Un livre plein d'humour, de poésie mais aussi d'émotion dans lequel
Stefano Benni retrace la jeunesse d'un garçon surnommé d'abord Petit loup, qui reçoit en cadeau d'un dieu allègre et païen, lui apparaissant au sein d'un nuage, "une bimontre" interne qui lui permettra de sauter dans le temps, de voir le futur, comme le passé, tout en vivant sa vie normale réglée par une montre ordinaire. Cette métaphore de l'imagination de l'écrivain, de son don de se déplacer entre présent et avenir, est présentée avec truculence et humour et lui vaudra le nom de "
Saltatempo" "Saute-temps". Nous sommes dans un petit village des années 50, avec ses figures pittoresques, son bar où se retrouvent les adultes, artisans ou petites gens, d'opinions diverses mais proches et solidaires, dont l'auteur nous livre des portraits hauts en couleur. le héros, quant à lui, est entouré de garçons et filles de son âge, mais il entretient une complicité spéciale avec les divinités agrestes du bois, qu'il est seul à connaître. Hélas au fil du temps la vallée, la montagne et la forêt sont menacées par l'industrialisation, la spéculation immobilière, le village se retrouve à la sortie d'une bretelle autoroutière, et tout cet affairisme profite à quelques-uns, maire, député, entrepreneurs, hommes de main, alors qu'il signe la destruction du milieu naturel, les glissements de terrain meurtriers, la pollution envahissante. Devenu adolescent
Saltatempo vit une jeunesse partagée entre études et amours, sans compter les mouvements étudiants et lycéens de la fin des années soixante, il évoque aussi ses allers et retours entre la ville et son village natal, où tout change pour le pire. La fin du roman le montre perdant son père, le menuisier communiste, tué en voulant sauver les victimes d'une éboulement provoqué par le minage de la montagne à des fins immobilières. Un de ses amis, habitué à la drogue par les séides du député, qui l'ont introduite partout, meurt aussi d'une overdose.
Saltatempo cherche justice, mais elle est paraît hors d'atteinte ; après s'être retrempé dans son monde d'origine aux côtés du dieu païen qui lui donne une leçon de vie, il part vers la ville, la vie adulte et son destin.
Un roman plein de truculence, de tendresse et d'humour, écrit dans une langue vivante, imagée, parfois argotique, ce qui n'empêche pas l'auteur de rester profondément sensible aux injustices et à la dégradation de son pays par une société devenue de consommation où seul compte l'argent et où les valeurs humaines sont difficiles à sauvegarder.
Lu en V.O.