"Pour Léon le foyer n'était plus une oasis de tranquillité,mais une arène sanglante,un champ de mines où tous les coups étaient permis".
Quelle cruelle aventure que celle qui va peu à peu ratatiner Léon, un "bel homme" à la "fière allure", suite à son mariage d'amour avec Solange "une splendide créature au corps plantureux"!
Il est pourtant bardé de diplômes, intelligent,cultivé; seuls lui manquent quelques centimètres en taille par rapport à son épouse.Mais ce fossé va s'accroitre (au propre et au figuré) jusqu'à ce qu'il ne soit plus rien, un simple débris rejeté de tous,nié dans son statut d'homme et de père.
Sous forme de métaphore, cette fable des temps moderne traite d'un brûlant sujet de société: celui d'une nouvelle ère où le patriarcat dépassé, la femme (ici docteur en chirurgie dentaire) diplômée elle aussi utilise parfois l'homme comme un objet sexuel capable de lui faire des enfants,de lui donner du plaisir, puis son rôle de mère s'amplifiant elle peut, telle une "mante-religieuse" dévorer le pauvre "petit mari" (d'où le titre) et devenir toute puissante chez elle.
Fort bien écrit par la plume mordante de
Pascal Bruckner (qui a obtenu entre autres le prix Renaudot pour
Les Voleurs de beauté), l'angoisse qui monte crescendo est fort bien rendue: il passe des sobriquets perfides ("gnome maléfique", "époux farfadet") à la honte,infantilisé il est mis au même rang que la fratrie,réduit à son seul sexe il satisfait ses appétits insatiables, non respecté il n'est plus maître des décisions du foyer,culpabilisé il tombe dans la mélancolie,effacé il vit dans la clandestinité,non reconnu pour ses talents il devient paranoïaque puis combattif mais aveugle car toujours fasciné par celle dont il est dépendant il se laissera payer pour laisser sa place à un autre.
Le lecteur est ému et prend ce pauvre "petit mari" en pitié d'où le talent de
Pascal Bruckner (dont chaque détail détail a été choisi très finement:ex elle est fille unique donc soumise à la pression de son père pour jouer le rôle d'un fils éventuel, il est orphelin donc en état de dépendance maternelle affective).
L'humour toujours présent fait que
Mon petit mari ne tombe jamais dans le pathos...mais avec cordes et piolet, en arrive à naviguer au jugé sur un mont de Vénus des plus attirants!!!
On peut rapprocher
Mon petit mari de
le divin enfant de
Pascal Bruckner (qui aborde le thème de la régression), de Alice aux Pays des merveilles de
Lewis Caroll (pour la régression et le côté fantastique). Mais
Mon petit mari m'a surtout évoqué
La Métamorphose de
Franz Kafka car Léon a du mal à se détacher de ses liens mortifères, il s'enferme dans cet huis-clos et s'y laisse enfermer,il subit une transformation physique et morale (touchant à son animalité étant réduit à manger dans la gamelle du chat!).
Après lecture on s'interroge: sur l'avenir des couples, sur les chances de perénnité d'un mariage,sur les rôles de chacun dans le foyer,sur les super-womans qui font peur aux hommes et sur le fait que nul n'est indispensable dans la vie.
Un excellent livre!