Le livre que j'aurais pu écrire si j'avais eu du talent, et si j'avais été anthropologue, l'anglais
Nigel Barley l'a fait.
Il décide de suivre les conseils de
Malinowski, préconisant la recherche sur le terrain, qu'il maudit quand même lorsqu'il se retrouve chez les Dowayo, un ensemble de villages du Nord –Est du Cameroun, réputés « arriérés ».
Son arrivée problématique au Cameroun( car il lui est demandé papiers et copies de papiers, avec photos, mais les ciseaux sont introuvables, timbres , mais il n'y a pas de timbres fiscaux en vente, nulle part, sans pouvoir discriminer lequel de ces douaniers sait lire ou pas) ne lui fait pas perdre l'humour très british, répondant à ce monde truculent , cocasse , ubuesque d'Afrique de l'Ouest :
le dentiste chez qui il va lui arrache sans préambule deux dents de devant, et vu les saignements, il appelle le vrai dentiste ( lui est mécanicien).
Le jeune cuisinier qui se présente chez lui…. en fait est éboueur.
Les passagers de sa voiture sont mis en rang, par un douanier urbain improvisé, « et sommés de produire leurs quittances d'impôts des trois dernières années, leurs cartes d'identité et leurs cartes de membre de l'unique parti politique connu dans le pays. »
Je ne peux, en lisant ce livre, que penser aux fous rires qui nous ont pris quand , sur une route perdue du Mali, où sans doute pas plus d'une voiture ne passe en une semaine, nous sommes arrêtés par un « douanier » ( en fait peut-être un passant, et sûrement un voyou.) Cependant, l'ordre étant l'ordre, il nous somma d'écrire sur son cahier d'écolier noms et prénoms de nos pères et mères, leurs dates de naissance ( euh ?) , puis, en y regardant de plus près , nous accusa de surcharge. Nous voyions passer les voitures avec plusieurs vaches attachées sur le toit ou un ensemble de crocodiles, ou les deux, sans compter les dames - jeannes de mauvais vin de 50 litres.
Nigel Barley a eu le don de me rappeler tous ces bons souvenirs, en notant que, au Cameroun et je confirme, le ton monte vite, il faut qu'il y ait égalité dans la confrontation, puis, brusquement , tout le monde se calme.
le faux douanier nous délivra et nous invita à déjeuner.
.Déjeuner inoubliable.
Ça, c'est l'Afrique.
Sa présence, dans un petit village, pose le problème du pourquoi ? pourquoi un pays aussi civilisé que l'Angleterre va financer un clampin pour qu'il étudie les moeurs rétrogrades d'un village oublié du monde ? il doit y avoir espionnage sous roche, c'est sûr.
Et puis, les villageois se demandent à bon droit quand il va se dépouiller de sa peau blanche, pour se révéler , en tant que sorcier.
Quitte ton pyjama , sorcier, on a vu ton jeu, pas la peine de mentir.
Ceci dit, bien qu'au niveau anthropologique proprement dit Nigel ne m'ait rien appris, sa naïveté, son ingénuité, son désir d'apprendre une langue où le même mot signifie plusieurs choses, selon l'accent mis, son humour enfin, font de cette visite au pays , haut en couleur, rempli de couleuvres que Nigel doit avaler avant de se raffermir et de s'affirmer, une excellente introduction à la vie de ces buveurs de bière de mil.