Agent immobilier à Paris, spécialisé dans l'appartement de luxe, Antonin n'a jamais prêté attention au deuxième visage de la ville-lumière, celui de la misère et de la déchéance humaine, jusqu'au jour où un clochard aviné (présence incongrue dans ce quartier chic telle une verrue sur un beau visage) lui fait manquer une vente. Emporté par la colère, il le roue de coups, le laissant pour mort. Ce geste va être l'élément révélateur de sa vie : il décide d'être l'ange purificateur en débarrassant la ville de ses plaies purulentes. Mais une rencontre va bouleverser sa croisade.
Après avoir récemment parcouru les bas-fonds de New York dans "
La Promesse des Ténèbres" de
Chattam en compagnie du peuple-taupe, me voilà arpentant ceux de Paris où Bruckner nous parle aussi du peuple des Ténèbres et des hommes-taupes. Similitude des termes mais, ici, le thriller policier laisse place au thriller social.
Avec cet auteur que j'avais déjà apprécié dans "
Les voleurs de beauté", l'humour du départ, lorsqu'il nous conte la vie bien rangée (au propre comme au figuré) du héros, fait rapidement place à l'horreur. A travers des descriptions absolument trashs il va nous faire toucher du doigt la décadence humaine, avec ses odeurs, ses maladies, ses pires humiliations.
D'une écriture qui reste toujours classieuse,
Pascal Bruckner dépeint l'autre côté du miroir, des hordes de pickpockets roms à la survie de ceux que la société a rejetés, en passant par les organisations humanitaires. Il en profite d'ailleurs pour régler quelques comptes avec certains défenseurs des pauvres plus médiatiques que sincères. C'est un roman fait pour choquer notre bonne conscience, pour nous faire réaliser que détourner les yeux du clochard du coin de la rue, c'est refuser de voir ce que l'on pourrait devenir. Même si je m'attendais un peu à la fin, j'ai trouvé le sujet amené de façon très originale et je terminerai par une phrase du livre tirée d'un poème de
Jacques Prévert :
"Je vous salis, ma rue, pleine de crasse."