers ces aventures amoureuses, le lecteur a un bon aperçu sur la culture et l’art de vivre dans la Chine ancienne; le livre est d’ailleurs parsemé de notes ’intéressantes en bas de page.
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Dans l'état actuel des connaissances, il est difficile de donner avec précision la date de composition du Zhulin yeshi, en l'absence de toute édition originale connue. Vers 1933 le célèbre bibliophile Sun Kaidi en faisait, faute de mieux, un roman des Qing (1644-1911), ce dont il est permis de douter : la qualité du texte - n'en déplaise à Sun, qui en jugeait le style grossier et ordurier - laisserait penser à une composition plus ancienne, soit de la fin de la dynastie des Ming (première moitié du XVIIe siècle) : la grande époque du roman érotique en Chine.
1570 - [p. 11] Avant-propos
L'expression yeshi, littéralement "histoire sauvage" ou "officieuse", est l'un des nombreux synonymes du roman dans la Chine prémoderne. Elle fait plaisamment allusion aux histoires officielles, aux textes canonisés, auxquels les romanciers ont toujours prétendu apporter, non sans malice, leur "complément".
Page 144 :
Mille lis de distance ne sont rien à ceux qui doivent se rencontrer
Même si on est face à face pas de vraie rencontre sans la destinée !