James Lee Burke me rassure.
Quelques fois, je passe par des phases où rien de ce que je lis ne me plait. Je parcoure trois pages et repose le livre. C'est terrible ! Dans ces cas-là, le nom - grand ou petit- de l'auteur ne change rien. Il me faut me retrouver en territoire connu au risque de ne pouvoir jamais revenir en littérature.
A l'aide d'un treuil, je pioche dans ma mémoire une écriture familière et constate souvent avec désarroi que toutes les places sont prises. Je dois alors chercher ce qui se cache derrière les grands auteurs. Il faut fouiner, contourner
Faulkner et Steinbeck, lire tout Harrison et
McGuane, tout
Toni Morrison, et si l'humeur m'apparaît propice, alors j'ajoute un inédit de
Bukowski ou je relis
John Fante.
Ces périodes sont celles du doute et il ne faut absolument pas que je croise la plume d'un écrivain moins fanatique, un de ceux qui laissent l'histoire recouvrir le sens des mots. J'aime cette littérature-là, mais quand le doute s'installe en moi je la fuis à toutes jambes.
Il me faut du concret, du "longtemps je me suis couché de bonne heure", du "ce matin maman est morte", du "dans un trou vivait un Hobbit" (mais je m'égare). Quand on ne veut plus se faire raconter d'histoire, que la lassitude s'est installée, on se blase et alors on passe à côté de merveilles.
James Lee Burke me rassure.
Même dans le cas de ce recueil de nouvelles, je peux prendre la première phrase de n'importe laquelle, je sais que je vais faire le voyage en sa compagnie. Tenez. " Il disait à tous les jeunes de l'appeler Frank." Une autre : "Quand les bombes sont tombées sur Pearl Harbor, nous habitions une rue calme en cul-de-sac dans une ville proche de la mer, où les palmiers et les chênes verts poussaient côte à côte dans des près qui restaient verdoyants tout au long de l'hiver." Une dernière : "En 1947, Nick Hauser et moi avions deux passions dans la vie : le base-ball et les tournois de yo-yo Cheerio."
Toutes ces phrases inaugurent des nouvelles que je suis sûr de lire alors que je parcoure ces premiers mots. Elles m'appellent, flattent ma curiosité, m'adressent un léger signe de tête qui veut dire "hé mec, si tu venais écouter un bout par ici, ça t'intéresserait à coup sûr !"
Et moi je marche. Burke me redonne le goût de lire et d'entendre. j'ai envie de savoir ce que devient Nick à ce fameux match de boxe, comment Johnny Ace est mort, j'ai envie que Burke me fasse sourire en enveloppant ses histoires dans un écrin de prose réfléchie et intelligente.
J'ignore s'il y a un public pour ce genre de recueils. Ce serait souhaitable. Dans mon cas, les nouvelles de Burke sont des marches qui m'entraînent et me ramènent en littérature les fois où je n'ai plus envie, où la passion s'est enfuie. Rien que pour cela, ça compte.