«
Les regrets » est un recueil composé de sonnets écrits par
Joachim du Bellay pendant un séjour de quatre ans à Rome. Un séjour pénible où il a pu constater que Rome n'était plus la Rome antique mais un monceau de ruines.
Les premiers sonnets sont des chants d'exilé, des plaintes adressées à ses amis, et dans lesquels il exprime la peine que lui cause son isolement ainsi qu'une grande nostalgie de la France et de la douceur angevine.
Du Bellay se reconnait dans le personnage d'Ulysse, affrontant mille tourments dans le seul espoir de retrouver sa chère patrie. le célèbre « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… » illustre parfaitement l'esprit de ces premiers sonnets. Puis le ton change, il devient plus moral. Une moralité en accord avec le fameux Carpe diem des poètes de la pléiade : « Celui vit seulement, lequel vit aujourd'hui », écrit-il. Un Carpe diem qui a peu de rapport avec l'hédonisme, ainsi qu'on veut bien trop souvent les confondre aujourd'hui. Il suffit de lire ces Regrets pour en comprendre la différence. Il y a toute la distance entre le Carpe diem et l'hédonisme qui sépare le contentement de l'avidité. Des poèmes satiriques (dénonçant l'esprit de cour qui règne dans les Etats de l'Eglise, l'hypocrisie, la cupidité, la pédanterie) qui s'inscrivent dans une vraie tradition française.
Du Bellay en profite pour régler ses comptes avec ses ennemis et aussi parler un peu des évènements qui secouent l'Europe à l'époque. Les dernières
poésies sont consacrées à ses amis, à la France, à la famille royale, il y fait l'éloge de leur vertu.
Les trente-deux sonnets sur
Les Antiquités de Rome sont moins amers, bien qu'ils soient eux aussi empreints de nostalgie. Mais ce n'est plus une nostalgie tournée vers la France, elle regarde les ruines de Rome et son ancienne gloire. Ainsi du Bellay médite sur l'inconstance du monde, sur la fuite du temps et le fait que la Rome éternelle n'a jamais existée. « Rome de Rome est le seul monument, et Rome Rome a vaincu seulement. le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit, reste de Rome. » Fortune divine, destin d'un peuple trop cruel et trop orgueilleux ? Quoi qu'il en soit,
Du Bellay retient que « Tout en rien doit un jour devenir ».
Du Bellay et les poètes de la pléiade sont pratiquement les inventeurs de la langue française. C'est eux qui ont donné au parlé populaire issu de la langue d'Oïl ses lettres de noblesse, une certaine fixité. Et, de fait, quand on compare les écrits de du Bellay à ceux de ses prédécesseurs, tels que
François Villon un siècle plus tôt ou même
Rabelais (ainsi qu'ils ont été écrits à leurs époques respectives), le vocabulaire, l'orthographe et la grammaire de du Bellay sont beaucoup plus proches du français d'aujourd'hui. Toutefois, on trouve quand même quelques mots désuets et formulations baroques. J'ai été particulièrement frappé par le nombre de répétitions dont use
Du Bellay, qui ne sont pas du tout dans les conventions actuelles.