Babounette : voilà un livre parfait pour toi et le navire bruxellois ! Nostalgie du temps où Bruxelles brusselait avec un accent de fierté : "Depuis la fin de la guerre, il semblait que tous les Belges avaient été des héros sous l'Occupation - des héros qui avaient si habilement caché leur véritable activité pendant quatre ans que la Gestapo n'y avait vu que du feu." p.39 Ah !
Les folies belgères (*). Ici une histoire d'amour vache qui repose la question royale.
Péril en ce royaume sous-estimé : "La friture de la place Jourdan n'a jamais obtenu de Monsieur Michelin les trois étoiles qu'elle aurait méritées. Qu'attend donc Bibendum pour plonger ses gros doigts boudinés dans le sachet de papier goudronné, rempli à ras-bord des meilleures frites de Bruxelles - donc du monde - dorées, croustillantes, recouvertes de gros sel marin et d'un pickles aussi piquant que le vent d'octobre sur la jetées d'Ostende ?" p.181... que de joviale poésie.
Récit plein d'une sagesse que le temps fait malheureusement oublier individuellement et collectivement, ailleurs et ici aussi " Vengeance, vengeance : vos histoires, celle de Madeleine, de Yann, de leur mère, de Candido même, sont tissées d'offenses de punitions et de dédommagement, attachés par la douleur et le sang. [...] Nous sortons d'un conflit atroce dont la vengeance a été le prétexte. N'est-il pas temps d'arrêter ? de cesser d'être prisonniers du passé, de remuer cette boue et de reconstruire... ?" p.321
Pour vous laisser le plaisir, je tairai tout "De l'argent sale, le jus glorieux du marché noir, que le ministre des Finances avait voulu écarter de la circulation en décrétant l'échange des billets quelques mois auparavant, et qu'elle n'avait pas osé présenter aux guichets de la Banque nationale" p.35. Non, je ne révélerai pas l'identité de cette personne, ni celle de cet obscur détective, sympathique au demeurant, dont la seule excuse pour se lancer dans cet imbroglio se résume à "Mais, étais-je en mesure de refuser une affaire ? Au prix des pommes de terre et du charbon, j'aurais escaladé la colonne du Congrès les deux mains liées dans le dos si un chèque m'attendais au sommet". p.36
A sa lecture, moi aussi "je songeai à la complexité de notre petit pays. Vu de loin, un paradis terrestre, patrie du chocolat, du fromage et de la démocratie : la Suisse, mais avec sept cents sortes de bières en prime. En vérité, un chaudron en ébullition où un apprenti sorcier tentait de mélanger des ingrédients qui n'étaient pas destinés à se mêler et réagissaient violemment pour éviter la fusion. Pourtant, dans le passé,les Belges avaient déjà réussi bien des miracles et associé d'autres éléments dont personne n'aurait pensé qu'ils puissent s'allier et bonifier ensemble. La gueuze et la grenadine, par exemple. N'était-ce pas un signe ? " p.195
Je vous laisse donc sur un excellent conseil : "Pour célébrer notre non-emprisonnement, je l'avais emmenée aux Brasseurs, une brasserie des boulevards qui sentait bon la zwanse. Un excellent quatuor de jazz, trompette, piano, guitare et basse jouait sur une petite estrade des morceaux de Duke Ellington, Lester Young, Gershwin,
Irving Berlin. L'établissement était plein à craquer de joyeux fêtards. La bière pression parfaite. Nous étions libres et vivants. Que demande le peuple ?" p.317
(*) clin d'oeil à
Jean-Pierre Verheggen et son titre
Les folies belgères