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EAN : 9782072864063
128 pages
Gallimard (03/10/2019)
4.05/5   10 notes
Résumé :
Le 29 juillet 2010, à Zurich, Michèle Causse, théoricienne féministe et traductrice, a choisi de dénaître en mourant par suicide-assisté le jour de son anniversaire.
Se pourrait-il qu'existe un lien entre sa mort et celle du personnage du livre Bartleby le scribe qu'elle avait traduit en français ?
Telle est la question qui travaille le narrateur, un étudiant en théologie qui commence à bien connaître les Évangiles, où il a lu cette phrase : cherchez... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
❤️Quelle magnifique surprise que ce premier roman brillant et singulier.Une construction subtile, un sens de la narration indéniable, une idée originale, une plume majestueuse et des traits d'esprit teintés d'un humour noir jubilatoire font de sa lecture un moment de grâce. le narrateur, un étudiant parisien en théologie et pourtant « homme de peu de foi, bonne ou mauvaise » en a « plein le dos » . Ce solitaire désabusé, diminué par ses douleurs dorsales passe « ses journées couché sur le sol...étendu à plat les bras le long du corps » à contempler le plafond pour tenter d'apaiser son mal de dos et existentiel, en proie à une prolifération de pensées vagabondes et auto-dérisoires. C'est en visionnant fortuitement une vidéo sur la fin de vie assistée et programmée de la traductrice féministe Michèle Causse qu'il débute une enquête littéraire. Il faut dire qu'interpellé par sa décision de « dénaître » alors qu'elle est en pleine santé bien que septuagénaire il fait des recherches et tombe sur sa traduction de « Bartleby le scribe » d'Herman Melville. Il y pressent un lien entre sa volonté de mettre fin à son existence et sa confrontation avec Bartleby « Le scribe inerte de Wall Street » dont la passivité légendaire en a fait un personnage mythique. Cet être en rupture avec son drolatique mantra « I would prefer not to » est connu pour sa résistance passive face aux tâches bureaucratiques demandées. À la réflexion sur la volonté ferme de M.Causse d'en finir s'ajoute une interprétation intéressante du célèbre roman éponyme de Melville apportant une dimension philosophique et par-delà une réflexion sur l'écriture et l'impact de la littérature. Navigant avec maestria entre les références bibliques, la vie de M.Causse, l'analyse du roman de Melville, du comportement de Bartleby et quelques anecdotes de la vie quotidienne, Julien Battesti ressuscite les défunts et aborde des thématiques qui interrogent. Intelligent, habile, drôle, poétique, la lecture de ce roman est une parenthèse enchantée aussi inclassable que jouissive. Je pourrais en dire plus à son propos mais « I would prefer not to » vous laissant le plaisir de la découverte.
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“Ce que j'ignorais, à l'epoque, c'est que les grands livres-sur-rien, les ecrivains — meme les meilleurs, meme les gros moustachus qui gueulent — ne parviennent jamais tout a fait a les ecrire. C'est pourquoi ils vont chercher, dans les journaux ou sur un vitrail, une histoire qui leur permettra de donner le change : l'histoire d'un saint dont les parents habitent un chateau, au milieu des bois, sur la pente d'une colline ; l'histoire de deux retraités qui revent de tout savoir ; ou celle d'une femme qui s'empoisonne.”

Julien Battesti ne pouvait mieux affirmer son admiration pour Flaubert. Mais par la meme occasion il insinue peut-etre que c'est ce qu'il s'est propose: ecrire un livre sur rien.

Il a reussi a l'ecrire, son livre. Sur rien? Mais non. Sans intrigue lineaire, etroite, en brossant des situations, des sensations, il arrive a traiter enormement de sujets, bien qu'il soit tout court. La solitude, voulue, assumee; la quete, de savoir, de comprendre la vie, de comprendre d'autres, sinon tous les autres; l'excitation, les compensations que procurent cette quete; la quete comme reparation de la solitude. Et ce que j'ai le plus aime c'est que c'est une peregrination en litterature, entre autres et surtout sur les traces de Melville et de son Bartleby.


