Le début du roman me laissait espérer un
Brussolo poétique et sombre, comme
L'épave ou
Hurlemort. Un peu déçue, j'ai constaté qu'il y avait une rupture brutale dans la façon d'écrire au bout de quelques pages : le début du roman raconte un retour vers des lieux d'enfance, on plonge ensuite dans le récit des souvenirs. Et plus que du
Brussolo darkopoétique, on a du
Brussolo très bizarrodélirant, comme avec
Rinocérox,
Opération serrures carnivores ou
La fenêtre jaune.
Le narrateur nous raconte ce qu'était sa vie quand il vivait dans "
le château d'encre" : c'est ainsi qu'il a surnommé sa maison.
Quand il était enfant, les gens se faisaient greffer des colonies parasites qui "aspiraient" les maladies, créant des sortes d'outres obscures, comme des ombres, qui les suivaient dans leurs déplacements, attachées à leurs talons. La soeur du narrateur, Dorine, tient un salon d'esthétique pour ombres : elle les repasse, les raccommode, les arrange. Sa mère, elle, est couturière funéraire : elle coud un linceul aux trépassés avec leur "ombre".
Le narrateur, enfant, assiste à tout cela avec circonspection : ces ombres le dégoûtent. Lui vit dans l'obscurité du château d'encre, sans jamais s'exposer à l'extérieur. La maison elle-même est un personnage à part entière.
J'ai aimé la façon dont l'auteur nous fait pénétrer l'univers particulier de cette famille de parias, de "sans ombres", dont le travail est justement de prendre soin des ombres.
Par contre je n'ai pas apprécié le personnage du narrateur, que j'ai trouvé capricieux, immature et peu ambitieux. Il détient un pouvoir dont il ne fait rien, finalement.
J'ai trouvé plutôt sympa ce roman, même si j'ai eu un peu de mal à avancer dans ma lecture : sympa par son originalité incontestable, mais le sujet ne m'a pas vraiment plu.