28 modestes pages inédites de l'auteur de "
Léon Morin prêtre" éditées par
une petite maison d'édition dont j'affectionne particulièrement le travail et l'esthétique de leurs publications, Les Editions du Chemin de Fer…
...
Des pages anarchiques qui passent du coq à l'âne, qui font plutôt songer à
une conversation en direct, où
Béatrix Beck, narre essentiellement son travail de secrétaire auprès du vieil Enfant Prodige,
André Gide, qui fut un grand ami de son papa, l'écrivain belge,
Christian Beck. Pourtant l'histoire entre eux était mal partie ;
Béatrix Beck, poussée par le besoin et la nécessité dut se résoudre de vendre aux enchères des lettres de
Gide à son père…
« Ces lettres se vendirent aux enchères au palais des
Beaux-arts de Bruxelles. Les enchères étaient montées très haut, étant donné la célébrité du scripteur-mais, navrée d'avoir dû recourir à
une telle extrêmité, j'écrivis à
Gide à ce sujet. Il me répondit tout de suite en m'assurant que lui, au contraire, était ravi d'avoir ainsi pu, indirectement et à travers tant d'années, rendre service à la fille de l'ami très regretté.
La vente de ces lettres d'
André Gide à
Christian Beck m'apporta le loisir nécessaire pour faire mon premier livre »
Inédit des plus attachants et instructifs car il nous donne à voir un portrait plus intime et malicieux de l'auteur des « Nourritures terrestres », car
Béatrix Beck possède un ton des plus facétieux…
«
Gide aimait beaucoup l'oeuvre du poète Norge, surtout un poème intitulé « Monsieur », qu'il nous lut admirablement, avec un humour contenu :
Je vous dis que Monsieur est bête.
Je vous dis que Monsieur est mort.
Je vous dis que Monsieur est Dieu.
Naturellement, le vieil écrivain s'identifiait à ce « Monsieur » qui ne meurt que pour mieux accéder à la divinité. » (p.20)
Béatrix Beck narre modestement les rencontres d'écrivains célèbres avec son patron, dont
une avec
Sartre… qu'elle admirait plus personnellement.
Un petit livret fort agréable à lire, avec le plaisir supplémentaire de tomber au cours de cette brève lecture, sur des alternances de papiers de couleurs …et 2 feuillets de copies couleurs, du tapuscrit d'origine, in-fine.
Nous l'aurons compris, la facétie et l'estime de l'écrivaine ne font pas oublier que
Gide était
une personnalité imprévisible et complexe…il en ressort toutefois un portrait attachant, et drôle.
« Son besoin d'amuser avec autrui, ou même de s'amuser d'autrui, de mettre l'autre dans des conditions déconcertantes, pour voir comment il réagira, se manifestait jusque dans les petites choses. Ainsi, quand il assistait aux répétitions de sa pièce, -
Les Caves du Vatican -, et qu'il rentrait tard, au lieu de sonner normalement à la porte, il grattait, un grattement si léger que c'en était presque inaudible si bien que j'étais obligée d'avoir constamment l'oreille aux aguets. Et c'est ce que souhaitait
Gide. Il n'aimait pas qu'on l'aime avec excès, mais il souhaitait qu'on pense beaucoup à lui. (p.15)