Treize ans, âge charnière. On garde des comportements d'enfant, on a besoin d'être dorloté, rassuré, mais on a aussi des velléités d'indépendance, alors la surprotection parentale peut étouffer.
A la veille de partir seul chez son grand-père à la Rochelle comme chaque été, Bastien aimerait que sa mère ne le laisse pas trop se débrouiller pour les corvées - acheter lui-même son billet de train, par exemple - même s'il est soulagé qu'elle le lâche un peu.
Ces vacances vont donner l'occasion à Bastien de prendre des responsabilités et des décisions d'adulte : quand il arrive chez son grand-père, il constate que celui-ci va mal depuis le décès de sa femme. La solitude et l'ennui lui pèsent, il a besoin de boire pour continuer à mettre un pied devant l'autre, quitte à marcher de guingois. Pas question pour l'adolescent de laisser le vieil homme dégringoler comme ça.
Ce roman émouvant invite à réfléchir sur l'adolescence et ses problèmes (identité, indépendance, amitié, amour) et sur la solitude des personnes âgées. Mais aussi sur les relations parent-enfant, illustrant la notion de "mère suffisamment bonne" (Donald Winnicott), celle qui entoure son enfant "ni trop, ni trop peu", qui sait lâcher du lest pour l'encourager à s'autonomiser.
Etre TOUT pour ses parents, d'accord, c'est bien, mais "des fois, tout, c'est trop", comme le déplore Bastien. Tandis que RIEN, ou PEU, c'est pas assez, comme pour son amie Anne qui passe de foyer en famille d'accueil, ou pour son copain Yassine qui a l'impression que ses parents ne le "calculent" pas.
Cette histoire pleine de bonnes intentions est un chouïa trop chargée pour rester crédible, ça part un peu dans toutes les directions et le gamin semble mûrir soudainement comme un haricot magique - l'histoire de l'apprentissage auprès du fabricant de bateaux, par exemple, aurait pu être évitée.
J'en conseillerais quand même la lecture dès douze-treize ans.
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J'avais lu ce roman pour ados dont j'adore l'auteur il y a longtemps et je ne m'en souvenais plus.
J'ai apprécié de le redécouvrir comme une magnifique histoire d'amour. La volonté de Bastien de faire retrouver la joie de vivre à son grand-père qui sombre dans l'alcoolisme depuis la destruction de son bateau mais surtout depuis la mort de sa femme adorée, est incroyable de maturité et de bienveillance.
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Il parle de son grand-père, beaucoup, du bateau où il montait quand il était petit.
- Dis donc, ton grand-père, tu l'aimes, hein ?
- Ben, oui...
Il n'est pas très à l'aise avec le mot aimer, alors il ajoute, comme pour minimiser la charge du mot :
- C'est normal, non, d'aimer ses parents ?
- C'est pas obligé.
La réponse est tombée, nette, tranchante et Bastien sent, derrière la voix un peu grave, un monde où l'amour n'a pas sa place. Il se tait
(p. 85)
- Attends papy, j'ai plus dix ans. Maman, je l'adore et même si elle me colle un peu quelquefois, c'est une mère extra. C'est pour ça d'ailleurs, je crois, que j'arrive à prendre ma décision. J'ai envie de rester avec toi, papy. Je sais pas combien de temps et je peux pas expliquer. C'est comme ça. Voilà. Moi aussi je vais avoir de la peine de laisser maman et les copains et tout. Je sais même pas encore tout ce que ça va me faire. Mais je sais qu'il faut que je reste ici. Il se passe quelque chose de plus fort que tout le reste. Voilà. (p.81-82)
Tout en roulant, Grégoire s'est mis à chanter de vieilles chansons de marin et Bastien s'est rapproché. Ils sont seuls sur la petite route pavée qui longe les bassins.
Ce qu'ils sont bien pourtant, tous les deux, là, à rouler tranquilles sous le ciel bien clair! La voix de Grégoire est belle et entrainante. Bastien connait les refrains de presque toutes les chansons et il les reprend avec lui. Son cœur se gonfle de quelque chose de bon, de vivant. C'est lié à la mer, au ciel, à l'odeur à la fois douce et âcre qui monte des bassins, au mouvement dansant des bateaux à l'attache. Son grand-père et lui, c'est le même sang qui coule dans leurs veines, Bastien éprouve en cet instant magique la force de ce lien-là. Ils sont semblables par le sang qui les fait vivants en ce moment même dans le vent léger qui adoucit toute chaleur. Ce lien-là, rien ne peut lui faire de mal. Bastien se met à chanter aussi et leurs deux voix se fondent et s'amplifient dans l'air. Il est heureux. Sur le visage de Grégoire, un sourire rayonnant répond à la lumière du jour.
La lettre de Bastien coule toute seule. Il n'a même pas à réfléchir. Les mots arrivent. Tous les mots. Il a confiance. Elle comprendra. Et dans cette confiance, il écrit. Jamais il n'a écrit à sa mère une lettre aussi longue, tant de mots pour dire qu'il l'aime, que ce n'est pas elle qu'il fuit, que c'est juste ici, dans cette ville au bord de l'océan, qu'il a besoin de s'arrêter auprès d'un homme qui a été un marin et qu'il aime aussi. Dans ses mots, il met tout son amour, et quelque chose de plus fort que lui lui assure qu'il a raison. (p.73-74)
Le premier jour,Bastien n'aime pas aller à la mer. Il en a envie mais il attend toujours le lendemain de son arrivée. Le premier jour,il le réserve aux retrouvailles,avec les gens, avec les choses.
Il a besoin de ce temps.
Après notre entretien avec Chloé Deschamps, créatrice du compte Instagram @aquoibonlespoetes, nous poursuivons notre exploration de l'univers poétique.
Dans la 2ème partie de cet épisode spécial Poésie, nous sommes en compagnie de Laure, libraire à Dialogues.
Bibliographie :
- le Pas d'Isis, de Jeanne Benameur (éd. Bruno Doucey)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20130380-le-pas-d-isis-jeanne-benameur-editions-bruno-doucey
- Made in woman, d'Hélène Dassavray (éd. La Boucherie Littéraire)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/16144462-made-in-woman-helene-dassavray-la-boucherie-litteraire
- Prends ces mots pour tenir, de Julien Bucci (éd. La Boucherie Littéraire)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/20480403-prends-ces-mots-pour-tenir-bucci-julien-la-boucherie-litteraire
- Faiseur de miracles, de Fadhil Al-Azzawi (éd. Lisières)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/15531936-faiseur-de-miracles-suad-labiz-ed-lisieres
- Brûler, Brûler, Brûler, de Lisette Lombé (éd. L'Iconoclaste)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378935-bruler-bruler-bruler-lisette-lombe-l-iconoclaste
- Des Frelons dans les coeurs, de Suzanne Rault-Balet (éd. L'Iconoclaste)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/17378693-des-frelons-dans-le-coeur-suzanne-rault-balet-l-iconoclaste
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