« Qui ouvre ce livre, qu'il jette avant d'entrer le parapluie de la logique et le manteau du raisonnement. ».
Jean-Pierre Siméon, dans sa préface nous conseille de nous dévêtir, de nous alléger. Ne pas chercher un quelque « qu'est-ce que cela veut dire »...Mais qu'est ce que cela donne, traverse, déverse, remplit, bouleverse, souffle, caresse, redonne, trace, empreinte, ligne, courbe, déroule, enroule, tourne, contourne et qu'il nous faut rencontrer.
Et nous ne parlons pas
ici de chorégraphie, mais de poésie.Mais peut on les dissocier ?.. Là où il y a rythme, mystère, silence, souffle, fulgurance, rupture, course, fusion, fraction, abstraction,mouvement, chargement, déchargement….il s'agit de danse.. qu'elle soit mentale, verbale, picturale, corporelle. Et qui n'a jamais entendu la poésie de
Caroline Carlson, dansé ses calligraphies (https://www.babelio.com/livres/Carlson-Traces-dencre/854537/critiques/1087033) ou lu une de ses chorégraphies, ne peut pas dissocier ses gestes.
Je ne peux donc pas différencier comme le fait si brillamment le poète Siméon.
Je prends le risque , et chaque péril, pour entrer dans la danse.
Si un poète n'est pas danseur, et particulièrement de ses solitudes, s' il n'est pas le peintre de ses images, s'il n'est pas le conteur de tous les voyages qui traversent sa chair, alors il n'est pas poète.
« Quels imbéciles nous sommes de faire théorie de l'existence de l'autre
Qui est partout est absolument nul part »..La poète Carlson a raison magnifiée.
« Tout dans le vaste monde glisse dans les trous ».
Comme des étoiles filant la partition unique du monde. Tout se rejoint.
Insaisissables...Êtres de fulgurance et de passage… de passage et de retour.
« le retour sur lui-même du désir en souvenir » comme l'exprime si bien le poète Siméon.
Bel ouvrage que celui. D'un séjour Au bord de l'infini, de son dialogue avec Rotko (.https://www.babelio.com/livres/Carlson-Dialogue-avec-Rothko—Une-lecture-de-Untitled-Bl/462113/critiques/416174), Carlson déroule, enroule, perce , et traverse les lignes d'un espace « nautile ».
« Que ton souffle repousse le vent
Endormi dans la vulve sombre
Que ton souffle repousse le vent
Vers la rivière
Enfant
Né pour les seins de la mort »
...
« Quelque chose pour donner souvenir des fleurs
Tu as oublié les pétales les tiges les graines
Touche de ta main les fleurs fanées
De grâce n'oublie pas de dire au revoir de dire quelque chose
L'oubli est un alibi inconscient tapi dans la mémoire de Dieu »
...
« Tu es sel répandu dans un cercle
Tu es os dans vêtements d'oiseau
Tu es empreintes d'ailes
Tu es parfums de désir primitif
Tu es l'immobilité de l'air
Tu es échos de ta propre pensée
Tu es silence du ciel
Tu es
L'ultime phrase inavouée »
Oui Carlson a raison transcendée, réanimée.
« Une vie de rêves ordinaires c'est trop demander à un poète ».
L'émotion, ce mouvement qui mène « hors de soi ». Hors de soi, qui nous place « hors je », non pas pour nous perdre dans une errance vaine et immortelle, mais pour, dans cet espace déclos et instantané, rejoindre l'autre, cet Autre qui habite naturellement en moi.
L'émotion est dans la stupéfaction des rencontres.
Rendez-vous au bord de l'infini !
Astrid Shriqui Garain
Masse critique 10.2019/ Babelio - le Passeur Éditeurs