Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce - Journal de Bar

"Je lui ai demandé dans quel coin elle préférait qu'on se fasse la belle. On pouvait s'engager dans l'armée sud-africaine comme persécutés d'extrême-droite, ou nous casser dans un pays d'Europe ou du Moyen-Orient et monter une buvette qui nous rapporterait de quoi tenir.
- On ira à Paris et on fera des études.
- ça me paraît parfait, ai-je dit"

Angel et Ana, toutes proportions gardées, sont un couple explosif à la Bonnie & Clyde, ou Sailor et Lula. Ils sèment crimes et braquages dans la région de Barcelone, en cette année 1979.

Angel est un écrivain qui se cherche. Il tente d'écrire un roman où James Joyce et son Ulysse ont leur importance. Il est raide dingue d'Ana, une sud -américaine totalement imprévisible et violente. Pour autant, ce n'est pas non plus un modèle de patience et de vertu : il tiendra toute sa place dans les crimes commis. On sent bien dès le début qu'une fin heureuse n'est pas envisageable.

Je poursuis ma lecture des romans de Roberto Bolano, plus ou moins chronologiquement. Ce "Conseils d'un disciple de Morrison à un fanatique de Joyce" est signé de Roberto Bolano et d'A.G. Porta. Ce dernier tente d'expliquer de quelle manière ce roman à quatre mains a vu le jour, mais ses remarques m'ont parues particulièrement embrouillées. le plus probable est qu'il a écrit une sorte de synopsis, peut-être une partie du texte, et que Bolano a revu le tout.

Une nouvelle, également écrite en collaboration avec le même A.G. Porta, intitulée "Journal de bar" fait suite au roman. On retrouve l'amosphère lugubre de Barcelone en ce même hiver 1979. C'est un texte assez puissant.

Difficile de faire la part des choses entre ce qui est de Bolano et ce qui est de Porta, mais cette lecture entre bien dans le cadre de mon projet de tout lire de Bolano. Mais ce n'est pas par là, à mon avis, qu'il faudrait découvrir cet auteur...

Epopée sanglante à Barcelone d'une jeune sud-américaine sans pitié ni peur et de l'homme qui la suit par amour et non par goût du sang et du pillage : jeune aussi, poète chilien passionné par l' Ulysse de James Joyce au point de s'identifier à Dedalus auquel il attribue ses goûts musicaux pour les Doors, les Beatles, les Rolling Stones...
Très poétique, très décalé, triste et savoureux.

Note : Le titre du roman est tiré d'un poème de Mario Santiago poète mexicain, co-fondateur avec Roberto Bolano du mouvement d'avant-garde infraréaliste. Il s'agit du poème intitulé "Conseils d'un disciple de Marx à un fanatique de Heidegger".
Le personnage d'Ulises Lima des "Détectives Sauvages" est également un coup de chapeau de Bolano à cet ami en littérature.

À l'instar de Bach, qui lui aussi écrivait parfois des "exercices" , lesquels par l'ajout d'une ligne devenaient des oeuvres géniales comme le prélude BWV 855a, cet exercice à quatre mains, par le travail d'écriture et des fulgurances saisissantes, ouvre de nouvelles dimensions où la liberté de créer souffle très fort. En arrière fond, les rivages de Horses Latitudes de Morrison, Joyce et le cortège de personnages de son Odyssée moderne, sans oublier d'autres références littéraires, comme Bolaño en a l'habitude. Les années 80 et Barcelone, un peu plus crue qu'aujourd'hui, je gage, avec des émigrés clandestins sud-américains, du sexe et de la violence.

Premier roman de Bolaño écrit en 1984 en collaboration avec Antoni Garcia Porta ou l'auteur parle de violence à travers l'histoire d'amour entre Ana et Angel Ros. le titre, quant à lui, provient d'un poème de Mario Santiago, "Conseils d'un disciple de Marx à un fanatique de Heidegger".
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