Un étudiant en théologie à l'institut Catholique de Paris passe ses journées allongé au sol, tel un christ inverse, cloue au sol par des hernies discales, contemplant le plafond, et laisse devaler ses pensees, son imagination. Un étudiant qui a lu Melville, et qui un jour, par le plus grand des hasards, recherchant un livre titre Exit (qui en fait n'existe pas), tombe sur une vidéo sur Youtube, la video d'une septuagénaire, Michèle Causse, qui décide de mettre fin à ses jours par suicide assisté, à Zurich, alors qu'elle n'est atteinte d'aucune maladie grave (exit exemplaire, s'il en fut). Il est fasciné par cette démarche, qu'il peine à comprendre. Et, hasard troublant, il découvre quelques temps plus tard que cette Michèle Causse est l'une des traductrices de Bartleby le Scribe... (tout cela n'est pas imaginaire, mais tout a fait veridique, reel). Y a-t-il un rapport? Cet abandon de la vie est-il un refus? Un “je prefererais ne pas" plus moderne? L'etudiant part en enquete, et cette enquete sera peut-etre une reponse a ses doutes theologico-spirituels, peut-etre meme un remede a ses maux physiques.


Le narrateur rappele le Marcelo de “Bartleby et compagnie”, d'Enrique Vila-Matas, qui s'isole dans sa chambre. Comme Vila-Matas, il arrive a nous fournir, sous le pretexte d'une recherche litteraire, la plus vraie et la plus captivante des litteratures. Il avoue lui-meme: “ Car c'est la litterature qui fit pour moi office de lieu naturel : le lieu le plus sauvage et le seul respirable”.

Battesti a ecrit un roman? En verite, oui. Un roman qui se deguise, qui se cache. Une grande reussite. Et c'est un jeune auteur, ce Battesti. A suivre, assurement.


P.S. Il me faudra ecrire un billet sur le Vila-Matas. Je suis accro aux enchainements…

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Le 14 novembre 2019, le jury littéraire du magazine "L'incorrect" décernera peut-être son Prix de l'Ivresse (une caisse de champagne offerte à l'auteur) à ce petit roman, "L'imitation de Bartleby". Bartleby, on le sait, est cet étrange personnage de Melville, clerc d'avoué, qui répond invariablement "I would prefer not to" ("j'aimerais mieux pas", si on veut) à toutes les tâches qu'on lui prescrit. On se souviendra aussi que le titre du roman renvoie à l'imitation de Jésus-Christ, livre injustement tombé dans l'oubli et qui est cité en exergue, en même temps que Melville. Ainsi, la première page avec ses deux citations plante le cadre de tout l'ouvrage : Melville, Bartleby, la négation et le refus, et aussi, Dieu et la théologie. La théologie est la discipline d'étude du narrateur, jeune homme qui, soudain immobilisé par une triple hernie discale, se lance dans une recherche sur la traductrice de Bartleby, Michèle Causse, "penseuse" (sic) féministe de choc, "auteure" (sic) d'un traité contre le "sexage". Elle ne conçoit (comme tant d'autres) la question de l'émancipation des femmes qu'au seul plan grammatical et linguistique. Elle se suicide à Zürich, dans les locaux d'une association d'aide à la mort volontaire. Tout cela est vrai et Michèle Causse a vraiment existé. Battesti ne se donne pas la peine de la caricaturer : elle est à elle-même sa propre caricature. Mais le récit de sa mort est étrangement émouvant et redonne à la militante sa figure humaine.

Ces éléments multiples sont liés entre eux dans un récit fort bien écrit, malin et tissé de réseaux secrets. Le lecteur sera conduit de Melville à la Bible, de la Bible à Joyce et à Ulysse, de Joyce à Michèle Causse et ce riche tissu de références n'a rien d'un divertissement stérile. La vie apparaît au savant narrateur comme un système de signes, un texte qu'il déchiffre et qui n'est autre que sa propre existence. Sa lecture produit un roman, dont le texte n'est en rien alourdi par toute cette masse de savoirs, et le lecteur circule sans peine, car il sent qu'il n'y a nulle haine, nul ressentiment, dans le travail de l'écrivain. Comme Melville, il se soucie de "trouver le réconfort .. pour tous les pauvres et les abandonnés." C'est assez rare pour être signalé.

