Bonita Avenue c'était le temps du bonheur, celui où Siem Sigerius enseignait et poursuivait ses travaux de recherche en mathématiques à Berkeley, encouragé par sa nouvelle épouse Tineke et les deux filles de celle-ci Joni et Janis qu'il a très vite considéré comme ses propres filles. C'est le souvenir d'une famille recomposée unie et heureuse auquel se raccroche chacun de ses membres chaque fois que leur conscience menace de sombrer dans le dépit, l'angoisse ou la rancoeur. Car revenus à Enschede aux Pays-Bas, on découvre un air chargé d'odeur de suie et de fragments calcinés, une atmosphère saturée de résidus de colère froide et de culpabilité qui semblent ne pas vouloir se déposer. L'explosion d'un entrepôt de feux d'artifices n'a pas seulement ravagé un quartier de la ville, elle a provoqué une onde de choc d'une intensité plus forte et plus insidieuse faisant éclater cette famille.
Manipulations, secrets, avarice, obsession, jalousie, schizophrénie, haine…c'est l'histoire d'une confrontation entre deux générations, un père face à sa fille, la lente sédimentation de plusieurs réalités qui se dilatent et se compriment sous le poids du soupçon… le doute est si corrosif qu'il n'épargne pas les plus faibles.
L'auteur déploie sous nos yeux un texte aux mille ramifications qui partent dans des directions toutes plus inquiétantes les unes que les autres au risque d'égarer certains lecteurs. le récit, aidé par une écriture d'une incroyable densité et une structure narrative bousculée, se laisse parfois envahir par la digression. C'est un flot continu, puissant, désordonné.
Malgré tout, une ébauche des faits reconstitués et les certitudes peu à peu acquises donnent à lire un roman fascinant.
Bonita Avenue progresse dans une pesanteur envoûtante, une dimension anxiogène captivante, une puissance évocatoire là où est tapi l'obscur, le refoulé, l'inavouable. La vérité n'éclate jamais au grand jour, chacun ayant choisi de vivre dans une semi-vérité. Et pour entretenir tous ces secrets, la trame se plait à suivre un mouvement de flux et de reflux entre inquiétude glaçante du passé et mélancolie nerveuse du présent.
Pour un premier roman, la construction littéraire est brillante.
C'est aussi un texte d'une grande richesse. Avec une facilité à s'insinuer dans le tréfonds de l'âme,
Peter Buwalda explore les failles psychologiques de ses personnages perchés tels des équilibristes sur une corde raide. Sans filet, sans cloison rassurante, ils tentent de suivre une ligne pleine d'illusions. Et lorsque ces illusions prennent un air de réalité, tout bascule…
Peter Buwalda est assurément un auteur prometteur.