Oscar et Lucinda est un roman aux vastes dimensions typiquement victoriennes, époque de la seconde moitié du XIXème siècle marquant l'apogée de la révolution industrielle, de l'empire britannique et riche en romans foisonnants, que l'auteur s'ingénie avec succès à faire revivre. le narrateur paye son tribut à la figure originale de son arrière-grand-père, Oscar Hopkins.
Ce dernier vit seul dans le Devon avec son père Théophilus, membre d'une des branches du christianisme évangélique, les Frères de Plymouth. N'ayant plus sa mère décédée d'un cancer, et ayant perdu un frère et une soeur emportés prématurément par la maladie, il est éduqué dans les principes rigoristes et rigides de la religion par son père, un être bourru et sévère, et cependant aimant. En conséquence, l'enfant a l'esprit truffé d'un fatras de mysticisme infantile, toujours prompt à rejeter l'éventualité des coïncidences pour voir partout le signe de la présence et de la volonté de Dieu. En tout cas, il fait preuve d'une belle constance à le chercher, et par la grâce d'un jeu de la marelle un peu spécial, il est amené à se convaincre que son père vit dans l'erreur, qu'il doit retrouver le sein de l'église Anglicane, alors que ce dernier voit en son fils prodigue l'instrument du courroux divin face son orgueil. Oscar quitte la maison paternelle et va rejoindre le presbytère des Stratton. Après des études à Oxford, il devient pasteur, conducteur spirituel d'un type peu commun, car engagé dans la fièvre du jeu et des paris pour servir un objectif pieux : réunir les fonds nécessaires pour devenir missionnaire et aller évangéliser la Nouvelle-Galles du sud en Australie. Oscar est un personnage un peu grotesque qui aurait toute sa place dans un roman de Dickens.
A l'autre bout du monde, Lucinda Leplastrier, fille de colons anglais installés en Australie, mène une vie qui, à ses débuts, n'est pas sans rappeler celle d'Oscar. Elle a perdu en bas âge son père jeté à bas de sa monture et sa mère emportée par la grippe espagnole. Héritant d'une fortune rondelette qu'elle a du mal à assumer, elle dirige son existence d'une manière libre et décidée, en butes aux tentatives de l'enfermer dans le monde de conventions que la société veut lui voire adopter. Elle doit se cuirasser face à cet univers d'homme. Oscar et Lucinda se rencontreront dans les entrailles du paquebot le Léviathan, rapprochés qu'ils vont être par leur ludomanie, pour faire converger leur folie commune vers la réalisation d'un projet abscons : l'érection d'une église en verre.
Le roman, publié en 1988, est d'une belle ampleur, et se propose la difficile ambition de s'inscrire dans la grande tradition du roman victorien. J'ai particulièrement apprécié l'évocation des querelles de chapelle entre sectes puritaines d'Angleterre, les plongées dans les bas-fonds de Londres et de Sydney, le tableau vivant du Léviathan, qui fut le premier paquebot géant et le plus grand navire jamais construit à son époque, ainsi que la narration de l'art du travail du verre. Cette oeuvre, qui tient un peu du roman de formation, du roman historique et de la satire, est une belle réussite, couronnée par le .Prix Booker 1988.
Commenter  J’apprécie         30
Un très bon divertissement haut en couleurs, avec une pirouette finale qui m'a beaucoup surprise. Très agréable.
Commenter  J’apprécie         30
Peter Carey au Sydney Writers' Festival en 2010. Discours de clôture sur les médias, la démocratie et le niveau d'alphabétisation.