La présence de Borges se fait sentir, bien sûr : fascination pour le signe, monde comme texte. Dans un de ses contes, il est dit que la théologie est une branche de la littérature fantastique. En somme, ajoute le narrateur de Battesti, la théologie est la littérature accomplie et manifestée dans ce qu'elle a de plus pur. Il ajoute (p. 34) : "Je n'ai jamais jugé utile de dire à mes professeurs que j'envisageais la théologie comme un genre littéraire car de la littérature, encore aujourd'hui, je n'attends pas moins que la résurrection et la vie éternelle." Jamais nommé directement, ou presque, le grand inspirateur de tout l'ouvrage et de sa conception est Flaubert, le saint patron des romanciers.

Roman divertissant et profond.
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Si vous êtes parcouru par la sotte sensation d'avoir lu tous les livres, essayez le roman de Battesti. Une nouvelle sur la nouvelle de Melville entremêlant théologie et traduction, suicide et hernie discale, linguistique et lesbianisme radical. Cette mise en abyme vous flanquera le vertige et l'impression fausse mais agréable d'être devenu intelligent. L'impression de savoir mieux ce qui meut Bartleby.
De la coke en solde.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Si je me suis alors tourné vers la théologie, c'est en conséquence d'un raisonnement simple mais limpide : de toutes les littératures, la théologie était la plus seule, la plus abandonnée. Je pensais : / la théologie est la littérature la plus abandonnée car elle l'a été par son objet même./ Comment ne pas voir que chaque ouvrage théologique était un exemplaire de ce grand "livre sur rien" que les écrivains les plus ambitieux convoitaient ? Je n'ai jamais jugé utile de dire à mes professeurs que j'envisageais la théologie comme un genre littéraire car de la littérature, encore aujourd'hui, je n'attends pas moins que la résurrection et la vie éternelle. Ce que j'ignorais, à l'époque, c'est que les grands livres-sur-rien, les écrivains - même les meilleurs, même les gros moustachus qui gueulent - ne parviennent jamais tout à fait à les écrire. C'est pourquoi ils vont chercher, dans les journaux ou sur un vitrail, une histoire qui leur permettra de donner le change : l'histoire d'un saint dont les parents habitent un château, au milieu des bois, sur la pente d'une colline ; l'histoire de deux retraités qui rêvent de tout savoir ; ou celle d'une femme qui s'empoisonne.

p. 34
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Les premières lignes de "Bartleby, ou la formule", dans lesquelles Deleuze assène une fois pour toutes que Bartleby n'est pas une métaphore "ni le symbole de quoi que ce soit", m'avaient, il faut bien l'admettre, un peu intimidé. Il y eut une période pendant laquelle je m'étais mis à douter de l'intérêt des notes que j'avais prises aux fins d'approcher ce que mes professeurs de théologie appelaient le sens anagogique, qui est une espèce de trappe en bois par où l'on pénètre dans un monde plus élevé ou dans le même monde avec une tête plus légère. Pouvais-je vraiment me permettre de contredire le grand philosophe en bricolant ma propre exégèse ? N'était-ce pas insensé ? Je ne savais plus.

p. 68
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Les premières lignes de Bartleby, ou la formule, dans lesquelles Deleuze assène une fois pour toutes que Bartleby n'est pas une métaphore « ni le symbole de quoi que ce soit », m'avaient, je dois bien l'admettre, un peu intimidé. Il y eut une période pendant laquelle je m'étais mis à douter de l'intérêt des notes que j'avais prises aux fins d'approcher ce que mes professeurs de théologie appelaient le sens anagogique, qui est une espèce de trappe en bois par où l'on pénètre dans un monde plus élevé ou dans le même monde avec une tête plus légère. Pouvais-je vraiment me permettre de contredire le grand philosophe en bricolant ma propre exégèse ? N'était-ce pas insensé ? Je ne savais plus.
Deux providentielles réflexions m'avaient alors délivré du poison du doute. La première c'était que Deleuze lui-même ne s'était pas tenu à ses premières affirmations et, dans la suite de son texte, avait fait de Bartleby la métaphore de sa propre pensée; la deuxième c'était que, tout bien considéré, je ne voyais pas pourquoi je m'en laisserais imposer par un type qui n'était même pas foutu de se couper les ongles.
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La première chose que je vis, en entrant dans l'hôtel, fut une bouteille de liquide désinfectant posée sur le comptoir de la réception, lequel, par sa petite dimension, donnait à l'objet une importance considérable. On invitait manifestement le voyageur à laisser ses microbes au vestiaire. (page 94)
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